Archives de catégorie : Meetings, Interventions Publiques

LES MOTS DU 2 MAI 21 !

RASSEMBLEMENT : Plus de 700 personnes de toute la France, « in vivo » et « en visio », ont répondu à l’appel des 3 collectifs (Appel des appels, Collectif des 39, Printemps de la psychiatrie) pour participer – en tant que soignants, patients ou familles – à l’expression de premières réactions, idées et propositions d’action face au défi lancé par les technocrates aux psychologues et aux soins psychiques des enfants par l’Arrêté de 10 mars 2021 et le projet de création de l’Ordre des psychologues. Deux décisions ont été prises: Déposer le recours contre cet arrêté et organiser les Assises citoyennes du soin psychiques.

INTERVENTIONS (par ordre chronologique) :

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VIDÉOS du meeting ENFANCE EFFACÉE du 16 octobre 2016

ENFANCE EFFACÉE ..?  RÉSISTER, INVENTER…

Journée poétique et politique 

Nous sommes inquiets et en colère. Les politiques s’attaquent à notre humanité dès l’enfance.

Ainsi commençait le meeting du 16 octobre 2016. Ces  propos restent  cruellement  d’actualité.

VIDEO DU MEETING :   http://collectifdes39.fr

PHOTOS DU MEETING : https://www.flickr.com/gp/145990701@N04/506P29

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AMPI 2018 XXXII Journées de Psychothérapie Institutionnelle

SE FORMER À LA RENCONTRE : DU PROTOCOLE À L’ÊTRE AVEC…

AMPI 2018

Dans la psychiatrie du 21ème siècle, les débats théorico-cliniques ont disparu, créant un vide de la pensée occupé par un discours technicisé portant une conception organiciste de la pathologie psychiatrique, devenue maladie du cerveau.

Cette approche purement « objective » du Trouble psychique s’accompagne de « recommandations » de bonnes pratiques avec des conduites à tenir stéréotypées matérialisées par la multiplication de protocoles standardisés Continuer la lecture de AMPI 2018 XXXII Journées de Psychothérapie Institutionnelle

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Enfance effacée…? Résister, Inventer – MEETING du 16 Octobre 2016

   ENFANCE EFFACÉE ..? RÉSISTER, INVENTER 

MEETING POÉTIQUE ET POLITIQUE, organisé par le groupe  Enfance du Collectif des 39, dimanche 16 octobre 2016 de 9h à 18h, à  la PAROLE ERRANTE à Montreuil

Retrouvez les vidéos en cliquant sur ce lien  http://collectifdes39.fr

Interventions poétiques et artistiques tout au long de la journée avec Hélène Bouchaud (actrice), Aurélien Chaussade (acteur),                     Martine Irzenski (actrice), Tolten (rimailleur)

PROGRAMME :

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COLLOQUE AU SENAT 9/09/2015

Il n’y a pas de places pour cet après-midi. C’est une rencontre pour s’adresser aux sénateurs et parlementaires dans le cadre de la loi qui est discutée. Ce n’est pas un meeting.  Nous rendrons compte au plus vite et des textes des interventions seront mis sur le site , vous pourrez ainsi en prendre connaissance.

COLLOQUE AU SENAT –  » 39 ALERTE » 

Salle Gaston Monnerville,  Mercredi 9 septembre 2015

 organisé par Le Collectif des 39, en collaboration avec l’association HUMAPSY et le Collectif LE FIL CONDUCTEUR, sous le parrainage de Madame Aline ARCHIMBAUD, Sénatrice de Seine Saint Denis.

Programme : Continuer la lecture de COLLOQUE AU SENAT 9/09/2015

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Intervention pour la journée de STOP DSM, le 22 novembre 2014

Patrick Chemla, pour le Collectif des 39

J’interviens ici comme représentant du Collectif des 39, mais je parle aussi bien entendu en mon nom propre. Ce collectif a été fondé à l’initiative d’Hervé Bokobza au lendemain du discours de Nicolas Sarkozy  à Antony en décembre 2008, discours  qui voulait criminaliser les prétendus « schizophrènes dangereux », et qui maintenant rassemble familles, patients et soignants.

 J’ai rejoint aussitôt ce collectif d’autant plus que j’avais été à la fondation de la Criée à Reims voici 28 ans : lieu d’une critique radicale de la psychiatrie normative, et de la volonté déjà d’une évaluation lancée à l’époque par un psychanalyste qui croyait mesurer ainsi la pertinence de son orientation.

 Nous avons aussi au niveau du collectif des 39, également remis en cause d’entrée de jeu la conception de la folie qui sous-tendait le discours sarkozyste, concrétisé d’ailleurs par des mesures rapides aggravant l’enfermement dans les HP, et  se cristallisant dans la promulgation d’une nouvelle loi le 5 juillet 2011, étendant la contrainte jusqu’au domicile du patient. Loi à l’époque récusée par l’ensemble de la gauche, et depuis entérinée et tout juste toilettée par le nouveau gouvernement. Dès notre premier meeting, nous avons avancé une critique radicale de la dégradation de la clinique psychiatrique promue par le DSM. Le souci proclamé, comme chacun sait, était celui d’une langue partagée entre les cliniciens et les chercheurs pour améliorer les échanges scientifiques et la recherche. La réalité est tout autre, se concrétisant par l’appauvrissement du regard et de l’écoute du psychiatre et des soignants, la réduction du patient à une sommation de signes, ce qui ferait renoncer à toute recherche de sens au symptôme et au délire qui affecte un sujet parlant. Nous n’avons pas varié dans cette critique de la « clinique du DSM » qui transforme le psychiatre en gestionnaire de populations à risques, instrument du biopouvoir, exécuteur zélé de protocoles de soins basés sur les recommandations de la HAS, lesquelles sont elles-mêmes construites par des experts issus d’une caste où l’on retrouve les PUPH de psychiatrie générale, les laboratoires pharmaceutiques et les lobbies  comme Fondamental. Continuer la lecture de Intervention pour la journée de STOP DSM, le 22 novembre 2014

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« Continuité des soins et de la relation, articulée avec le sanitaire et le médico-social » au Meeting du 1er Novembre

Nous, « le Fil conducteur »*, collectif de réflexion et de propositions sur la prise en charge de la maladie psychique, invitons à participer au meeting organisé à l’initiative du Collectif des 39 le 1 er novembre 2014 à Montreuil.
Extrêmement préoccupés, inquiets, voire même révoltés par l’évolution actuelle de la prise en charge de la maladie psychique, nous considérons qu’à côté des professionnels, des représentants institutionnels ou institutionnalisés, une autre voix doit se faire entendre (cf. le Manifeste du Fil conducteur).
Le constat actuel du fonctionnement de la prise en charge des malades psychiques est plus qu’inquiétant.
Les familles, plongées brutalement dans l’univers de la psychiatrie lors d’une hospitalisation pour le moins traumatisante d’un enfant ou d’un être cher, ne trouvent le plus souvent ni soutien ni interlocuteur. Tenues à l’écart, sans explications aucune sur ce qu’est une maladie psychique, ses conséquences, qui le plus souvent sont lourdes, sur l’évolution possible, sur la manière dont elles peuvent accompagner la personne malade, elles se trouvent isolées, écartées, alors que leur proche vit une souffrance incompréhensible, insupportable. Leurs questions restent sans réponses, un diagnostic peut tomber brutalement, ou n’est pas donné, l’absence d’accompagnement ou d’écoute accroît leur angoisse légitime. Elles assistent, impuissantes, à l’enfermement et à l’isolement de leur proche, puis au parcours décousu et chaotique de soins multipliant les soignants dans les structures diverses (hôpital, hôpital de jour, foyer de nuit, maison de postcure, CMP…). Un lien thérapeutique, nécessaire pour soigner, ne peut être construit dans de telles conditions alors que la relation devrait être au centre du soin.
Le renvoi vers un statut d’aidant familial est paradoxal dans un contexte de déni de la souffrance de la famille, et des fratries, le plus souvent oubliées. Le statut d’aidant familial, qui voudrait donner aux familles l’illusion de devenir « tout à coup » compétentes alors que leurs difficultés ne sont toujours pas reconnues par la société et par un certain nombre de professionnels, est un leurre proposé au service des restrictions budgétaires qui affectent le champ du soin.
Les personnes malades vivent dans une absence de structures coordonnées des soins, qui relèvent d’un secteur psychiatrique démuni ou démotivé. Elles se plaignent aussi de ne pas être écoutées, ni entendues par les équipes soignantes. Continuer la lecture de « Continuité des soins et de la relation, articulée avec le sanitaire et le médico-social » au Meeting du 1er Novembre

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Fonction soignante et Pratiques du Collectif lors du Meeting du 1er Novembre

« Patient et soignant sont tous deux des humains. Ils arpentent tous deux la route dangereuse, imprévisible et finie de la vie. Peu de chose, symboliquement, les différencient. En pratique, ce qui les sépare est leur situation. Le patient est un humain tombé dans un fossé (un ravin, un gouffre) et souffre. Il demande de l’aide à ses proches et, parfois, à un soignant. Le soignant est un humain qui dispense des soins. Parfois c’est un geste spontané, désintéressé ; parfois, c’est un métier choisi et il en vit. Dans un cas comme dans l’autre, c’est son attitude qui fait de lui un soignant, et non son statut. » Ces paroles de M. Winckler lors de la Conférence d’éthique clinique à Paris en avril 2014, situent d’emblée les enjeux de ce qui nous rassemble : notre humanité commune (patients et soignants) et l’hospitalité nécessaire à la souffrance psychique.
Pour nous, la relation est première dans toute démarche de soin. Seule garantie d’une prise en charge cohérente, elle repose sur l’existence d’espaces de travail et d’élaboration collectifs dans lesquels chacun s’engage, s’appuyant sur ce collectif dans les difficultés auxquelles le travail le confronte. Pour nous, ceci est nécessaire aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé (libéral et institutionnel. Car, l’existence d’une fonction soignante ne va pas de soi, elle doit être remise en cause chaque jour pour chaque patient. Pas de recette à priori, mais une élaboration des expériences du quotidien, tant dans leur banalité que dans leurs impasses, et de façon régulière avec d’autres soignants.

On constate de plus en plus un manque d’attention à l’égard des patients et des familles, des contraintes pour imposer aux patients une continuité de ce qui ne peut plus avoir le nom de « soin ». Car le soin consiste avant tout à travailler la qualité du lien thérapeutique, ce qui est le contraire de la démarche qualité qu’on nous impose aujourd’hui. En effet, le soin ne peut être de qualité que si est pris en compte le lien des soignants avec les patients, leur famille, leur environnement ainsi que le lien des patients entre eux et celui des soignants dans l’institution qui les abrite.
Or il n’y a plus d’abri pour le soin aujourd’hui. Continuer la lecture de Fonction soignante et Pratiques du Collectif lors du Meeting du 1er Novembre

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Pour une hospitalité à la souffrance de l’enfant, lors du meeting du 1er novembre 2014

«TOUS LES HOMMES NAISSENT FOUS, LIBRES ET ÉGAUX EN DROIT »

Depuis l’arrivée du DSM III, le champ de l’enfance et de l’adolescence n’a cessé d’être l’objet d’expérimentation d’une psychiatrie évaluatrice, médicamenteuse et rééducative. Le plan Autisme, les recommandations de l’HAS et les attaques contre la psychanalyse ne sont que les branches d’un même arbre qui cache bien mal la volonté de démanteler tout accueil de la singularité .
D’après certains démographes de la santé, la demande de consultations se serait multipliée par dix en quelques années. Il est de notre devoir de nous interroger sur cette demande – ses causes et ses conséquences – que la société adresse avec ses enfants.
En France, la loi du 2 janvier 2002 a ouvert le champ du médico-social (c’est à dire une immense part de la souffrance enfantine) et de la pédopsychiatrie à la logique du marché :
A) Par la réification d’un « usager » (parents et enfants indistinctement) et l’élimination du symptôme derrière le handicap, c’est à dire par l’escamotage de la subjectivité. B) Par l’instauration de la « démarche qualité » qui prétend évaluer les prestations délivrées en regard de recommandations de « bonnes pratiques » professionnelles déterminées arbitrairement par l’ANESM (médico-social) et l’HAS. Une évaluation scandaleusement privatisée représentant un marché plus qu’attractif qu’il serait temps de dénoncer. C) Par l’instauration manifeste ou dissimulée d’un champ « hors-soins » que ce soit dans le cadre du sanitaire ou du médico-social. Continuer la lecture de Pour une hospitalité à la souffrance de l’enfant, lors du meeting du 1er novembre 2014

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Fédérons nos rêves pour résister à l’occupation de nos libertés de conscience.

Le collectif des 39 organise un rassemblement – Le SAMEDI 1er NOVEMBRE 2014 à La Parole errante – la Maison de l’arbre à Montreuil

Fédérons nos rêves pour résister à l’occupation de nos libertés de conscience.

Nous nous sommes réunis et levés une première fois contre l’anathème, en provenance de la plus haute autorité de l’État, frappé à l’encontre de la folie. Paroles prononcées dans l’enceinte même d’un service de soin et dont nous espérions qu’elles ne relevaient que d’un accident de la démocratie en acte : un président élu par le peuple distillait la peur, installait un climat sécuritaire espérant ainsi incarner la figure du protecteur de ce peuple qu’il lui fallait créer à la mesure de ses petits accès d’agitation despotique.

39 nous étions ce vendredi-là, 39 alertés par l’insupportable, unis par le nombre, sans règlement associatif, parce qu’un nombre représente la multitude, nous étions nombreux ce soir-là à nous élever « contre la nuit sécuritaire » de plus en plus nombreux et multiple, déjà portés par cette hétérogénéité des disciplines et des parcours.
Mais il n’y a pas de pente despotique possible sans servitude volontaire, et au plus près de nos pratiques nous avons dû faire front, non sans difficultés, contre le déplacement en miroir de la figure de la folie dangereuse vers sa résolution en obéissance servile, soit de la schizophrénie dangereuse à l’autisme rééduqué.

Et puis le personnage en haut de l’État sous la pression populaire a changé. Nouvel élu qui s’était présenté comme celui du changement. Continuer la lecture de Fédérons nos rêves pour résister à l’occupation de nos libertés de conscience.

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Le 1er novembre 2014 – un meeting de résistance

Le 1er novembre 2014 à la Maison de l’arbre à Montreuil les 39 organisent un meeting de résistance

Nous continuons d’affirmer que ceux qui souffrent de graves maladies psychiques ont et auront besoin à des moments de leur existence de recourir à des lieux d’accueil. Lieux où les rencontres nécessaires à tout soin qui se réclame « humain » ne sont pas dictées par des protocoles aliénants. Lieux où les règlements ne sont pas l’unique proposition « contenante », lieux où prendre du temps est possible et reconnu comme nécessaire, avec une écoute de ce que les personnes en souffrance psychique reconnues dans leur singularité ont elles-mêmes à nous apprendre. Lieux où les psychiatres et les équipes soignantes s’engagent dans un accompagnement au long cours.

Or depuis deux ou trois décennies toutes les conditions nécessaires à cet accueil se dégradent progressivement pour atteindre un niveau insupportable. Les moyens diminuent, la formation est scandaleusement pauvre et inadaptée, les théories s’étiolent, se rigidifient, perdent le caractère complexe indispensable à la pratique soignante. Toute une expérience soignante, toute une histoire collective de la psychiatrie française risque de disparaître.
Lors des Assises de la psychiatrie et du médico-social, les témoignages de patients, de familles et de professionnels ont fait apparaître que de nombreuses équipes, en l’absence de réflexions institutionnelles et micropolitiques, utilisaient des méthodes coercitives s’appuyant sur des théories réductrices de la folie. De plus, l’abandon des principes de base du secteur et du développement du potentiel soignant des patients au sein des clubs thérapeutiques favorise la démission et le désinvestissement des travailleurs en psychiatrie devant la perte du coeur de leur métier et renforce les mauvaises conditions d’hospitalité et de soins aux patients ainsi que l’accueil défaillant des familles. Continuer la lecture de Le 1er novembre 2014 – un meeting de résistance

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Le forum des 39 à REIMS

Le forum citoyen des 39 qui s’est déroulé le 17 mai dans le cadre des journées de la Criée à Reims, a été enregistré : vous pouvez l’écouter en suivant le lien :

La plupart des interventions sont sur le blog de la Criée

http://lacriee51.blogspot.fr

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> Devant La disparition brutale du Docteur Oury

Forum des 39, Reims, Mai 2014

Devant La disparition brutale du Docteur Oury j’ai choisi sans hésiter de retourner à La Borde afin de soutenir sa famille, les patients, les moniteurs et mes collègues médecins dans ce moment de deuil collectif. Au-delà de toutes ses élaborations théoriques Oury a eu un engagement constant pendant plus de 60 ans auprès des patients hospitalisés. Je remercie donc Patrick Chemla de m’avoir proposé de lire mon intervention, que j’ai réécrit pour tenir compte de cette disparition

C’est difficile de parler du collectif des 39 sans repenser à Oury et à ses propos lors de notre premier meeting en février 2009 à la maison de l’arbre à Montreuil.

Sa métaphore de la puce qui nous a piqué pour nous réveiller ne doit pas nous faire oublier qu’il ajoute qu’une piqûre de puce cela donne aussi la peste.

Que voulait-il nous dire ce combattant, ce résitant de toujours qui pour défendre une hospitalité pour la folie a mis en place des dispositifs de soins hyper feuilletés (comité hospitalier, Club, grille, association culturelle..). Il a toujours insisté sur la distinction entre aliénation sociale et aliénation psychopathologique et sur la nécessité d’une analyse institutionnelle permanente afin de tenir compte de la dimension politique de la clinique indispensable à la création d’ espaces du dire.

Il affirme aussi que cela fait cinquante ans que cela dure ce processus de destruction de la psychiatrie et pas seulement du fait de la pression gestionnaire hyper bureaucratique mais aussi de notre complaisance et de notre complicité à tous.

Il n’a pas cédé sur son désir, une semaine avant sa mort, il a tenu à participer au stage de formation annuelle organisé par l’association culturelle de La Borde avec le peu de force qui lui restait. Il est venu aussi à l’assemblée générale hebdomadaire du club du vendredi de 16h à 17h rappelant une nouvelle fois la nécessité de faire vivre cette association de patient : Le club comme outil subversif de désaliénation sociale et d’investissement concret des patients dans la vie quotidienne.

Il n’y avait pas pour lui de soignants et de soignés mais des payants et des payés. Rappelant sans cesse que la fonction soignante est partagée
par tous, du jardinier au psychiatre, en passant par les cuisiniers, les administratifs, les infirmiers, les psychologues et sans oublier les patients eux-mêmes. Manière engagée de lutter contre l’hyper division du travail qui écrase l’humain qui est en chacun de nous en se laissant séduire par ces statuts socioprofessionnels et tous ces attributs de pouvoir d’emprise sur les patients infantilisés, maltraités, altérisés.

Ne marche pas sur mes plates-bandes ! Les clefs, les portes fermées, les chambres d’isolement, la contention, l’interdit à la libre circulation
et tous ces nouveaux protocoles. Protocoles qui acceptés parfois avec une complaisance déconcertante offrent des prêts à porter défensifs :
L’interdit de la rencontre, de l’être-avec, de l’inventivité et de la disponibilité avec mise à distance de l’autre, objectivé, réifié, désincarné quasiment robotisé.

Ne pas céder sur son désir c’est ne pas céder à la normativité et résister individuellement et collectivement au niveau micro-politique et macro-politique.

C’est cette conception éthique qui nous a amenés à multiplier les initiatives (meetings, manifestations, colloques au Sénat et à l’Assemblée nationale etc.) pour combattre cette politique sécuritaire et de normalisation.

Nous avons organisé avec les Ceméa (Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active), en juin 2013, les « Assises citoyennes pour l’hospitalité dans la psychiatrie et le médicosocial » dans le but d’engager un travail de réflexion clinique et politique pour commencer ce mouvement de refondation de la psychiatrie. Plus de
1000 participants, rassemblant toutes les catégories socioprofessionnelles du sanitaire et du médicosocial, des mères, des pères, des frères et sœurs, des patients, des enfants de patients, des élus, des gens de la culture et du spectacle, des citoyens se sentant concernés, sont venus pour témoigner ensemble de leurs vécus et de leur vision de l’hospitalité pour la folie, et de ses impasses dans le sanitaire et le médicosocial. Des groupes de travail et d’échanges, le Fil conducteur, le Collectif alternatif Formation issus de ces assises continuent de se rencontrer.

Un mouvement pour la psychiatrie se déploie, soutenu par ces nombreux meetings et forums où nous avons tenté d’analyser les sous jacences à de telles dérives pour se forger des outils conceptuels nécessaires à la résistance.

Le Collectif des 39 a fait au cours de ces nombreux meetings et forums une analyse de cette dérive sécuritaire, de ce nouveau gouvernement des populations.

La dérive normative avec les protocoles, les certifications, les évaluations ne nous laissent plus de répit. Ils sont censés protéger « l’usager » et guider les professionnels dans leurs actes vers le risque zéro, zéro pensée, zéro créativité, zéro liberté.

La fonction de la norme, c’est de réguler les conduites afin d’obtenir que les individus réforment leurs comportements.

Le savoir scientiste qui légitime ces nouvelles normes , en réduisant la conception de la folie à une maladie cérébrale ou à un trouble neurobiologique s’appuie sur des fausses découvertes médiatisées à outrance autant par les revues internationales que par les grands médias. Nos chers collègues qui soutiennent ces thèses sont complices de l’écrasement de l’humanité de l’homme en niant toutes les sous-jacences et toute narrativité de l’historial de chacun.

Le cerveau, les connexions neuronales se construisent en interaction permanente avec le langage dans les échanges avec ceux qui portent et accompagnent le petit d’homme. Celui-ci à la particularité dans le règne animal de naître pas fini du tout.

L’homme neuronal, la phrénologie des temps modernes veut réduire la folie à des troubles cerveau-localisables. Cela va dans le même sens que les dérives du DSM qui effacent toute distinctivité dans les maladies psychiatriques réduites à des troubles mentaux. Cela participe à la dissolution de la psychiatrie et de la folie dans la santé mentale des populations et le bien-être pour tous.

Les maladies psychiatriques en devenant des maladies cérébrales provoquent un changement radical des pratiques puisque l’homme neuronal n’a pas d’inconscient et la dynamique pulsionnelle n’est même plus envisageable.

Nous avons tous à partir de cette réflexion à tenir compte de notre propre ennemi intérieur, de notre complicité dans l’application de tels protocoles et de cette conception déshumanisante de l’Homme.
Beaucoup sont tentés de se saisir de ces prêts à porter défensifs offerts par cette conception réductrice de l’homme et de la folie mettant à distance le risque de cette rencontre et de ce compagnonnage nécessaire à une reconstruction après la catastrophe existentielle de la décompensation.

Le collectif des 39 soutient la nécessité dans ce contexte de destruction de la psychiatrie d’une action au niveau micro-politique et au niveau macro-politique ;

Au niveau micro-politique :

-Pour transformer l’ambiance dans nos établissements de soins (sanitaire ou médicosocial) et favoriser une hospitalité suffisamment bonne ou les patients au sein de structures associatives tels les Clubs peuvent faire entendre leur voix et subvertir ces processus d’aliénation sociales mortifères et déshumanisants.

-Pour soutenir une formation artisanale au plus proche de la réalité de terrain et ne pas se laisser normaliser par les formations industrielles proposées par le DPC infiltré par la HAS, Patrick Estrade vous présentera les avancées du Collectif Alternatif Formation issue des assises de juin 2013

Nous continuons d’affirmer que ceux qui souffrent de pathologie mentale ont et auront besoin à des moments de leur existence de recourir à des lieux d’asile : lieux où l’accueil de la souffrance est possible, lieux où les rencontres nécessaires à tout soin qui se réclame « humain » ne sont pas dictées par des protocoles aliénants.

Nous avons aussi un travail au niveau macro-politique

-Pour fédérer les lieux de résistance à ces pressions normatives et les soutenir quand ils sont attaqués (CMP du 14éme, CMP d’Orly, Service du Docteur Berger etc.…)

-Pour favoriser le rassemblement des différents mouvements engagés dans la résistance à cette destruction systématisée.

-Pour continuer d’entretenir le débat et la dispute lors de Forums et de Meetings dans le but d’une refondation de la psychiatrie.

-Pour infléchir les décisions de nos politiques qui ne pensent qu’en termes de gestion de populations et mettent en place des « usines à gaz » qui ne tiennent pas compte de la singularité des patients, de leurs amis et de leurs familles. À ce sujet :
-Serge Klopp vous présentera les actions en cours
-Annick Lair et Victoire Mabit vous présenterons le travail du Fil conducteur.

Avec le mémorandum des 39, le manifeste du Fil conducteur, et les prises de position du Collectif alternatif Formation, nous préparons une action collective à l’automne prochain afin de marquer notre détermination à défendre une hospitalité pour la folie et d’être force de propositions dans ce contexte politique de consensus mou.

Il s’agit aussi de transformer la plainte pleureuse et molle en une véritable posture de combat.

La biopolitique décrite par michel Foucault est mise en acte par nos politiques au pouvoir qu’ils soient de droite ou de gauche, nous ne sommes pas obligés d’être complice, nous devons, au sens de dürfen ( s’autoriser de soi-même), résister comme Oury par un véritable engagement auprès et avec les patients, les familles, et tous les travailleurs, reconnus en tant que sujet de leur parole et de leurs pulsions.

Alors chacun de nous ici, nous avons à prendre de la graine au côté de cet engagement sans faille d’Oury pour ce combat infini nécessaire pour défendre l’humanité de l’homme en chacun de nous.

Fou par moments, fou pour longtemps ou pas fou c’est le même combat.

Pour conclure sur une phrase récente d’Oury à propos de La Borde :

« Cela fait 60 ans que cela dure mais cela ne fait que commencer. »

Philippe Bichon, Reims

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Quel avenir pour la psychiatrie ? – Samedi 17 mai 2014 – 9h00/12h30 à Reims

Forum citoyen des 39, animé par Patrick Chemla

Le forum citoyen des 39 se tient à Reims, à l’occasion des 14 èmes Rencontres de la Criée. Ouvert et libre d’accès pour tous, il est distinct des journées de formation et permet une ouverture et un débat public sur la situation de la psychiatrie et sur son avenir.

Ouverture par Adeline Hazan, Maire de Reims, sous réserve.

Philippe Bichon, psychiatre, collectif des 39, et Le fil conducteur
Christine Chaise, UNAFAM Reims
Mireille Battut, présidente de « La Main à l’Oreille »
Serge Klopp, cadre de santé, collectif des 39
Humapsy, Association de patients suivis en psychiatrie
Patrick Landman, psychiatre et psychanalyste, initiateur de l’appel « STOP DSM »
Thierry Delcourt, psychiatre et psychanalyste, vice président du Syndicat National des Psychiatres Privés.

Programme de la XIVème édition de LA CRIEE
Programme de la XIVème édition de LA CRIEE

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> … la question du savoir et de l’héritage.

MARSEILLE. 11 octobre 2013.Journées de l’AMPI

Patrick Coupechoux

Je crois que je ne vais pas vous parler de formation, tout simplement parce que ce n’est pas mon domaine et que je ne suis pas compétent pour cela.
Mais je voudrais, sur la base de mon travail de journaliste, dans le domaine de la psychiatrie, vous proposer les quelques réflexions que le thème de cette journée m’a suggéré.
D’abord, il y a la question de la transmission qui est bien sûr la toile de fond de celle de la formation.
Je dois vous dire que je viens de terminer un travail sur la folie, en perspective d’un nouveau livre, qui m’a conduit à revenir sur les années passées depuis la libération et sur le mouvement désaliéniste.
Ce qui est frappant dans cette période, c’est la question du savoir et de l’héritage.
Parce que ce savoir se nourrit d’un héritage, comme tous les savoirs : celui de Pinel, celui de Freud, celui de Lacan, celui de Marx, celui de Bachelard et de bien d’autres encore. Sans lequel rien n’aurait été possible.
Ce qui m’a également frappé, ce sont les efforts qu’ont consentis les tenants du désaliénisme pour donner à celui-ci les fondements théoriques dont il avait besoin.
Je pense à Lucien Bonnafé, à François Tosquelles et bien sûr à Jean Oury, qui ne se sont pas contentés d’être des praticiens, mais qui ont toujours cherché à théoriser leur démarche, à fonder une pensée.
Je dis cela, pour revenir à des questions très actuelles et très politiques, parce qu’il me semble qu’il est dangereux d’opposer savoir et capacité à aller vers l’autre. Aller vers l’autre suppose un savoir.
Ce n’est pas seulement lui taper dans le dos.
Cette idée, simple pourtant, est totalement en opposition avec la pensée dominante actuelle, surtout concernant la folie, mais pas seulement, j’y reviendrai.
Il suffirait, autrement dit, de confier les fous au milieu social et associatif pour que cette relation puisse s’établir, spontanément.
Je ne suis pas en train de dire que les gens qui animent ces associations, souvent avec un dévouement pouvant aller jusqu’à l’épuisement, ne nouent pas de relation avec les patients.
Mais je pense que leur démarche, ils le reconnaissent souvent volontiers, ne constitue nullement le soin au sens de Tosquelles. Parce qu’il y manque trop souvent le savoir théorique et clinique sur la maladie mentale.
Parce que, dans la pensée dominante, et dans les politiques mises en œuvre, on a mis un trait d’égalité entre traitement et soin. Le médicament opposé au « prendre soin de ».
Parce que la relation, considérée désormais comme un « supplément », a été largement confiée au milieu social et associatif. Parce qu’on est en train d’en déposséder la psychiatrie, ce qui revient à nier le soin, à le faire disparaître.
Il faut donc, à mon avis, défendre becs et ongles, l’idée d’un savoir et donc d’une transmission de celui-ci.
Ce qui m’a frappé également dans ce travail de retour aux sources à propos de ce livre, c’est la volonté de penser. Et l’affirmation de sa nécessité absolue.
Or il n’y a pas de pensée sans savoir, sans l’effort continu d’interroger celui-ci, en permanence.
Au fil des années – et vu de l’extérieur – je me suis convaincu que la psychiatrie, telle qu’elle est conçue ici, ne peut se faire sans la mise en œuvre d’une pensée perpétuellement critique, perpétuellement en mouvement, perpétuellement créative.
Pour illustrer cela, je reviendrai à une réflexion d’Hélène Chaigneau qui m’a beaucoup frappé, à propos de la fameuse « continuité des soins », concept clé de la psychiatrie de secteur.
Elle proposait de « renverser la vapeur » et de lui substituer un autre terme, celui de « continuité de l’existence psychotique ».
Il me semble que la première formulation se situe du côté de l’institution, la deuxième de celui du sujet.
Il s’agit là d’autre chose que d’une nuance : dans le premier cas, il y a le risque de figer des pratiques, aussi positives soient-elles, et donc de renforcer l’aliénation.
Dans le deuxième, il y a la nécessité absolue d’interroger ces pratiques, de les critiquer, de les modifier, parce que l’on n’a pas perdu de vue l’essentiel : le patient lui-même et la nécessaire action contre l’aliénation – dont le niveau dépend, comme chacun le sait, de la nature de notre relation à lui.
Bonnafé parlait à ce propos de la relation entre l’observateur et l’observé. Lacan disait de son côté que « la folie change de nature avec la connaissance qu’en prend le psychiatre. »
En fait Chaigneau interroge le savoir parce qu’elle remet le patient sur le devant de la scène.
Et je me demande si là ne réside pas le sens de la fameuse formule de Tosquelles, qui m’a longtemps intrigué : la psychothérapie institutionnelle, cela n’existe pas.
Peut-être voulait-il dire que la psychothérapie institutionnelle n’est pas, elle non plus, à l’abri des risques de fossilisation de la pensée, du risque de rester figée sur ses certitudes, si elle n’y prend garde.
Cela me fait penser à ces réflexions de Bachelard, mille fois citées par Bonnafé, concernant la nécessité d’interroger jusqu’à la raison elle-même.
Il disait que ce que l’on sait bien, on le répète « fidèlement, aisément, chaleureusement ». Ou citant Dostoïevski que « la raison connaît seulement ce qu’elle a réussi à apprendre ».
Et Bachelard d’ajouter : « cependant pour penser, on aurait d’abord tant de choses à désapprendre ».
On pourrait ajouter aujourd’hui que, pour désapprendre, il a d’abord fallu apprendre. Il faut d’abord avoir reçu en héritage la pensée de nos prédécesseurs, ne serait-ce que pour la dépasser.
Sans cela, on ne dépasse rien du tout, on ne pense plus.
Artaud de son côté disait que « les idées claires sont des idées mortes et terminées. »
Logiquement, il y a aussi chez Bachelard une critique du scientisme, « conception bornée et bornante de la science », parce que toujours préoccupée de donner « une borne au possible. »
Le scientisme qui est une forme de pouvoir et de domination de ceux qui « savent » sur ceux qui « ne savent pas ». On est loin de la distinction entre rôle, fonction et statut proposée par la psychothérapie institutionnelle.
Tout cela le mène à une conclusion que nous devrions méditer : la raison figée dans ses certitudes, « correspond à ces sociétés sans vie où l’on est libre de tout faire, mais où l’on n’a rien à faire. Alors on est libre de penser, mais on n’a rien à penser. »
Et c’est bien là, me semble-t-il, que se situe le fond de l’affaire.
Parce qu’au fond, à quoi avons-nous assisté depuis une trentaine d’années dans nos sociétés ?
A la victoire d’une idéologie – après l’effondrement du mur de Berlin et la victoire par KO du capitalisme qui va se muer en un capitalisme mondialisé, financier et dominateur.
Une idéologie qui nie la culture conçue comme la quête par l’être humain de la compréhension du monde. Autrement dit comme la quête de la liberté.
Comme disait Victor Hugo : « la liberté commence où l’ignorance finit. »
Pour illustrer cela, je voudrais donner trois exemples.
• Celui de la marchandisation des produits culturels qui sont désormais conçus comme des produits de consommation de luxe réservés à une élite. La grande masse doit se contenter des jeux vidéos, de la télé abrutissante et du football business.
• Celui du système éducatif. Qu’a-t-on fait de l’école ? On a abandonné sa mission d’éducation des citoyens, et l’ambition de leur donner accès à la culture. Songez par exemple au recul incroyable de l’enseignement de l’histoire, de la littérature et de la philosophie.
On l’a domestiquée pour en faire une fabrique de « ressources humaines », adaptée aux exigences changeantes du marché. Avec le nombre impressionnant de laissés pour compte que cela entraîne.
C’est au fond, le sens de toutes les réformes du système éducatif qui se sont succédé depuis 30 ans. Le résultat, c’est qu’il n’y a plus – ou si peu – de transmission. Il n’y a même plus de mémoire.
Ces changements sont intervenus pour des raisons économiques – de gestion de la ressource humaine – mais pas seulement. On a aussi tiré les leçons de 68 : un peuple trop éduqué a une certaine tendance à penser et donc à se rebeller.
C’est pour cela que Bonnafé dénonçait « l’influence de ceux pour qui la passion de tirer les leçons et les enseignements du passé est redoutablement subversive. »
Pour revenir à la maladie mentale, je voudrais évoquer le rapport sur la santé mentale remis au 1e ministre en 2010, écrit par Viviane Kovess-Masféty.
En terme de formation, elle insiste sur une seule chose : le champ des compétences cognitives, émotionnelles et sociales.
Il s’agit d’apprendre à être, ce qui renvoie aux aptitudes personnelles (gestion du stress, des émotions, développement de la conscience et de la confiance en soi, apprendre à vivre ensemble…) Je vous épargne le détail.
En d’autres termes, le système éducatif et celui de la formation consistent à aider l’individu à s’adapter à un monde changeant qu’il subit.
Un monde qui tient le passé pour suspect, le futur pour incertain, qui nous propose de vivre dans un éternel présent, condamnés que nous sommes à ne rien comprendre, à ne rien maîtriser.
Souvenez-vous, dans le film de Philippe Borrel, « Un monde sans fous ? », de ce responsable des ressources humaines de Manpower qui disait crûment : « la question, ce n’est pas tellement le changement, mais l’adaptation au changement.

Avec cette politique de santé mentale, il s’agit de faire face aux difficultés – les cabinets de psy sont pleins, les suicides au travail n’en finissent pas.
Il s’agit surtout d’aider l’individu à être toujours plus autonome et performant, dans la version positive de la santé mentale.
A aucun moment, dans le rapport de Viviane Kovess, il n’est question de culture, si ce n’est pour noter, au détour d’une phrase, que les activités artistiques sont bonnes pour la santé mentale.
La culture – pas trop ! – conçue comme un moyen d’affirmation de soi, d’adaptation, jamais comme le chemin vers une connaissance et donc vers une libération.
• Le troisième exemple que je voulais donner, après celui de la culture et de l’école, est celui de la conception dominante de la vie en société.
On sait, c’est un lieu commun, que désormais, c’est l’individu autonome, gérant sa vie comme une entreprise, qui domine.
Mais il ne s’agit pas seulement de l’émergence de l’individu. Celle-ci est un phénomène ancien, depuis Pascal et son pari – si le parieur peut parier sur l’existence de Dieu, c’est bien parce qu’il est devenu un individu – à la Renaissance et au siècle des Lumières.
Il y a donc dans cette émergence un côté éminemment démocratique et positif.
Mais il s’agit, avec la vision néolibérale qui s’est imposée, de cet individu « dé-collectivisé et désencastré » dont parle Robert Castel, dont la grille de lecture du monde réside, désormais, uniquement dans le psychologique. « Le premier individu de l’histoire qui ignore qu’il vit en société » selon la formule de Marcel Gauchet.
Mais un individu seul comptable de sa vie, qui ne se rebelle pas, qui exhibe les médailles de ses réussites toujours individuelles et porte la croix de ses échecs, toujours personnels.
Je ne vais m’attarder là-dessus, cela nous mènerait trop loin. Je voudrais seulement souligner deux choses :
• C’est la vie en société qui est ainsi remise en cause. Souvenons-nous du « Il faut sauver la société » de Michel Foucault. Souvenons-nous de Margareth Thatcher qui disait : « la société n’existe pas, il n’y a que des hommes, des femmes et des familles. »
Dès lors la société n’est plus qu’un agrégat d’individus, mus par leur intérêt personnel, en guerre les uns contre les autres.
Dès lors, les hommes ne sont plus que des ressources humaines, comme les abeilles de Mandeville qui, même si elles sont pleines de vices, contribuent, par la recherche de leur satisfaction personnelle, à la richesse de tous. Il serait plus juste aujourd’hui de dire, à la richesse de quelques-uns.
D’où l’éloge permanent de la réussite individuelle, quel qu’en soit son coût éthique, d’où une conception du bonheur humain à l’aune de la richesse. On n’a réussi sa vie à 50 ans que si l’on a une Rolex.
D’où la suspicion contre toute pensée, contre la culture, contre toute tentative de comprendre le monde, qui pourrait contester cette vision étroite de l’homme.
D’où le rejet de tout grand récit visant à proposer une vision plus globale du monde. D’où les attaques répétées contre la psychanalyse. D’où l’éloge du « pragmatisme » conçu comme l’antidote à toute théorisation, celle-ci nous menant, nécessairement, au totalitarisme.
D’où la négation de la folie, au sens de Tosquelles. Considérer le fou dans son humanité, c’est chercher à comprendre la folie dans toutes ses dimensions.
C’est interroger le monde qui aliène le fou, qui aliène l’homme en général.
C’est nous interroger sur ce que notre société fait de l’individu. C’est nous interroger nous-mêmes. C’est interdit.
Mieux vaut considérer le fou comme un handicapé, c’est-à-dire comme un être figé dans son état, « déficient, diminué, retardé, incapable, invalide, infirme, mutilé, inférieur, voire taré », je cite les mots de Robert Castel.
En réalité, le handicapé est celui qui ne peut ou ne veut pas s’adapter, dans la perspective d’un monde conçu comme une course d’obstacles.
Cela dépasse largement le cadre de la médecine puisque l’on n’hésite pas à parler de « handicapé social ».
Le licencié de Florange qui, à 50 ans, vit dans une région où il n’a aucune chance de retrouver un emploi, est un « handicapé social » !
Dès lors, comment s’étonner que la transmission en psychiatrie – comme partout d’ailleurs – soit si difficile ?
On voit bien que cela dépasse les problèmes réels de conditions de travail, de parcellisation des tâches que tout le monde ici connaît. Que cela dépasse la psychiatrie elle-même.
C’est bien de notre vision du monde dont il s’agit. Et c’est bien celle-ci qu’il faut interroger.

Patrick Coupechoux.
http://www.serpsy.org/des_livres/livres_06/monde_fou.html

AMPI Marseille les 11/12 octobre 2013
FORMATIONS DANS LA PSYCHIATRIE CONTEMPORAINE…

« AUTREMENT QUE SAVOIR »

Travailler dans le champ de la psychiatrie nécessite une réflexion continue sur l’objet même du travail. Cette « évidence naturelle » semble concerner de moins en moins de monde. Cette absence de réflexion et la parcellisation des tâches entrainent une perte de sens qui, associée à l’aggravation des conditions de travail, participe de la souffrance au travail et alimente le discours de la plainte.

Dans ce contexte, toute difficulté relationnelle ou institutionnelle, est interprétée comme un manque de connaissance et la solution proposée est une formation ad hoc. L’ idée de se former ne peut que susciter adhésion mais la lecture des programmes de formation en psychiatrie, initiale et continue, médicale et paramédicale, refroidit tout éventuel enthousiasme.

Les formations managériales transforment le thérapeute institutionnel en un efficient gestionnaire d’équipe et la violence institutionnelle trouve sa solution par la découverte des arts martiaux…

Il est dès lors urgent de s’ intéresser aux contenus des formations.

La première urgence est de retrouver le goût de la pensée, forme de savoir que nous rappelle l’étymologie du mot savoir : « avoir du goût pour… ». La pensée est notre outil thérapeutique majeur, attaquée à la fois par les projections psychotiques et le productivisme de la société de consommation.

Savoir évoque connaissances, nécessaire apprentissage de connaissances, les plus larges possibles comme le préconisait Lucien Bonnafé : « il faut pour les psychiatres, une culture encyclopédique ». Théories de tous ordres, neuro-sciences, sciences humaines, disciplines artistiques, culture générale et surtout ne pas oublier l’épistémologie… Connaissances sur l’autre et connaissance de l’autre.

« Autrement que savoir » est le titre d’un livre d’Emmanuel Lévinas, penseur de la relation intersubjective, qui insiste sur l’ importance de l’autre, du visage de l’autre, dans la constitution de soi.

Cette responsabilité pour autrui engendre un désir de rencontre qui différencie radicalement accueil, hospitalité, ambiance et protocole d’admission. Si le projet thérapeutique se déplace de l’abrasement symptomatique à l’organisation de la rencontre avec l’autre, présentement désigné patient, les soignants devront choisir les formations qui permettent cet accueil.

Se rendre disponible nécessite un travail sur soi, une réflexion sur la relation à l’autre, des capacités d’écoute…Chacun trouvera l’outil qui lui convient, les possibilités sont multiples : approche groupale, psychodrame, atelier artistique…

En cette année où Marseille est capitale de la Culture, citons Antonin Artaud : « je n’ai jamais rien étudié mais tout vécu et cela m’a apporté quelque chose ».

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> L'enseignement de la Folie

INTERVENTION POUR L’AMPI – MARSEILLE 2013

L’enseignement de la Folie

J’ai repris à dessein ce titre d’un livre de François Tosquelles qui constitue à lui seul tout un programme ! J’essaierai d’entrecroiser formation et transmission qui me paraissent indissociables : que serait une formation qui viserait un standard d’une bonne forme plus ou moins idéalisée de la doxa ?
Lacan soutenait dans un des aphorismes radoté depuis par ses fidèles : « il n’y a de formation de l’analyste que de formations de l’inconscient ». Pourrions-nous l’interpréter librement dans le sens d’une formation qui permettrait l’accueil du désir inconscient, ou pour le dire comme M. Litlle et Winnicott un rapport moins phobique, moins paranoïde à l’inconscient ?
Il est loin d’être évident, par ces temps qui rampent, de soutenir un tel axe de travail, alors que notre époque veut réduire la folie à un handicap psychique de causalité forcément biologique, et qu’il s’agirait si on suivait cette pente d’en finir avec la folie comme condition tragique de l’humain.
D’en finir ainsi avec une conception de l’humain inscrit dans l’histoire et sujet du Politique, en proie également au désir inconscient. Cette double aliénation est le ressort même de la PI, double articulation qui suppose d’être repensée à la mesure des nouveaux enjeux auxquels nous sommes confrontés. Comme je l’avançais ici même l’année dernière, il me parait hors de question de célébrer une histoire sainte commencée à St Alban dont Tosquelles et Oury seraient en quelque sorte les prophètes, ou pire les icones. Une telle perspective envisagerait la transmission et donc la formation dans une perspective fétichisée, religieuse qui arrêterait le mouvement de la pensée : un arrêt sur image a contrario de la logique qu’il s’agirait de promouvoir.

Ce qu’il s’agit de transmettre c’est le geste fondateur, l’énergie créatrice d’une nouvelle forme, d’une métamorphose, qui crée de fait un nouveau paradigme.

Après-coup nous pourrons dire qu’il y a eu fondation, ce qui ne signifie aucunement que Tosquelles savait consciemment qu’il fondait un mouvement théorico pratique qui allait être déterminant pour la psychiatrie française. Et pour en avoir discuté avec lui lors des brèves rencontres que j’ai pu avoir à St Alban, il récusait totalement l’idée d’un label ou d’une appropriation de l’origine. Ce qui le préoccupait avant tout c’était l’idée de révolution permanente à poursuivre, qu’il puisait bien sûr dans le POUM, et qu’il tentait de transmettre à ceux qui venaient lui demander un modèle.
Ce n’était pas mon cas puisque je venais du trotskysme et de l’antipsychiatrie, et qu’il eut l’intelligence d’accueillir avec une grande générosité ce que je découvrais naïvement sur le terrain avec quelques copains, je dirais même quelques complices, engagés dans la subversion de l’ordre asilaire. Au lieu de récuser la nouveauté de ce que j’avançais, alors qu’à cette époque la plupart de ses disciples avaient la conviction assez irritante que la PI ne pouvait exister en dehors de l’hôpital, lui pouvait accueillir un renouveau de la méthode. Au-delà des formes et des opérateurs concrets tributaires des conditions sociohistoriques, il avait pigé en bon marxiste que la praxis devait nécessairement tenir compte du contexte pour viser non une adaptation, mais une transformation possible de la réalité psychiatrique.

Mais pourtant je venais de loin, et je vais me permettre un petit détour pour en quelque sorte imager un itinéraire de formation qui n’a rien d’exemplaire, commencé en 1975 à l’HP où j’arrivais avec une formation militante, et le livre de Maud Mannoni « Le fou, son psychiatre et la psychanalyse » en guise de talisman. Quand j’ai démarré en psychiatrie nourri des lectures des années 60 et du militantisme de mai 68, il ne faisait guère de doute que nous allions réussir à détruire l’Asile ; la seule question qui nous partageait à l’époque étant celle de la psychanalyse : certains s’y engageant passionnément et j’en faisais partie, d’autres la récusant en remettant au gout du jour la vieille critique stalinienne des années 50 considérant la psychanalyse comme « un faux contre-révolutionnaire » (cf le numéro de la Nouvelle Critique en 1949 où le PCF demanda à ses psychiatres de désavouer la psychanalyse : et ils obtempérèrent même si plusieurs, après avoir quitté le PC devinrent ensuite des dirigeants d’associations analytiques)…
Récemment André Bitton, dirigeant d’un collectif de patients à l’origine de la chute de la loi d’internement (le CRPA) me rappelait l’importance de ce moment post 68 où fleurissaient de nombreux collectifs qui surenchérissaient dans la radicalité : GIA, AERLIP (élèves infirmiers psy), Réseau Alternative à la Psychiatrie etc…
Je rajouterai mon propre militantisme dans le Collectif Garde-Fous, animé entre autres par celui qui devint mon analyste, Jacques Hassoun, et par nombre d’analystes pour la plupart très loin aujourd’hui d’un tel engagement, engagés même pour certains dans la défense de l’Ordre Symbolique contre le mariage gay aux cotés des catho.
Ceci pour témoigner d’une époque où il paraissait nécessaire de penser notre monde avec la psychanalyse, mais aussi dans un registre politique puisé avec beaucoup de liberté dans le marxisme et une posture libertaire.

Bien sur il y eut beaucoup de bêtises proférées et d’illusions ravageuses dans cette mouvance, une certaine idéalisation/esthétisation de la folie, et également l’idée d’en finir avec l’hospitalisation que le néolibéralisme nous a repris avec perversité.
J’expliquerai plus tard comment je m’en suis dégagé irrémédiablement sous l’impact de la clinique et de la réalité institutionnelle. Ce qui m’aura permis de comprendre avec un certain retard la justesse cruelle de Oury lorsqu’il évoque les « régénérés de 68 » qui confondant aliénation sociale et psychopathologique embarquèrent les patients dans des aventures aberrantes et périlleuses. Mais ce fut aussi un moment d’effervescence qui permit à une génération de psy de se former et pour certains d’initier une pratique vivante et désirante : la seule façon de traverser les illusions, et à certaines conditions-en premier lieu l’inscription dans une transmission réinventée-de se forger une boite à outils métapsychologique. La seule possibilité me semble-t-il de frayer son propre chemin et de se former au gré des rencontres transférentielles, et de l’entame quelquefois blessante qu’elles effectuent. J’évoquerai plus tard une des rencontres qui me fit basculer, mais j’aimerais d’abord vous raconter comment je crus avoir inventé le club thérapeutique. J’ai eu l’intuition de cette nécessité dès mon début d’internat alors que j’effectuais une consultation dans la campagne profonde : j’avais remarqué que mes patients venaient passer l’après-midi dans ce couloir d’une mairie pourtant assez sinistre où je consultais. Il se produisait manifestement des rencontres et des processus de socialisation ; ce qui me donna l’intuition dès que j’en eus la possibilité de créer un tel lieu de rencontre et d’entraide mutuelle. Nous écrivîmes les statuts avec les patients et ce fut le début d’une histoire qui se poursuit toujours au Centre Antonin Artaud avec le club le Grillon.
C’est avec beaucoup d’étonnement que je découvris peu après l’invention du premier club thérapeutique par Tosquelles à St Alban en 1943 : avais-je retrouvé par nécessité objective cette forme instituante, ou pouvait-on parler au sens freudien de cryptomnésie ?
Je cite Claude Rabant dans le chapitre consacré à ce terme dans « Inventer le Réel» : « Crytomnésie désigne en effet ce phénomène qui, en de si nombreux cas, peut être conjecturé derrière une apparente originalité : le fait que des paroles oubliées servent de matrice ou de noyau à une « idée originale », paroles prononcées par d’autres que celui en qui l’idée semble surgir du néant. L’idée originale révèle alors son origine étrangère et l’originalité son caractère de semblant : l’idée nait du dehors, disséminée dans des mots de hasard, dans des fragments objectifs prononcés par des locuteurs qui ne savent pas le sens de ce qu’ils disent, avant de pouvoir se rassembler dans l’énonciation d’un sujet qui parait alors avoir fait une découverte originale. Cryptomnésie : la mémoire est cachée. ».
Ce concept de crypte que Torok et Abraham ont exploré plus tard de façon fort différente dans leur œuvre se trouve donc bien chez Freud dans plusieurs occurrences : en particulier « les cinq leçons sur la psychanalyse » et « l’autoprésentation ». Et je le trouve passionnant pour nos enjeux de transmission et formation, dans la mesure où l’origine se trouve sans cesse relancée en amont : une sorte d’antidote à l’imaginaire de la fondation dans l’autoréférence.

J’ai donc avec quelques complices cru réinventer le club qui ne cesse depuis d’irriguer le travail de tout le service. Et c’est en l’animant pendant 10 ans que je me suis formé à la thérapie des psychoses, que j’ai appris en la créant la strate d’hospitalité inconditionnelle qu’il s’agit de construire comme préalable au transfert. Mais aussi que j’ai pu expérimenter le partage de la vie quotidienne avec des patients qui de façon étonnante se trouvaient comme métamorphosés pendant le temps et l’espace du Club. Et qui pour certains m’ont mis en place de thérapeute alors que j’étais encore pris dans une idéalisation de la psychanalyse pure en cabinet clivée du travail institutionnel envisagé sous le seul angle politique.
L’enseignement universitaire déjà bien misérable à cette époque ne me fut d’aucune aide, alors que l’analyse personnelle m’aura permis d’accueillir ce à quoi je n’étais pas préparé : le tout autre, de dépasser l’effroi et l’incompréhension d’une telle tuche. Mais ce fut l’expérience du transfert psychotique dans l’institution, et son élaboration dans l’interlocution avec d’autres qui constitua mon principal espace de formation.
Longtemps après ces débuts, j’ai lu Enfance Aliénée pour un séminaire de la Criée sur la transmission, livre qui reprend les actes d’un colloque demandé par Lacan à Maud Mannoni. Celle-ci invitant d’ailleurs les représentants de l’antipsychiatrie anglaise en 1967 (Laing et Cooper), autrement dit 1 an avant mai 68. Ce qui m’a stupéfié à la lecture/relecture de ce recueil, c’est l’implication politique radicale de la plupart de ces grands analystes : Oury bien sur, Maud Mannoni, Anne Lise Stern et bien d’autres qui misaient sur la psychanalyse pour subvertir l’ordre social. Leur discours parait à des années lumières de celui qui se tient habituellement aujourd’hui en misant sur une subversion opérée par une psychanalyse qui se dégagerait de tout carcan institutionnel : Lacan représentant cette mise emblématique pour toute cette génération.
Revenir ainsi sur une histoire somme toute récente (46 ans), c’est remarquer en premier lieu le refoulement actif du Politique qui s’est effectué chez les analystes et les psychiatres s’appuyant sur la psychanalyse. Sans doute y a-t-il eu trop d’espoir mis dans l’analyse qui serait venue en lieu et place d’une pensée du politique ? A force de parler de la subversion freudienne et lacanienne on en serait venu à prendre l’analyse pour ce qu’elle n’est pas : une pensée critique de transformation sociale…
D’où la déception rencontrée dans les institutions où le discours analytique fut perçu au mieux comme un supplément d’âme ou de brillance pour ceux qui s’en prétendaient les concessionnaires ; un moyen aussi de promotion sociale pour quelques-uns qui crurent ainsi accéder à une certaine « distinction » au sens retenu par Bourdieu. En 75 le « parler Lacan » fonctionnait comme un schibboleth quelque peu agaçant cependant que les disciples ressassaient quelques aphorismes lacaniens bien sentis dans les salles de gardes et les services hospitaliers. Une telle manière de prendre les choses, d’appréhender la réalité politique glissa sur les institutions comme l’eau sur les plumes d’un canard. Cela donna tout au plus l’illusion d’une hégémonie de la psychanalyse, alors qu’il ne s’agissait la plupart du temps que d’un discours de façade ou de vitrine. Ce que nous payons très cher aujourd’hui alors que les lobbies de parents d’autistes et de zoopsychiatres, car c’est ainsi que je nomme les tenants d’une psychiatrie animalière, se déchainent en mettant en avant cette prétendue hégémonie qui aurait interdit toute recherche sur l’autisme et la psychose. Et de demander et même d’obtenir l’interdiction de la psychanalyse et de la PI par la HAS l’année dernière, pour en arriver aujourd’hui au plan autisme et aux déclarations menaçantes d’une ministre de la république Marie Arlette Carlotti, déclarant à la presse : « En ouvrant ce dossier, j’ai trouvé une situation conflictuelle, un climat tendu », déclare-t-elle. « Je n’en veux plus. En France depuis quarante ans, l’approche psychanalytique est partout, et aujourd’hui elle concentre tous les moyens. Il est temps de laisser la place à d’autres méthodes pour une raison simple : ce sont celles qui marchent, et qui sont recommandées par la Haute Autorité de santé. »
« Que les choses soient claires », ajoute-t-elle en forme d’avertissement, « n’auront les moyens pour agir que les établissements qui travailleront dans le sens où nous leur demanderons de travailler ».
C’est ce discours agressif qui nous a alertés immédiatement : Pierre Delion et les 39 en particulier, puis peu à peu, mais lentement une partie des professionnels s’est mise en mouvement.
Il est important de faire le point à partir de cette actualité politico-clinique( ce que nous vous proposerons tout à l’heure dans le forum des 39) et de remarquer que nous_ je veux dire le Collectif des 39_ avons réussi à réunir avec les CEMEA 1000 personnes dans un meeting tenu à l’issue des Assises citoyennes pour l’hospitalité en psychiatrie et dans le médicosocial les 31 mai et 1° juin à Villejuif, à rassembler également la quasi-totalité des associations analytiques de France pour aboutir à un résultat quelque peu mitigé. 6800 signatures à une pétition ce n’est pas rien, mais c’est beaucoup trop peu par rapport aux enjeux d’un tel discours qui promeut ouvertement l’idée d’une interdiction de la psychanalyse dans sa pratique comme dans son enseignement, tant à l’université que dans la formation continue.
Et je vous invite à signer et diffuser cet appel dont j’ai apporté 200 exemplaires.
Tout se passe comme si nous traversions une période d’abattement politique : certains responsables d’associations disant ouvertement que la psychiatrie est foutue comme aux USA et qu’il vaut mieux pour les analystes composer avec cette réalité.

Réalpolitique ou renoncement ? Il me semble que le renoncement au nom du réalisme produit une posture désabusée et cynique, bien dans l’air du temps. Que dire de cette posture qui ne fait qu’amplifier le malaise dans la culture sinon qu’elle mélancolise les meilleurs et qu’elle autorise les autres à l’imposture ou à la fuite ?
Car c’est à une fuite massive que nous avons assisté, sans doute explicable aussi par la rudesse des résistances au changement dans les institutions et la dureté du combat politique nécessaire. Par une résistance aussi bien sur du Réel dans la clinique, car le miracle annoncé n’a pas eu lieu, même si Freud et Lacan nous en avaient prévenu l’un et l’autre, chacun à leur manière.
Il y a certes un efficace de la méthode analytique et surtout une éthique, un respect de la dignité de la parole de tout sujet fut-il le plus fou. Mais cet efficace ne signifie en aucune manière suppression des symptômes et accès progressif au bonheur. Ce qu’il s’agirait de viser ce serait « la guérison psychanalytique » dont parle Nathalie Zaltzman en visant le remaniement interne du sujet dans son rapport à l’inconscient, ou pour le dire comme Winnicott et Margaret Little un rapport moins paranoïde ou phobique à l’inconscient, une capacité pour l’analysant à mener une vie vivante. Toutes ces propositions mériteraient d’être discutées à la lumière de la clinique de chacun, des améliorations obtenues mais aussi des échecs. Il arrive malheureusement que la pulsion de mort soit plus forte que les pulsions de vie, et que nous soyons impuissants à endiguer les processus de dévitalisation, sans parler des suicides. Je ne peux m’empêcher de repenser à un collègue parmi les meilleurs concluant son propos d’ouverture à un colloque sur la créativité par un lapsus assez terrible : « ce travail n’aurait pas été possible sans le cimetière » ; lapsus qu’il analysa à haute voix pour sortir de la sidération : « cimetière » était venu à la place de « séminaire » et « la part maudite », les échecs douloureux avaient fait valoir leurs droits. Effectivement il nous faut bien admettre cette part qui est bien plus qu’une limite, mais qui représentait l’adversaire, ou plutôt l’adversité. D’où l’impression souvent d’une bagarre, d’un corps à corps quelquefois violent dans les institutions, bien au-delà des enjeux souvent dérisoires qui semblent les déclencher.
Comment travailler contre/tout contre cette pulsion de mort que nous penserons au-delà de la pulsion de destruction comme anéantissement et silenciation ? Cette pulsion que Freud pose comme une supposition indispensable pour sa métapsychologie, et dont ne pouvons constater que les effets indirects, lorsqu’elle vient s’intriquer aux pulsions de vie et qu’elle engendre de la destructivité, des somatisations graves, mais aussi des silenciations dans les généalogies des patients en particulier border line et psychotiques.
Comment également penser cette intime intrication entre cette pulsion de mort et les forces politiques qui poussent au formatage et veulent nous réduire au silence ?
Autant de questions que je ne peux que laisser ouvertes, et qui constituent la toile de fond de la situation difficile que nous connaissons dans les institutions, dans toutes les institutions d’ailleurs, bien au-delà de la psychiatrie.
D’où l’importance d’un rassemblement pour analyser et combattre cette évolution qui semble programmée depuis plus de 25 ans. Comme si le processus enclenché à St Alban pendant la guerre, relancé par le mouvement désaliéniste et la PI, et qui avait abouti dans les années 80 à la légalisation du Secteur à la suite d’un long travail dans les institutions s’était perdu dans les sables. Voire même qu’une sorte de retournement se soit alors produit sans que la plupart n’y prennent gardent ou ne veuillent y croire. Ce retournement politique m’a surpris alors que je découvrais dès 1980 la réalité d’une pratique de l’institutionnel, animé à l’époque par les idéaux de l’antipsychiatrie, ce dont j’ai parlé précédemment, mais c’est la découverte du transfert psychotique là où je ne l’attendais pas qui m’a déconcerté et déplacé, et qui a levé cette idéalisation et ce clivage.

Je voudrais évoquer une fois de plus ce patient psychotique chronique, mon premier maitre en psychiatrie, que je croyais avoir libéré de ses chaines asilaires en le faisant sortir en appartement thérapeutique, et qui pourtant ne cessait de me demander le retour dans son « « paradis perdu », puisque c’est ainsi qu’il appelait l’HP à mon grand désarroi. Il fallut qu’il insiste vraiment beaucoup et que son état s’aggrave fortement pour que j’accepte de le réhospitaliser pour un temps nécessaire. Le chèque d’1 million de dollars qu’il me donna alors, je ne cesse de l’encaisser psychiquement depuis. J’eus d’abord une impression de sidération, que je traversais en m’écartant lentement mais irrémédiablement de l’idéologie du rejet destructeur de l’hospitalisation, comme de la conviction de l’absence de transfert analytique en dehors du cabinet du psychanalyste. Je rappelle que ces idées étaient alors dominantes et peut-être le sont-elles toujours aujourd’hui, quand bien même nous sommes moins nombreux à nous soucier du transfert dans nos pratiques. Mais la Résistance de la psychanalyse à son propre déploiement persiste bien sûr comme l’avait finement analysé Derrida dans son livre Résistances de la Psychanalyse.
En tout cas cette perte, cette castration symbolique pour appeler les choses par leur nom, provoqua ce gain très particulier de me mettre au travail en m’inscrivant peu ou prou dans le mouvement de PI.
Point besoin d’être analyste pour constater ce premier paradoxe fondateur d’une sorte de discours de la méthode qu’il nous faudrait garder comme principe directeur. La psychose, ou plutôt le psychotique peut, à certaines conditions, être à la source de l’invention et de la création. Cela vaut pour le délire qui n’est rien d’autre pour suivre le frayage freudien qu’une tentative de guérison. Que cette tentative puisse rater et amener le sujet en question à devoir chercher de l’aide est une autre question …
Ce qui me permet de revenir à cet « enseignement de la folie » dont j’ai repris l’intitulé comme un mot d’ordre. Soutenir cette proposition constitue un enjeu clinique, celui de se tenir au transfert, mais également un enjeu politique crucial, qui devrait nous dégager de la conception de la folie comme handicap et déficit, y compris déficit d’un signifiant des noms du père !
C’est d’ailleurs en cela que j’ai d’une certaine manière poursuivi et remanié les idéaux de l’antipsychiatrie. A condition de se sortir de la pente idéalisante et esthétisante de la folie, ce mouvement comme le surréalisme précédemment, avait fait valoir la vérité dont vient témoigner le psychotique à condition qu’il puisse trouver un lieu d’adresse ou-autre possibilité non contradictoire- qu’il puisse faire œuvre de son délire. Encore faut-il pouvoir l’aider à déchiffrer ce qui ne peut se dire et vient se montrer sur le mode d’une « définition ostensive ». Et je reprends là le concept que Françoise Davoine a fait dériver de la logique de Wittgenstein, pour construire une clinique dynamique du transfert psychotique. Il me parait important de souligner la différence radicale de positionnement que Françoise Davoine, comme tous les thérapeutes de psychotiques, chacun à sa manière, fait opérer par rapport à une clinique psychiatrique qui resterait fondée sur l’objectivation du patient et de ses symptômes, comme dans les présentations de malades. Il est clair qu’une telle posture hors-transfert ne peut produire qu’une théorie édifiante qu’il s’agirait ensuite d’appliquer. Ce qui bien sûr s’avère impossible et provoque inévitablement de la déception. C’est tout l’enjeu d’une fétichisation de la « structure » qui en vient à récuser les progrès de la clinique. Comment ne pas entendre la critique itérative à chaque fois qu’un psychotique s’en sort, et que nous transmettons la réussite d’une psychothérapie ? A chaque fois il se trouvera quelqu’un pour objecter que le patient ne devait pas être psychotique au départ et qu’il s’agissait d’une erreur diagnostique…
Il faudrait en quelque sorte que la clinique vérifie la théorie, alors que nous aurions à produire au contraire une théorisation à partir de l’expérience clinique et institutionnelle, expérience du transfert que l’on ne peut penser qu’en la traversant : c’est ce mouvement que je qualifierai d’itinéraire de formation.
Nécessairement nous allons nous heurter à toutes les vérités préétablies, et en premier lieu les nôtres, bien entendu ! Quelle surprise quand j’ai pu constater que des patients psychotiques pouvaient à certaines conditions transférentielles être supports de transfert pour d’autres patients ?
Ou arriver à nouer des relations amoureuses et à engendrer sans pour autant se mettre à délirer ?
Ce qui rencontre pourtant leurs zones de fragilité et les met à l’épreuve, un peu plus que les névrosés sans doute, sans pour autant rencontrer la fixité systématique d’une impossibilité de structure. Cela suppose de soutenir dans le Collectif et dans chaque thérapie la fonction phorique pour reprendre le concept que Pierre Delion a proposé comme équivalent au holding winnicottien. Encore faut-il imaginer une première strate d’hospitalité inconditionnelle, une bejahung, qui ouvre un espace de possibilisation du transfert. Et que cet espace que je mets en rapport avec la « fabrique du pré » dont parle Oury dans Création et Schizophrénie soit un lieu dont la vivance soit sans cesse relancée.
Il est sensible dans le travail que nous faisons d’avoir la sensation de pratiquer de façon répétitive une véritable réanimation du Collectif. D’où l’épuisement parfois éprouvé puisque nous luttons contre les forces de mort et de silenciation que j’ai évoquées précédemment.
Des forces qu’on aurait tort d’attribuer seulement à la psychose des patients projetant sur les soignants leurs pulsions et affects destructeurs. Ce bombardement est indéniable mais la vraie difficulté consiste à supporter et à traverser les forces d’anéantissement intrinsèques à tout Collectif.
Depuis que la PI existe, elle a pris acte de ces phénomènes et inventé des outils et des opérateurs concrets : groupes, réunions, travail de constellation, et surtout clubs thérapeutiques : autant d’espaces partagés où chacun se trouve invité à construire la vie quotidienne.

C’est ainsi que depuis 33 ans nous avons créé un Club fondé d’ailleurs avec ce patient dont j’ai parlé et qui continue à accompagner nos initiatives à la mesure de ses possibilités vieillissantes. Le Club est le fil conducteur et l’un des supports essentiels du service, d’abord dans l’ambulatoire, à une époque où la situation était verrouillée dans l’hôpital, puis peu à peu dans chacun des lieux d’accueil avec création d’un club fédérant les 5 clubs du service, la création d’un GEM articulé étroitement au club etc…
Nous touchons là un des points cruciaux de mon propos, car le simple acte d’articuler étroitement le GEM et les clubs constitue une transgression par rapport aux clivages administratifs en vigueur : les GEM reprennent le signifiant fondateur du club : « l’entraide mutuelle » mais ne doivent pas s’articuler à la fonction soignante. Ce qui est une absurdité ! C’est l’exemple même de la fragmentation d’espaces du néolibéralisme, de même que l’éclatement entre le soin et le médicosocial etc…
Si nous obéissions à de tels commandements nous renforcerions le clivage et l’éclatement schizophrénique : tout le contraire du travail incessant de rassemblement que notre expérience nous enseigne pour prendre soin du psychotique !
Sans doute faut-il que je vous parle pour conclure du climat, de l’ambiance subversive qui s’est créé depuis 5 ans. Il faut bien reconnaitre notre dette à Sarkozy qui a provoqué un sursaut, et un questionnement des patients à notre égard dans ces espaces partagés : clubs et surtout l’AG mensuelle du centre Artaud où nous construisons ensemble l’espace institutionnel. Un lieu où les patients peuvent mettre à l’épreuve la fiabilité de soignants à prendre réellement en compte leur parole, à mettre en acte leur dire et à ne pas « se payer de mots ». Le fait de ne pas se dérober, et même de s’offrir à la discussion, malgré quelquefois l’envahissement du délire de chacun, nous a permis d’accueillir une demande que je n’aurais probablement pas pu supporter auparavant. Les patients ont demandé à venir aux mobilisations des 39, aux meetings où ils ont pris la parole. Quelquefois de façon brillante, mais toujours de façon sensible émouvante et courageuse. Vous savez que dans ce mouvement ils en sont venus pour quelques-uns à créer une association indépendante « HUMAPSY » qui se réunit régulièrement, est invitée à faire des conférences dans IRTS, des facs de psycho, autrement dit dans une position de formateurs pour des soignants etc… Vous pourrez trouver leur blog sur internet. Ils défendent leur point de vue, et très logiquement la PI et la psychanalyse puisqu’ils en ont fait l’expérience et sont nos meilleurs ambassadeurs auprès des autres soignants, et des collectifs de patients qui étaient jusqu’alors résolument hostiles à la psychiatrie et à la psychanalyse. Nous sommes au contraire maintenant dans un rassemblement inédit lors des auditions à l’Assemblée nationale et au Sénat…
Cette émergence me parait bien sûr tributaire du transfert, des transferts multiples, mais aussi des franchissements de frontières qui jusqu’alors paraissaient infranchissables. Je n’en prône pas pour autant l’abolition des frontières mais bien plutôt la posture revendiquée de se situer à la frontière comme passeurs et contrebandiers. Dans le contexte de plus en plus difficile que nous connaissons d’hypercontrôle et de certification, d’aliénation massive aux protocoles qui sévissent de partout, je remarque que notre travail n’a jamais été aussi vivant. Cela ne signifie aucunement la trouvaille mensongère d’une harmonie, mais l’efficace de la méthode et de la confiance dans le transfert pour surmonter les moments de crise inévitables, les passages à l’acte que nous tentons d’accueillir pour qu’ils deviennent des acting out.

Je suis persuadé que cette méthode clinique et cette éthique s’effondreraient rapidement sans cette posture militante qui a construit la psychiatrie depuis la 2° guerre mondiale.
Encore s’agit-il de la transmettre, et de former dans et par le transfert les jeunes qui arrivent et se risquent à la rencontre. Cela suppose une volonté, une construction de dispositifs de formation, par exemple les stages que nous avons développé, mais en premier lieu un dessaisissement pour laisser la possibilité d’une réappropriation qui pourra en passer par des moments d’opposition créative qu’il s’agira d’accueillir et de dialectiser.
Comment transmettre autrement cet enseignement de la folie ?

Patrick Chemla
Marseille le 11 octobre 2013

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> Quelle hospitalité pour les autistes ?

Quelle hospitalité pour les autistes ?

Ce texte polémique, et initialement présenté lors du meeting du 1° Juin 2013 concluant les Assises citoyennes pour l’hospitalité dans la psychiatrie et le médicosocial, s’inscrit dans une interlocution avec les intervenants qui avaient précédé : Laure Murat, Pierre Dardot et Jean Oury.
Ceux-ci ayant très largement « déblayé le terrain » et éclairci la situation, je renvoie chacun à leurs propos déjà publiés pour deux d’entre eux : Laure Murat et Pierre Dardot.
Ce qui nous a choqués et déterminés en toute hâte à modifier l’organisation de ces Assises pour provoquer ce meeting unitaire, se trouve déployé et précisé dans leur analyse critique de la rhétorique et des enjeux politiques du plan Autisme 2013, dans son écart et son articulation étrange avec les propos publics de Marie Arlette Carlotti insultant, en tant que ministre, les pratiques s’appuyant sur la psychanalyse.

Oui il s’agit d’une entreprise délibérée et explicite d’exclure la psychanalyse et la Psychothérapie Institutionnelle, autrement dit tout un champ du savoir humain qui a construit notre modernité, pour laisser place à un mode de pensée et d’action réducteur et exclusif, un véritable rouleau-compresseur qu’il s’agit de stopper.
Oui les recommandations de la HAS contre laquelle nous nous insurgions lors de notre précédent meeting le 17 Mars 2012 à Montreuil, constituent le pivot de ce plan qui prend prétexte de la détresse des familles pour imposer un dispositif extrêmement construit à tous les niveaux. Un monstre bureaucratique qui s’impose, remarquons le par la menace, mais aussi et surtout par les processus de formatage des « soignants », qui deviendraient, s’ils obéissent à de telles procédures, de simples « exécutants aux ordres ». Et qui seraient à chaque étape évalués, contrôlés par toute une série de supervisions et de certifications dont on voit aujourd’hui ouvertement l’aspect intrusif dans les pratiques de chacun. Nous avons critiqué depuis nos débuts ces processus de certification s’avançant au nom du bien et prétendant garantir les prétendues « bonnes pratiques » en s’en tenant prétendument à la forme. Nombre d’entre nous s’épuisent chaque jour à tenter de traduire leur travail dans cette novlangue appauvrissante, puisque nous sommes contraints à passer sous les fourches caudines des certifications si nous voulons continuer à faire notre travail soignant en institution.

Aujourd’hui un masque tombe bruyamment : ces certifications vont intervenir explicitement sur le fond, c’est-à-dire sur la relation soignante, sur la prise en charge avec ce qu’elle suppose à chaque fois de prise en compte de la singularité, avec aussi la part d’invention et de création qui fait la difficulté mais aussi la richesse passionnante de nos métiers. Nous travaillons avec des personnes prises dans une histoire sur plusieurs générations, un réseau de relations humaines et sociales, et aucune approche de cette complexité ne peut prétendre être univoque et s’imposer à tous et en toutes circonstances.

Ainsi un certain nombre d’entre nous, et j’en suis, construisent leur pratique en s’appuyant sur la psychanalyse et la Psychothérapie Institutionnelle, mais il ne nous viendrait pas à l’idée d’en faire une approche exclusive !

Et nous nous insurgerions de la même manière contre une telle prétention totalitaire !
De plus face à la grande détresse de ceux que nous accueillons, qui oserait prétendre que des abords multidimensionnels ne sont pas indispensables ?
Chaque jour il m’arrive de prescrire des psychotropes, même si j’essaie d’en faire un usage bien tempéré, pour pouvoir apaiser la trop grande souffrance, chercher le contact, le garder et nouer des relations de confiance préalables à toute possibilité de soin relationnel.
C’est cette posture se réclamant des lois de l’hospitalité qui nous parait le soubassement, le socle d’une psychiatrie à reconstruire sans négliger aucun des apports de la biologie, des sciences sociales, de la philosophie etc…
Cette liste n’est pas limitative par principe, et c’est cet hétérogène-Jean Oury le définit comme un hétéroclite travaillé- qu’il est toujours indispensable de maintenir comme un ouvert riche de potentialités.

On m’a appris à la Faculté de médecine, il y a déjà longtemps à prescrire, mais ce que j’ai appris de réellement opératoire s’est effectué sur le terrain, au contact des équipes avec lesquelles j’ai travaillé, avec les patients qui ont été mes vrais maitres en psychiatrie dans les espaces de vie quotidienne et de club thérapeutique. C’est toute la dimension d’un Collectif de travail qui inclut tous ceux qui concourent aux soins, mais aussi les patients qui peuvent, si on leur en donne la possibilité, participer de la construction de l’espace thérapeutique.
Ce propos pourrait paraitre utopique si je ne vivais pas quotidiennement cette pratique, comme tous ceux qui s’engagent à leur manière à chaque fois particulière dans cet enjeu d’un soin relationnel qui constitue le lieu de la « fabrique du soin », celui où nous pouvons rencontrer l’autre. Et cela vaut pour le collectif comme pour les rencontres apparemment les plus individuelles.
Or ce plan autisme 2013, et ces recommandations de la Has sont exactement antagoniques à tous ces préalables nécessaires pour construire un tel espace thérapeutique. D’autres que moi, je pense bien sûr en premier lieu à Pierre Delion, ont pu montrer le caractère opératoire d’une « psychiatrie intégrative » avec les personnes souffrant d’autisme ; et pour lesquelles les soignants usent de toutes les possibilités en leurs moyens pour entrer en contact, réduire la souffrance et les automutilations, aider la personne à l’accès au langage et aux acquisitions.
Il est complétement absurde d’opposer psychanalyse et éducation : Anna Freud, Françoise Dolto pour parler des plus célèbres ont consacré leur vie à tenter d’articuler ces approches hétérogènes et complémentaires.

Et quand nous travaillons avec des patients désinsérés par leur maladie, pour retrouver un logement qu’ils puissent habiter, au sens fort de ce terme, quand nous les aidons à gérer leur budget et à s’inscrire dans des échanges sociaux, quand nous partageons avec eux des moments de vie quotidienne, des repas ou des fêtes, nous travaillons dans une complexité de registres qui interdit toute prétention à une vérité exclusive. Aujourd’hui on nous présente une Vérité d’Etat garantie par la HAS qui prétend s’appuyer sur des avancées scientifiques et même sur une recherche dont on connaitrait par avance les résultats ! On n’avait jamais rien lu d’aussi grandiose depuis l’époque du génial camarade Staline !
Or cette Vérité Ultime et exclusive se trouve dans le plan « fédérée » explicitement par la fondation Fondamental, que le film de Philippe Borrel (« Un monde sans fous ») nous avait montrée dans sa fondation entre des politiciens de droite, des bio-psychiatres quelque peu fanatiques, et quelques savants qui paraissaient bien illuminés…
Il semble bien hélas que cette Fondation ait donc pris le pouvoir sur toute une partie de l’appareil d’Etat au point de lui dicter un plan totalement calqué sur ses positions et son appareil de formatage.

Il semble aussi que la gauche de gouvernement se soit laissée convaincre par ce discours pseudoscientifique que les meilleurs chercheurs en neuroscience ont pourtant déjà démonté : qu’on se rappelle entre autres les contributions de François Gonon et de André Coret lors du meeting de Montreuil ainsi que pendant ces Assises, leurs publications lisibles par toute personne souhaitant s’informer de l’état de la science! Et de l’imposture de la psychiatrie qualifiée de « bulle spéculative » par François Gonon dans la revue Esprit de novembre 2011.
Il faut aussi insister sur un point crucial : il ne s’agit en aucune manière pour nous de proposer un retournement en mettant une autre orientation, telle la psychanalyse actuellement désignée comme un épouvantail, en position de vérité ultime. Un tel retournement laisserait intacte cette idée totalitaire d’une Vérité d’Etat, alors qu’il faudrait préconiser la plus large ouverture à la recherche et à l’inventivité dans le soin et la formation.

Et nous serions enchantés d’ailleurs que des avancées pratiques se produisent dans le domaine biologique : mais pour le moment cela reste de l’ordre de l’imposture, comme nous avions pu le lire et le dénoncer dans le préambule de la loi du 5 Juillet, avec ces médicaments antipsychotiques qui prétendent de façon mensongère en finir avec le « déni des troubles », voire en finir avec la folie !
Pour autant certains patients, certaines familles ne veulent en aucune manière d’une thérapie s’appuyant sur la parole, et il s’agit absolument de respecter cette possibilité : car la thérapie forcée, la parole imposée c’est aussi totalitaire voire plus que les médicaments sous contrainte en ambulatoire !
Ce qu’il s’agit de soutenir : c’est la possibilité la plus grande de choix pour les patients, les familles et les professionnels. Un choix éclairé par un autre discours que celui de la propagande des laboratoires pharmaceutiques qui trame et finance cette HAS dont les décisions sont contestées dans bien d’autres domaines : maladie d’Alzheimer, taux de cholestérol etc… en vue de prescrire des médicaments aussi couteux qu’inefficaces ou dangereux.

Des collègues médecins ont contesté ces recommandations et ont eu à plusieurs reprises gain de cause : ainsi l’association des psychiatres d’intersecteurs (l’API) a refusé récemment de produire une recommandation sur « le syndrome d’hyperactivité chez l’enfant » en arguant de l’inexistence d’une telle entité inventée essentiellement pour prescrire de la ritaline à un enfant sur 10 aux USA.
Il nous est donc possible de contester et même de récuser des recommandations purement idéologiques de cette HAS, dans la mesure où elles sont absolument non scientifiques contrairement à ce qu’elles prétendent, et qu’elles vont à l’opposé de tout ce qui fait la richesse et la diversité de notre clinique et de la réalité psychique de chaque personne.
Autrement dit il ne faut pas laisser passer les déclarations démagogiques d’une ministre sous prétexte qu’elles recevraient l’assentiment d’une partie des familles. D’autres groupes de familles, comme l’association « la main à l’oreille » mènent le combat à nos côtés, et à leur manière, pour des soins ouverts et de qualité : au nom de quoi ces familles ne mériteraient-elles pas d’être reconnues et prises en considération ?

La démocratie ne consiste certainement pas à écraser les minoritaires sous le poids du plus grand nombre, et « d’homogénéiser » les pratiques pour que tout soit conforme à une norme d’Etat.
Nous savons depuis le 9 Mars 2012 la volonté, déclarée dans le journal l’Express, du président de la HAS de généraliser ses « recommandations » à tout le champ psychopathologique : aujourd’hui l’autisme, demain les bipolaires et les schizophrènes …

Il suffira à chaque fois de prétendre à une pseudo-découverte scientifique pour vouloir imposer un traitement formaté des patients considérés comme un tas de molécules et de neurones !
Répétons-le une fois de plus : quand bien même des troubles génétiques, biologiques seraient avérés dans une pathologie mentale, cela ne signifierait en aucune manière que la personne en souffrance serait dépourvue de vie psychique et d’inconscient. Ou alors nous nous dirigerions tout droit vers ce que Tony Lainé appelait en son temps une psychiatrie animalière, une zoo-psychiatrie.
Pour toutes ces raisons, et pour bien d’autres, il est important de nous mobiliser ensemble contre ce plan qui est lourd de menaces cette fois tout à fait explicites. C’est toute la possibilité des soins psychiques qui se trouve mise en danger par un tel dispositif qui marque le début d’une destruction organisée d’une psychiatrie fondée sur des valeurs humaines de solidarité et d’hospitalité.
Il est essentiel enfin que soient promus des lieux d’accueil pour les personnes autistes, ce qui implique en premier lieu des moyens, mais surtout la nécessité d’une politique de soins tenant compte de l’infinie diversité des situations et de l’articulation indispensable des différentes approches thérapeutiques et éducatives existantes et à venir.

Pour le Collectif des 39
Dr Patrick Chemla
Psychiatre et psychanalyste, chef de service,
Centre Antonin Artaud Reims
Juin 2013

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> Quelques réflexions à partir du troisième plan autisme

Le troisième plan autisme paru ce mois de Mai 2013 est un pur produit de la pensée novlangue, dicté par des opposants farouches à la psychanalyse et à la pédopsychiatrie de service public. Son contenu est rempli de « non surprises » et aurait très bien pu être annoncé par Valérie Létard dans le gouvernement précédent. Là, c’est pire encore que ce que l’on aurait pu imaginer, puisque les politiques que nous avons élus se comportent en porte paroles d’un seul point de vue, sans compter les commentaires indignes que madame la ministre des handicapés a tenu à l’occasion de sa sortie, entourant cet événement d’une nouvelle atmosphère de chasse aux sorcières dont nous n’avions absolument pas besoin.
Ne pouvant évidemment reprendre l’ensemble de ce document, je souhaite évoquer quelques points particuliers qui m’ont parus révélateurs d’un climat de vil règlement de compte plutôt qu’annonciateurs d’une nouvelle alliance des différents praticiens, nécessaire à la prise en charge des enfants concernés et au soutien de leurs parents.

La pédopsychiatrie de service public, en charge des problèmes sanitaires des enfants autistes n’existe tout simplement plus dans le rapport, et la psychiatrie de secteur, invention dont la France peut s’enorgueillir à juste titre n’est citée qu’une seule fois, et encore, en tant qu’ « équipe hospitalière de pédopsychiatrie ». Les enfants autistes et leurs parents iront dans les CAMSP et les CMPP, parfois dans les établissements médicosociaux, mais n’iront pas voir le pédopsychiatre de secteur dans son CMP, alors que la psychiatrie de secteur est toujours la modalité légale d’organisation de la psychiatrie française, et que cette pathologie infantile est encore, pour combien de temps, du ressort de cette spécialité médicale, et enseignée dans les facultés de médecine par les professeurs de pédopsychiatrie.

Sous le couvert d’un libéralisme de bon aloi, la recherche, qui semble un axe essentiel pour nous tous, suit une ligne en contradiction avec tout projet scientifique : il est déjà précisé à l’avance ce que les chercheurs doivent trouver, des étiologies génétiques et des marqueurs biologiques, avant même d’avoir envisagé l’ensemble des pistes à suivre, notamment épigénétiques, voire évoqué leur complémentarité avec les premières. Certaines de ces hypothèses sont purement et simplement niées et passées sous silence, ce qui est une autre manière de définitivement condamner leur existence même, tandis que d’autres sont déjà présentées comme des résultats scientifiques avérés, alors qu’ils ne le sont pas.

La prévention à dix huit mois est présentée comme un scoop qui devrait enfin venir réparer les dégâts faits par « les pédopsychiatres, infiltrés par la psychanalyse depuis quarante ans » (commentaires de la ministre des handicapés), qui en ont empêché la mise en place. Tous les travaux en langue française parus à ce sujet sont tout simplement passés sous silence une fois encore, alors qu’ils contiennent de nombreuses recherches, pratiques et résultats précieux à ce propos. De plus, la question n’est pas si simple que le plan nous l’annonce, car plusieurs diagnostics sont possibles lorsque le pédopsychiatre se trouve devant un tableau de syndrome autistique survenant chez un bébé, et il est alors difficile d’annoncer un diagnostic d’autisme à des parents quand, quelques mois plus tard, il s’avère qu’il s’agissait en réalité d’une dépression grave, d’un trouble sensoriel ou d’une déficience. Ceux qui n’ont pas rencontré dans leur pratique ces problématiques peuvent facilement donner des leçons de prévention générale !

Les TED/TSA doivent tous emprunter le chemin de l’école. Soit ! La loi de 2005 est certes généreuse, mais le gouvernement qui l’a fait voter a simplement oublié de fournir les moyens ad hoc pour faire vivre ce bel effort d’inclusion. La psychiatrie de secteur a toujours joué l’intégration scolaire lorsqu’elle était possible, et a soutenu les enseignants et les parents pour la réussir. Mais où sont les moyens pour inclure à l’école tous les enfants concernés ? Les enseignants ont-ils été invités à donner leur avis sur cette politique intéressante mais nécessitant d’autres aménagements que les seules injonctions parentales en appui sur une loi sans moyen de l’appliquer ? Pour ma part, j’enseigne depuis de nombreuses années à mes étudiants en médecine et à tous les professionnels concernés par l’autisme que le trépied sur lequel repose la prise en charge des enfants TED/TSA est : « l’éducatif toujours, le pédagogique si possible et le thérapeutique si nécessaire ». Mais la formulation « le pédagogique si possible » ne vaut que si d’autres formules sont trouvées pour les enfants qui ne peuvent en bénéficier, et notamment les établissements du médicosocial (IME), ainsi que les hôpitaux de jour qui doivent apporter à l’enfant une possibilité pédagogique en rapport avec leur niveau cognitif.

Autre inconvénient majeur : l’extension du modèle TED/TSA à toutes les pathologies développementales des enfants, et notamment aux enfants appelés « dysharmoniques » par Misès, qui sont désormais recouvertes par la catégorie TED Non Spécifiés (TEDNOS). Si la prise en charge des premiers peut être améliorée par les recommandations HAS ANESM (et encore faudrait-il se mettre d’accord sur les dérapages interprétatifs des résultats statistiques exposés, et épinglés par l’éditorial de la revue Prescrire d’avril 2013), il n’en est rien des seconds, alors que leur prévalence est nettement supérieure à celle des premiers. Il s’agit, ni plus ni moins d’une OPA sur l’ensemble des enfants présentant un trouble envahissant du développement et sur leurs parents, pour augmenter le rapport de force en faveur d’une position manichéenne d’exclusion des points de vue différents et des pratiques institutionnelles portées par les équipes de pédopsychiatrie.

Enfin, la référence constante aux recommandations de l’HAS/ANESM est affligeante lorsque l’on sait l’écart qui existe entre les prétentions scientifiques qu’elles affichent et la réalité de leurs résultats objectifs.

Voilà déjà quelques éléments que je peux livrer à votre réflexion pour montrer en quoi les troisième plan autisme est en fait une injonction destinée à détourner les moyens d’une pédopsychiatrie de service public jetée aux orties par ses propres ministres de tutelle, vers des pratiques prônées comme efficaces, sans prendre en compte la plus élémentaires des réalités : si certains enfants autistes n’ont besoin que de pratiques éducatives et pédagogiques, d’autres ont également besoin de soutiens thérapeutiques du fait de leurs comportements et si le service public n’existe plus ce ne sont pas les quelques places de « répit » qui sont créées qui vont répondre aux problèmes posés par les psychopathologies autistique et psychotique, notamment en cas de « comportements-problèmes ».

Mais je souhaite reprendre rapidement quelques étapes de l’histoire récente des enfants autistes pour mieux éclairer les positions scandaleuses exposées par la ministre des handicapés à l’occasion de la sortie du troisième plan, qui montrent à l’envi sa méconnaissance du problème qu’elle prétend traiter.

L’autisme décrit en 1943 par Kanner constituera le point de départ d’une prise en considération scientifique médicale des enfants concernés. Les secteurs de pédopsychiatrie créés en 1972, et la pédopsychiatrie universitaire en 1973, permettront de développer des structures de soins adaptés à ces pathologies infantiles, notamment par la création du concept d’hôpital de jour. Ce dispositif permet à l’enfant de venir se soigner et d’apprendre dans la journée sur des horaires comparables à ceux de l’école et ensuite à rentrer chez ses parents. A l’époque, seules les équipes de pédopsychiatrie se mobilisent pour prendre en charge ces enfants. Mais le manque de moyens suffisants et les réticences de certains psychanalystes n’ayant pas pris suffisamment en considération les caractéristiques de ces pathologies archaïques ne donnent pas à ces équipes la possibilité de développer davantage ces prises en charge en intégrant les aspects éducatifs et pédagogiques, autant qu’il aurait fallu. C’est l’époque des orientations de nombreux enfants vers le médicosocial. Les pédopsychiatres plaident pour une plus grande intégration à l’école, mais le temps d’une loi allant dans ce sens n’est pas encore venu. Toutefois, un certain nombre d’équipes ouvertes commencent à articuler les approches éducatives, pédagogiques et thérapeutiques (Jacques Constant en sera un pionnier à Chartres avec Catherine Milcent). Simone Veil va alors déclencher un mouvement à partir du politique et sur la demande de nombreuses familles qui ne trouvent pas de réponses pertinentes pour leur enfant. Un mouvement va ainsi se développer sous le nom de pédopsychiatrie intégrative, et permettre à de nombreuses équipes de pédopsychiatrie de se réformer pour aller dans ce sens des complémentarités nécessaires en fonction de chaque enfant.
Dans la période plus récente, des attaques dirigées vers certaines techniques (packing, pataugeoire, psychothérapie) sont organisées par certaines associations de parents et visent à sensibiliser l’opinion publique en recourant à des méthodes de désinformation très élaborées mais indignes de notre démocratie. Des députés de droite comme de gauche se mettent en tête d’interdire la psychanalyse dans l’autisme. Le sommet sera atteint dans les recommandations de l’HAS parues en mars 2012. Si certaines parties de ce texte sont intéressantes et acceptables de façon consensuelle, la partie concernant les prises en charge est un véritable traquenard intellectuel puisqu’elle prétend s’appuyer sur ces considérations scientifiques, alors que la preuve est faite depuis qu’il n’en est rien. Si la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle sont jugées non consensuelles, et à ce titre disqualifiées de fait, la packing se voit interdit sauf dans le cadre de la recherche que je mène à Lille dans le cadre d’un PHRC accepté sur le plan scientifique par le ministère de la santé et de la recherche et sur le plan éthique par la commission de protection des personnes (CPP).
Le troisième plan autisme paraît alors que la majorité politique a changé et que nous attendions de la nouvelle majorité une capacité à dépasser ces conflits délétères pour enfin partir sur des bases redéfinies dans un esprit d’ouverture et de complémentarité. Il n’en a rien été, et nous voyons se déployer sous nos yeux, les triomphes ordinaires du lobbying des plus forts et des plus organisés alliés à ceux d’une démagogie jamais encore atteinte, surfant sans problème sur la souffrance des familles.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à une problématique complexe qui peut être éclairée par plusieurs niveaux d’analyse.
Tout d’abord, au niveau sociétal, le procès en sorcellerie fait à la psychanalyse devrait être instruit contre des psychanalystes qui n’ont pas su accueillir avec le respect humain que l’on doit dans nos métiers aux personnes qui souffrent psychiquement. Lorsqu’un patient se plaint d’un chirurgien, fait-il un procès à la chirurgie ? Ceux qui payent aujourd’hui injustement cette haine ne font que tenter dans leurs pratiques, chacun à leur manière, non pas de psychanalyser les enfants autistes, mais d’utiliser les conceptions psychanalytiques dans leurs réflexions et leurs pratiques relationnelles autour des enfants autistes, et quand la possibilité se présente, d’adapter les dispositifs de soins en tenant compte de ces avancées dans la prise en charge, et ce, toujours en alliance avec les parents. Si la psychanalyse a été importante dans la formation de nombreux pédopsychiatres, en aucun cas elle n’a été la seule, et beaucoup d’entre nous tentons d’articuler les hypothèses neuroscientifiques avec les hypothèses psychopathologiques dans le cadre des secteurs de pédopsychiatrie.
Ensuite, sur le plan politique, le passage progressif, trop rapide à mes yeux, d’une démocratie participative à une démocratie médiatique, met sur le marché informatif beaucoup d’éléments qui se présentent comme scientifiques alors qu’il n’en est rien. Nous savons que les discussions sur des sujets comme l’autisme deviennent volontiers passionnelles. Et le circuit des pseudo-discussions sur les forums qui sont « occupés » par des groupes bien organisés pour en saturer les contenus n’est pas de nature à favoriser une vraie dispute au sens scientifique du terme. Les attaques « ad hominem » remplacent les arguments scientifiques, et je sors d’un combat sur le packing où j’ai pu mesurer à quel point la passion destructrice tient souvent lieu de pensée. En fait il s’agit probablement d’une défense contre l’angoisse qui consiste à relayer ad libitum, sur le modèle de la publicité, les messages destructeurs pour terrasser l’adversaire intellectuel, ce qui évite d’avoir à penser soi-même.
Enfin, la surdétermination économique ne fait pas de doute dans ce conflit majeur actuel. Il me semble qu’il serait intéressant de la part des politiques de dire qu’ils disposent de telle somme pour résoudre la question des TED/TSA, et qu’il faut se mettre autour d’une table pour répartir la mise après des discussions démocratiquement organisées. Or ils ont choisi de désigner un bouc émissaire, le service public de pédopsychiatrie, de le disqualifier, de le détruire et pour y arriver d’utiliser toutes les armes, mêmes celles qui ne sont pas autorisées, pour lui prendre ses crédits, et les « transférer » à ceux qui se présentent comme les « vrais scientifiques ». Pas de chance pour nous, nous incarnons le bouc émissaire, et cet appel au lynchage que la ministre des handicapés a organisé à l’occasion de la sortie du troisième plan n’est pas digne de nos démocraties.

Nous devons faire savoir qu’il s’agit d’une imposture, et nous devons continuer à suivre notre chemin des complémentarités nécessaires dans ce domaine de l’autisme, comme dans tous ceux des sciences médicales dans lesquelles la souffrance ne se réduit jamais à la solution d’une équation mathématique.

Villejuif, 31 mai et 1er juin 2013
Quelques réflexions à partir du troisième plan autisme
Pierre Delion

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Soutien de Mme A. Hazan Maire de Reims

Mesdames et messieurs,

Retenue à Reims pour l’organisation des Fêtes Johanniques, je ne peux être présente aujourd’hui à vos côtés, à mon grand regret. J’ai néanmoins souhaité vous transmettre ce message par lequel je tiens à renouveler une nouvelle fois mon soutien au « Collectif des 39 » et aux actions qu’il porte.

Cela fait maintenant de nombreuses années que la psychiatrie française est au cœur de la tourmente. Cela fait des années que la possibilité même du soin psychique est malmené, que le personnel soignant est humilié et les patients atteints dans leur dignité.

Aujourd’hui, nous sommes enfin sortis d’une longue période douloureuse, marquée à mes yeux par le terrible et intolérable discours de l’ancien Président de la République, prononcé à Antony en décembre 2008.

Le pacte républicain qui fonde la France est fondé sur une idée simple : que chaque citoyen de ce pays, peu importent ses origines, son handicap, sa situation sociale, sa condition sanitaire, chaque citoyen possède ce droit le plus immédiat qui est celui de la reconnaissance de son humanité.
La valeur qui nous rassemble, la valeur qui fait société : c’est l’égalité.

Or cette égalité est trop souvent remise en cause, précisément dans le domaine où elle devrait être la plus protégée : celui de la santé mentale.

Il n’est pas acceptable que des patients atteints de troubles psychiatriques puissent être stigmatisés parce que notre société s’abandonne et se perd dans une idéologie sécuritaire.
Mais il n’est pas plus acceptable que ces mêmes patients ne puissent plus bénéficier d’une prise en charge relationnelle et humaine décente parce qu’adaptée à la situation singulière de chacun.

Je crois que ces Assises Citoyennes sont l’occasion d’appeler encore et toujours à la refondation de la psychiatrie en France. L’occasion de rappeler inlassablement qu’il en va de la dignité humaine et de la lutte contre l’exclusion.

Le nouveau gouvernement doit entendre ce qui se joue ici et prendre la mesure des menaces qui pèsent aujourd’hui sur la possibilité même du soin psychiatrique. Si nous voulons sauvegarder un système de soin fondé sur la solidarité, l’humanité et l’hospitalité, alors il est plus que jamais nécessaire de changer durablement et profondément avec l’idéologie qui a prévalu jusqu’alors.

Soyez assurés de mon entier soutien à cette démarche que nul autre que vous ne porte aujourd’hui avec autant de force et de vigueur.

Adeline Hazan

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L’État n’a pas plus à définir la «vérité historique» que la «vérité scientifique»

L’État n’a pas plus à définir la «vérité historique» que la «vérité scientifique»

06 juin 2013 | Par Les invités de Mediapart – Mediapart.fr

Pour la chercheuse en histoire Laure Murat, quand une ministre dicte ce qui doit être enseigné en matière de traitement de l’autisme, c’est tout aussi choquant que lorsque l’Etat a voulu obliger les historiens à reconnaître le rôle « positif » de la colonisation.

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Il y a un mois, Patrick Chemla m’a proposé de participer à ces Assises et m’a demandé si, à titre d’historienne (et plus spécialement d’historienne de la psychiatrie), j’aurais été intéressée d’intervenir à propos du Troisième Plan Autisme. Comme beaucoup, j’avais été choquée par les propos de Mme Carlotti condamnant la psychanalyse au profit des « méthodes qui marchent », précisant : « Que les choses soient claires : n’auront les moyens pour agir que les établissements qui travailleront dans le sens où nous leur demanderons de travailler » (Le Monde, 2 mai 2013). Cette phrase, qui a été beaucoup reprise – à juste titre –, est d’autant plus frappante qu’elle dit haut et fort ce que le rapport s’évertue à diffuser mais de façon beaucoup plus perverse, comme l’eau qui dort, sans l’énoncer une seule fois.
N’étant ni médecin, ni psychiatre, je n’ai aucune qualification pour me prononcer sur l’autisme. Mais je suis professeure à l’université et le rapport aborde précisément l’enseignement et la recherche, domaines sur lesquels je me concentrerai, en prenant soin de distinguer le discours implicite du discours explicite – la langue de la bureaucratie requérant d’autant plus d’attention du point de vue rhétorique que sa médiocrité poétique, souvent lénifiante, est, contrairement à ce qu’on pourrait croire, très élaborée et très signifiante politiquement.

On peine en général à juger des textes qui, en apparence, ne se réclament d’aucune théorie. Mais c’est oublier que l’absence de théorie est déjà une théorie. De même, d’un point de vue lexical, l’absence de certains mots est au moins aussi révélatrice que l’emploi répété de certains autres. Que les mots « psychanalyse » ou « psychothérapie », par exemple, ne soient pas prononcés une seule fois sur les 121 pages du Troisième Plan Autisme (2013-2017) me semble plutôt être une revendication idéologique en creux que le fruit d’une étourderie des rédacteurs. Car on sait bien que la réduction au silence est une méthode beaucoup plus efficace qu’une attaque frontale, dont les arguments pourraient être soumis à la discussion et au débat. En parvenant – car c’est une manière de tour de force – à ne citer ni la psychanalyse, ni la psychothérapie institutionnelle, le rapport entérine, comme une évidence, leur disparition de fait dans le paysage intellectuel. Le silence joue ici le même rôle qu’un énoncé performatif, qui « acte » une éradication : ce qui n’est pas nommé n’existe pas – ce que la presse n’aurait peut-être même pas relevé, n’était la déclaration martiale de Mme Carlotti, que j’interprète comme une « gaffe politique », à la limite du lapsus, officialisant ce qu’il fallait stratégiquement continuer à taire.
De même qu’il y a réduction au silence de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle, il y a, dans le rapport, suremploi de certains termes. Le mot « cognitif » (diversement accordé), par exemple, est prononcé vingt-six fois, loin derrière, il est vrai, l’expression « recommandations de la HAS » qui ne compte pas moins de cent huit occurrences.

En gardant ces remarques lexicales en tête, la lecture des passages consacrés à l’enseignement supérieur et à la recherche s’avère d’autant plus éclairante. Je lis par exemple, p. 15 : « (…) les universités ont un rôle important à jouer pour déployer de nouvelles formations respectant les recommandations de la HAS et de l’ANESM. » Et deux phrases plus loin: « Les licences professionnelles permettront aux étudiants de découvrir la diversité des méthodes existantes compatibles avec les recommandations de la HAS et de l’ANESM et de pouvoir ensuite, grâce aux compétences acquises, effectuer les choix adéquats en fonction des besoins spécifiques de chaque situation. Ces licences pourront également favoriser le développement de cursus articulés avec d’autres formations diplômantes, notamment éducateurs spécialisés. » (1)
« Les nouvelles formations respectant les recommandations de la HAS », « la diversité des méthodes existantes compatibles avec les recommandations de la HAS »… Il ne faut pas être grand clerc pour observer que la pluralité affichée des positions (nouvelles formations, diversité des méthodes existantes, besoins spécifiques de chaque situation, développement de cursus) est une pluralité faussée, puisqu’elle est en réalité réduite aux « recommandations de bonne pratique » de la HAS publiées en 2012, qui concluaient à la non-pertinence des interventions fondées sur l’approche psychanalytique et la psychothérapie institutionnelles (2). Prôner la diversité, dans ce cas, c’est donc prôner la diversité dans un seul domaine scientifique, les sciences cognitives et comportementales. C’est un peu comme si je disais vouloir étudier la diversité des couleurs de cheveux… parmi les blonds.

Un même principe préside à la partie consacrée au renforcement de la recherche, mais formulé différemment et, pour tout dire, de façon plus explicite : « Cette action vise à renforcer la recherche sur l’autisme dans le domaine de la biologie, des sciences cognitives, et des sciences humaines et sociales (3). »
Les actions envisagées sont au nombre de quatre :


« 1) Promouvoir la recherche sur les marqueurs précoces et le suivi évolutif de l’autisme (bio-marqueurs, données de l’imagerie cérébrale) en l’articulant à l’analyse clinique, cognitive et comportementale.

2) Promouvoir la recherche sur les mécanismes moléculaires et cellulaires à l’origine de l’autisme.

3) Promouvoir la recherche cognitive sur l’autisme (…) [et, en particulier] développer et affiner divers modèles (theory of mind, etc.)

4) Etudier les dispositifs de remédiation (…) (4) »

Traduction : seules la biologie et les sciences cognitives et comportementales (citées deux fois) peuvent apporter une réponse à l’autisme. Les « divers » modèles étudiés, comme la theory of mind, appartiennent exclusivement à ce même domaine.
Ces deux passages me paraissent exemplaires d’une réflexion à mener sur le rôle et l’intervention de l’Etat dans la formation universitaire et dans la recherche en général, problème qui s’est récemment cristallisé, en Histoire, avec la polémique autour des lois mémorielles. J’en rappellerai rapidement la genèse et les enjeux. Le 12 décembre 2005, Pierre Nora lançait une pétition, « Liberté pour l’histoire », signée entre autres par Pierre Vidal-Naquet, Paul Veyne et Elisabeth Roudinesco. L’appel s’insurgeait contre les procédures judiciaires visant des historiens, dont le travail était entravé par une série de lois (la loi Gayssot, la loi Taubira, la loi du 29 janvier 2001 portant reconnaissance du génocide arménien ou celle du 23 février 2005 demandant au programmes scolaires de reconnaître le « rôle positif de la présence française outre- mer, notamment en Afrique du Nord », etc.), lois qui « ont restreint la liberté de l’historien, lui ont dit, sous peine de sanctions, ce qu’il doit chercher et ce qu’il doit trouver, lui ont prescrit des méthodes et posé des limites. » Le collectif demandait en conséquence « l’abrogation de ces dispositions législatives indignes d’un régime démocratique ». Quelques jours plus tard, un autre collectif, composé entre autres de Serge Klarsfeld et de Claude Lanzmann, lançait une contre-proposition intitulée : « Ne mélangeons pas tout », qui affirmait entre autres, à propos de la loi Gayssot dont le maintien était réclamé : « Le législateur ne s’est pas immiscé sur le territoire de l’historien. Il s’y est adossé pour limiter les dénis afférents à ces sujets historiques très spécifiques, qui comportent une dimension criminelle, et qui font en tant que tels l’objet de tentatives politiques de travestissements. »

Lorsque le pouvoir interdit l’enseignement du négationnisme à l’université, est-ce choquant? Lorsque le pouvoir autorise (dans certaine universités américaines) l’enseignement du créationnisme réfutant Darwin, est-ce choquant ? Y aurait-il une bonne et une mauvaise ingérence ? Ou est-ce l’ingérence qu’il faut condamner par principe ? Ces questions me semblent facilement transposables à l’objet qui nous occupe. Car l’État n’a pas plus à définir la « vérité historique » que la « vérité scientifique ». Que l’Etat donne un certain nombre de grandes orientations ne me paraît pas choquant en soi. Mais qu’il réduise à la source et de facto la formation et la recherche à un seul ensemble de propositions (ici, les sciences cognitives et comportementales, à l’exclusion de toutes les autres, comme l’a bien rappelé Mme Carlotti) me paraît très grave. Car c’est, d’une part, condamner la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle à n’être aussi « valides » que le négationnisme ou aussi farfelues que le créationnisme. Et c’est, d’autre part, accorder à la HAS un pouvoir d’autant plus exorbitant que son infaillibilité est un peu comme celle du pape : elle n’a toujours pas été prouvée scientifiquement. Je vous rappelle en passant que dans un communiqué du 20 mai 2011, par exemple, la HAS annonçait un retrait « spontané » de ses recommandations pour la maladie d’Alzheimer : sur les 25 experts ayant élaboré lesdites recommandations, 3 n’avaient pas fait de déclaration publique d’intérêt ; plus embêtant, sur les 22 autres, 11 étaient accusés de conflit d’intérêt « compte tenu des liens étroits que les expert(e)s entretenaient avec les laboratoires chargés de la fabrication et de la commercialisation des produits médicamenteux » du traitement de la maladie (lire ici)

Que ce soit cette instance-là précisément qui dicte les orientations de la recherche (puisqu’on a compris grâce à Mme Carlotti que ces recommandations étaient en réalité des sommations) me paraît, oui, tout aussi choquant que lorsque l’Etat a voulu obliger les historiens à reconnaître le rôle « positif » de la colonisation (loi du 23 février 2005). À cette époque, Christiane Taubira s’était exprimée pour juger la loi « désastreuse » car « catégorielle ». En 2001, la loi Taubira, précisément, demandait pourtant à ce que la traite des Noirs soit inscrite dans les programmes mais (et la différence est cruciale) n’imposait en aucune façon la manière dont les enseignants devaient en parler.

Le plébiscite exclusif des sciences cognitives et comportementales du Troisième Plan Autisme me paraît comparable à ces oukazes officiels en ceci qu’il impose une orientation scientifique qualifiée de seule « positive », et limite ainsi la recherche c’est-à-dire l’appauvrit. Après la proposition de loi du député UMP Daniel Fasquelle en janvier 2012 appelant à une interdiction pure et simple de la psychanalyse dans le traitement de l’autisme, il est très regrettable que soit entériné si vite ce qu’il faut bien appeler la victoire d’un lobby, au mépris des règles élémentaires qui président à tout travail intellectuel.

Laure Murat,
chercheuse spécialisée dans l’histoire culturelle,
auteur de La Maison du docteur Blanche (2001) prix Goncourt de la biographie
et de Passage de l’Odéon (2003).
Elle a publié en 2006 un essai consacré au ‘troisième sexe’ intitulé La Loi du genre.
Diplômée de l’EHESS et docteur en histoire, elle est professeur au département d’études françaises et francophones de l’université de Californie-Los Angeles.

Texte écrit pour les Assises citoyennes pour l’hospitalité en psychiatrie,
Villejuif, 31 mai-1er juin 2013

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(1) Troisième Plan Autisme (2013-2017), présenté le jeudi 2 mai 2013 par Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, Ministère de la Santé, p. 15.
(2) Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent. Recommandation de bonne pratique, Mars 2012, p. 27. Téléchargeable sur le site de la HAS : http://www.has- sante.fr/portail/jcms/c_1101438/fr/tableau-des-recommandations-de-bonne-pratique
(3) Troisième Plan Autisme (2013-2017), présenté le jeudi 2 mai 2013 par Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, Ministère de la Santé, p. 100.
(4) Ibid. C’est moi qui souligne.

URL source: http://blogs.mediapart.fr/edition/contes-de-la-folie-ordinaire/article/060613/l-etat-n-pas-plus-definir-la-verite-historique-que-la-verite-scientifiq

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Une politique « fondée sur l’évidence scientifique » ?

Une politique « fondée sur l’évidence scientifique » ?
Pierre Dardot

Je reprends à mon compte ce qui vient d’être dit par Jean Oury sur la « bureaucratie exacerbée » :
le Troisième Plan Autisme présenté par Madame Carlotti nous fait respirer d’un bout à l’autre ce que Marx appelait à juste titre en 1843 dans sa Critique du droit politique hégélien, « l’esprit de la bureaucratie ».
« L’esprit de la bureaucratie » : l’expression sonne tout de même étrangement, fera-t-on remarquer, car l’absence d’esprit n’est-elle pas la caractéristique même de la bureaucratie, de toute bureaucratie ? Il y a malgré tout un « esprit de la bureaucratie » : en disant cela, Marx pensait à l’esprit de secret et de mystère de la vieille bureaucratie d’Etat qui se protège à l’intérieur par sa hiérarchie et à l’extérieur par son caractère de société fermée, protégée de la société réelle par ses rites, sa langue, ses procédures de cooptation, bref par tout un « formalisme ». C’est pourquoi il définit la bureaucratie comme le « formalisme d’Etat ».

Que le texte du Plan Autisme soit imprégné jusqu’à saturation de ce formalisme dans sa langue et son écriture, voilà qui n’est pas douteux. Il l’est jusque dans ses moindres formulations, jusque dans son goût immodéré pour les subdivisions mécaniquement reproduites d’une partie à l’autre (I. A. B. 1. 2. 3., etc.), jusque dans ses blancs si méticuleusement mesurés, jusque dans la monotonie affligeante de son lexique (en particulier dans les 37 « Fiches Action » qui occupent à elles seules près de 90 pages sur les 121 que compte ce rapport !), jusque dans son abus de l’abréviation (que l’on songe à l’insupportable attente qui est la nôtre en tant que lecteurs puisque c’est seulement à la page 59 que le sigle « RBP » se substitue enfin à notre plus grand soulagement à l’expression « recommandation de bonnes pratiques » et seulement à la page 68 qu’apparaît le sigle « RBP HAS 2011» !). Pourtant, d’un autre point de vue, il pourrait sembler qu’aujourd’hui, à l’inverse de l’époque de la bureaucratie prussienne, tout est étalé, dit de manière directe et transparente : plus de demi-mots ou de formulations allusives, les objectifs sont ouvertement affichés et, en un sens, jamais les choses n’ont été dites aussi clairement et crument. Il suffit de lire le Plan Autisme III pour s’en convaincre. On affirme dans un passage relatif à la formation des acteurs que « l’autisme est un trouble neuro-développemental » et qu’il est essentiel aux professionnels comme aux familles de le savoir (p. 26). On prescrit à la recherche de s’orienter vers la « découverte de marqueurs biologiques » en arguant du fait que leur identification « pourrait ouvrir la voie » à la connaissance des causes de cette pathologie.
A cette fin, on préconise d’ « inclure » la recherche sur l’autisme dans celle qui est développée dans le domaine des neurosciences, de la psychiatrie, des sciences cognitives et des sciences de l’homme et de la société (p. 21). On attend de l’Association nationale des CRA qu’elle facilite par son action le développement de « pratiques de prise en charge homogènes » (p. 14) et qu’elle permette d’« harmoniser » les pratiques des CRA (p.19). On prévoit de confier à la HAS l’organisation d’une audition publique en vue de « l’élaboration de recommandations de bonne pratique » pour les adultes sur le modèle de celles qui ont été faites pour les enfants (p.15). On invite les étudiants des futures licences professionnelles à découvrir la diversité des méthodes existantes « compatible » avec les RBP de la HAS (p. 28 : le lecteur découvre ainsi le charme discrètement bureaucratique de la « diversité compatible » !). Dès décembre 2012, le rapport du sénateur Milon, administrateur de FondaMental, avait donné le ton et enfoncé le clou en réduisant d’entrée de jeu la psychiatrie à une spécialité médicale qui relève des mêmes « critères d’évaluation » (p. 47) que les autres disciplines médicales et appelle à mots couverts à étendre la « validation scientifique » pour faire pièce à l’intérêt pour la psychanalyse (puisque c’est l’absence de validation qui « renforce l’intérêt pour la psychanalyse », comme l’aveu en est fait à la p. 43 du rapport!).

Je voudrais m’arrêter à une phrase de ce Plan qui me paraît mériter toute notre attention. Elle figure à la page 22, c’est la première phrase du 3. de la partie B du IV consacrée aux « axes prioritaires de la recherche ». Elle dit exactement ceci : « Les politiques de santé publique demeurent au plan international, et également en France, insuffisamment « fondées sur l’évidence » scientifique. » Le scrupule le plus élémentaire m’oblige à préciser que les trois mots « fondées sur l’évidence » sont mis entre guillemets par l’auteur de ce Plan. Il faut lire cette phrase remarquable tant elle résume à elle seule « l’esprit de la bureaucratie ». Les mots placés en italiques « fondées sur l’évidence » renvoient manifestement à l’expression anglaise « evidence based medicine » devenue par abréviation « EBM ». On sait que cette expression a été forgée dans les années 1980 au Canada pour baptiser une pratique qui était déjà entrée en vigueur depuis plusieurs années. Le rapport d’information du sénateur Milon de décembre 2012 déplore à cet égard : « La France a par ailleurs un faible taux de suivi des recommandations internationales, notamment parce que certains praticiens contestent l’evidence based medicine qui fonde les études anglo-saxonnes. Elle paraît à certains praticiens trop abstraite face aux pratiques de la psychiatrie française et au cas singulier de chaque patient » (p. 34).
On admirera au passage le « certains » de certains praticiens et le « paraît » de l’expression « elle paraît ». Cependant là n’est pas le plus important. La phrase citée du Plan joue sur l’équivoque du mot anglais « evidence » et sur la difficulté de rendre exactement en français l’expression anglaise : on convient le plus souvent de parler de « médecine factuelle » ou de « médecine fondée sur des preuves ». Le terme anglais « evidence » peut se traduire tout aussi par « données probantes » que par « preuves » : il fait en tant que tel partie du vocabulaire de l’enquête policière, tout particulièrement de celui de la police scientifique à laquelle il incombe précisément au cours de l’enquête de recueillir et de réunir le maximum de preuves (comme on peut l’apprendre en regardant une série policière américaine). De là la double traduction que l’on rencontre souvent : « médecine factuelle » ou « médecine fondée sur les preuves », selon que l’on privilégie les seules données factuelles ou la force des preuves. Et c’est en ce point que le mot français « évidence » est introduit à point nommé pour s’annexer les sens du mot anglais : en français le mot a le sens de ce qui se voit de soi-même, dans une visibilité immédiate qui contraint l’assentiment de l’esprit. Peu importe que cette introduction soit consciente ou non. Ce qui est symptomatique, c’est l’association implicite de la preuve et de l’évidence qui appartient à une épistémologie dépassée. Il n’est en effet aujourd’hui aucun épistémologue sérieux pour soutenir que la preuve scientifique relève de l’évidence.
La preuve suppose tout un montage, patient, laborieux et souvent collectif, qui n’a rien à voir avec la visitation de l’esprit illuminé par l’éclat insoutenable de la vérité. Une politique « suffisamment » fondée sur l’évidence scientifique, vraiment fondée sur cette évidence, est par conséquent, tout au moins dans l’esprit de ses promoteurs, est une politique qui se déduit directement et immédiatement de certaines « données » ou de certains « faits » qui sont censés valoir comme « preuves » en raison de leur « évidence » même. En affirmant que les politiques de santé publique sont « insuffisamment » fondées sur l’évidence scientifique, on élève implicitement l’exigence que ces mêmes politiques soient entièrement et intégralement fondées sur la dite évidence. Du même coup, puisqu’il est avéré qu’on ne saurait résister à l’évidence, on suspecte toute politique « insuffisamment » fondée sur l’évidence de procéder d’une mauvaise volonté, c’est-à-dire d’une volonté, fut-elle inavouée, de ne pas « se rendre » à l’évidence.

Mais que faut-il penser d’une telle exigence adressée à la politique de santé publique ? On a souvent fait valoir, à bon droit, que la médecine, contrairement à la biologie, est irréductible à la science qu’elle s’incorpore et dont elle se nourrit, si bien que l’on peut s’interroger sur la valeur d’une expertise clinique entièrement fondée sur des preuves : l’expertise clinique, celle que fait et qui fait le clinicien, repose sur un jugement singulier rendu sur un sujet singulier par un sujet singulier, et l’on voit mal qu’elle puisse se déduire directement de l’évidence des preuves. Le propre de l’ « évidence » est justement qu’elle dispense de tout véritable jugement parce qu’elle s’impose immédiatement à l’esprit. C’est pourquoi certains adeptes du paradigme EBM ont eux-mêmes mis en garde contre le danger d’une expertise clinique qui succomberait à la tyrannie de la preuve. Ce qui est vrai de la médecine et du jugement du clinicien est encore plus vrai de la politique et du jugement en vertu duquel une politique est déterminée et conduite. Car la politique n’est pas une espèce de médecine, elle n’est pas une médecine à l’usage de la cité, elle est tout autre chose qu’une médecine. Comment peut-on attendre, espérer ou pis exiger qu’une politique soit entièrement fondée sur l’évidence scientifique ? Par définition la détermination d’une politique, au sens d’une certaine orientation de l’action gouvernementale, par exemple en matière de santé publique, procède d’une activité de délibération et de jugement qui se confond avec la politique elle-même : une politique implique en ce sens toujours un choix entre plusieurs possibles dans une situation donnée, une politique n’est jamais dissociable de la politique comme activité, et c’est précisément en quoi une politique n’est jamais la seule politique possible. L’exigence d’une politique fondée sur l’évidence scientifique c’est l’exigence d’une politique unique qui s’imposerait par la seule « force des choses », c’est-à-dire l’exigence d’une politique qui nous affranchirait de la politique. Il suffit d’écouter Madame Carlotti dire et répéter à propos des méthodes de traitement de l’autisme : « je ne choisis pas », « je ne choisis pas », et ce alors même qu’elle choisit d’exclure la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle au profit des seules approches neurologiques et comportementales. Mais ce choix ne doit pas apparaître dans la mesure où une politique qui se soumet d’elle-même à la tyrannie de la preuve ne peut que se nier comme politique.
Une telle exigence n’est pas à vrai dire tout à fait nouvelle : au début du XIXe siècle le saint-simonisme avait formulé la prédiction d’une proche extinction de la politique comme activité distincte dans la société industrielle. Selon lui, la politique, ou le « gouvernement des hommes », consiste en l’exercice arbitraire du commandement par lequel une volonté cherche à s’imposer à une ou d’autres volontés, alors que l’« administration des choses », qui revient aux savants et aux industriels, est rationnelle parce qu’elle est indexée à la vérité de la science.
La supériorité de l’administration des choses vient de ce qu’on ne saurait résister à la vérité parce qu’elle s’impose d’elle-même sans avoir à commander, précisément par son « évidence ». Que se passe-t-il lorsque le gouvernement, qui est et reste quoiqu’il dise un gouvernement des hommes par des hommes, cherche à substituer au nom de la « vérité scientifique » l’administration des choses au gouvernement des hommes ? Ce qui se met alors en place, ce n’est pas l’administration des choses, parce que celle-ci, aussi efficace soit-elle, ne pourra jamais faire qu’il n’y ait plus d’hommes à gouverner, c’est bien plutôt l’administration des hommes, mieux c’est l’administration des hommes qui traite les hommes comme des choses dont on peut disposer à partir de statistiques et de méthodes d’évaluation interchangeables car profondément indifférentes au sens de leur activité. Mais pour administrer les hommes comme des choses, le gouvernement doit s’interdire d’exercer une contrainte directe et massive, il doit dans la mesure du possible déléguer et transférer à différentes instances le soin de s’acquitter de cette tâche de légitimer son activité d’administration. En d’autres termes, le gouvernement se doit d’organiser sa propre défection. C’est exactement ce qui se passe sous nos yeux : FondaMental se charge d’élaborer la « bonne norme scientifique » en faisant pression sur le gouvernement, de droite comme de gauche, pour qu’il reprenne à son compte sa conception de la « validation scientifique » taillée sur mesure pour avantager la neuropsychiatrie. Il suffit de lire la première partie du rapport Milon pour se rendre compte que cette association est prête à certaines concessions nominales pour continuer de défendre l’essentiel : ce texte ne parle plus de la « santé mentale », comme s’il avait entendu notre critique, notamment celle faite par Mathieu dans sa thèse (il reconnaît ainsi à la page 12 que la santé mentale tend à se confondre avec la capacité d’adaptation à la vie sociale et au « comportement social dominant »), mais il parle d’intégrer la psychiatrie dans une « politique de santé publique ». Fort de cette délégation dans la production de la norme, le gouvernement peut alors installer la HAS dans la fonction de police des bonnes pratiques, ce qui lui permet de se retrancher derrière le paravent d’une instance qu’il a lui-même activement promue au rang d’« autorité scientifique ». C’est tout ce dispositif qui produit l’« évidence scientifique » sur laquelle on voudrait fonder la politique de santé publique alors qu’en réalité elle est fabriquée pour dissuader de toute véritable délibération politique.

Revenons maintenant à cet « esprit de la bureaucratie » dont nous parlions au début. Si la vieille bureaucratie d’Etat était une bureaucratie du mystère et du secret, la nouvelle bureaucratie managériale est une bureaucratie de la transparence gestionnaire. Reste qu’il y a bien un esprit de cette bureaucratie, quelque chose comme un « nouvel esprit de la bureaucratie ». Ce nouvel esprit ne peut prospérer que parce que le politique s’évertue à organiser méthodiquement sa propre défection. L’expansion de la bureaucratie ne résulte pas en effet d’un excès de politique, mais tout au contraire d’un renoncement du politique à la politique. Ce nouvel esprit est de protéger l’Etat de la politique en réduisant l’action gouvernementale à la continuité d’une gestion des populations au-delà de toute alternance gouvernementale, ce qui est la version néolibérale de l’« administration des choses », c’est-à-dire de protéger l’Etat de « toute manifestation publique de l’esprit politique » ou de « l’esprit civique », comme dit encore Marx. Il nous revient dans ces conditions de rappeler activement et publiquement que cet esprit politique ou civique ne peut vivre que dans et par l’hétérogénéité des pratiques et que cette hétérogénéité doit être préservée contre la funeste et mortifère homogénéisation de ces mêmes pratiques sous l’effet d’une police exercée au nom de l’évidence scientifique qui est la négation même de la politique. En ouvrant un espace à la confrontation, à la délibération collective, à l’invention de nouvelles relations, l’hétérogénéité des pratiques sauve la possibilité même de la politique.

Pierre Dardot
Pierre Dardot et Christian Laval La nouvelle raison du monde, essai sur la société néolibérale La Découverte.2009

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ASSISES CITOYENNES pour l’hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social, les 31 mai et 1er juin 2013 à Villejuif

Nous attendons du nouveau Gouvernement, une refondation de la psychiatrie respectueuse des principes républicains et de l’éthique soignante.

Depuis des années, une succession de lois (Plan Juppé, HPST, 5 juillet 2011…) ont attaqué la possibilité du soin psychique, aussi bien en psychiatrie que dans le médico-social. Il en est de même de la relation éducative dans un contexte de cette nature. Ce qui est vécu douloureusement par les soignants, mais aussi par les patients et leurs familles.

La prise en charge relationnelle singulière est remise en cause au profit d’un formatage imposé par l’obligation de se plier à des protocoles élaborés par les « experts » de l’HAS et autres cellules qualités. L’HAS allant jusqu’à vouloir interdire la référence à la Psychothérapie Institutionnelle, alors que c’est de ce mouvement, dans sa diversité, que sont nés le Secteur et les formations de l’éducation spécialisée.

Nous appelons donc à des Assises citoyennes basées sur les témoignages et les expériences de terrain dans les collectifs de soin et les structures médico-sociales pour construire ensemble des propositions de refondation de la psychiatrie et du médico-social inscrites dans une relance et une réinvention de la politique de secteur, dans ses liens avec la psychiatrie privée et l’ensemble des acteurs de la vie sociale.

Ces assises se tiendront les 31 mai et 1er juin 2013.
Espace Congrés les Esselières – 94800 Villejuif
Métro Léo Lagrange (ligne 7)

Demandez le programme : Programme des ASSISES CITOYENNES pour l’hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social

Fiche d’inscription : Fiche d’inscription aux Assises citoyennes

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>Appel pour des assises citoyennes pour l'hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social

Le collectif des 39 et les Ceméa

Organisent les 

ASSISES CITOYENNES POUR L’HOSPITALITE

EN PSYCHIATRIE ET DANS LE MEDICO SOCIAL

31mai et 1er juin 2013 à VILLEJUIF 94

Programme en cours d’élaboration

Une période politique vient enfin de se clôturer avec le départ de Nicolas Sarkozy qui s’était illustré en décembre 2008 par un discours criminalisant les malades mentaux. Cela s’est traduit par les mesures répressives contenues dans la loi du 5 Juillet 2011. Celle loi indigne – que nous avons ardemment combattue aux côtés notamment de l’ensemble des forces syndicales et des partis de gauche – à introduit la pratique de soins sans consentement au domicile du patient, pervertissant profondément la notion même de relation soignante qui ne peut s’instaurer que sur une confiance réciproque qu’il s’agit de construire. Cette loi met aussi bien souvent les familles dans une position intenable de lieu de soin pour des patients trop rapidement sortis de l’hôpital. 

Cette loi a déjà été remise en cause par le Conseil Constitutionnel, mais il ne suffira pas de l’abroger. Nous attendons du nouveau Gouvernement, une refondation de la psychiatrie respectueuse des principes républicains et de l’éthique soignante. Depuis des années, une succession de lois (Plan Juppé, HPST, 5 juillet 2011…) ont attaqué la possibilité du soin psychique aussi bien en psychiatrie que dans le médicosocial. Ce qui est vécu douloureusement par les soignants, mais aussi par les patients et leurs familles. La prise en charge relationnelle singulière est remise en cause au profit d’un formatage imposé par l’obligation de se plier à des protocoles élaborés par les « experts » de l’HAS et autres cellules qualités. L’HAS allant jusqu'à vouloir interdire la référence à la Psychothérapie Institutionnelle, alors que c’est de ce mouvement, dans sa diversité, qu’est né le Secteur !

Il est important aujourd’hui de reprendre une parole qui nous a été confisquée, ou même qui n’a jamais été donnée aux principaux concernés : ceux qui subissant leur maladie doivent aussi supporter la mise au silence, la privation de leurs droits fondamentaux et la réalité d’une ségrégation sociale. Des témoignages révoltants de cette dégradation nous reviennent de toutes parts. Il nous appartient au contraire d’affirmer qu’aujourd’hui d’autres pratiques sont à l’œuvre qu’elles se réclament de la Psychothérapie Institutionnelle, du Désaliénisme, du Secteur, de la Psychanalyse, ou tout simplement d’une conception humaine de la relation soignante. 

La refondation de la psychiatrie ne peut venir des « experts » de l’HAS, mais d’une prise de parole active de tous ceux qui se sentent concernés  dans leur vie:  soignants, patients et familles ; mais aussi artistes et créateurs qui ont pour beaucoup soutenu notre combat dès les premiers instants, et enfin tous les citoyens qui ne peuvent supporter que des lois s’attaquent aux fondements de la République en bafouant les droits de ceux qui mériteraient  au contraire la  protection de la cité. 

Pour cette refondation de la psychiatrie nous aurons à faire l’inventaire de toutes les lois empêchant le soin pour demander leur abolition. Mais aussi à définir les moyens et les formations spécifiques nécessaires pour une psychiatrie centrée sur le soin de personnes en souffrance psychique et non sur la normalisation des conduites et des populations.

Nous appelons donc à des Assises citoyennes basées sur les témoignages et les expériences de terrain dans les collectifs de soin, pour construire ensemble des propositions de refondation de la psychiatrie et du médicosocial inscrites dans une relance et une réinvention de la politique de secteur, dans ses liens avec la psychiatrie privée et  l’ensemble des acteurs de la vie sociale.

sante.mentale@cemea.asso.fr

 

 

Secteur travail social et santé mentale

Tél. : 01 53 26 24 24

Fax : 01 53 26 24 19

 

Espace Congrès des Esselières 94800 Villejuif (Métro Léo Lagrange- ligne 7)

 

 

3 Blvd Chastenet de Géry Rond-point du Général de Gaulle Appel du 18 Juin 1940

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>Après-midi débat le samedi 15 septembre 2012 à 15 h 00

La Fédération des Ateliers de Psychanalyse propose un après-midi débat

 

à la Faculté de Théologie Protestante, 83 boulevard Arago, 75014 Paris Métro : Glacière, Denfert-Rochereau ou Les Gobelins avec Philippe BORREL autour de son film UN MONDE SANS FOUS (documentaire, 2010)

avec la participation de Patrick CHEMLA et Paul MACHTO


"Au cœur du film de Philippe Borel : la place que notre société laisse à la folie. Et, d’entrée de jeu, nous voilà confrontés à cette cruauté banalisée où les patients se retrouvent « jetés hors du monde » (Hanna Arendt), abandonnés à la prison ou à la rue. Le spectre de la mort par délaissement plane ainsi sur tout le film.

Au-delà de l’histoire de la folie écrite magistralement par Michel Foucault, marquée par le grand renfermement, se profile ainsi la perspective nouvelle et terrifiante d’une mise au ban et de « la vie nue », exposée par Agamben dans Homo Sacer.

À l’évidence, ces enjeux éthiques et politiques débordent tout cadre professionnel. Mais quelles sont les implications spécifiques qui reviendraient à tous ceux qui s’inscrivent dans une transmission freudienne ?

Comment imaginer un espace pour la psychanalyse dans un monde qui voudrait taire la folie par tous les moyens possibles, y compris la contrainte à domicile ?

Une telle violence symbolique et réelle est lourde d’une haine de l’inconscient freudien. Cette haine vient maintenant explicitement s’attaquer à toutes les pratiques qui se soutiennent de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle.

La pratique analytique ne pourrait donc s’envisager en dehors d’une critique de son inscription dans le monde, autrement dit, pour reprendre la formulation de Jean Oury, sans poursuivre « l’analyse de l’analyse ».

Analyse sans fin assurément."

SIÈGE SOCIAL 45 rue Sedaine, 75011 Paris Tél. 01 48 06 24 99 – Mail : gendre.dusuzeau@noos.fr

Site : http://www.federation-ateliers-psychanalyse.org/

Patrick CHEMLA


"Le film de Philippe Borrel pose un regard particulièrement pertinent sur les questions qui se posent aujourd’hui dans la société à propos de l’accueil de la folie, des maladies mentales, et par extension de la souffrance psychique, questions sur la place de la psychiatrie, et ce que l’on appelle la « santé mentale ».

Ce documentaire, fruit d’un travail immense et particulièrement approfondi, fut tourné dans le moment si particulier où Nicolas Sarkozy prononça son sinistre discours à Antony en décembre 2008. Ce fut à cette occasion que Philippe Borrel rencontra le Collectif des 39 contre la Nuit Sécuritaire qui venait d’être créé.

Nous sommes confrontés à une régression, prônant un retour au grand renfermement, tournant le dos aux progrès réalisés par la psychiatrie depuis cinquante ans.

La Fédération des Ateliers s’est engagée clairement auprès du Collectif des 39 : participation à plusieurs meetings et forums, communiqués et interventions publiques de plusieurs de ses membres et notamment de sa présidente, Anna Angelopoulos.

En effet, les analystes ont toute leur place dans ce débat, pour y soutenir la place essentielle de la parole, à l’heure où l’idéologie médicale dans sa version la plus scientiste tente de dominer la scène. Les analystes de la Fédération y ont encore plus particulièrement leur place car des discours psychanalytiques, notoirement dogmatiques, ont accompagné si ce n’est suscité, un isolement et un hermétisme notablement préjudiciable, comme on a pu le voir au moment de la polémique stérile sur l’autisme. Ainsi des associations de familles, de patients aussi se sont engouffrés dans cette brèche, et ont accompagné le discrédit de « LA » psychanalyse, attaquée depuis quelques années.

Comme le notait dans Télérama, Marie Cailletet : « Époustouflante enquête, le documentaire explore pas à pas les éléments d'un puzzle qui, en s'imbriquant, font sens. Apparemment sans lien avec la déshérence voulue de la psychiatrie hexagonale, le choix d'un étalonnage mental de la population, du repérage anticipé des « déviances » et du recours aux médicaments pour normaliser se révèle glaçant de cohérence. Mais pour quel monde ?"

Paul MACHTO

(Participation aux frais de location de la salle : 10 €)

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>Résistance, résister : débat le 19 septembre à 19h

Le Mercredi 19 Septembre à 19h

Autour de la revue V.S.T. n°113

« Résistance », « résister » : il en est beaucoup question dans le travail social, et plus largement dans la société civile. Résister à la mise en actes du libéralisme avec la marchandisation du social et du soin, et l’irruption des méthodes managériales stéréotypées dans la gestion des institutions. Résister pour maintenir le centrage sur une clinique du sujet. Qui ne voudrait pas résister ? Reste alors, et ce n’est pas un détail, à savoir comment faire. Seul ? A plusieurs ? Comment ?

Mais résister a aussi un autre sens, moins lyrique. Quand le sujet « résiste » c’est qu’il ne veut pas bouger, centré qu’il est sur ce qui le constitue même si cela l’enferme. Résister c’est donc aussi refuser le changement.

Alors, « résister » : ne rien bouger, jamais ?

Débat avec :

Yves Gigou, collectif des 39

François Chobeaux, rédacteur en chef de VST

Saül Karsz, philosophe, sociologue

Autour de la revue V.S.T.

« VST est une revue associative et militante au croisement du champ social et la santé mentale. Elle s’adresse aux professionnels, aux bénévoles et aux militants de ces deux secteurs, en leur proposant d’être un lieu de confrontation critique et d’élaboration collective face à la pesanteur des tendances traditionnelles réduisant le travail psychothérapique et le travail social à leurs seules formes réglées et codées. »

Librairie La Terrasse de Gutenberg, 9 rue Emilio Castelar Paris 12ème

tel : 01 43 07 42 15   

Métros Ledru Rollin/Bastille/Gare de Lyon Bus n° 86/87/91

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> Le 7 septembre "L'art de l'écoute et de l'écho"

Vendredi 7 septembre 2012                      

Centre équestre  « Les Cavaliers du Pays Cathare » à Magrin(81) 19h30 

« L’ART DE L’ECOUTE ET DE L’ECHO »

Cette notion semble essentielle pour parvenir à la rencontre avec cet  Autre en souffrance.

Et pourtant :  

Est-il encore possible d’écouter le symptôme, de le considérer comme un signe du sujet ?

Que faisons-nous du transfert, de cet espace psychique nécessaire à la rencontre qui apparait si souvent bien difficile.

Le transfert n’est il pas négligé ?  Est-il encore d’actualité, une option ?

N’existe-t-il pas une tendance visant à réduire trop rapidement le symptôme à une manifestation dangereuse qu’il faut éradiquer au plus vite ?

Que fait-on des émotions si particulières qui sont véhiculées dans la relation soignante ?

Finalement qu’en est-il actuellement de notre écoute et de l’écho que nous faisons à la parole des patients ?

A toutes ces interrogations donnons une  « raison-ance », faisons écho…

 « La psychanalyse, qu’on le veuille ou non, c’est quand même, fondamentalement, une science de l’écoute et de l’écho <….>  Il faut multiplier nos propres capacités d’écoute de ce que l’autre dit et se faire, soi-même, une aptitude à donner un écho sensible, à réagir ». Lucien Bonnafé

Avec la participation de Patrick CHEMLA, Psychiatre, Psychanalyste, Chef de Service du centre de jour Antonin Artaud de Reims.

Renseignements: 06 87 28 08 05 – lespsycausent@gmail.com – http://lespsy-causent.over-blog.fr/

 

PS : Après avoir bien écouté et pour faire écho à la convivialité, apporte quelque chose à boire ou à manger !

 

 

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>Le Collectif des 39 à Jazz in Marciac avec la Ligue de l’enseignement

Lundi 30 juillet 2012 à 14h30 : « Thélonious Monk, de la singularité à l’universel ». Avec Yves Buin, psychiatre et écrivain, auteur d’une biographie de T. Monk et Patrice Charbit, psychiatre à Montpellier, du Collectif des 39.

"Thelonius Monk à la fois universel et singulier est l'un des acteurs emblêmatiques non seulement de l'art afro- americain du vingtième siècle mais de la musique contemporaine. Pianiste et compositeur, il fut artiste exigeant tout au long de son parcours, cultivant une sorte d'ascèse musicale marquée toutefois par la jubilation et l'humour, qui le fit considérer comme le Webern noir. Son oeuvre en fait désormais un classique."

 Yves Buin

Yves Buin. Psychiatre de profession, aujourd'hui en retraite, il a choisi d’exercer son métier en milieu urbain déshérité. 

Egalement poète, passionné de jazz, il a collaboré à Jazz Hot à la fin des années 60, avec Patrice Blanc Francart, Daniel Caux ou Philippe Constantin, dans l’équipe rassemblée par Michel Le Bris qui joua un grand rôle dans l’introduction du free jazz en France. Biographe de Thelonious Monk entre autres – il conjugue travail et passion grâce à la littérature.

Son écriture, lorsqu’il ne s’agit pas d’essais psychiatriques, s’inspire des rythmes et des respirations du jazz. Rien d’étonnant donc à ce qu’il se passionne pour l’oeuvre de Jack Kerouac : le jazz était, dans Sur la Route, presqu’un personnage à part entière, et Jack Kerouac disait chercher la similitude rythmique entre jazz et écriture.

Les oeuvres poétiques d’Yves Buin sont régulièrement mises en musique… jazz bien évidemment.

Auteur de plus d’une vingtaine d’ouvrages, Yves buin a notamment écrit deux essais sur la psychiatrie, (Psychiatries, l’utopie, le déclin et La Psychiatrie mystifiée). Kerouac, publié en 2006, n’est pas le premier livre que Yves Buin consacre au plus breton des auteurs américains (il raconte la recherche de ses racines à Brest dans Satori à Paris). Il a déjà préfacé et établi l’édition d’œuvres choisies de Jack Kerouac pour Sur la route et autres romans (Gallimard, 2003) et rédigé Jack Kerouac : vendredi après-midi dans l’univers avant de se lancer dans l’écriture de sa biographie. 

Mardi 31 juillet 2012  à 14h30 : « Prendre soin… Eloge de la parole et de la créativité ». Avec Hervé Bokobza, psychiatre à Montpellier et Simone Molina, psychanalyste, Avignon, membres du Collectif des 39. Débat animé par Sophie Dufau, journaliste à Médiapart.fr

« Au cours des cinq dernières années, les personnes en souffrance psychique ont été particulièrement stigmatisées. La politique sécuritaire a malmené la psychiatrie en renforçant les mesures d’enfermement. La loi du 5 juillet 2011 sur "les soins sans consentement", y compris à domicile, a gravement accéléré le déclin des pratiques humanistes de nombre d'équipes professionnelles au profit d’une dérive techniciste  prônant l'isolement et la contention comme seule réponse à ces souffrances. 

Au lieu d’un débat sur l'organisation des soins et d’un renforcement de la politique de secteur psychiatrique demandée par les soignants, nous avons assisté à une mise en cause des professionnels afin de masquer la bureaucratie et le tout-gestionnaire des hôpitaux ainsi que les carences dans le domaine des soins de l'enfance et de l'adolescence comme dans d'autres champs du social. Cette mise en cause a favorisé des affrontements alors que c'est le débat et le dialogue qui s'imposent sur ces questions complexes. 

La nouvelle donne politique va-t-elle ouvrir enfin des espaces de dialogue, de débats pour refonder une psychiatrie où l'accueil et l'hospitalité seraient au coeur même du dispositif de soins ? 

La culture, la création, les activités artistiques, qui font encore partie du dispositif thérapeutique dans certains lieux de soins du fait de la détermination des équipes soignantes et des personnes accueillies, pourront elles avoir la place qu'elles méritent ? 

Tels sont les enjeux que le Collectif des 39 — associant professionnels, patients et entourage — veut porter dans le débat public ».

Mercredi 1er août 2012 à 14h30 : Projection du film « Les Voix de ma sœur », de Cécile Philippin. Débat avec la réalisatrice, Yves Gigou, infirmier et formateur, ( Villejuif 94) et Paul Machto, psychiatre, (Montfermeil 93) membres du Collectif des 39. Débat animé par Sophie Dufau, journaliste à Médiapart.fr

« Les voix de ma sœur » est un portrait et un témoignage. Il prend la forme d’un journal intime à plusieurs voix :
- celle d'une patiente, décrivant avec lucidité sa pathologie, 
- celle de sa famille combattant la culpabilité et le déni, 
- celles de ses soignants de l'hôpital Saine Anne à Paris.

Ce document a vocation de dé-stigmatisation des personnes souffrant de troubles schizophréniques et de sensibilisation au travail des familles et des soignants.

Les voix de ma sœur n’est pas un documentaire sur la schizophrénie, un énième qui montrerait combien la maladie psychique est dure, est triste, chronique, presque sans espoir…Ce film est la déclinaison des modes de la liberté humaine, y compris dans la folie qui l’excède. C’est un éloge de la parole et de ses effets. Dr Philippe Lavergne »

avec Paulette, Valérie et Hélène Philippin, Pr Jean-Pierre Olié, Odette Forestier, SHU Sainte Anne, Unafam 92, Gem des 4 Communes.

Tournage : février – octobre 2011- durée : 49 minutes.

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>Politique de l'hospitalité : XIIIème rencontre de la Criée le 1er et 2 juin

 

Reprendre une fois encore cet enjeu crucial de l’hospitalité dans ce moment de crise, traversé d’attaques aux fondements de la Culture, nous conduit nécessairement à une prise de position politique. Comment passer sous silence l’insupportable montée du racisme et de l’antisémitisme, l’hostilité explicite aux étrangers qui menaceraient tellement l’identité nationale qu’il faudrait les expulser sans cesse ?

Se trouve ainsi ravagée toute une tradition du droit d’asile et des lois de l’hospitalité qui sont au fondement même du lien social et des processus de symbolisation. Ce que l’anthropologie a pu reconnaître et investiguer en termes d’éloge du don et du pottlach, de la régulation qu’opère aussi le sacrifice rituel dans la religion monothéiste, tous ces montages textuels et sociaux se trouveraient déniés par une lame de fond que l’on dit postmoderne.

Un tel contexte où la haine de l’étranger vient à se dire de façon de plus en plus explicite ne peut qu’exacerber la peur et la haine du différent, et retentir dans nos pratiques d’accueil de la folie. Quand un magistrat, Serge Portelli, vient nous dire que nous serions dans un « Etat limite », dans la hantise d’un Etat autoritaire qui pourrait produire des ravages inédits, nous aurions intérêt à nous sentir pour le moins concernés, si ce n’est menacés par de telles dérives. Ce qui s’énonce comme une politique sécuritaire, prend le visage précisément de la rupture avec une tradition d’accueil et de soins qu’il ne s’agit pas d’idéaliser, mais qui ne mettait plus en avant, depuis les avancées du Secteur et de la Psychothérapie Institutionnelle, ces idéaux de contrainte et de « soins sans consentement » qui reviennent aujourd’hui sans vergogne.

Cette rupture s’opère, parée maintenant des vertus présumées d’une déshospitalisation qui se trouve pervertie, en rejetant les patients à la rue ou en les condamnant à la prison. Une nouvelle loi nous promet le meilleur des mondes en avançant la généralisation de « soins obligatoires en ambulatoire », soins qui sont imaginés selon une conception du sujet où tout désordre trouverait son remède. Que ces remèdes soient en premier lieu imaginés comme médicaments administrés de force témoigne d’une méconnaissance active, voire d’un refus de tout l’abord psychanalytique du sujet, de la folie, et de soins psychiques fondés en raison sur l’accueil du délire. Nous ne pouvons pas non plus ignorer la possibilité de « psychothérapies sur ordonnance » qui seraient exécutées par des praticiens « certifiés conformes » par l’Etat, censées résoudre ainsi le malaise et produire l’adéquation d’un monde parfait.

L’appui sur l’abord freudien nous sera donc essentiel pour questionner l’accueil de l’étrangement inquiétant (unheimilich) et soutenir en acte la possibilité du transfert. Le concevoir comme une offre en rapport avec le désir d’analyse pourrait polariser cette hospitalité où l’analyste, le soignant offre son espace psychique pour accueillir autrui.

Ce don premier qui est une bejahung, une affirmation primordiale et une ouverture à l’altérité, constitueraient autant de fondations précieuses qu’il s’agirait de relancer sans cesse, dans leur précarité d’autant plus essentielle qu’elle se trouve menacée de façon explicite par l’idéologie de notre époque.

Penser l’hospitalité à l’entrecroisement hétérogène de plusieurs champs s’impose avec insistance, et nous aurons besoin, pour soutenir ce mouvement et retrouver du souffle, d’autres abords philosophiques, littéraires, poétiques … L’enjeu consisterait, en évitant la nostalgie d’un âge d’or, à soutenir les collectifs qui résistent et soutiennent une pratique inventive, tout en évitant un repli dans des institutions qui pourraient vite devenir de petites « forteresses vides », si nous cessions d’y relancer un mouvement de subversion de l’institué.

Patrick CHEMLA

Télécharger le programme et les bulletins d'inscription : La-CRIEE-2012

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> Vidéos du meeting du 17 mars 2012 à Montreuil

Ouverture du meeting :

 

 

Débat sur le sécuritaire (1) Meeting des 39, 17 mars 2012 à Montreuil… par collectif39

 

Débat sur le sécuritaire (2), Serge Portelli : collectif des 39- Montreuil le 17.03… par collectif39

 

Débat sur le sécuritaire (3) collectif des 39- Montreuil le 17.03… par collectif39


collectif des 39- Montreuil le 17.03… par collectif39

Débat sur le sécuritaire (4) Front de gauche :


collectif des 39- Montreuil le 17.03… par collectif39

Débat sur le sécuritaire (5) : Pas de zéro de conduite :


collectif des 39- Montreuil le 17.03… par collectif39

Débat sur le sécuritaire (6), Lysia Edelstein, protection judiciaire de la jeunesse


collectif des 39- Montreuil le 17.03… par collectif39

Débat sur le sécuritaire (7), Pierre Joxe


collectif des 39- Montreuil le 17.03… par collectif39

Toutes les vidéos en cliquant ici

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>"Il faut mettre un cran d’arrêt à cette frénésie évaluatrice" (Pierre Dardot, meeting du 17 mars)

 

Prenant connaissance de la teneur de la déclaration de la HAS, ma première réaction a été de me dire « le masque est tombé ! ». De fait, jusqu’à présent, notamment depuis 2005, on avait eu droit à des recommandations assez floues et à des formulations atténuées. Mais je crois en même temps qu’il faut voir clair dans la stratégie mise en œuvre par cette instance et, au-delà d’elle, par le pouvoir politique dont elle n’est finalement qu’un relais complaisant. On brandit la menace d’une interdiction de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle dans un délai d’un an, mais pour ceux qui profèrent de telles menaces la question est de savoir comment s’y prendre pour interdire, puisqu’on peut difficilement interdire directement par le biais de la loi, car on s’exposerait alors au risque de l’inconstitutionnalité.

La Haute Autorité de Santé se présente invariablement comme « une institution scientifique complètement indépendante de toute pression », selon les propos de Jean-Luc Harousseau, et son discours se pare volontiers du prestige et de l’autorité de la science.

Il s’agit en réalité de tout autre chose que de la science. Il ne s’agit en aucun cas d’une nouvelle « querelle des méthodes », c’est-à-dire d’une querelle interne au champ de la science qui opposerait  deux méthodes prétendant l’une et l’autre à la reconnaissance de leurs titres à la scientificité. Il s’agit bien plutôt d’un « savoir » dont le caractère normatif est l’essentiel, c’est-à-dire d’un savoir dont la vertu principale est de produire des effets de pouvoir en édictant « ce qui doit être ». A en croire ce savoir, l’individu est ses neurones ou ses gènes.

Un innéisme rudimentaire lui tient lieu de credo d’autant plus indiscutable qu’il refuse de s’avouer pour ce qu’il est, à savoir une pure construction intellectuelle. Dans cette entreprise il peut d’ailleurs s’étayer du caractère prétendument « non-théorique » que le DSM revendique pour lui-même. De manière plus générale, on a affaire à un discours qui glisse continuellement de « ce qui est » à « ce qui doit être », c’est-à-dire qui s’autorise de la description ou de l’explication pour prescrire (l’autisme a une base génétique ou neurologique, donc il doit être traité exclusivement comme un « trouble du développement »).

Dans ce registre la norme est toujours présentée comme une « règle naturelle » qui s’impose d’elle-même tant elle relève d’une irrésistible évidence, et c’est d’ailleurs pourquoi ces recommandations sont égrenées sur le mode anodin d’un solide bon sens auquel il est vain d’adresser une objection, tout simplement parce qu’on ne peut rien objecter à ce qui est neutre.  Que de formules lénifiantes n’a-t-on pas entendu ! « C’est pour le bien de tous, et surtout pour le bien des enfants autistes et pour soulager la détresse des familles, que nous faisons ces recommandations », « nous invitons à une approche pluridisciplinaire », « bien entendu il ne faut pas imposer mais proposer ».

Mais ce que dissimulent mal de telles formules, c’est l’implacable logique d’un « savoir » dont le dernier mot est toujours : « il n’y a pas d’alternative », « il n’y a rien d’autre à faire ». C’est pourquoi je crois que la meilleure dénomination qui revient à cette instance est en effet, comme le dit la déclaration des 39, celle de « Haute Autorité Sachante », surtout pas « Haute Autorité Savante », avec tout ce que ce participe présent adjectivé peut signifier en matière d’infatuation, de suffisance et de morgue.

Il suffit de prêter attention aux propos de certains porte-parole de la HAS pour s’en convaincre. Le Professeur Philippe Evrard, neuropsychiatre, président du groupe de pilotage de la HAS/ANESM (Quotidien du médecin en date du 12/03/2012, rubrique « Questions d’expert »), après avoir déploré le retard de la France sur le plan quantitatif et s’être fait l’avocat de la pluridisciplinarité, répond en ces termes à cette question, dont je vous laisse apprécier le libellé : « Quelle doit être la posture des médecins vis-à-vis de ces troubles ? » : 

« Il faut prendre en considération les préférences ou les décisions des parents. Pour ce dernier point il faut entraîner une compétition minimale parce que, comme l’outil à la disposition des personnes autistes et de leurs familles est très insuffisant quantitativement en France, forcément les parents n’ont pas beaucoup l’occasion de contester la prise en charge quelle qu’elle soit, blanc ou noir, dans la mesure où ils sont totalement dépendants des possibilités qu’il y a autour d’eux » (nous soulignons). 

Le projet qui sous-tend de tels propos est on ne peut plus clair : il s’agit moins d’interdire dans la forme juridique de la loi  que de mettre en place un marché des traitements de l’autisme par la mise en concurrence des « approches » dont les parents, incités à les « contester », seraient in fine les arbitres. L’aveu est d’autant plus significatif que la justification de cette mise en concurrence est la pénurie des moyens désignée par l’euphémisme de l’« insuffisance quantitative ». On a là très exactement le même scénario que celui qui se dessine dans l’Education nationale : on enjoint aux enseignants de travailler avec moins de moyens et on organise en même temps un marché de l’école en encourageant les parents d’élèves à se comporter en clients mettant les écoles en concurrence les unes avec les autres pour le plus grand bien supposé des élèves, de telle sorte que, moyennant cette pression, on met les enseignants eux-mêmes en concurrence les uns avec les autres.

On fera sans doute valoir que la concurrence est parfois saine et qu’elle bénéficierait tant aux parents qu’à leurs enfants. « Que le meilleur gagne ! », peut-on souvent entendre. Mais il suffit de considérer selon quelles règles cette concurrence serait mise en place pour comprendre que les dés sont pipés et que certaines approches sont disqualifiées d’emblée. 

Répondant à une question du QM du 08/03/12 (« Certains psychiatres ne doivent-ils pas changer de paradigme vis-à-vis de pratiques décriées dans l’autisme comme la psychanalyse ? »), le Professeur Harousseau nous livre cette réflexion de « sachant »: 

« Cela fait plus de 30 ans que l’on propose ou que l’on impose des approches psychanalytiques sans que ces approches aient fait la preuve de leur efficacité. C’est absolument étonnant ! N’importe quelle intervention sur le corps humain est évaluée et on sait quand même dire si ça marche ou si ça ne marche pas, actuellement plus de 30 ans après on ne sait pas dire (si ces approches marchent ou non). Deux possibilités : ou on arrête ou on fait des essais cliniques. C’est aux psychiatres eux-mêmes de le dire. Les psychiatres doivent se remettre en question et doivent évaluer leurs approches sur des critères objectifs d’intégration de l’enfant dans la société (nous soulignons). »

Tout est dit en quelques mots. L’alternative énoncée : « ou on arrête, ou on fait des essais cliniques » n’est en réalité pas une alternative du tout.  Car comme on fait des essais cliniques dans le seul objectif d’évaluer selon un critère, celui de l’adaptabilité sociale, qui est par définition étranger aux approches psychanalytiques, comme on ne peut évaluer « objectivement » la dimension du désir inconscient et du relationnel, l’alternative « ou on arrête, ou on fait des essais cliniques » devient finalement une injonction brutale : « ou on arrête, ou on arrête » ! En d’autres termes, on demande à l’une des approches d’accepter de se laisser juger selon des critères taillés sur mesure par l’approche « concurrente ».

On a là le fin mot de l’affaire : on attend de la mise en concurrence organisée qu’elle valide par son verdict la condamnation prononcée à l’encontre des approches psychanalytiques, autrement dit on met en place un marché et on charge le marché de valider a posteriori par le jugement des parents promus clients la condamnation a priori des approches psychanalytiques. Dans un an le marché aura tranché et les pratiques psychanalytiques seront sanctionnées par la loi de l’offre et de la demande, la place sera enfin  libre pour un marché des soins de l’autisme dominé par l’« offre » comportementaliste et neurologique. On ne s’étonnera pas après cela de l’intérêt très vif porté à cette offre par le courant dominant en économie, celui-là même qui entend réduire chaque individu à un calculateur soucieux avant tout de « maximiser » son intérêt.

Il faut mettre un cran d’arrêt à cette frénésie évaluatrice qui procède d’une logique comptable proprement infernale visant à faire de chaque subjectivité une valeur à valoriser dans le jeu de la concurrence avec les autres. Cette logique a un nom qu’il ne faut pas hésiter à lui donner, elle n’est rien d’autre que la logique capitaliste, celle qui soumet chaque sujet à la loi du « encore-et-toujours plus » en le condamnant à rendre en permanence des comptes. Il faut affirmer haut et fort que nous ne nous résignerons jamais à subir cette logique normative et que nous refusons l’idée de l’humain qu’elle met en œuvre.

Il ne s’agit aucunement d’opposer une idée abstraite de l’homme comme « âme » ou « esprit » à l’individu-cerveau, il s’agit de porter une certaine idée de l’humain dans des pratiques fondé un travail relationnel, ce qui est tout autre chose. De ce point de vue, il faut dire, au-delà du cas particulier de la HAS qui n’est qu’un appareil de pouvoir totalement discrédité, que les seules règles acceptables ne sont pas celles qu’édicterait une instance qui s’érigerait en gardienne des bonnes pratiques, mais que ce sont celles que font vivre nos pratiques parce que ce sont celles qui s’élaborent dans et par ces pratiques.

C’est là la seule manière de redonner tout son sens à la belle idée d’émancipation : en dernière analyse, il n’y a que des pratiques d’émancipation qui puissent porter et faire vivre l’idée d’émancipation.

PIERRE DARDOT


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> « On n’est pas fatigué mais on risque d’être fatiguant. »

Meeting des 39, le combat continu…

« On n’est pas fatigué mais on risque d’être fatiguant. »

 

Compte rendu

 

Le conciliabule s’est rendu au 4éme meeting de psychiatrie du 17 mars dernier, organisé par le collectif des 39 à Montreuil à la maison de l’arbre. La journée interrogeait : quelle hospitalité pour la folie en 2012 ? , et s’est déroulée autour de trois tables rondes ciblant trois des combats actuels dans les politiques concernant la psychiatrie : le sécuritaire, le scientisme et la norme. La loi du 5 juillet dernier concernant les soins sous contraintes a domicile et les derniers positionnements de l’HAS (Le 9 mars, la Haute Autorité de santé (HAS) a déclaré que non seulement «le packing ne devaiten aucun cas se faire», faute d’avoir été évalué, mais aussi que «la psychanalyse, comme la psychothérapie institutionnelle, n’étaient pas recommandées dans la prise en charge de l’autisme».) étaient aux cœurs des débats mais il a aussi était évoqué les conséquences dramatiques de la T2A, du DSM, de ABA, et de la loi HSPT.

 

De nombreux professionnels mais aussi soignés et membres de familles de patients ont répondu a l’appel des 39. Le meeting a rassemblé plus d’un millier de personnes. Malgré la gravité des annonces autour de ces réformes économiques, calomnieuses  et la lourdeur du combat simplement pour maintenir un soin humain, une humanité et une force impressionnante ce sont dégagés de cette journée.

Une pluralité d’intervenants se sont succédés (Hervé BOKOBZA, Lysia EDELSTEIN, Sylvianne GIANPINO, Serge KLOPP, Serge PORTELLI, Pierre SADOUL, Pierre JOXE, Philippe BICHON, Jacqueline Berger , Loriane BRUNESSAUX, André CORET, Guy DANA, Francois GONON, Patrick CHEMLA, Mathieu BELHASSEN, Marie CATHELINEAU, Helene DAVTIAN, Pierre DARDOT, Pierre DELION, Camille, Fred, Mathieu….). Psychiatres, psychologues clinicien, psychanalystes, cadres infirmiers, infirmiers magistrats, avocats, ministres, philosophes, patients,  se sont retrouvés autour d’un même consensus et avec la même rage de conviction : de l’humanité et du respect pour les soins. Le jugement, le gardiennage et le turn over des lits n’est pas l’affaire des soignants.

           

 

Le meeting s’est ainsi ouvert sur une vidéo interview de Lucien BONNAFE  qui nous rappelle que « toutes les opinions ne sont pas respectables. ». Puis Emile LUMBROSO membres des 39 a énoncé l’argumentaire de la journée. « Ce qui est imposé c’est l’interdit de penser » montrant ainsi qu’un degré de plus était franchi puisqu’il y a peu encore certain disait « On ne nous interdit pas de penser on nous en empêche ». Il est rappelé aussi  qu’il est désormais demandé aux soignants d’être « des techniciens du psychisme » sans formation, en comptant leurs actes et appliquant des lois qui viennent interroger sur où est l’hospitalité pour la folie ? Ou bien encore pour reprendre les mots Patrick COUPECHOUX de : « Comment la société d’aujourd’hui traite-t-elle ses fous ». Faut il encore rappeler, crier haut et fort ce que François TOSQUELLES  a défendu  « la santé c’est la capacité d’humaniser les soins ».

Par la suite, plusieurs interventions ont été poignantes. Celle de Pierre DELION qui faut-il le rappeler est fortement attaqué pour sa pratique du packing auprès d’enfant autiste et ce sans fondements plausibles.

 

Pierre DELION a été accueilli par la foule qui lui a fait un « standing ovation » de plusieurs minutes montrant ainsi son soutien. Face a cette accueil Pierre DELION a été submergé par l’émotion…Nous espérons que la chaleur et l’ovation qu’il a eu samedi dernier l’accompagnerons dans son procès qui aura lieu très prochainement. 

Dans les interventions marquantes il y a aussi Camille, patiente et membre du collectif des 39 et d’HumaPsy qui a apporté son témoignage dos a la foule. « Je ne suis pas face à vous parce que vous faites un peu peur, vous êtes nombreux quand même, mais aussi parce que je suis une hors la loi : j’ai pris la décision de ne plus prendre de traitement depuis 6 ans, alors que ma carte vitale indique une maladie longue durée».  Camille a connu des hospitalisations sous contrainte et n’est pas opposée aux traitements mais elle a fait d’autres choix une fois sortie de l’hôpital et même si cela est difficile elle résiste et s’engage dans des combats comme avec ce collectif de patients HumaPsy. Ce collectif offre la parole aux patients  et recueille les idées, doléances et autres pour les soumettre aux états généraux de la psychiatrie. Camille a également adressé un message à François Hollande qu’elle avait rencontré dans un train sans oser lui parler à cœur ouvert de ses craintes sur l’avenir de la psychiatrie.

 

L’intervention du magistrat Serge PORTELLI, a également beaucoup marqué  la journée. Son engagement auprès des 39 est important depuis le départ «  Je suis peut être le 40 éme des 39 » dit-il pour commencer. Il a souligné que nous avons affaire à un véritable changement de civilisation avec toutes ces réformes de psychiatrie. Il a ensuite expliqué comment il était choquant de voir passer par les mêmes portes du tribunal les délinquants, les criminels et les malades mentaux . « Le fou n’est coupable de rien. La folie n’est pas une infraction. »

 

François GONON neurobiologiste et membres des 39 a dénoncé lui l’abus des neurosciences. « La psychiatrie biologique n’a pratiquement rien apporté à la psychiatrie clinique (…) pour la bonne et simple raison qu’il n’y a pas de marqueur biologique a la maladie psychique.les médicaments existants ont 40 ans depuis 40 ans aucune nouvelle découverte. La psychiatrie est une bulle spéculaire. » Il a ainsi formulé des conclusions claires et logiques pour faire évoluer les choses. Première proposition : « l’égalité c’est la santé, la neurobiologie fait croire que c’est le cerveau qui est défaillant et non la société ». Deuxième proposition : « il faut préserver l’indépendance de la psychiatrie et de la neurobiologie ». « Il faut également promouvoir la recherche clinique ». Et enfin  « il faut libérer la recherche des neurosciences en arrêtant le financement des recherche sur les projets. Pour avoir de l’argent actuellement il faut promettre monts et merveilles » …apporter de l’apaisement, du soulagement aux patients  n’est pas suffisant il faut proposer d’éradiquer la maladie….

Hervé BOKOBZA a terminé la journée en insistant sur l’importance de faire évoluer les choses en créant et inventant autour de nos référentiels cliniques. « arrêtons de dire c’était bien il y a 20 ans » . « Rendre compte de ce que nous faisons de notre pratique s’oppose à rendre des comptes. » Il a également insisté sur l’importance du combat a mener. « Le combat va être colossal quelque soit les résultats des élections… » et a terminé sur ces mots des indignés « On nous empêche de rêver on va les empêcher de dormir ».

 

           

Au cours de cette journée, les gens se sont rencontrés au sens d’une véritable rencontre que ce soit dans les débats autour, à coté…Des collectifs de patients comme Humapsy ou radio citron, la radio qui n’a pas peur des pépins recueillaient les témoignages de terrain. Les intervenants étaient présents pour échanger et poursuivre les discussions, rappelant l’ambiance des journées de formation de  psychothérapie institutionnelle comme celle de st Alban et si manquant dans notre quotidien à l’hôpital.

Loin d’être des lamentations les débats apportaient des témoignages de terrain mais aussi des positionnements, des refus, car il est possible de refuser. Certains psychiatres on fait par des positionnements de leur service ou aucun patient n’avait de soins sous contraintes à domicile, des engagements et des propositions.

Ce qui fit dire a Mathieu BELHASEM « on est pas fatigué mais on va être fatiguant ». Les 39 ont aussi invité des représentants des candidats à l’élection présidentielle à prendre position pour leur manifeste et ont demandé l’abrogation de la loi HSPT , de la loi du 5 juillet 2011 et l’abrogation de l’HAS. Les verts, le front de gauche et le PS ont répondu a l’appel et se sont positionnés de manière encourageante.

           

C’est empreins des forces de convictions de cette journée de meeting et des engagements que nous avons déjà pris l’an dernier que l’association conciliabule vous propose sa rentrée 2012 en avril prochain. Une soirée d’ouverture, au Gran lux , aura lieu, dans la prolongation du meeting ou nous pourrons reprendre ce qui a été échanger et débattre ensemble sur les perspectives stéphanoises.

 

A très bientôt,

Le conciliabule.

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>Demandez le programme !

Meeting du 17 Mars 2012

 

"La Parole Errante à la Maison de l'Arbre", 
9 rue François Debergue 
93100 – Montreuil-sous-Bois, 
Metro Croix de Chavaux.(métro ligne 9).

 

Quelle hospitalité pour la Folie pour 2012 ? 


9h 15 – Ouverture : Stéphane Gatti – La Parole Errante 

Emile Lumbroso, Psychologue clinicien

Antoine Machto Psychologue clinicien

Elie Winter, Psychiatre


– Table ronde « Le Sécuritaire » –

Enfants, adolescents, adultes en difficultés psychiques sont-ils les nouveaux symptômes de la folie sécuritaire ? Prévenir, éduquer, soigner, protéger, sont ils des concepts dépassés dans une société où un certain discours politique revendique le contrôle, la surveillance et la contrainte comme principes de gouvernement.

Animée par Hervé Bokobza, Psychiatre


Lysia Edelstein, Psychologue  -Protection Judiciaire de la Jeunesse

Sylvianne Gianpino ,  Psychologue – Psychanalyste -Présidente du Collectif « Pas de zéro de conduite »

Serge Klopp, Cadre infirmier

Serge Portelli, Magistrat – vice-Président du Tribunal de Paris

Pierre Sadoul, Psychiatre


Pierre Joxe, Avocat, ancien ministre de l’Intérieur, de la Défense, ancien membre du Conseil Constitutionnel. 

 

– Table ronde « Le  Scientisme » –

L'Homme Machine ?

La politique de santé mentale actuelle tente de faire de la maladie psychique un déficit d'adaptation à la société, un handicap qu'il suffirait de compenser par un meilleur réglage de la "machine cerveau".Le rêve scientiste de la réduction du sujet à un organe trouve de nouveaux adeptes qui nous présentent leurs "découvertes" comme des avancées décisives de la recherche scientifique.
Quelle type de société, quelle conception de l'humain sous tendent un tel projet ?
 
Animée par Philippe Bichon, Psychiatre


 Jacqueline Berger, Journaliste

Loriane Brunessaux, Psychiatre

André Coret, Physicien

Guy Dana, Psychiatre –

François Gonon, Neurobiologiste – Directeur de recherche CNRS Bordeaux 2




– Table ronde La Norme –

Les protocoles, les certifications, les évaluations ne nous laissent plus de répit. Ils sont censés protéger "l'usager" et guider les  professionnels dans leurs actes vers le risque zéro, zéro pensée, zéro créativité, zéro liberté.
 Uniformité, homogénéité, traçabilité, tel est le programme que nous impose la  Haute autorité sachante qui vient de se signaler par des prises de position qui ne cachent plus leur hostilité déclarée à une psychiatrie ouverte sur l'inestimable de la relation humaine"
 Restera-t-il alors encore un peu d'humain dans l'homme pour écouter l'inattendu ?


Animée par Patrick Chemla, Psychiatre


Mathieu Bellahssen, Psychiatre

Marie Cathelineau, Psychologue clinicienne 

Hélène Davtian, Psychologue clinicienne, auteur de « Frères et sœurs face aux troubles psychotiques »

Pierre Dardot, Philosophe 

Pierre Delion Professeur de Pédopsychiatrie

Fred, Mathieu, Association Humapsy.


Conclusions :


Mathieu Bellahssen, Guy Dana, Hervé Bokobza 


Dominique Voynet , Maire de Montreuil, fera une intervention d’accueil.


Des représentants des candidats à l’élection présidentielle nous ont donné leur accord pour participer au meeting et prendre position par rapport à notre Manifeste. 


Interviendront  au cours de la journée :  

Hélène Franco, en charge des questions de libertés pour le Front de Gauche et Jean Luc Gibelin, en charge des questions de santé pour le front de Gauche pour  Jean Luc Mélenchon

Jean Claude Laumonier du NPA pour Philippe Poutou

une représentante d’Europe Ecologie Les Verts, et Aline Archambaud sénatrice pour Eva Joly

Mr Razzi Hammadi secrétaire national du P.S., et un membre chargé des questions de santé auprès de François Hollande


De nombreux messages, de courtes interventions supplémentaires seront exprimées tout au long de la journée.


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>Semaine de la folie ordinaire à Reims

 

 

SEMAINE DE LA FOLIE ORDINAIRE

 

EXPOSITION  

Du 13 au 24 mars 2012 "Semaine de la Folie Ordinaire 2012"   

à la Maison de la Vie Associative,  122 rue du Barbatre à Reims réalisée par le Centre Antonin Artaud, les Clubs Le Grillon, Atout Coeur, MEID et le GEM La Locomotive

Vernissage le mardi 13 mars 2012 à 18h00 

 

LECTURE

Mercredi 14 mars 2012 à 19h Lecture vivante " Du Rififi à Carnégie"

Bibliothèque Carnégie, 2 place Carnégie 

SOIRÉE : "DES MAUX EN DÉBAT … CASSONS LE MOULE"

 

Jeudi 15 mars 2012 de 18h à 22h à la Salle Armonville, 7 bis rue Armonville à Reims  

18h             Accueil à la Salle Armonville

18h15         Fanfare Artos

18h35         Ouverture et mise en perspective de la soirée par Sébastien D., Président et   Clément D., membre du CA, du GEM la Locomotive

18h50         Atelier chant lyrique avec Marie Matherat

                   Deux passages de La Périchole de Jacques Offenbach

19h00         Les après-coups de la loi sur la psychiatrie et l’analyse de l’actualité psychiatrique pour les patients, leur famille et les soignants avec Patrick Chemla. Ouverture d’un débat avec la salle.

                   Présentation d’une association de patients nouvellement créée : HumaPsy

                   Annonces des actions en faveur d’une psychiatrie fondée sur l’hospitalité avec le meeting à Montreuil le samedi 17 mars.

20h             Collation

                   Soupes, pâtisseries, boissons fraîches

20h40        Dégustation de pâte de coing par le club Atout Cœur de Fismes           

20h50         La parole à Corinne Chemin, pour les ateliers du GEM

21h             La parole à Julie de Benoist, pour les sorties équitation

21h10         Intermède musical avec Amélie Barbier

21h15         L’atelier d’écriture d’Artaud

21h25         La Patat’Ose nous invite à l’enregistrement d’une émission de radio ..               

                   Prochains rendez-vous…

21h40         Chants et danses populaires avec Amélie Barbier

22h            Fin de la soirée avec vente du catalogue et de l’affiche de l’exposition

 

Téléchargez le document de présentation de l'événement : Semaine de la folieordinaire

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>Conférence : l’Autisme aujourd’hui ?

Samedi 18 Février 2012 de 14h30 à 18h45  

Salle du bureau des entrées de l’Hôpital de Montfavet, conférence de Simone Molina qui viendra nous parler des liens entre la pratique clinique et les enjeux actuels autour de la question de l’autisme, suivie d’un débat animé par Loriane Brunessaux, pédopsychiatre et membre du Collectif des 39 

Discutants : Dr Anicet, Dr Bonnauron,  Chefs de pôle en pédopsychiatrie, aborderont leurs pratiques et les questions institutionnelles qui se posent aujourd’hui. Présence du Docteur H. Rouveyrollis ancien chef de Pôle Enfant-Nord, qui participera au débat.

16h 45 : Pause / collation offerte. Vente des Actes du Point de Capiton, et du livre de S.Molina «  Archives Incandescentes » (éditions l’Harmattan 2011)

17h -18h45 : Assemblée Générale du Point de Capiton :

Ordre du jour de l’AG

– Simone Molina, Présidente : Rapport moral et bilan d’activité 2011 

Bilans du Cycle Utopia et du colloque «  Entre rêve et création, le fil rouge de l’infantile ? », bilan du lien avec l’Appel des 39 et de la rencontre du 19 novembre à Cavaillon ; information sur le nouveau Site et sur les Actes en préparation ; bilan des liens avec l’Inter-associatif européen de psychanalyse dont le Point de Capiton est partenaire depuis 2011. Bilan des groupes de travail en 2011.

– Joëlle Fatticionni- trésorière : Bilan financier  (montant de l’Adhésion 2012) :

– Bilan du CA et Désignation des membres du nouveau CA (vote des adhérents)

– Projets avec l’inter-associatif européen de psychanalyse : séminaire sur un week-end, à préparer en lien avec des associations grenobloises.

– Proposition d’un séminaire par Simone Molina.

– Propositions des adhérents : Le Point de Capiton est aussi  ce que chacun en fait, par son dynamisme, son souci de creuser une question avec d’autres, puis d’en rendre compte en réunion publique, ouverte aux seuls adhérents ou à un public plus large. C’est pourquoi l’assemblée générale se veut un lieu de débat et un creuset pour que le désir de ceux qui souhaitent travailler avec d’autres prenne consistance.

Nous vous attendons nombreux !

Entrée libre pour les Adhérents.

Participation aux frais : non Adhérents 3 euros

Adhésion 2011 valable jusqu’à la fin de l’AG : 20 euros / le montant 2012 sera voté en AG.

 

Le Point de Capiton

www.le-point-de-capiton.net / lepointdecapiton@hotmail.fr

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