>Remarques sur le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge

Préalable:

En psychiatrie, il arrive que l’on se trouve dans la situation difficile de penser qu’une personne nécessite des soins dans les lieux de l’hôpital alors même qu’elle le refuse, que ce refus d’aller à l’hôpital la met en danger, met en danger aussi, parfois, les personnes qui l’entourent.

Dans ces cas, il peut paraître nécessaire d’assurer la présence physique de cette personne à l’hôpital contre son gré. La loi actuelle (loi de 1990) le permet au moyen des hospitalisations sur demande de tiers (HDT) et les hospitalisations d’office (HO), qui constituent, donc, de réelles privations de liberté : privation de la liberté d’aller ou venir de cette personne ou bon lui semble. La loi n’a pas à se prononcer les types de soins dispensés, ce n’est pas son affaire, mais il peut sembler nécessaire qu’elle fixe les conditions juridiques autorisant à déplacer (voire à enfermer) quelqu’un dans un lieu (l’hôpital) contre sa volonté. Les conditions son strictes : il faut que cette personne « nécessite des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier », dans le cadre de l’HDT, que « l’état de cette personne compromette la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l’ordre public », dans le cadre de l’hospitalisation d’office.

Dans le projet de loi devant remplacer la loi de 1990, le terme « hospitalisation » est remplacé par le mot « soin ».L’enjeu est annoncé : il ne s’agit plus d’une loi qui garantit les conditions précises de la présence physique d’une personne à l’hôpital contre sa volonté mais désormais d’une loi qui prétend traiter du « soin ».

Introduction :

La lecture de l’étude d’impact[1] datée de mai 2011 et consacrée au projet de loi qui nous occupe révèle un postulat idéologique d’entrée de jeu, lequel justifie l’entièreté du projet :

« Les pathologies mentales graves s’inscrivent souvent dans une certaine durée, avec des périodes de crises et de rémissions. Mais les avancées scientifiques tant dans le domaine des neurosciences, de la biologie que des thérapeutiques médicamenteuses ont modifié ces vingt dernières années les pratiques cliniques, confortées en cela par les résultats d’une recherche clinique en plein essor.

Le pronostic des pathologies mentales en a été transformé, ce qui a modifié le recours aux soins en psychiatrie et son organisation. »

Etude d’impact, Mai 2011, page 6. 

On ne sait sur quels fondements repose cette assertion. Elle ne fait nullement consensus dans la profession puisqu’aucune nouvelle classe médicamenteuse n’a été découverte depuis le premier neuroleptique (Chlorpromazine, 1951) et que les recherches en neurosciences n’ont donné aucun résultat probant.

Aussi, comme l’écrit François Gonon, neurobiologiste à Bordeaux[2] :

« Dans le domaine de la neurobiologie, les informations qui intéressent le grand public concernent en premier lieu la santé mentale. Les déformations du discours renforcent le point de vue selon lequel les neurosciences sont à même de rendre compte de toutes les affections neurologiques et psychiatriques. Or, force est de constater que le traitement des causes des principales maladies neurodégénératives (Alzheimer et Parkinson) n’a pas fait de progrès majeur depuis cinquante ans.

L’apport effectif des neurosciences à la psychiatrie est également mince : aucun marqueur biologique d’un trouble psychiatrique n’a encore été validé et les neurosciences n’ont pour l’instant pas permis de découvrir de nouvelles classes de médicaments »


[1] Projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, étude d’impact Mai 2011

[2] Gonon, F. et Konsman, J.-P. (2011) Pour une éthique de la communication en neurosciences, La lettre des neurosciences, bulletin de la Société des Neurosciences, Printemps-été 2011, n°40


Le document complet à télécharger : Remarques actualisées sur le projet de loi

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15 réflexions sur « >Remarques sur le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge »

  1. Ce texte a une certaine rigueur scientifique. Il est bien charpenté, et instructif. Il a de la tenue. Il m'a bien intéressé. Je le conserve en archives en tant que première analyse synthétique.

  2. Arf… ce texte de "Document complet à télécharger" Pdf, daté du 13 juin 2011, et publié ici le 21 juin 2011 mélange des commentaires de la version actuelle du projet de loi et de versions antérieures, ce qui fait que nombre de ces commentaires sont d'ores et déjà périmés. Même si l'on est d'accord avec la plupart des analyses présentées dans ce document et leur esprit en général.
     
    Par ailleurs, si le projet de loi, version actuelle adoptée en 2e lecture au Sénat ne comporte plus l'expression "sans consentement", cette expression demeure dans les dispositions actuelles non modifiées par le projet de loi, et donc cette expression demeurera après la nouvelle loi.
     
    En toute hypothèse, la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, qui a valeur supérieure à la loi nationale française, et s'applique directement devant les tribunaux, ne permet, s'agissant d'hospitalisations psychiatriques, la contrainte que s'il s'agit d'« aliénés ». En toute hypothèse d'acception de ce terme, il semble impossible de concevoir qu'un « aliéné » puisse valablement donner son consentement à des soins concernant sa caractéristique d'« aliéné », ou bien ce terme se retrouve dépourvu de sens, ce qui ne se peut pas, puisqu'il s'agit de la plus haute norme juridique impérative d'effet direct en France s'agissant des Droits de l'Homme (et les psychiatres pas plus et pas moins que les juristes doivent y… obéir). Par conséquent, la loi nationale française pourrait bien être muette quant au consentement dans le domaine considéré, cela n'aurait aucun intérêt ni inconvénient puisque la loi nationale française n'a d'effet que dans le cadre de la Convention EDH précitée, qui ne permet les « détentions » (hospitalisations sans consentement) psychiatriques que s'agissant d'« aliénés ». Tous ceux qui ne sont pas des « aliénés » peuvent sortir : leur hospitalisation sans consentement est une détention irrégulière (arbitraire).

  3. @frdm : encore faudrait-il donner la définition d'un aliéné, pour que votre texte est une quelconque valeur. D'ailleurs vous mettez aliéné entre guillemet.

  4. Assez!
    Assez des confiscations de la démocratie!
    Non et non aux diktats des agences de notations qui veulent voir les peuples payer pour la crise des marchés financiers!
    Il est temps de redonner tout le pouvoir aux citoyens.
    Les révolutions populaires secouent aujourd’hui plusieurs régimes dans le monde et représentent un espoir historique, car elles sont susceptibles de le transformer.
    Manifestement, les peuples n’ont pas comme seul pouvoir de choisir leurs maîtres : unis, les citoyens ont leur destinée en main.
    Mais toute révolte doit s’accompagner de propositions politiques.
    Comment organiser les choses pour que la transition rapide vers un régime réellement démocratique soit l'œuvre des citoyens eux-mêmes, sans récupération possible par une caste dirigeante ou par des intérêts particuliers ?

    Comment, autrement que par la convocation d'une assemblée constituante?

    Dans ce but, nous, signataires de cet appel, nous engageons à travailler à la création de cette Assemblée Constituante, couronnement d'un processus dont le rôle est d'écrire les nouvelles règles d'un régime plus juste et plus humain capable d’amener des solutions aux urgences démocratiques, sociales et environnementales auxquelles nous devons faire face.
    Nous visons la mise en place, par le peuple et pour le peuple, d'un processus constituant le plus transparent, le plus participatif et le plus démocratique possible. Une Constitution écrite par et pour le peuple.
    Dans un esprit de rassemblement de toutes les composantes du corps social, nous voulons recueillir le soutien de tous les membres des organisations (partis, syndicats et associations) qui se sont déjà prononcées en faveur de cette construction.
    Ce travail, long et difficile, demande, partout dans le pays, l'engagement des citoyens eux-mêmes, c'est à dire leur participation aux débats qui doivent précéder la création de cette Assemblée. Des collectifs locaux doivent s’organiser.
    Il en existe déjà.

    En lançant, en relayant et en signant le présent appel, nous nous engageons à travailler, sans nous séparer, à ce nouveau contrat social, et acceptons d’être régulièrement informés de son avancement jusqu’à ce que l’Assemblée Constituante soit convoquée.

    http://www.convergencedesluttes.fr/petitions/index.php?petition=14&pour_voir=oui

    http://assembleeconstituante.fr/
     
    Je sais que vous êtes très occupés(ées) par votre travail, mais signez au moins la pétition si vous êtes d'accord, le reste viendra après.

  5. @ behemothe :
    Vous avez fait observer que je mettais le terme « aliéné » entre guillemets (et plus précisément guillemets continentaux à double chevrons : guillemets exclusivement de citation). Car manifestement, je cite le terme et dis que je le cite, dans la Convention EDH.
    Par conséquent il est inopérant (c'est-à-dire, du plus haut degré de hors sujet, voire de hors-sujet) de prétendre que "mon texte" n'aurait pas de "valeur" si je ne donne pas la "définition" de ce terme.
    C'est totalement inopérant, parce que d'évidence ce terme est expliqué (c'est-à-dire, déplié) (et non pas "défini") par les juridictions qui ont prééminence sur les psychiatres pour ce faire : la Convention EDH proclame la « prééminence du droit », ce dernier terme au sens de « dit des juridictions ».
    Pour commencer, les juges ouvrent les dictionnaires courants, et parfois étymologiques : faites-le donc aussi, et vous aurez la base de la réflexion juridictionnelle sur ce terme comme sur n'importe quel autre.
    Ensuite, si la question vous intéresse puisque vous répondez, recherchez sur l'Internet la jurisprudence de la CEDH qui explique (déplie) ce terme.
    Bien entendu, en aucun cas ce ne sera ni "mon" explication (et non pas "définition"), ni la "vôtre" (ni celle de tel ou tel psychiatre).
    Donc, pour que votre observation sur mes observations ait le moindre sens ("une quelconque valeur"), commencez ce petit travail de recherche vous-même, et nous en reparlerons.
    Je suppose que vous êtes motivé pour ce faire, puisque vous avez pris la peine de répondre à mes observations.
    J'ai exposé le principe intangible, celui tenant à l'emploi du terme « aliénés » dans la Convention EDH. Je n'ai rien fait d'autre qu'exposer ce principe intangible.
    Une fois que vous respecterez ce principe, vous ferez à n'en pas douter les recherches nécessaires pour satisfaire votre besoin d'explications, au lieu de parler dans le vent (ce que consiste à ignorer la Convention EDH).

    Tout ceci est valable pour tous autres lecteurs : ne le prenez pas trop à titre personnel.

    Cordialement, fr

  6. A l'appui de ce que dit très justement FRDM, voir le récent arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affreuse affaire Claude Baudoin, pris le 18 novembre 2010 par la CEDH, et commenté par le CREDOF ( par un juriste du CREDOF issu du département Droits de l'homme de l'université de Paris 10 Nanterre). Lien sur:
    http://internement-arbitraire.blogspot.com/2010_11_25_archive.html
    La France a été condamnée dans cette affaire, pour un internement d'office en UMD à perpétuité finalement, alors même que l'intéressé à obtenu des annulations en cascade de ses titres d'internement d'office (les arrêtés d'office) sans pouvoir se faire libérer par les JLD successifs auxquels il s'est adressé pour internement illégal.
     
    La décence commande évidemment devant l'horreur de cette situation de ne pas en rajouter une couche et de s'abstenir de traiter ce requérant qui est un interné d'office à perpétuité, de paranoïaque … etc. Claude Baudoin, que je connais bien, et dont j'ai suivi partiellement mais réellement l'affaire tout un temps, est quelqu'un de courageux, qui se bat jusqu'au bout. Il manque de sens tactique. Il ne sait pas plier.

  7. Le communiqué de presse du CRPA et son analyse figurent sur le lien suivant:
    http://psychiatrie.crpa.asso.fr/110 /
    Les gens du CRPA ont été parmi les initiateurs de ce dossier ainsi que l'indique notre communiqué de presse du 25 mai dernier, préalable à la décision du 9 juin dernier.

  8. Il n'empêche qu' un HP reste une zone de non-droit dans lequel " ceux qui savent et détiennent le pouvoir" font ce qu'ils veulent de la personne hospitalisée. Suivant que le patient rencontre telle ou telle personne , il sera traité différemment et des traitement lui seront imposés en fonction de l'orientation professionnelle du "soignant". Et quel recours ? un "diagnostic", un jugement sera posée et la parole niée…La personne est réduite à un symptôme que l'on doit faire taire…!

  9. Bonjour,
    Je suis usager et militant de la santé mentale. Sur le blog http://sante-psy.blogspot.com/   , je me suis efforcé de réaliser une synthèse de la loi adoptée en 2e lecture le 22 juin dernier par l'Assemblée Nationale, avec une partie objective et une partie commentaire, du point de vue de l'usager: En résumé, la disparition possible des permissions (le texte prévoit des "sorties accompagnées") me semble réduire les possibilités de réadaptation après une crise. Par ailleurs, les dispositions concernant les personnes ayant déjà été hospitalisées pour trouble à l'ordre public ou irresponsabilité pénale relèvent d'un problème de libertés publiques important: privation de liberté sans limitation de peine, plus camisole chimique… L'irresponsabilité pénale vise à protéger les personnes, il s'agit ici de les priver de tous les droits.

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