> Lettre aux amis de la pédopsychiatrie d'aujourd'hui

Lettre aux amis de la pédopsychiatrie d’aujourd’hui

Pierre Delion, Lille le 20 Mars 2012, jour du printemps

mardi 20 mars 2012, par Michel Balat

Chers amis, nous voilà maintenant dans une situation extrêmement préoccupante au sujet de l’autisme et des recommandations qui viennent de sortir de l’HAS, puisque les soins seront prescrits, pour certains d’entre eux par des forces extérieures à notre corps professionnel. Je ne dis pas que seuls les pédopsychiatres doivent indiquer des soins, puisque l’expérience de la psychothérapie institutionnelle nous a justement appris à partager nos décisions avec l’ensemble de nos équipes, à prendre en compte les avis de nos partenaires, et le tout, sous l’égide bienveillante des parents, quand cela est possible. Mais là, nous faisons une nouvelle expérience, celle d’avoir à assumer des décisions venues de l’extérieur de notre champ de compétences, et qui, selon notre expérience antérieure, semble peu adaptées, sinon inadaptées aux problèmes rencontrés. L’exemple du packing vient immédiatement à l’esprit et va être dans les semaines qui viennent un réel problème lorsqu’il va nous falloir répondre aux parents qui veulent à tout prix continuer ce soin pour leur enfant, alors que, hors de la recherche lilloise, la HAS, instance opposable en droit, s’y oppose formellement, même à titre exceptionnel. Ces parents nous rappellent d’ailleurs qu’ils n’ont pas été consultés dans ces décisions, alors qu’ils étaient les premiers concernés par leurs enfants bénéficiant du packing. Voilà un exemple à partir duquel nous allons devoir réfléchir pour trouver des aménagements, sans nous mettre en danger puisque vous savez que le président de "vaincre l’autisme" a prévenu qu’il intenterait un procès en justice à toute personne dérogeant à ces recommandations. On peut lui faire confiance sur sa détermination à ce sujet. Mais voyons plus globalement comment va se passer la suite. J’ai peur que, concernant les autres soins relationnels, la même procédure soit mise en place assez rapidement : la pataugeoire, l’équithérapie, les ateliers conte et autres activités thérapeutiques des hôpitaux de jour de nos secteurs de pédopsychiatrie. Comment va-t-on précéder ? Allons nous laisser éradiquer ces outils thérapeutiques sur lesquels nous instituions nos soins avec les enfants ? Comment dès lors mettre davantage les parents des enfants que nous soignons dans le coup de ces nouvelles modalités de soins imposées ? Jusqu’alors j’avais toujours eu beaucoup de réticences à le faire. Pour le packing, j’avais vraiment résisté à l’idée de demander aux parents de prendre partie pour défendre le soin de leur enfant, pensant que nos organisations professionnelles le feraient sans réticences. L’histoire récente nous montre qu’il n’en est rien et que nous allons devoir changer de stratégie à ce propos. Il va nous falloir permettre aux parents engagés avec nous dans les soins de leur enfant soit de fonder de nouvelles associations, soit de s’engager dans les associations existantes pour y apporter d’autres points de vue demeurés en retrait jusqu’alors. En effet, lorsque je discute avec des parents, engagés que nous sommes avec eux dans une confiance réciproque nécessaire à tout soin de leur enfant, je suis frappé de voir comment ces parents jugent les réactions des représentants d’associations de parents d’enfants autistes avec étonnement et sagesse. Avec étonnement, car il leur paraît souvent curieux que ces parents puissent avoir une telle haine vis à vis des pédopsychiatres et de leurs équipes, sauf à considérer qu’il s’agit d’expériences traumatiques anciennes qui tournent en boucle sur les forum et dans les discussions des détracteurs. L’hypothèse la plus vraisemblable est que ces parents ne sont plus en lien avec nos équipes à la suite de désaccords sans doute compréhensibles, mais généralisés à outrance. Avec sagesse, et l’exemple le plus frappant qu’ils prennent, là encore, est celui du packing, car ces parents pensent que les principaux détracteurs ne savent visiblement pas de quoi ils parlent, si j’en juge aux films d’horreur que "vaincre l’autisme" monte et promeut pour démontrer l’inanité de cette technique, comme si leur avis de témoins ne suffisait pas à convaincre. D’ailleurs, je suis très étonné que le président de "vaincre l’autisme", si prompt à faire des procès, n’ait pas encore trouvé un seul cas de parents prêts à le suivre pour les reproches qu’il fait au packing. Cela devrait attirer l’attention d’un pouvoir scientifique, l’HAS, sur l’écart entre ce qui est proféré avec une extrême violence et la réalité de ce qui est dénoncé. Mais cela devrait surtout attirer l’attention des pouvoirs publics et des politiques qui, loin de tempérer ces excès, s’en servent lâchement pour ne pas répondre aux besoins énormes dont il est question dans cette guerre de l’autisme. Pour avancer sur ces problèmes importants, il faut une nouvelle approche qui prenne en considération les avis de tous les parents et pas seulement ceux qui sont contre. Il nous reste à trouver les moyens de déclencher un tel débat.

 

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