>Lettre au nouveau Président de la République et aux futurs élus de l'Assemblée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Monsieur le Président, chers candidats,

C'est avec émotion que je m'adresse à vous, avec émotion et espoir, l'espoir du professionnel et du citoyen qui a assisté impuissant dans le dernier quinquennat à la déconstruction du plus bel outil façonné patiemment depuis des décennies dans la Résistance par la psychiatrie française: la psychiatrie de secteur.

L'émotion est celle d'un citoyen espérant pouvoir enfin redevenir fier de son pays et de la façon dont il traite les personnes souffrant de troubles psychiques. L'état des lieux, Monsieur le Président, laissé par votre prédécesseur, est celui d'un pays qui aurait perdu toute humanité, et qui aurait été guidé par le seul désir de contrôle au service du pouvoir, utilisant la menace et la peur pour convaincre…

L'idéal socialiste qui vous anime ne saurait se satisfaire de cet état des lieux. Aidez-nous à renouer avec notre service public, sa qualité et la philosophie qui en a permis le développement. Que le socialisme montre au monde entier comment respecter, soutenir et faire advenir la part d'humanité, existant en chaque personne présentant un handicap psychique.

Votre prédécesseur dans son violent discours à la télévision du 2 décembre 2008 s'est appuyé sur des thèses du 19e siècle associant crime et maladie mentale et a fait voter la loi du 5 juillet 2012 plus répressive que toutes celles qui ont existé avant, utilisant enfermement et traitement chimique obligatoire, disqualifiant tous les efforts qui ont porté la psychiatrie française au plus haut niveau (Obama et la Chine ont cherché à la connaître).

Au lieu de continuer à développer tous les soins dans le tissu social, il a renforcé les anciens asiles du 19e siècle. La stigmatisation ainsi créée a eu des conséquences dramatiques. Elle a détruit le moral des soignants en les disqualifiant par son propos, annulant 50 ans d'efforts faits pour rendre les soins proches, accessibles, solidaires; il a divisé les divers acteurs de la Santé mentale, favorisé des compromissions réunies dans le Plan de santé mentale de janvier dernier: celui-ci intègre le rapport Couty proposant la dispersion des divers soins nécessaires pour un même malade, ce qui détruit la continuité des soins proposée par la politique de secteur, et pire sous le titre ''d'aidants'' veut lever une véritable "milice" de familles (aidants familiaux) et de patients (médiateurs-pairs aidants, ou "bons malades") pour suppléer les soignants dits défaillants.

Aujourd'hui il est indispensable et nécessaire que le Président, les nouveaux élus, redonnent confiance aux divers professionnels de la psychiatrie et de l'action sociale, qu'ils abrogent la loi de 2011 et le Plan de santé mentale qui la consolide. Ainsi ils permettront leur rassemblement et leur union autour d'un grand projet pour la psychiatrie associant les soins et les compensations sociales des handicaps psychiques.

Savez-vous chers candidats que ce sont 10 millions de personnes qui sont concernées par la psychiatrie, dont 3 millions avec des troubles graves, en comptant leurs familles et leurs soignants ? La stigmatisation était telle qu'ils n'osaient plus se manifester.

La peur étant écartée, la psychiatrie de secteur pourra être reconstruite sur la solidarité, la proximité: une même équipe de soin, met à la disposition de chaque patient, dans la continuité tout au long de sa vie, les diverses acquisitions psychothérapiques et scientifiques en veillant à toujours les associer.

Ce projet né au lendemain de la guerre avec l'expérience de la Résistance, bâti sur la solidarité, doit être reformulé, reconduit, mais associé à la création d'un bureau de la psychiatrie au ministère de la Santé et d'un comité de Sages, nécessaires pour faire évoluer la psychiatrie à la mesure de l'évolution de la société française (ceci existait entre 1970 et 1990 et a fait ses preuves). Ces instances sont plus fiables que des lois.

Confirmez la psychiatrie de secteur qui a fait ses preuves, avec ses soins bâtis sur la confiance, la liberté, à partir d'une vraie rencontre humaine, cette liberté dont le patient a besoin pour se reconstruire, s'appuyant sur ses talents, ses potentialités, sa créativité.

 

Guy Baillon, Psychiatre des hôpitaux en 1969, chef de secteur de Bondy dans le 93, rattaché à Ville-Evrard.

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2 réflexions sur « >Lettre au nouveau Président de la République et aux futurs élus de l'Assemblée »

  1. Pour une fois que Guy Baillon fait preuve de clarté, lui qui est usuellement si confus, et qu'il ne met pas en avant les porte flingues du Sarkozysme en matière psychiatrique qu'ont été l'UNAFAM et la FNAPSY … Deux organisations qui ont été des lobbyistes clés en faveur de la légalisation des soins sous contrainte en ambulatoire. Lui (Guy Baillon) qui flatte systématiquement ces deux obédiences, dés qu'il le peut, alors même que ces deux organisations ont finalement combattu les coalitions et les personnes qui se sont inscrites dans les mouvements de lutte de 2010 et 2011 contre les projets de réforme sécuritaires gouvernementaux de la psychiatrie.
     
    Claude Finkelstein, présidente de la Fnapsy par exemple, a, à plusieurs reprises donné un accord entier ou presque au Gouvernement dans ses projets de réforme sécuritaire … Pendant que Guy Baillon lui accordait béatement ainsi qu'à ses collègues cireurs de pompes de cette même Fnapsy son plus entier soutien …

  2. Bonjour,
    Suite à la lettre de Guy que je trouve intéréssante et éminemment politique dans les circonstances actuelles, je souhaiterais que les 39 mettent en oeuvre véritablement des collectifs de travail à l'image de ce qu'avait proposé OURY au 1° meeting de Montreuil, c'est à dire l'équivalent des Collèges de psychiatrie suite à 68. En effet, nous pouvons localement travailler sur des thèmes, mais il est nécessaire que les 39 articulent des groupes sur des thèmes comme la clinique, la formation, la sectorisation, etc…
    Il y a longtemps que je pense celà, mais les rencontres ne permettent pas d'exprimer son point de vue, compte tenu de la densité des rencontres.
    Alors, il ne s'agit pas seulement de penser qu'un collectif va changer les choses, mais d'associer l'ensemble des participants à ce collectif, en lui donnant toute sa place.
    Au plaisir de rencontre en groupes et en collectif.
    Yves de l'Espinay
    Formateur en Soins infirmiers psychiatriques

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