>Communiqué commun de l’ensemble des Syndicats de la psychiatrie publique

 

SPH – IDEPP – SPEP – USP – SPF

A la suite d’un meurtre commis en février 2004 par un malade en fugue d’hospitalisation d’office depuis 20 jours et la condamnation de l’établissement hospitalier devant la cour administrative d’appel en octobre 2009, la responsabilité personnelle du psychiatre traitant a été mise cause au pénal par la famille de la victime.

Notre  collègue le Dr Danielle Canarelli, a été mise en examen au chef d’homicide involontaire avec renvoi au tribunal correctionnel pour un jugement prévu le 13 novembre 2012.

Alors que ce patient se trouvait administrativement en sortie d’essai, une fugue impulsive était survenue pendant la consultation au moment où elle l’informait de la nécessité d’une hospitalisation immédiate.

Il lui est reproché de « n’avoir pris aucune disposition effective pour ramener à exécution de manière contraignante la mesure d’hospitalisation d’office » alors même qu’elle avait établi les certificats et avis de recherche, les avait adressés aux services concernés (DDASS et services de police) et qu’elle avait organisé plusieurs visites à domicile.

L’ensemble des syndicats des psychiatres hospitaliers de la psychiatrie publique apporte son total soutien au Dr Canarelli qui n’a commis aucune faute ni erreur médicales en ayant porté un jugement correct, prescrit des soins adaptés et effectué les démarches médico-légales adéquates. Elle ne saurait être tenue pour responsable dans les faits en cause, puisqu’il ne relevait ni de son pouvoir ni de ses fonctions d’intervenir autrement.

Les syndicats de psychiatres publics dénoncent unanimement la tendance à vouloir mettre en cause la responsabilité des psychiatres hospitaliers en exigeant d’eux une obligation de résultat et non plus de moyen, dans un domaine où la prédictivité et le risque zéro n’existent pas et où de nombreux autres intervenants, sur lesquels ils n’ont pas autorité, sont concernés.

Dr J-C. Pénochet, Président du Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux

Dr A. Mercuel, Président de l’Intersyndicale de Défense de la Psychiatrie Publique

Dr O. Labouret, Président de l’Union Syndicale de la Psychiatrie

Dr A. Poli, Président du Syndicat des Psychiatres d’Exercice Public

Dr J-Y. Cozic, Président du Syndicat des Psychiatres Français

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Une réflexion sur « >Communiqué commun de l’ensemble des Syndicats de la psychiatrie publique »

  1. REVIREMENT DE JURISPRUDENCE POUR LES SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT : 
    L’AFFAIRE DU CHS EDOUARD TOULOUSE DE MARSEILLE OU LA FIN DU RISQUE ACCEPTE.

    Septembre 2012

    Le dispositif des programmes de soins sans consentement ambulatoire peut être abordé par analogie avec l’ancien régime légal des 

    sorties d’essai. En l’occurrence, l'hôpital psychiatrique E.Toulouse de Marseille a été condamné par la Cour administrative d'appel de Marseille à indemniser la famille d'un homme tué par un patient en sortie d’essai en 2004. Ces situations relevaient des jurisprudences anciennes et constantes « Renault-Desrosiez » et « département de la Moselle » par lesquelles le juge acceptait le risque et compensait par un régime de responsabilité sans faute de l’Etat. Dans un premier temps, la responsabilité sans faute de l'Etat pour risque exceptionnel, à travers le préfet signataire de l'arrêté de sortie d'essai, avait été reconnue par le Tribunal administratif en juin 2007. Mais en s’appuyant sur les dispositions de la loi de 1990 prévoyant que la sortie d’essai comporte une surveillance médicale et que le suivi de la sortie d’essai est assuré par le secteur psychiatrique compétent, la cour d'appel a en revanche contredit le jugement de première instance et retenu que le patient en sortie d'essai reste sous la surveillance et la responsabilité du centre hospitalier. En l’occurrence, ce patient avait fait l’objet d’hospitalisation d'office en 2001 après plusieurs actes de violence. Toujours en 2001, il avait été incarcéré après une tentative d'assassinat. Par la suite il a de nouveau fait l’objet d’une hospitalisation d'office au CH Edouard Toulouse en raison de troubles mentaux, à la suite d'une agression sur un co-détenu. En 2003, il a bénéficié de sept sorties d'essai autorisées par le préfet, sur proposition du médecin qui le suivait et après une expertise psychiatrique. Pendant une sortie d'essai le patient ne s'est pas présenté à un rendez-vous de consultation car dans le même temps il subissait une intervention chirurgicale après laquelle il a été transféré au CH E. Toulouse. Il a alors refusé l'hospitalisation qu'on lui proposait et s’est enfui sans que les personnels présent ne puissent le retenir. Il s'est présenté à nouveau à l'hôpital et s'est à nouveau enfui. Le 26 février 2004, le patient a eu une altercation avec le compagnon de sa grand-mère, nécessitant l'intervention de la police sans qu’il puisse être appréhendé. Enfin, le 9 mars 2004, il a finalement assassiné le vieil homme. Pour la Cour, à l’examen des faits, quelles qu'aient été les méthodes thérapeutiques employées par l'établissement, le fait que le patient ait pu s'enfuir précipitamment de l'enceinte d’un établissement spécialisé dans le traitement des pathologies psychiatriques, révélait un fonctionnement défectueux du service de nature à engager la responsabilité fautive de l'hôpital. Pour les juges administratifs, même en sortie d'essai, le patient demeurait sous la surveillance et la responsabilité du centre hospitalier. Compte tenu des lourds antécédents psychiatriques, il appartenait à l'hôpital de prendre les mesures de surveillance renforcées qu'exigeait l’état du patient. Ces mesures s'imposaient tout particulièrement lors des fuites successives alors qu’il s’était présenté à l’hôpital E.Toulouse où il était suivi. La Cour a précisé que le fait que l'hôpital ait procédé à une visite au domicile du patient, prévenu la direction départementale des affaires sanitaires et sociales et les services de police ne l'exonère pas de sa responsabilité. Alors que l'Etat avait été reconnu par le Tribunal administratif responsable sans faute, la Cour administrative d’appel a retenu la faute de l’établissement, le meurtre étant imputable aux seules défaillances du centre hospitalier dans la surveillance du patient. Le patient meurtrier a été reconnu pénalement irresponsable et le Conseil d'Etat a confirmé la décision d'octobre 2009 de la Cour administrative d'appel de Marseille. Le pourvoi du CH Edouard Toulouse a été refusé pour un défaut de moyens sérieux. A l'audience, le rapporteur public a estimé que la faute de l'hôpital était suffisamment caractérisée car l'équipe médicale n'avait pas retenu le patient lors de la consultation et que le défaut de surveillance était la cause originelle et essentielle de l'acte commis. Dans le contexte des programmes de soins sans consentement ambulatoires, cette décision constitue une évolution notable de la jurisprudence pour la responsabilité des hôpitaux. En effet les exigences formulées par la Cour administrative d’appel et le Conseil d’Etat en matière de surveillance vont être difficiles à concilier avec la vision non coercitive du Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 avril 2012. 

    Dans un deuxième temps un des ayants droits de la victime a déposé plainte au pénal contre l'hôpital et les médecins pour défaut d'assistance et homicide involontaire. Ils ont considéré qu'il n'y avait pas seulement un défaut d'organisation dans le service mais aussi des erreurs de diagnostic et de prise en charge par une psychiatre qui a été mise en examen et renvoyée devant le Tribunal correctionnel pour homicide involontaire. Selon l'ordonnance de renvoi, la juge d'instruction a conclu que la psychiatre n’a pas été attentive dans le cadre du suivi, qu’elle a persévéré dans l'erreur de diagnostic, commis des fautes multiples et caractérisées qui ont contribué au passage à l'acte violent du patient. Le magistrat instructeur s’est appuyé sur les observations des experts amenés à se prononcer depuis 2000 qui avaient posé le diagnostic d'une psychose entraînant un état de dangerosité psychiatrique avéré. Pour la juge d'instruction aucune mesure particulière de précaution n'avait été prise après les fuites du patient alors qu'il se trouvait toujours sous le coup d'un placement d'office et la psychiatre ne pouvait ignorer le risque d'une particulière gravité auquel était exposé autrui. L'ordonnance de renvoi a rappelé que l’enchaînement des événements ayant conduit à l'assassinat résulte des seules décisions inadaptées et négligences du psychiatre. En revanche pour le Dr Jean-Claude Pénochet, président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux, la psychiatre poursuivie a agi à bon escient puisque, après la fuite du patient, elle a établi les certificats et les avis de recherche, les a adressés aux services concernés, Ddass et services de police, et a organisé plusieurs visites à son domicile pour tenter de le retrouver. De ce fait, le psychiatre syndicaliste soutient qu’elle ne saurait être tenue pour responsable parce qu'il ne relevait ni de son pouvoir ni de ses fonctions d'intervenir autrement. En définitive, une condamnation signifierait qu'on impose aux psychiatres une obligation de résultat et non plus seulement une obligation de moyens. Cela devrait s’inclure en plus dans le cadre déjà décrit, défini par le Conseil constitutionnel le 20 avril 2012, selon lequel « les dispositions de l'article L.3211−2−1 n'autorisent pas l'exécution d'une […] obligation sous la contrainte; que ces personnes ne sauraient se voir administrer des soins de manière coercitive ni être conduites ou maintenues de force pour accomplir les séjours en établissement prévus par le programme de soins. » Les sages ont aussi souligné qu’« aucune mesure de contrainte […] ne peut être mise en œuvre sans que la prise en charge ait été préalablement transformée en hospitalisation complète […] » Autant dire que la jurisprudence devra être scrutée avec attention pour tous les praticiens qui voudront s’aventurer dans des dispositifs de programmes de soins.

    En définitive, à l’aune de cette affaire un revirement semble s’être opéré au sein de la justice. Alors que jusqu’à présent, comme nous l’avons vu, le juge acceptait le risque et rétablissait l’équilibre face à une administration coercitive, dans cette affaire en retenant le défaut de surveillance et la mise en danger d’autrui, le juge administratif et le juge pénal ont mis en cause la responsabilité des psychiatres hospitaliers en exigeant d'eux une obligation de résultat. En dépassant l’obligation de moyens, pour exiger un résultat dans un domaine où la prédictivité et le risque zéro n'existent pas, les juges semblent avoir choisi en l’espèce un positionnement au service du contrôle social. Dans l’attente de décision du tribunal correctionnel en novembre prochain, devant les conséquences envisageables, l'Association nationale des psychiatres présidents et vice-présidents de commission médicale d'établissement (ANPCME) a tenu à rappeler à cette occasion, que les missions des psychiatres publics s'inscrivent dans la recherche constante d’un équilibre entre le respect des libertés individuelles et des droits des patients et le risque potentiel d'un passage à l'acte qui s’il est regrettable, ne peut pour autant être évité. 

     

    PANFILI Jean Marc
    Cadre supérieur de santé en psychiatrie adulte
    Spécialisé en droit de la santé 



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