> La psychiatrie asphyxiée

Une Situation de la psychiatrie

Un exemple de démantèlement d’une équipe de psychiatrie, la situation au CHSF (Centre Hospitalier Sud Francilien)


La psychiatrie asphyxiée

Alors que la politique officielle du Ministère prétend promouvoir les soins ambulatoires, les équipes de psychiatrie de secteur rattachées au CHSF qui les ont développés depuis 40 ans, en multipliant la diversité des offres de soins en relation avec les partenaires des champs social et médico-social du territoire sont mises à mal, voient leurs moyens réduits brutalement et leur travail clinique disqualifié, fragilisé et finalement remis en question au nom des objectifs du Plan de Retour à l’Equilibre Financier.

La psychiatrie de secteur repose en effet sur quelques principes simples et fondamentaux :

-Une disponibilité des soignants au traitement des sollicitations multiformes qui leur sont adressées.

-Une grande fiabilité des relations au long cours établies entre soignants et soignés.

-Une facilité d’accès aux diverses unités de soins territoriales de proximité.

Nos différents secteurs, historiquement, à l’initiative de Lucien Bonnafé, ont été parmi les premiers, en France à leur donner une réalité effective. Personne ne le conteste. Mais, dans les faits, aujourd’hui, quand on travaille à flux tendu, quand les équipes s’amenuisent, quand la précarisation des postes (généralisation des recrutements en CDD) ne garantit plus les continuités relationnelles, quand des dispositifs de soins sont menacés localement de fermeture, c’est toute une conception du service public de psychiatrie qui se trouve attaquée.

En effet si l’on peut comprendre le principe de la prise en compte des impératifs financiers qui dicte l’évolution actuelle de nos secteurs du fait des économies à réaliser, les décisions prises par leur brutalité, leur imprévisibilité et leur soudaineté remettent en cause l’organisation même des soins apportés aux personnes en difficulté et la possibilité de leur prise en charge, le mouvement de réduction drastiques des équipes étant de plus en plus amplifié, s’opérant de manière aléatoire sans ligne d’action apparente autre que l’opportunité d’agir au cas par cas des économies.

Ainsi:

-Dans le secteur de Vigneux, Montgeron, Crosne manquent : 3 postes de psychiatres, 1 psychologue, 1 infirmière.

-Dans le secteur de Yerres, Brunoy, Quincy/Sénart manquent : les ASH (agents du service hospitalier) sont retirées des unités d’hospitalisation, un CMP va fermer, il manque un psychologue, des psychiatres s’en vont.

-Dans le secteur de Corbeil, St Germain les Corbeil, St Pierre du Perray, Tigery, Villabé,

manquent : 1 psychologue, 1 psychiatre, 3 postes infirmiers au moins.

-Dans l’Unité des Urgences Psychiatriques et de Liaison (UPLI), il manque 2 psychiatres et des infirmiers, ce qui entraine actuellement une crise majeure.

-Quant à l’intersecteur de psychiatrie infanto-juvénile, tout comme les autres services de psychiatrie adulte, il est confronté en première intention aux effets du malaise social. Là aussi, les objectifs du COM (Contrat d’Objectifs et de Moyens), fixés par une mission d’appui en santé mental venue enquêter en 1999 en psychiatrie (et reconnaissant une psychiatrie sinistrée), ne sont pas respectés. Ce COM signé en 2004 devait permettre à la psychiatrie infanto-juvénile la création de 3 « structures d’accueil supplémentaires » et l’augmentation de places en Familles d’Accueil Thérapeutiques.

Les enveloppes budgétaires attribuées à l’hôpital pour la psychiatrie infanto-juvénile ont probablement été englouties dans le retour à l’équilibre financier alors même, que jusqu’à très récemment, le directeur de la psychiatrie nous avait promis chaque année qu’avant la fin de l’année en cours nous aurions tous les personnels promis.

Si bien qu’au regard du COM 2015 non encore réalisé manquent aujourd’hui dans le service de psychiatrie infanto-juvénile : 1 cadre infirmier, 12 infirmiers, 4éducteurs spécialisés, 1,5 ortophonistes, un mi-temps de psychomotricien, 3 psychologues, 0,5 assistants sociaux, 1,5 secrétaires, 1 PH temps plein, 2 PH temps partiels, 1 assistant spécialisé, 8 vacations médicales.

Toutes les équipes des secteurs sont au bord de l’asphyxie et devront, si la tendance annoncée se confirme, cesser une partie de leurs activités. Dans les CMP les délais d’attente s’allongent, les urgences sont débordées,  et les services hospitaliers ne pourront plus disposer du temps, des moyens, et des conditions de sécurité indispensables à la qualité des soins en psychiatrie. Déjà, un CMP, à Vigneux sur Seine, s’est vu contraint de fermer l’accueil au public à plusieurs reprises par manque de médecins psychiatres.

Dans chaque service les saignées sont dramatiques. Des soignants recrutés sur des contrats précaires ne sont pas reconduits du jour au lendemain, ceux qui partent en retraite voient leurs postes supprimés, d’autres sont retirés des unités de psychiatrie afin de combler les manques de l’établissement, quand ce n’est pas confier leur fonction à des entreprises privées.

Ces restrictions sont donc désastreuses, alors que toutes les structures de soins sont confrontées à une inflation de nouvelles demandes, qui ne sont pas sans rapport avec la crise sociale et la précarisation des conditions de vie des habitants de nos différents secteurs. A l’inverse de ce que l’on constate, c’est une donnée qui pourtant devrait-être prise en compte en priorité.

Par ailleurs, tout le monde sait que la qualité des soins en psychiatrie dépend des relations de confiance personnelles et durables qui s’établissent entre les soignants et les patients et leurs familles. Comment la préserver si les usagers sont contraints, en permanence, de changer d’interlocuteurs

Aujourd’hui la question posée par l’évolution des secteurs réside donc dans la possibilité même d’assurer des soins cohérents et donc efficaces aux populations concernées.

Il est donc urgent aujourd’hui qu’une concertation enfin s’instaure entre l’administration et les secteurs pour déterminer ensemble les solutions de nature à conserver un service public de soins adapté à sa mission.

Jusqu’à aujourd’hui les tentatives de concertation se sont heurtées à un refus absolu de dialogue.

A nos différentes alarmes, l’administration de l’hôpital objecte en effet qu’elle ne peut faire autrement. Elle doit, nous dit-on, obéir aux directives de l’Agence Régionale de Santé qui, elle-même met en œuvre les orientations du Ministère. Quelles que soient les réalités de terrain, leurs histoires et leurs particularités, seules importeraient désormais les économies drastiques dans le financement des services publics, dont les modes de gestion et de management devraient se calquer sur ceux des entreprises performantes. La santé et donc la psychiatrie n’y échapperaient pas. C’est un choix politique. Mais pour nous c’est d’abord une illusion dangereuse. Nous avons affaire à des patients en souffrance et non à des objets, et nos services ne sont pas des « produits », mis en vente sur un marché concurrentiel.

C’est pourquoi nous tenons alerter les politiques, nos partenaires, les familles des patients, et tous ceux qui se sentent concernés par la qualité des soins proposés aux personnes en grande souffrance psychique, afin de réagir à la catastrophe qui s’annonce.

Le Collectif des équipes de psychiatrie du CHSF.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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