Table 2: Introduction table 2 « Pour l’hospitalité à la folie, non à la contention!  » 

Présentée par Alexandra de Seguin   Psychiatre (91)

Nous ouvrons maintenant la table ronde intitulée « Pour l’hospitalité à la folie, non à la contention ! ». 

Nous souhaitons avant tout dénoncer l’augmentation et la banalisation des pratiques d’enfermement, de contrôle et d’entraves des corps en psychiatrie. Cette violence qui s’exerce à l’égard des patients survient dans un contexte de réduction de moyens alloués aux équipes et de fermeture des lieux d’accueil de proximité intégrés à l’organisation sectorielle des soins. Nous pensons qu’il est absolument insuffisant d’encadrer juridiquement les mesures de contention et de placement en chambre d’isolement comme le propose l’article 13 quater du projet de loi. Si il importe de limiter et contrôler le pouvoir des psychiatres et des infirmiers en la matière, nous nous refusons à entériner que la contention serait thérapeutique comme l’indique un amendement de cet article.

Hervé Bokobza, psychiatre, psychanalyste, ancien directeur de la Clinique de Saint-Martin-de-Vignogoul dans l’Hérault, président des Etats Généraux de la psychiatrie en 2003 et Christian Lamotte, membre du Fil conducteur qui est un collectif de parents et proches de patients commenceront par dire pourquoi nous affirmons que la contention n’est pas thérapeutique. Elle est aujourd’hui loin d’être exceptionnelle et d’être une « mesure d’ultime recours » qui se limiterait à la « prévention du danger et d’un préjudice physique » imminent. Elle désespère les patients et leurs proches comme les soignants. Se donner la possibilité de dresser un état des lieux et permettre de multiples interfaces avec l’extérieur paraît essentiel et constitue une proposition très minimale. Le Comité européen pour la Prévention de la Torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants avait déjà relevé en 2012 l’absence de « justification thérapeutique quelle qu’elle soit » à la contention et Adeline Hazan, contrôleur générale des lieux de privation de liberté relève, tout comme son prédécesseur, dans son rapport annuel en 2014, l’absence de registre de traçabilité de ces mesures. Lutter contre la contention ne peut se faire sans cerner les enjeux sous-jacents de cette évolution liberticide et sécuritaire des pratiques, dont elle reste la pointe émergée. Thierry Najman, psychiatre, chef de pôle à l’HP de Moisselles, nous parlera de ces dérives graves et dégradantes notamment en lien avec une logique de gestion de la pénurie et un principe de précaution qui malmène et contraint les équipes. Son livre Lieu d’asile, qui paraît dans une semaine, est dans le droit fil de cette table ronde, se faisant Manifeste pour une autre psychiatrie. En effet, rendre la contention caduque nécessite absolument des moyens pour construire des alternatives : donner des moyens psychiques et humains aux soignants et non pas les réduire est essentiel pour pouvoir améliorer l’hospitalité en lien avec une psychiatrie critique qui avait pu endiguer l’usage de la contention et de l’isolement dans certains services. La question ne se posait alors plus en termes d’avoir recours à la contention ou pas puisque la problématique était travaillée en amont. Dans cette perspective, Sébastien Daux, membre de l’association Humapsy parlera de leur engagement en faveur d’une psychiatrie qui fait part à la dimension existentielle. À cet égard, Serge Klopp, cadre infirmier à l’hôpital de Ville Evrard, témoignera de ce qui peut, actuellement, rendre très difficile de faire reculer ces pratiques de contention dans des conditions de travail marquées par un changement de culture et une logique managériale croissante ; il soulignera la souffrance qui en résulte quand on sait que ça a pu et que ça pourrait se passer autrement. Guy Dana, psychiatre, psychanalyste, qui travaille depuis plus de vingt ans comme chef de service d’un secteur adulte de psychiatrie à l’EPS Barthélémy Durand, introduira différents niveaux à même de faire chuter la violence institutionnelle tant du point de vue de l’engagement dans l’acte singulier que de l’élaboration nécessaire dans un collectif soignant. Ces conceptions théoriques et pratiques nécessitent d’être transmises dans des modalités de formation admettant une richesse et une pluralité. Dominique Besnard, psychologue et ancien directeur des politiques et pratiques sociales au CEMEA, soutiendra dans cette perspective la nécessité de désincarcérer la formation pour œuvrer à la construction de cette psychiatrie accueillante pour l’altérite et la folie.

1.Article 13 quater du « projet de loi de modernisation de notre système de santé » adopté suite à la présentation de l’amendement n°AS1467 par D. Robiliard, 13 mars 2015

http://www.assemblee-nationale.fr/14/textes/2673.asp#D_Article_13_quater

2.Amendement 144 « visant à remplacer les termes de « placement en chambre d’isolement » par ceux d’ « admission en chambre d’isolement », et la notion de « décision d’un psychiatre » par celle de « prescription d’un psychiatre » » extrait du texte d’ « Examen du rapport et du texte de la commission » autour de la « Modernisation de notre système de santé » présidée par M. Alain Milon, le 22 juillet 2015

3.Comité européen pour la Prévention de la Torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), « Le recours a la contention dans les “établissements psychiatriques” », 2012

4. Ibid.

5. Ibid.

6; Hazan A. Contrôleur général des lieux de privation de liberté : rapport d’activité 2014. Paris : Dalloz ; 2015. http://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2015/04/CGLPL_rapport-2014_version-web_3.pdf

 

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