>Quand la parole devient assourdissante

Les commentaires ont été fermés depuis hier comme vous avez pu le remarquer. Grosse fatigue face à des flots  de commentaires entre quelques participants qui "capturent" l'espace d'échange de site pour le transformer en forum de quelques uns, en foire d'empoigne.

"La liberté commence là où s'arrête celles des autres" : chacun connaît l'adage, et là, il nous semble que les hurlements alliés au défoulement d'un tout petit nombre (trois ou quatre) viennent tout envahir au point que le site ne soit plus un site que par le nom…

Echanger, réfléchir, débattre doit être quelque chose qui ne se fait pas au détriment du plus grand nombre. Nous appelons les personnes qui arrivent à écrire 250 commentaires sur un unique article à se calmer.

Sachant qu'il existe un réseau social des 39 fait pour ces échanges, qui contient des blogs personnels, des systèmes de forum. Il s'appelle "accueillir la folie" et se trouve à cette adresse : 

http://reseau-social39.collectifpsychiatrie.fr/

Nous en sommes désolés, pour l’immense majorité des internautes qui souhaitaient pouvoir participer à un réel débat démocratique, pour tous les signataires des appels, pour tous les membres du collectif des 39.

Nous espérons pouvoir ré-ouvrir ces “commentaires” , sans doute dans d’autres conditions.

Le Collectif des 39

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>Quand penser fait peur, faut-il interdire la pensée ?

« Une méthode qui fait peur, c’est une méthode à laquelle il faut renoncer. »[1]

(JL Harousseau, président de la Haute Autorité de Santé, et D. Langloys, présidente de l'association Autisme France)

Nous vivons un moment singulier pour la démocratie, qui devrait nous aider à penser ses mutations les plus actuelles, dont l’une est le passage du paradigme « une personne : une voix » au paradigme « une association : un droit », entraînant les instances étatiques dans des errements aussi étonnants que celui d’édicter les normes du soin des personnes autistes, allant jusqu’à juger « non pertinent » tout un mouvement de pensée : la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle.

Etudions les faits de plus près.

Des associations de parents qui ne représentent qu’elles-mêmes.

Depuis quelques dizaines d’années, et cela suit un mouvement sociétal plus global, des associations de parents de personnes autistes se sont créées, comme il existe des associations de parents d’enfants trisomiques, diabétiques, sourds, etc.

Ce n’est pas la majorité des parents d’enfants en difficulté qui choisissent d’adhérer à ce type d’associations, mais au contraire une minorité. De cela je peux témoigner à double titre :

à titre professionnel, en tant que psychiatre responsable d’un centre médico-psychologique, je constate que, sur la soixantaine de parents d’enfants autistes que je soigne, aucun n’appartient à ce type d’association, ne souhaite y adhérer ni ne se réclament de leurs discours. Mes collègues de l’intersecteur sont dans le même cas que moi. Serions-nous en face d’un échantillon de population exceptionnellement dénué d’envie d’adhérer à des associations ? J’en doute.

A titre personnel, ayant grandi aux côtés d’une sœur atteinte d’une anomalie génétique, je peux témoigner du fait que la majorité des familles d’enfants « handicapés » ne ressent pas spécialement le besoin d’adhérer à ce type d’associations.

En effet, appartenir à ce type d’association offre un soutien psychologique de l’ordre du partage d’expériences et de la réassurance collective dans la revendication politique de droits, prenant parfois la forme d’une lutte. Cela convient à certains, certes, mais pas à la majorité des parents ; un certain nombre pense même que ce type de réponse est un mode de fuite évitant la confrontation à certaines questions, et que ces luttes font parfois oublier le véritable intérêt des enfants tant c’est la réassurance des parents qui guide l’action.

Chacun son avis.

En choisissant de donner la parole uniquement aux associations de parents, sur un sujet comme l’autisme, l’Etat (via la HAS) exclut donc automatiquement de la réflexion la majorité des parents de personnes autistes qui ne sont pas en association et ne sont donc pas pris en considération.

Comment se fait-on entendre par l’Etat censé nous représenter quand on ne fait pas partie d’une association et qu’on n’a pas envie de le faire ?

Un travail de lobbying intensif, relayé sans filtre par la plupart des médias.

Ces associations de parents de personnes autistes ont du temps et de la détermination : écrivant sans relâche des commentaires sur internet au moindre article sur le sujet de l’autisme, contactant tous les journalistes et toutes les instances politiques susceptibles d’être intéressées par la question… Donnant ainsi l’illusion au grand public de représenter une position majoritaire, ce qui, je le répète, est faux, et martelant sans cesse les mêmes arguments :

-La psychanalyse serait inutile voire néfaste pour les personnes autistes.

-La psychiatrie française serait dominée par la psychanalyse.

-Les psychanalystes refuseraient les hypothèses des neurosciences et du comportementalisme, formeraient un lobby puissant et exclusif cherchant à assoir son pouvoir.

-La psychanalyse rendrait les mères responsables de l’autisme de leur enfant et culpabiliserait les mères.

-La psychose serait définie par la psychanalyse comme un trouble de la relation entre la mère et l’enfant.

-L’autisme serait, de manière avéré un trouble « neuro-développemental » d’origine génétique.

-le traitement des enfants autistes serait identique pour tous et passerait pas une rééducation comportementale intensive.

-Les méthodes comportementales seraient les seules à être validées scientifiquement pour l’autisme.

-La psychanalyse refuserait l’évaluation scientifique.

-Le packing[2] serait une méthode psychanalytique.

-Le packing serait une torture, une barbarie, il faudrait porter plainte contre ceux qui la pratiquent et l’interdire.

-La psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle devraient être interdites.

Ces arguments propagandistes réducteurs et simplistes, sont repris sans filtre par la plupart des médias.

Deux paradoxes devraient pourtant sauter aux yeux des journalistes :

Premier paradoxe, les associations de parents dont il est question accusent les psychanalystes d’être sectaires, exclusifs, fermés aux hypothèses neuroscientifiques et comportementales.

Comment expliquer alors qu’elles prennent justement pour cible ceux des pédopsychiatres et psychanalystes qui pratiquent et promeuvent depuis de nombreuses années une approche « intégrative », associant les neurosciences, le comportementalisme et la psychanalyse : Pierre Delion[3], Bernard Golse[4], David Cohen[5], Geneviève Haag[6], Chantal Lheureux-Davidse[7] ?

Pourquoi ces praticiens, qu’elles devraient considérer comme leurs alliés, sont les premiers qu’elles attaquent ?

Deuxième paradoxe, les associations de parents dont il est question véhiculent l’idée, reprise par les médias et le grand public, qu’il y aurait deux camps rivaux et égaux en haine : les tenants du comportementalisme et les tenants de la psychanalyse.

Pourtant, quand on observe les choses de près, que voit-on ?

D’un côté, des personnes qui parlent de torture, de barbarie, qui portent plainte contre des praticiens et exigent et obtiennent de la HAS l'interdiction du packing et la non-recommandation de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle.

En face, des praticiens et familles sidérés dont le plus grand tort de certains serait d'avoir comparé les méthodes comportementalistes à du "dressage"[8].

Est-ce vraiment équivalent ?

Peut-on comparer la désignation de « dressage » à celle de torture, de barbarie, à l’action de porter plainte et d'exiger l’interdiction d’une pratique psychiatrique et de tout un mouvement de pensée?

D'ailleurs, à titre personnel, si des psychanalystes demandaient l’interdiction du comportementalisme, je trouverais cela scandaleux et anti-démocratique et m’insurgerais tout autant que face à la tentative actuelle d'interdiction de la psychanalyse.

Quand on sait, par ailleurs (et je peux en témoigner car la fin de mes études n’est pas très loin de moi), que la psychanalyse n’est pas même mentionnée pendant les six premières années des études médicales, qu’en région parisienne (pourtant la plus ouverte) il est déconseillé par la rumeur d’effectuer une thèse et un mémoire de psychiatrie sur un sujet en lien à la psychanalyse, tant les professeurs de psychiatrie sont orientés, depuis plusieurs années, vers la psychiatrie biologique et génétique, comment prendre au sérieux ces allégations de la toute-puissance des psychanalystes ?

Que conclure de ces paradoxes ? La mauvaise foi évidente des arguments et la force de la volonté éliminationniste sous-jacente.

Des affirmations dogmatiques et triomphalistes…

Quand personne, et surtout pas les psychanalystes, ne prétend connaître les causes de l’autisme et quand la plupart des personnes concernées s’accordent sur le fait que chaque personne autiste est différente et qu’il est impossible de savoir à l’avance ce qui pourra lui venir en aide et soutenir sa famille, les associations de parents dont il est question dans cet article, elles, « savent » et assènent leur vision de  la vérité.

Ces associations de parents affirment que l’autisme est un trouble neuro-développemental d’origine génétique.

Pourtant, aucun argument allant dans ce sens n’a été confirmé scientifiquement : aucune localisation neurologique n’a pu être identifiée, aucune anomalie hormonale ou infectieuse, aucune anomalie génétique clairement individualisée. Depuis quelques années, certaines publications de chercheurs en neuroscience tendent même à relativiser l’importance d’une éventuelle part génétique dans l’autisme du fait de biais important dans les études réalisées[9], de la déformation des conclusions des études scientifiques (excessives) par rapport aux résultats (modestes)[10].

Ces associations de parents affirment que seules les méthodes comportementalistes ont une efficacité validée scientifiquement.

Pourtant, certaines personnes remettent en cause cette « validité scientifique » des méthodes comportementales dont, fait intéressant, certaines personnes atteintes d’autisme dit « d’Asperger ».

Ainsi, Michelle Dawson, chercheuse à Montréal, a publié en 2004 un plaidoyer sur le manque d'éthique de l'intervention comportementale intensive (ICI), préconisée en Amérique du Nord, affirmant que "La littérature sur le sujet est énorme en quantité mais pauvre en qualité scientifique." De nombreux rapports de recherche iraient dans le même sens qu'elle et selon l'Académie américaine de pédiatrie, "la force de la preuve (en faveur de l'efficacité de ces techniques) est insuffisante à basse." Les gouvernements subventionnent pourtant abondamment ces thérapies, sous l'influence de groupes de pression[11].

Dans le même esprit, Jim Sinclair et Donna Williams ont fondé l’ « Autism Network International »[12] et l’ « Autistic Self Advocacy Network »[13].

Dans le monde anglo-saxon, se constitue ainsi toute une communauté d’ « autistes d’Asperger », qui revendique de savoir ce qui est bon pour elle et rejette aussi bien les comportementalistes que les développementalistes.

Qu’en conclure ? L’humilité.

Il semble bien maladroit d’être triomphaliste dans le domaine de l’autisme. 

Aucune méthodologie scientifique n’a pu prouver la supériorité d’une méthode sur l’autre, ni le comportementalisme, ni la psychanalyse (même si je ne peux m’empêcher de préciser qu’il existe des études qui suggèrent que les thérapies psychodynamiques d’inspiration psychanalytiques seraient plus efficaces à long terme[14]).

Certes, le comportementalisme est la méthode exclusivement employée dans de nombreux pays, mais que cela prouve-t-il sinon une uniformisation désolante de la pensée ?

…Qui font oublier la réalité de terrain : une pénurie scandaleuse d’établissements spécialisés.

Toute cette polémique sur la psychanalyse est donc biaisée puisque basée sur des affirmations arbitraires.

Elle tend à faire oublier la réalité de terrain : une pénurie scandaleuse, en France, d’établissements spécialisés pour le soin et l’accueil des personnes autistes et tout simplement « différentes », en règle générale.

Un grand nombre d’enfants autistes sont condamnés à passer le plus clair de leur temps à domicile car ils sont trop en difficulté pour être accueillis à l’école ordinaire et ne trouvent aucun établissement qui puisse les accueillir. Un grand nombre d’entre eux sont contraints de partir dans des établissements en Belgique.

Quels sont les choix politiques responsables de cet état de fait ?

L’Etat subventionne la recherche des causes de l’autisme (mais qui se soucie des causes s’il n’y a aucun moyen de prise en charge ?), le développement de « centre de ressource autisme » ayant pour but d’établir un diagnostic le plus précoce possible (mais que faire d’un diagnostic s’il n’existe aucun moyen de prise en charge ?) et, bien sûr, des établissements appliquant exclusivement les méthodes comportementalistes, ce qui constitue une exception puisque la plupart des lieux accueillant des personnes autistes en France sont pluralistes dans leur approche.

Ces établissements exclusivement comportementalistes ne peuvent accueillir tous les enfants. Ceux qui sont remboursés par la sécurité sociale n’acceptent pas les enfants les plus malades. L’accès aux autres établissements dépend de la possibilité des parents de payer.

Ainsi, ce choix de financement gouvernemental favorise une médecine à deux vitesses excluant les plus malades et les plus pauvres.

Par ailleurs, plutôt que de favoriser la création et le financement de classes intégrées ou un véritable réaménagement de l’Ecole, l’Etat fait le choix, qui ne coûte rien, de créer le droit pour tout enfant handicapé d’être intégré en école ordinaire. Dans un dialogue avec Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy expliquait ainsi, en 2007, que ce droit était important pour les enfants handicapés, mais surtout pour les enfants « normaux » qui deviendraient ainsi plus tolérants au contact d’enfants différents… Argument démagogique relevant soit de la grande naïveté, soit du grand cynisme[15], actuellement repris par plusieurs associations antipsychiatriques présentant la scolarisation en école ordinaire comme la seule solution pour les enfants autistes.

Mais à quoi sert ce droit si aucune école n’a les moyens d’accueillir les enfants très différents du plus grand nombre ?

Au total, même si cela est absurde, il semblerait que le plus commode pour certains soit de rendre la psychanalyse responsable de la pénurie liée à ces choix gouvernementaux et de l’interdire.

La psychanalyse en psychiatrie : une approche humanisante cherchant au cas par cas de solutions ouvertes pour chaque famille.

Il est fort dommage que la psychanalyse ait été contrainte de déserter la psychiatrie dans de nombreux pays, car elle a été un agent puissant de lutte contre les phénomènes asilaires et de réhumanisation de ces lieux parfois abandonnés à leur chronicité, en plaçant la personne et la relation au centre de la réflexion des équipes soignantes.

La pédopsychiatrie n’est pas la psychanalyse. La pédopsychiatrie est la pédopsychiatrie. Elle est composée de service comprenant des professionnels de différentes formations, en majorité des infirmiers et des éducateurs. On y rencontre aussi des psychologues, des orthophonistes, des psychomotriciens, des assistantes sociales, des médecins psychiatres…

Ces « équipes » sont donc, toujours « pluridisciplinaires ». Chacun envisage son travail en fonction de la formation qu’il a reçue et de son style propre.

Que signifie, pour un service de pédopsychiatrie, avoir une référence à la psychanalyse ou à la psychothérapie institutionnelle?

Cela ne signifie pas du tout que tous les professionnels qui y travaillent soient en analyse, ni ne s’intéressent à la psychanalyse. Cela ne signifie pas non plus que les enfants sont allongés sur un divan.

Cela signifie que le travail de l’ensemble de l’institution est basé sur deux hypothèses.

La première est l’existence de l’inconscient chez tout le monde, enfants, parents, soignants… Ce qui oblige les soignants à se remettre sans cesse en question pour ne pas prendre leurs décisions comme la vérité vraie, mais comme découlant aussi de certains phénomènes inconscient provoqués en eux au cours de l’exercice de leur métier.

La seconde est la suivante : les décisions thérapeutiques ne peuvent découler que du « transfert », c’est-à-dire, schématiquement, de la relation spécifique qui s’établit entre un enfant et sa famille et l’équipe de pédopsychiatrie. Il est donc impossible de savoir à l’avance ce qui conviendra pour chaque enfant et chaque famille et aucune proposition ne peut être rejetée par principe.

C’est pourquoi un service de pédopsychiatrie de référence psychanalytique peut être amené à soutenir des parents dans la mise en place de techniques rééducatives de type comportementales si cela a du sens pour cette famille ou à prescrire des médicaments ou des  investigations somatiques, d’imagerie et génétiques poussées.

A l’inverse, certains parents ne s’intéressent pas aux méthodes comportementalistes car ils ne supportent pas le principe du conditionnement des comportements basé sur les sanctions et les récompenses, ne souhaitent ni médicaments ni investigations complémentaires poussées.

Là aussi, l’éthique de la psychanalyse pousse l’équipe soignante à entendre les demandes des enfants et de leurs familles et à prendre des décisions avec eux.

L’accusation d’ « exclusivité » de la psychanalyse est donc en désaccord avec son éthique même.

Par ailleurs, comme certains enseignants, certains pédiatres, certaines assistantes maternelles, certains professionnels en lien avec l’enfance, il existe des personnes maladroites parmi les professionnels de pédopsychiatrie qui ont la tendance malheureuse de soupçonner sans nuance les mères et les parents d’être responsables des difficultés de leur enfant.

Cette tendance regrettable est à combattre, mais n’a rien à voir avec la psychanalyse, et Jacques Hochmann[16] dit ainsi que l’on peut se faire une idée du fonctionnement d’une institution en lien avec l’enfance à partir du degré de médisance envers les parents qui y règne : plus ce degré est élevé, plus cette institution est en souffrance.

La psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle sont justement le « supplément d’âme » de la psychiatrie[17] qui permet de questionner ce genre de phénomène.

Quand penser fait peur à l’Etat, que devient la démocratie ?

La Haute Autorité de Santé est une instance gouvernementale dont le directeur et les membres du collège sont nommés par le président de lé République sur avis, notamment, de l’Assemblée Nationale et du Sénat.

L’indépendance de la Haute Autorité de Santé est sans cesse remise en cause par des scandales liés à des liens et conflits d’intérêts entre certains de ses membres et l’industrie pharmaceutique. Les recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de Santé sont fréquemment remises en cause (scandale du Mediator, maladie d’Alzheimer, diabète de type II…) et certains n’hésitent pas à parler d’ « expertises sous influence »[18].

Le dialogue, publié par le journal l’Express le 09 Mars 2012 entre Jean-Luc Harousseau, président de la Haute Autorité de Santé, et Danièle Langloys, présidente de l'association Autisme France est à ce titre éclairant : on y constate que l’enjeu est le financement d’établissements.

Ce qui est très intéressant, c’est que chacun des deux interlocuteurs tombe d’accord : la psychanalyse leur fait peur et « une méthode qui fait peur, c’est une méthode à laquelle il faut renoncer ».

En effet la découverte de l’inconscient peut en effrayer certains, comme en témoigne de manière humoristique l’écrivain américain Jonathan Franzen dans son ouvrage autobiographique « La zone d’inconfort » :

« en songeant que j’avais probablement, moi aussi, un inconscient qui en savait aussi long sur moi que j’en savais court sur lui, un inconscient toujours en quête d’un moyen de s’extérioriser, d’échapper à mon contrôle pour accomplir sa sale besogne […], j’ai poussé un cri de panique. Un cri tonitruant […]. De retour à Philadelphie, j’ai chassé cet épisode de mon esprit »[19].

Le « Je est un autre », de Rimbaud[20], est, pour certains, insupportable.

Mais pour d’autres, cette découverte est, au contraire, salvatrice et source d’enrichissement. Y compris chez les parents d’enfants autistes comme en témoigne l’ouvrage de Jacqueline Berger, mère de jumelles autistes[21].

Et chez d’autres enfin, c’est l’aspect normatif du comportementalisme qui est terrifiant, comme en témoigne une mère d’un enfant autiste sur le site « Lacan quotidien »[22].

Pourquoi alors notre « démocratie » choisit-elle d’écouter une seule voie et de retenir une seule option, celle de l’éviction de l’inconscient ?

Dans la vision du monde qui émane de la rationalité néolibérale, tout se situe dans le conscient, tout est affaire de volonté, de détermination, d’effort sur soi-même. Cela aboutit à des clichés : « si untel va mal c’est parce qu’il manque de volonté » et génère une réflexion en terme de responsabilité centrée sur l’individu « auto-entrepreneur de lui-même »[23], au détriment de la remise en cause des choix politiques et sociaux.

Le comportementalisme classe les comportements en « adaptés » et « non-adaptés ». Quand ses critères s’accordent avec ceux du néolibéralisme, il peut devenir un outil puissant de normalisation managériale.

Est-ce qui explique son succès auprès de nos gouvernements ?


Loriane Brunessaux, 11 Mars 2012.
 

[1] Au sujet de la psychanalyse, extrait d’un dialogue entre JL Harousseau, président de la Haute Autorité de Santé (HAS) et D. Langloys (présidente de l'association Autisme France), publié par l’Express le 09/03/2012.

 

[2] Pratique psychiatrique et non psychanalytique, consistant en un enveloppement humide du corps de l'enfant dans des draps à 10 degrés recouverts de couvertures chaudes et entourées de plusieurs soignants, avec un réchauffement très rapide du corps favorisant un sentiment de rassemblement corporel et permettant fréquemment l'accès à la verbalisation

[3] Pédopsychiatre et psychanalyste responsable d’un service de pédopsychiatrie à Lille

[4] Pédopsychiatre et psychanalyste responsable du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker à Paris

[5] Pédopsychiatre responsable du service de pédopsychiatrie de l’hôpital de la Pitié Salpètrière à Paris

[6] Psychiatre et psychanalyste ayant fondé la CIPPA, Coordination Internationale entre Psychothérapeutes Psychanalystes s'occupant de personnes avec Autisme, association faisant se rencontrer des psychanalystes, chercheurs en neurosciences, comportementalistes

[7] Psychologue clinicienne auprès d’enfants autistes, enseignante à la faculté Paris 7

[8] Cette comparaison est liée au principe des thérapies comportementales, à savoir le conditionnement positif de certains comportements par la récompense et le conditionnement négatif de certains comportements par des sanctions.

[9] Brigitte Chamak « L’autisme : surestimation des origines génétiques », Médecine/ Science, Volume 26, n°6-7, Juin-juillet 2010

[10] François Gonon, « La psychiatrie biologique, une bulle spéculative ? », Esprit, Novembre 2011

[11] « Autisme, changer le regard », Le monde science et techno, 16/12/2011

[12] L’une des toutes premières fondations entièrement créées par des autistes, fondée par Jim Sinclair, Donna Williams et Katie Grant

[13] Voir :  www.autreat.com

[14] Jonathan Shedler, “The Efficacy of Psychodynamic Psychotherapy”, February–March 2010,  American Psychologist, Vol. 65, No. 2, 98–109

[15] Mai 2007 – "La question du handicap" au débat du second tour de l'élection présidentielle : http://vimeo.com/38011758

[16] Pédopsychiatre et psychanalyste français

[17] Mathieu Bellahsen, « Interdire les suppléments d’âme de la psychiatrie ? », Médiapart, 17/02/2012

[18] Louis-Adrien Delarue, « La Haute Autorité de Santé, tartuffe de l’indépendance », Formindep, 05/02/2012

[19] Jonathan Franzen « La zone d’inconfort, une histoire personnelle », éd. de l’Olivier, 2006

[20] Lettres d’Arthur Rimbaud dites « du voyant »

[21] Jacqueline Berger « Sortir de l’autisme », ed. Buchet Castel, 2007

[22] Mireille Battut «Mère d’enfant autiste : plutôt coupable qu’ABA », http://www.lacanquotidien.fr/blog/wp-content/uploads/2012/02/LQ-1671.pdf

 

[23] Pierre Dardot et Christian Laval, « La nouvelle raison du monde, essai sur la société néolibérale », éd. La découverte, 2009

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> La Haute Autorité est tombée bien bas !

 

La Haute Autorité est tombée bien bas !

Une nouvelle tartufferie.



Le collectif des 39 prend acte des dernières décisions de la Haute Autorité de Santé (HAS) concernant l’autisme, et qui interdit de fait le packing « sans exception », sauf dans le service du Pr Delion où une recherche est en cours depuis deux ans à la demande du ministère de la Santé… Ainsi une décision est prise sans attendre les résultats de ce travail important qui sous la pression de lobbies dictant leur conception de la maladie, imposent de se détourner du soin. Nous soutenons avec force notre collègue Pierre Delion, pris au milieu de cette tourmente, et de cette double contrainte : mener une recherche sur une pratique désavouée par la HAS !

Mais comme nous le pressentions, cette affaire est loin de se limiter à l’autisme, bien loin de s’appuyer seulement sur le lobby de certaines associations de parents, se plaignant d’un manque d’accueil de certains praticiens, de certains dogmatismes. 

Le scandale de l’insuffisance de moyens, de lieux d’accueil et de prises en charge intensive n’est absolument pas pris en compte.

Dès l’annonce de la décision, le président de la HAS   a affirmé  qu’il s’agissait d’en finir avec une psychiatrie adossée à la psychanalyse et qui serait incapable de faire ses preuves. 

Le propos, s’il  a le mérite de la clarté, se présente comme une véritable déclaration de guerre contre la psychiatrie relationnelle. Il bascule même dans un négationnisme, occultant les plus de soixante années de travaux, de recherche, de résultats thérapeutiques que nous devons à Françoise Dolto, Maud Mannoni, Tony Lainé et Roger Misés pour ne citer que les plus illustres praticiens français reconnus dans le monde entier. 

Le président de la H.A.S. qui avait aussi masqué ses conflits d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique, vient rejeter la psychiatrie que  nous pratiquons,  ouverte sur l’altérité, ouverte sur tous les autres champs du savoir, dans sa prise en compte du transfert,  de l’inconscient et le du désir humain.


Si nous avons à rappeler après la mise en place de la loi indigne du 5 juillet 2011 que les patients ne sont pas des criminels potentiels, bons à enfermer ou à traiter de force à domicile, nous sommes aujourd’hui confrontés à l’extrême violence d’une volonté d’éradication de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle, d’une psychiatrie où la dimension relationnelle est au cœur de tout processus de soins, où la dimension psychopathologique n’est pas déniée ou rejetée.

Aujourd’hui le packing, et demain l’interdiction de tout ce qui tisse la vie quotidienne et relationnelle dans les institutions: les médiations qui s’appuient sur les activités thérapeutiques, les repas pris en commun, les ateliers d’expression et de création etc.

Tout ce qui ne peut être « évalué » dans l’immédiateté, dans la « preuve » par des chiffres, des statistiques, et qui se trouve en rapport avec l’inestimable du désir humain, se trouve ainsi invalidé explicitement par la HAS ! 

Nous nous trouvons sous le coup d’un « interdit professionnel » et d’une « police de la pensée » où il s’agirait de bannir tout un pan du savoir humain. Cet interdit s’applique de facto aux familles et aux patients qui seraient demandeurs d’une thérapie autre que celles recommandées par cette instance.

Ne nous y trompons pas, ce diktat tente de discréditer une conception de l’humain qui considère que tout homme  ne peut en aucun cas se réduire à être un tas de molécules ou un objet à adapter ou à rééduquer.

Les recommandations, les accréditations, les protocoles et certifications  nous imposent un carcan étouffant toute initiative soignante, l’envahissement d’une bureaucratie abêtissante, la mise en place d’un système à même de nous empêcher de soigner.

Ainsi après les ridicules recommandations de bonnes pratiques sur les TOC et la dépression, où tout référence psychopathologique est soigneusement évitée, L’HAS démontre à nouveau sa  partialité, son incompétence, son pouvoir de nuisance. 


Un pas supplémentaire vient d’être franchi : 

La HAS et son président se discréditent complètement

En posant ces actes la HAS se révèle au grand jour comme l’instrument d’une idéologie implacablement réductionniste, dégradante et régressive.

C’est pour ces raisons que nous demandons aux candidats à l’élection présidentielle de se prononcer (entre autres) sur : 

L’arrêt immédiat de tous les processus d’accréditation et de certification, des recommandations de “bonne pratique “ et “des conférences de consensus”, validés dirigés et imposés par l’HAS, dont l’objectif d’une mise en normes des pratiques, protocolisées et homogènes, est anti thérapeutique, destructeur des soins et constitue un obstacle majeur à des soins psychiques de qualité.

Aussi le meeting du samedi 17 Mars revêt-il une importance cruciale au cœur de cette campagne électorale. Les soignants, les familles et patients qui sont au programme, avec des scientifiques et des philosophes, vont expliquer les raisons de leur refus d'une instrumentalisation de la science. Nous réaffirmerons notre mot d’ordre d’arrêt de toute cette folie évaluatrice et normative. 


Le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire



Meeting du collectif des 39, le samedi 17 mars 2012 de 9h à 18h

"La Parole Errante à la Maison de l'Arbre", 9 rue François Debergue

93100 – Montreuil-sous-Bois, Metro Croix de Chavaux (ligne 9)

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>4 communiqués suite aux recommandations de l’HAS du 8 mars 2012.

 

HAS et psychiatrie : « une ingérence inacceptable » (Front de Gauche)

Le Front de Gauche santé dénonce la campagne actuelle de la Haute autorité de santé visant à interdire telle ou telle pratique thérapeutique dans le traitement par les équipes de pédopsychiatrie, des troubles autistiques.

Cette campagne manie l’amalgame entre outrances de certains acteurs et les différentes techniques partie prenante du corpus scientifique et pratiquées par de nombreux professionnels. 

Elle s’appuie également sur un désarroi réel de nombreuses familles qui ont le sentiment d’être abandonnées par la psychiatrie qui ne répond pas toujours à leurs besoins.

Tout d'abord, le fonctionnement de la Haute autorité nous interroge. La désignation de ses dirigeants n'est pas le gage de la transparence ni de l'indépendance vis à vis du monde pharmaceutique. Nous considérons qu'un contrôle par les pairs associé aux usagers est à construire. 

Le FdG rappelle, comme pour toute discipline médicale, son attachement au principe qui veut d’une part que toute équipe de soins ait le droit de se référer au cadre thérapeutique de son choix, et d’autre part, que le patient puisse avoir le choix de son praticien.

Cette  ingérence totalitaire est inadmissible dans le champ de la médecine.

Le FdG estime que derrière cette attaque s'en cache une autre plus fondamentale contre une certaine conception de la psychiatrie qui considère que ce qui soigne c’est avant tout le relationnel. Or, les 

tenants de cette campagne prônent un traitement des troubles psychiques centré essentiellement sur la normalisation des comportements de ces sujets par un traitement chimiothérapique associé à des méthodes éducatives. A ce sujet, les conflits d'intérêt de responsables de ces campagne avec l'industrie pharmaceutique doivent être mis en lumière. 

Pourtant l’immense majorité des personnes en souffrance psychique et leur entourage attendent avant tout un accompagnement relationnel et non une prise en charge normative centrée sur le symptôme.

Le FdG entend poursuivre son action pour engager une rénovation de la psychiatrie, pour une psychiatrie humaniste centrée sur le soin relationnel qui n’abandonne pas les patients par faute de moyens.

Le Front de Gauche Santé,

Paris, le 11 mars 2012. 

 

***

Le SNPP

Après l'interdit politique, l'interdit administratif

Au nom de l'autisme nous voici confrontés à une mise en scène médiatique.A une proposition de loi visant à interdire la psychanalyse succède une décision de la HAS d'interdire le "paking" délogeant ainsi les médecins de leur responsabilité de soignants, responsabilité basée sur l'éthique et l'indépendance professionnelle qui permettent la confiance des soignés

Le SNPP a considéré avec attention les recommandations de bonne pratique de la HAS concernant l’autisme (et autres troubles envahissants du développement). Il ne peut qu’approuver que soit soulignée « la nécessité d’une évaluation régulière, multidimensionnelle et pluri-professionnelle » pour assurer le soin à ces enfants malades et les faire progresser. Dans ces recommandations, la HAS souligne à juste titre que toute prétention à guérir l’autisme ne peut être qu’une tromperie en l’état actuel de nos connaissances.

Il est alors tout à fait incompréhensible que dans un texte joint à ces recommandations (Autisme : Questions-Réponses) la HAS stigmatise l’approche  psychanalytique alors que de nombreux soignants reconnus professionnellement ont une formation psychanalytique et qu’ils s’intègrent aux équipes qui prennent en charge les enfants autistes. Une telle condamnation peut avoir de graves conséquences sur le travail de ces soignants. De plus, prétendre que l’approche neuro-comportementale est la seule valide, contrevient évidemment à la volonté apparente de la HAS d’avoir une approche pluridisciplinaire.

Au nom de quoi  la HAS s’autorise-t-elle à affirmer que l’autisme n’est pas aussi un trouble psychique, spécifique de l’humain ?

Quant à l’oukase concernant le packing, la HAS reprend in extenso l’argumentation outrancière d’une association de parents d’enfants autistes. Le SNPP soutient le Professeur Delion dans ses recherches  et sa pratique pour le plus grand bien des enfants qu’il soigne. Il est indécent de la part de la HAS de lui donner ainsi des leçons d’éthique en accordant du crédit à des informations fausses. Cette condamnation n’a d’ailleurs aucun sens puisque la demande du Professeur Delion est de poursuivre dans la sérénité ses recherches sur le packing dont les résultats à ce jour sont encourageants. Comme il s’agit de recherche médicale, celle-ci est forcément menée conformément à la loi, comme le veut la HAS. Alors, où est le problème ?

De fait ne serait-ce pas tout autant la souffrance des parents qu’il faudrait reconnaître et secourir ? Mais trop d’enfants autistes et leur famille sont abandonnés et livrés à leurs propres ressources. La priorité est donc bien d’augmenter les capacités de prise en charge par les équipes spécialisées et dont la compétence est d’ores et déjà reconnue.

Mettre en question l’éthique et l’engagement auprès des patients de professionnels au motif qu’ils s’appuient sur des méthodes ne convenant pas à certains groupes de pression interroge l’indépendance de la Haute Autorité de Santé.

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Le NPA

Psychanalyse et psychothérapie institutionnelle : non aux interdictions professionnelles.

Pour le maintien de pratiques humanistes et diverses auprès des enfants autistes.et de toute personne en souffrance

La Haute Autorité de Santé (HAS) vient de rendre son verdict. Elle préconise , dans la prise en charge des enfants et adolescents qu’on nome « autistes », le recours exclusif à l’action éducative et aux thérapies comportementales et rejette les « interventions fondées sur les approches psychanalytiques et la psychothérapie institutionnelle".

Le NPA dénonce cette décision d’une extrême gravité, qui instaure un véritable interdit professionnel pour des équipes soignantes et éducatives, qui demain s’étendra à tous les soins psychiques et à l’enseignement universitaire.

Derrière ce que l’on veut présenter comme un débat d’écoles, c’est un nouveau pas dans la volonté de standardiser les soins psychiques, en réduisant ceux-ci à une normalisation des comportements de la personne souffrante. Elles s’inscrivent dans les choix politiques imposés par le pouvoir à la santé mentale, entre politique gestionnaire , définissant un coût standard pour tout soin et politique sécuritaire cherchant à maitriser ou enfermer toute forme de déviance.

Le NPA est au coté de tous ceux (patients, familles, professionnels) qui s’opposent à cette atteinte à toute forme de créativité soignante. Il exige le maintien de principes humanistes, et la diversité des approches, en lien avec la famille et l’entourage, loin de prétendues « bonnes pratiques » avant tout dictées par des motifs peu avouables de réduction des coûts et de normalisation sociale.

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La France va mal! Le malaise est grand !

Regardons, en effet du côté du Parlement. Quand il n'est pas, comme c'est maintenant souvent le cas, réduit à un rôle de chambre d'enregistrement, il devient faiseur de règlements et même lieu de règlement de comptes pour certains.

La réflexion est lentement bannie des assemblées tant la pression gouvernementale sur le Parlement est devenue forte, le travail des commissions étant même mis sous la coupe réglée des ministres comme ce fut le cas lors de l'examen en commission sénatoriale de la loi sur les soins sans consentement en psychiatrie. Ce qui ne provoqua pas moins que la démission de la présidente de la commission !



A d'autres moments, les débats sont tellement squeezés que le texte voté n'est plus qu'une coquille prête à recevoir les textes réglementaires (décrets, arrêtés ou circulaire) rédigés par les cabinets ministériels sans avoir été soumis au débat démocratique.

Last but not least, un député propose, en ce début d'année, de légiférer sur les méthodes utilisables ou non dans la prise en charge des autistes.

Le malaise est si grand que le Parlement est ici appelé à, littéralement, marcher sur la tête. 


En effet, la confusion induite est telle que le législateur est convoqué à dire au professionnel quel est l'outil qu'il doit utiliser. A quand une loi sur la taille des aiguilles d'injection ou sur le diamètre des comprimés pharmaceutiques ?

S'il devait s'opérer, ce glissement séméiotique de la loi à la norme serait gravissime car il signerait un glissement de notre société de la liberté à la coercition. Sous couvert de protection des enfants autistes certains voudraient ainsi interdire les concepts de la psychanalyse ou certains soins comme le "packing" dont de nombreux psychologues peuvent témoigner de l'utilité, dans certaines pathologies et pour des patients souffrant de morcellement psychique.



Mesdames et messieurs les parlementaires, ne vous laissez pas abuser par cette demande d'édiction de normes censées, pour leurs auteurs, calmer les angoisses induites par le malaise dans la civilisation dont nous souffrons ! Ne vous laissez pas aller au règlement de comptes contre les psychanalystes accusés de tous les maux par les tenants d'un soin cantonné au symptôme et à la résorption du handicap psychique et à sa prise en compte sans souci du sujet.

Votre mission est autrement plus noble : elle est de faire la loi et non des règles qui relèvent en l'occurrence des professionnels et de leurs déontologies. Vous n'êtes, d'ailleurs, pas sans savoir qu'au sujet de la déontologie des psychologues nous souhaitons une loi donnant à notre profession une instance collégiale responsable de la déontologie et de l'exercice.

Syndicat National des Psychologues SNP – 09/03/2012

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> Le Packing : de l'humain, du soin, de la rencontre

Le packing c'est du froid, du chaud, des tremblements, des frémissements, du silence, du toucher, du ressenti, du regard, des regards….mais aussi du verbal, parfois beaucoup de verbal, des discussions presque, des rires, du « être ensemble »…être ensemble pour le plaisir d'être ensemble…on se porte, on se soutient…on se soigne.



Bien sûr le dispositif a quelques codes : un cadre ! Du linge mouillé, un patient, des soignants…un avant pack avec une préparation, une organisation : « aujourd'hui qui s'occupe des serviettes ? », « y a qui pour le pack aujourd'hui ? », « tu vas chercher Pierre ? moi je mouille les serviettes, David et moi on les essore »….puis Pierre se déshabille (seul ou avec aide selon l'autonomie du patient) et garde ses sous-vêtements ou son maillot de bain puis s'installe sur les serviettes.



L'enveloppement : c'est toujours dans un contact doux, rassurant voir amusant…comme un jeu . « oulala Pierre c'est froid ! Aller vite vite on vous enveloppe après ça sera chaud, voilà les pieds, les jambes…. » , « Pierre, tu vas bien aujourd'hui, oh ben tu t'allonges comme ça d'un coup…alors on y va on t'enveloppe….voilà oui les bras comment ? Comme ça oui ? »

Puis tout à côté, rapprochés, les soignants autour du patient, certains aux pieds, d'autres à la tête…on reste ensemble….et on vit, on ressent, pas d'attendu, on explore, on établit de la relation….ET CA MARCHE ! Pas de code, pas d'interprétation, c'est ici et maintenant….

Il y a un après packing : souvent plus ritualisé…. «l'autour » du rhabillage…et pourquoi pas une douche ?….puis une collation ?

Ensemble pour se dire au revoir chaque équipe et chaque patient trouvent leur manière de se quitter en douceur.

Le cadre comprend un temps de « reprise », temps où les soignants se retrouvent pour parler de la séance et la retranscrire par écrit…une trace pour se souvenir…un temps pour réfléchir et mettre en mots le ressenti….ce temps se coordonne avec un autre travail : La supervision.

Régulièrement l’équipe de soignant ira discuter avec un autre soignant formé au packing et à la question des enveloppes psychiques. Temps pour permettre aux soignants de penser avec un retour et une mise en perspective de qui se passe dans ce packing avec  ce patient…



Le packing est une pratique douce où chaque équipe trouve sa forme, son packing, où la créativité est la bienvenue, où la contrainte n'est jamais appliquée…. si des enfants sont parfois enveloppés dans ce qui pourrait apparaître une contrainte pour eux c'est que ces enfants sont dans des états de fureur et de violences contre eux-même et/ou contre autrui telles que dans des équipes où le packing ne se pratiquent pas ils auraient été mis en contention pure et simple avec très certainement une camisole chimique qui va de paire…. pour les enfants le packing n'est jamais appliqué sans l'accord des parents et ceci avec un véritable respect du temps de réflexion et avec l'accord de l'ensemble des soignants en équipe pluridisciplinaire.

Si un patient adulte ou enfant ne souhaite pas telle ou telle séance faire le packing aucune contrainte physique n'est pratiquée….souvent un « restons ensemble » substitut du packing est pratiqué.


Aucune règle n'es définie quant à la présence ou non des parents dans un packing, les équipes sont libres de choisir, le cadre est très souple et se construit au cas par cas.

Voici pour mieux témoigner de mon propos un texte présentant les débuts d'une prise en charge de packing pour un patient adulte hospitalisé.



Packing Pierre



Pierre est un adulte d'environ 35 ans, hospitalisé dans une unité du service de psychiatrie Adulte du secteur de X.

Premier contact avec Pierre, un jeudi après-midi sur le temps qui sera par la suite imparti à son Packing. Celui-ci n'est pas au courant que nous devons le rencontrer pour lui présenter le soin Packing auquel l'équipe soignante de l'unité de Pierre et l'équipe de Packing inter-unité ont pensé pour lui. En effet c'est au cours d'une réunion de synthèse avec l'équipe soignante de Pierre que l'équipe du Packing ont réfléchi et posé ensemble l'indication du soin. C'est avec l'accord médical de son psychiatre référent – le Dr Y – que nous annonçons à Pierre que nous souhaiterions qu'il bénéficie de cette prise en charge.



L'équipe de Packing est composée de 6 soignants :A (psychologue), B (ergothérapeute),C (infirmier),D (infirmière), E(infirmière) et moi-même (interne en psychiatrie).
Pierre ne connaît pas tous les soignants, aussi pour le mettre à l'aise nous décidons que B et C aillent le chercher pour nous rejoindre tous ensemble dans une salle d'activité de l'unité d'hospitalisation. Ce jour là seule D est absente.

Pierre que l'on décrit parfois comme quelqu'un avec une agitation psychomotrice importante arrive très calmement dans la salle d'activité, il se dégage un sentiment de curiosité, d'attention dans son attitude. Son aspect physique dit déjà beaucoup de choses quant au probable « morcellement » « dissociation » de l'enveloppe psychique de Pierre. Son regard est divisé par un œil « qui part vers l'extérieur », un strabisme divergent. Grand et mince, sa posture globale est hypotonique.

Bien que ça ne soit qu'une première impression lors de cette rencontre, lorsque je l'observe, il m’apparaît ne pas habiter totalement son corps. Lorsqu'il nous parle la sonorité des mots est très difficile à comprendre même pour ceux qui le connaissent depuis longtemps mais avec beaucoup d'attention nous arrivons à suivre la trame de son propos.

Nous lui expliquons que nous aimerions pratiquer un soin « de détente » avec lui où nous l'envelopperions de serviettes, de draps et de couvertures puis nous resterions avec lui durant un certain temps. Et que ce soin serait aussi une façon d'être ensemble, un moment pour lui, où plusieurs soignants seraient à ses côtés.

Nous insistons sur la dimension de calme et de détente.
Pierre sourit et dit « c'est bizarre ». Nous sourions, A rigole et répond « oui c'est effectivement bizarre ». L'ambiance est un peu particulière puisque Pierre est le tout premier patient de ce service a qui nous proposons ce soin.
Je demande « qu'est ce que vous en pensez Pierre ? Est ce que vous connaissez le Packing ? ». Il répond « oui le Packing c'est pour l'épilepsie » et rajoute des choses peu compréhensibles. Nous échangeons avec lui autour du corps, de la détente, je lui explique que ce n'est pas un traitement pour l'épilepsie et je suspecte alors que cette histoire d'épilepsie doit être signifiante pour lui. Puis il nous dit qu'il semble vouloir essayer, accepter le soin, il dit « oui c'est bien ».

On lui propose d'aller voir la salle de Packing tous ensemble et que le soin débutera bientôt (2 semaines après cette rencontre), ce qui lui laisse le temps de réfléchir et que l'équipe reviendra le voir jeudi prochain pour en reparler avec lui. Avant de nous rendre dans la salle Packing nous attendons un infirmier parti chercher un traversin. Pierre nous reparle alors d’épilepsie mais surtout de son père qui serait tombé malade et que des gens seraient venus le chercher, qu'il s'est occupé de son père, qu'il se levait la nuit pour s'en occuper…

Nous nous rendons dans la chambre prévue pour le Packing qui se trouve en dehors de toute unité d'hospitalisation, dans un endroit très calme du bâtiment.

C'est un espace presque carré, très contenant, la tête du lit est adossée à un mur de telle sorte que les soignants peuvent être autour. Dans la chambre se trouve une armoire qui contient du matériel pour le Packing, des chaises et une table de nuit où repose une lampe de chevet, la lumière de la fenêtre est calfeutrée par des stores, ainsi l'esprit « Georges de La tour » conduisant à une ambiance de détente est ici recréée.

Nous ré-expliquons en détail à Pierre la technique de soin : les serviettes mouillées dans lesquelles il sera enveloppé en maillot de bain puis le drap, le tissu imperméable et les couvertures. Tout en expliquant, je lui montre sur le traversin que j'ai positionné sur le lit symbolisant le « corps-tronc » de Pierre.

Je lui démontre bien et lui explique que sa tête restera en dehors du pack. Puis une fois enveloppé nous resterons ensemble à ses cotés autour de lui pendant 45min environ. Il dit « oui c'est bien » il sourit me regarde et dit « ben pourquoi on commence pas la semaine prochaine », nous rions tous ensemble et nous lui expliquons que tout le monde ne sera pas disponible la semaine prochaine et que nous souhaitons lui laisser le temps de repenser à tout ça avant de commencer.

Pierre me dit alors « déPacking, j'en ai eu pour l'épilepsie », tout s'éclaire, je reprends « la dépakine® oui c'est un traitement pour l'épilepsie c'est un médicament », il sourit et raconte qu'il a fait une crise et que les pompiers sont venus, qu'on l'a emmené et semble presque mimer un enveloppement.

C reprends et raconte qu'il a probablement été mis sur un brancard attaché ? Contenu ? Pierre continue a nous raconter « il y avait tout le monde, la police, les pompiers, puis ils m'ont amené ici » puis il reparle de son père, dit qu'il est mort et semble dire qu'il était étendu allongé…(comme lui sur le lit pour le Packing ?) puis il dit qu'il a eu des traitement dont « des petites piqûres ».


Lors du temps de reprise où nous prenons des notes tous ensemble sur ce qui s'est passé, nous tentons de recoller les morceaux d'histoires que Pierre nous a livré sans trop interpréter. C évoque la possibilité d'image de mort…de son père mort que le Packing pourrait évoquer, peut être de tissu plastique recouvrant un corps. Je n'ai pas regardé le dossier médical de Pierre et ne connaît pas son histoire, je me dis que ces choses viendront au fur et à mesure de l'histoire qui va s'écrire avec Pierre au travers de ce soin.



Mais cette introduction fut une « mise en bouche » particulièrement intéressante et positive.

Aujourd'hui ce patient a eu plusieurs séances, on est passé par du froid, mais aussi par des pack avec du linge mouillé à l'eau chaude à sa demande, parfois il n'y a pas eu d'enveloppement mais autre chose qui s'est élaboré (selon ses propres mots"un petit pack") puis pour revenir à du pack plus classique les fois suivantes…

L'équipe de packing rencontre régulièrement le reste de l'équipe qui soigne Pierre….Le packing c'est aussi créer des liens, il prend place dans l'ensemble des prises en charges que nous tissons avec le patient.

Le packing est un outil soignant, pourquoi s'en priver ?

Sarah Gatignol
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>Semaine de la folie ordinaire à Reims

 

 

SEMAINE DE LA FOLIE ORDINAIRE

 

EXPOSITION  

Du 13 au 24 mars 2012 "Semaine de la Folie Ordinaire 2012"   

à la Maison de la Vie Associative,  122 rue du Barbatre à Reims réalisée par le Centre Antonin Artaud, les Clubs Le Grillon, Atout Coeur, MEID et le GEM La Locomotive

Vernissage le mardi 13 mars 2012 à 18h00 

 

LECTURE

Mercredi 14 mars 2012 à 19h Lecture vivante " Du Rififi à Carnégie"

Bibliothèque Carnégie, 2 place Carnégie 

SOIRÉE : "DES MAUX EN DÉBAT … CASSONS LE MOULE"

 

Jeudi 15 mars 2012 de 18h à 22h à la Salle Armonville, 7 bis rue Armonville à Reims  

18h             Accueil à la Salle Armonville

18h15         Fanfare Artos

18h35         Ouverture et mise en perspective de la soirée par Sébastien D., Président et   Clément D., membre du CA, du GEM la Locomotive

18h50         Atelier chant lyrique avec Marie Matherat

                   Deux passages de La Périchole de Jacques Offenbach

19h00         Les après-coups de la loi sur la psychiatrie et l’analyse de l’actualité psychiatrique pour les patients, leur famille et les soignants avec Patrick Chemla. Ouverture d’un débat avec la salle.

                   Présentation d’une association de patients nouvellement créée : HumaPsy

                   Annonces des actions en faveur d’une psychiatrie fondée sur l’hospitalité avec le meeting à Montreuil le samedi 17 mars.

20h             Collation

                   Soupes, pâtisseries, boissons fraîches

20h40        Dégustation de pâte de coing par le club Atout Cœur de Fismes           

20h50         La parole à Corinne Chemin, pour les ateliers du GEM

21h             La parole à Julie de Benoist, pour les sorties équitation

21h10         Intermède musical avec Amélie Barbier

21h15         L’atelier d’écriture d’Artaud

21h25         La Patat’Ose nous invite à l’enregistrement d’une émission de radio ..               

                   Prochains rendez-vous…

21h40         Chants et danses populaires avec Amélie Barbier

22h            Fin de la soirée avec vente du catalogue et de l’affiche de l’exposition

 

Téléchargez le document de présentation de l'événement : Semaine de la folieordinaire

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> MANIFESTE POUR UNE PRATIQUE HUMANISTE AUPRES DES SUJETS DITS AUTISTES ET DE LEURS FAMILLES.

Le collectif des 39 soutien et invite à signer et partager ce manifeste.

Pétition Manifeste pour une pratique humaniste auprès des sujets dits autistes et de leur famille

Pour:Assemblée de la république, Premier Ministre, Haute Autorité de Santé





Nous, éducateurs, aides médico-psychologiques, cuisinières, secrétaires, assistantes sociales, pédagogues, orthophonistes, psychomotriciens, psychologues, psychiatres, psychothérapeutes, psychanalystes, directeurs, tous les autres professionnels des IME, IMPRO, ESAT, SESSAD, Hôpitaux de Jour, CATTP, CMP, CMPP, et autres structures, qui œuvrons auprès des enfants, des adolescents, des adultes qu’on nomme autistes, et de leurs familles, affirmons être fiers de tout le travail de soin, d’éducation, d’enseignement, d’accompagnement accompli dans la difficulté, le manque de moyen, et dans l’éthique d’un accueil au singulier, au cas par cas, de leurs souffrances et de leur joie. 
Nous n’avons pas à rougir, ni à nous cacher, d’avoir, depuis de nombreuses années, cherché à créer et expérimenter des dispositifs multiples, inter et pluridisciplinaires dans l’invention et l’innovation nécessaires pour tenter de répondre aux défis de la gravité, de l’énigme, de la difficulté à rencontrer et aider ceux qui expriment leurs subjectivités de manière si extrême et si déroutante. 
Cette action, nous l’avons développée de plus en plus en partenariat, voire en alliance, avec les familles, et toujours dans la dimension d’un réseau, pour trouver une continuité, une cohérence d’intervention et pour faire pièce à l’isolement lui aussi autistique. 
Nous nous sommes appuyés sur les orientations de la psychanalyse et/ou de la psychothérapie institutionnelle, à la fois comme éléments de pratique, de compréhension, pour favoriser aussi une pratique plurielle et à plusieurs, mais dans une volonté de recherches et d’interrogations les plus éloignées des dogmes ou des interprétations fermées. 
Nous nous réjouissons donc que l’autisme soit devenu une grande cause nationale pour permettre d’intensifier une prise en charge de qualité et des questionnements ouverts sur l’amélioration des structures et de leurs moyens et fonctionnement, pour constituer donc un nouveau tremplin vers le renforcement de nos capacités d’accueil et de travail. 
A ceux qui mal informés de nos pratiques actuelles, de la réalité de nos résultats éducatifs et thérapeutiques, souhaitent, dans un discours de déni ou de haine, nous interdire de continuer nos efforts et nos engagements au service des plus fragiles, des plus incompris et des plus rejetés, nous répondons qu’ils se trompent s’ils pensent avoir à leur disposition des solutions uniques et miraculeuses à partir de méthodes publicisées, standardisées et uniformes, que l’appui qu’ils veulent trouver dans des travaux scientifiques à l’assise provisoire est illusoire tant la complexité est de règle en la matière, et la modestie devant notre ignorance commune. 
Pour autant nous sommes prêts à débattre, à échanger, à nous saisir de nouvelles propositions d’éducation et de soins pour peu qu’elles s’inscrivent dans une éthique de respect de la personne humaine, du sujet humain dans ce qu’il a de plus vivant, loin d’être réduit à la somme de ses comportements, pour favoriser la prise de parole et d’autonomie de ceux qui nous font confiance et à qui nous faisons confiance pour qu’ils trouvent leurs propres voies d’épanouissement et de présence au monde.

 

Pour signer Cliquez pour une pratique…

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>Tu viens au meeting ?

 

– Tu viens au meeting ?

-Non. Je ne veux même pas savoir où c'est.

-C'est le samedi 17 mars 2012 à Montreuil, à la Parole Errante, de 9 heures à 18 heures

-Je ne viens pas

-Mais tu fais quoi ce samedi 17 ?

– Je dors, j'en ai ma claque! Imagine mes journées: je les passe derrière un écran, et je ne parle plus aux patients. Vois-tu, j'ai mis environ une demie-vie pour apprendre à leur parler. Ou plus exactement ce sont eux,  ceux qu'on dit fous, qui m'ont appris à parler. Ça prend du temps ! Et maintenant, à toute allure, on t'oblige à effacer ce que tu as mis ta vie à apprendre.

-Mais justement ! Viens au meeting. C'est pour penser et c'est pour agir !

-Trop tard. C'est foutu. Faut être conscient, quoi ! C'est fini, la psychiatrie ! Maintenant, c'est protocole et compagnie. Alors le programme pour moi, samedi 17 mars, ce sera sieste.

-Tu rêves de quoi, dans tes siestes ?

-Ouh là  là, ça fait un moment que je n'ai plus de rêves…. mais des cauchemars…. un monde sans mots… c'est à dire où les mots ne sont plus des mots mais des comprimés… à prendre à heures fixes sous peine d'être catapulté hors du système…. définitivement seul….

-Ah mais ce n'est pas un cauchemar, c'est la réalité ! Ici et maintenant !! Et c'est le sujet du meeting:  démonter ces discours qui veulent se faire passer pour de la science. C'est la guerre des mots ! Et il vaut mieux se battre à plusieurs si on veut faire autre  chose que de s'empoisonner avec.

-Tu crois qu'il reste une chance ?

-Bien sûr, il reste une chance – surtout si on s'en saisit !

 Patricia Janody

 

ET A CE MEETING  NOUS  POURRONS ENTENDRE:

 

SERGE PORTELLI, VICE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PARIS

RAZZY HAMMADI, SECRETAIRE NATIONAL DU PS AUX SERVICES PUBLICS

SYLVIANE GIAMPINO, PRÉSIDENTE DE ZERO DE CONDUITE

PIERRE DARDOT, PHILOSOPHE, CO AUTEUR DE "LA NOUVELLE RAISON DU MONDE

JACQUELINE BERGER, AUTEUR DE "SORTIR DE L'AUTISME"

FRANÇOIS GONON, NEUROBIOLOGISTE

ANDRE CORET, PHYSICIEN

LE PROFESSEUR PIERRE DELION

 

DES REPRÉSENTANTS  DE MESSIEURS HOLLANDE, MELENCHON, POUTOU ET DE MADAME JOLY, CANDIDATS A L'ELECTION PRESIDENTIELLE

PIERRE JOXE , ANCIEN MINISTRE DE LA DÉFENSE ET DE L'INTÉRIEUR, ET BIEN SUR DES SOIGNANTS, DES PATIENTS, DES PARENTS…

ALORS TOUS AU MEETING DU 17 MARS !

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>L’autisme est-il réellement biologique ?

 

Par David Simard

Des associations de parents d’enfants autistes, des personnes autistes elles-mêmes, ainsi que des scientifiques, affirment que l’autisme est biologique. Cette affirmation s’inscrit dans le cadre d’une joute contre la psychanalyse, accusée de rendre responsables et coupables les parents, et plus spécialement les mères, de l’autisme de leurs enfants.

Cette polémique rend difficilement audibles des discours argumentés, notamment sur la question de la dimension biologique de l’autisme, considérée comme acquise. Or, rien n’est si avéré en la matière.

La génétique, « cause » de l’autisme ?

La question de savoir si l’autisme est biologique requiert de s’interroger sur ce qui est entendu par « est ». S’agit-il de dire que la cause unique de l’autisme, ce que l’on appelle l’étiologie, est biologique – et plus spécialement génétique ? Ou bien que dans les cas d’autistes étudiés avec l’œil du généticien, on a trouvé des marqueurs biologiques ? La nuance peut sembler subtile, voire inexistante, elle est pourtant de taille.

En effet, identifier des marqueurs génétiques chez des personnes diagnostiquées comme autistes ne suffit pas à établir que ces gènes sont la cause de l’autisme de ces personnes, et encore moins la cause unique. Cela peut indiquer par exemple une prédisposition supérieure par rapport à des personnes pour lesquelles on ne trouve pas ces marqueurs génétiques, mais dont le déclenchement dépendra d’éléments extérieurs à ces gènes, qui peuvent être des éléments biologiques autres que génétiques, des éléments de mode de vie, des éléments d’environnement familial.

 

Une synthèse sur l’état de la recherche

La question est donc celle-ci : est-il scientifiquement établi que l’autisme a pour cause unique des gènes ? Pour tenter de répondre à cette question, la lecture du livre Autisme, le gène introuvable. De la science au business (Seuil, 2012), du biologiste moléculaire et directeur de recherches émérite au CNRS Bertrand Jordan, est instructive.

Il présente en effet plusieurs avantages. Tout d’abord, eu égard à la polémique contre la psychanalyse, il n’est pas négligeable de pouvoir se référer à un biologiste, tel  Bertrand Jordan, qui rejette le recours à la psychanalyse dans la prise en charge des personnes autistes. Cela permet d’éviter de le soupçonner de construire un discours sur le plan de la génétique qui ait pour fin de soutenir les approches psychanalytiques (…) Suite de l'article sur acontrario.net

 

 

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>Mère d’enfant autiste : plutôt coupable qu’ABA

Une connaissance professionnelle, dont j’apprends qu’elle a un fils autiste de 28 ans me dit : toi, au moins, tu auras plus de chance pour la prise en charge de ton enfant de 4 ans. Je lui demande pourquoi. Parce que toi, on ne te dira plus que c’est ta faute, et ton enfant bénéficiera d’une prise en charge adaptée. Pour elle, c’est une évidence. Je n’en peux douter. Elle l’a vécu. C’était son premier enfant, et elle me dit qu’il lui a fallu quinze ans pour oser en mettre un autre en route. Voilà une cause entendue : on dit aux mères que c’est de leur faute. J’essaie, avec délicatesse d’en savoir plus.

Mais qui, et comment te l’a-t-on dit ? Oh, me répond-elle, une mère est forcément coupable. C’est vrai. Voilà une chose à quoi l’on n’échappe pas. Et il n’est pas besoin qu’on nous le dise ; nous le savons bien. Je suis coupable pour chacun de mes deux enfants. Pourquoi ne le serais-je pas pour celui des deux qui est autiste ?

Cependant, notre interrogation cruelle, lancinante de parent d’enfant autiste se situe au-delà de la culpabilité, au lieu de la Faute. La chance a voulu, dans mon cas, qu’une hospitalisation néonatale dramatique vienne prendre place en ce lieu, pour que je sois un tant soit peu allégée d’un tel fardeau. Mais je vois bien que ce bricolage vaut pour moi seule. Je n’ose imaginer dans quel état je serais si aucun candidat de nature extérieure ne s’y était présenté.
Heureusement pour toutes les familles en perdition, depuis quelque temps, des associations de défense des parents d’autistes (je ne peux en aucune façon les considérer comme des associations de défense des personnes autistes) ont lancé une grande campagne pour nous rassurer, nous parents, et peut être, aussi, rassurer l’ensemble de la société sur le fait que ce n’est pas de notre faute. Ouf !
Mais s’il n’y a pas de faute, il y a forcément une cause. Bien sûr, nous dit-on. La cause est génétique, sans aucun doute. Ah ! Et la génétique ça n’est pas de notre faute ?
Et, puisque la cause est génétique, le traitement est forcément comportementaliste. Ah bon ? Là, j’ai beaucoup plus de mal à suivre la logique du raisonnement, sauf à lui ajouter un renforçateur (c’est comme ça qu’on appelle la cerise sur le gâteau en langage comportementaliste) : il y a bien un fautif, c’est la psychanalyse.

En matière d’autisme, par la force des choses, j’en connais un rayon, et la recherche vaine et épuisante de la cause m’apparaît surtout comme une impasse. Je ne parle pas de la cause médicale, qui intéresse les chercheurs, mais plutôt de cette croyance fausse que si l’on trouve la cause on a automatiquement le remède. Hier, ma mère m’appelle en urgence, comme chaque fois qu’on parle de l’autisme à la télévision. Vite, sur la 3… un enfant, soigné par antibiothérapie de sa maladie, a vu son autisme régresser et disparaître. Encore la 3 ! La dernière fois, aux infos régionales, on nous avait annoncé la naissance d’une structure scolaire spécialisée, nouvel espoir pour les familles en région parisienne… en fait, 8 enfants accueillis dans un hangar prêté par la mairie, avec un psychologue et des parents bénévoles. Depuis que l’autisme est une grande cause nationale, toutes les bonnes volontés sont bienvenues. Toutes, sauf ces méchants psychiatres et psychanalystes, qui culpabilisent les mères. Eux, au contraire, il faut les fuir, et fuir tous les lieux où il risque d’y en avoir, même et a fortiori s’ils sont cachés au sein d’équipes pluridisciplinaires. Heureusement, l’association Autistes sans frontières est là pour nous indiquer la voie « ne mettez surtout pas votre enfant en Hôpital de jour, ni en IME », sauf s’il est débile profond.
 
Offrez-lui ABA, car il le vaut bien.
Contrairement aux zozos du hangar, les tenants de l’ABA, eux, ne sont pas des amateurs. Ils le disent et le clament sans ambages. Pas de doute : à raison de 40 heures par semaine, pendant 3 ans, nos enfants, pris en charge, pourront réduire leur handicap, au point de devenir quasiment « indécelables » dans un collectif d’autres enfants. On ne nous dit pas si c’est de loin ou de près.
 
La méthode ABA est pratiquée par des praticiens certifiés BCBA©. On imagine bien que ça coûte cher, malgré la mobilisation d’un nombre impressionnant de bénévoles et de parents. Les sites français sont très discrets sur ces questions. Aucun chiffre n’est fourni. Sur les sites américains et canadiens, en revanche, l’information est disponible : 50 000$ par enfant. Bigre ! Même en coupant les vivres à toutes les institutions psychiatriques et médico-sociales pour les réorienter exclusivement vers ABA, on voit mal la collectivité prendre en charge un tel coût. Mais moi, parent Ni coupable, NI responsable (c’est garanti par l’association Autistes sans frontières) je me dois d’offrir cette chance, SA chance à mon enfant. Malheur à ceux qui n’ont NI temps NI argent, NI l’énergie, NI la capacité d’engagement sans borne pour atteindre le graal : l’entrée de l’enfant à l’école, comme tous les enfants normaux. Mais il ne suffit pas d’entrer à l’école ; encore faut-il y rester. Pour quelques rares réussites, qui se seraient de toutes façons passées de l’ABA, combien d’échecs amers ? En tout état de cause, tous les témoignages d’autistes ayant eu un parcours scolaire et académique démontrent que l’intégration scolaire repose sur des ressorts de volonté intérieure du sujet, dont les autistes sont plus que tous autres capables, et non sur l’induction d’un comportement.
 
Quant à Louis, il pourrait être accepté à l’école maternelle avec une AVS, uniquement à temps partiel, dans une classe normale avec un enseignant pour 27 élèves. Sans garantie sur ce qu’il en tirerait. Aujourd’hui, j’ai choisi, en concertation avec le CMP de mon secteur, d’obtenir une admission de Louis à temps plein à l’hôpital de jour. Il y suivra une scolarité adaptée, avec deux éducateurs permanents pour 8 enfants, et le soutien de toute une équipe pluridisciplinaire. Cette intégration a été précédée d’une période d’observation et d’évaluation, assez éprouvante par sa longueur, qui permet néanmoins d’espérer que le projet sera le plus ajusté possible à ses capacités d’évolution.
 
Il paraît que si nous résistons à l’ABA, c’est que nous sommes arriérés, et dépravés par la psychanalyse. C’est vrai. Chez nous, ABA ne fait que commencer de nuire. Nous sommes un nouveau marché à conquérir. La fédération ABA France annonce sur son site (www.aba-france.com) que « l’ABA est une approche scientifique qui a pour objectif la modification du comportement par la manipulation » et qu’elle vise un « champ d’action aussi varié que l’éducation, les troubles du développement, la psychiatrie, les milieux professionnels, les troubles du comportement, la prévention routière, les addictions, l’autisme, l’hyperactivité, les phobies, le handicap, la dépression, la violence, la gériatrie, le domaine sécuritaire, l’aide à la parentalité, la déficience mentale, les troubles obsessionnels compulsifs, la communication, etc ». Un vrai programme de privatisation du soin et de la sécurité, et de constitution d’une industrie du « Care Service », comme elle fleurit aux Etats-Unis.


ABA a besoin de nous car, aux Etats-Unis, le conditionnement comportementaliste est déjà totalement Has-been, réservé à ces familles désespérées qui n’ont pas les ressources sociales leur permettant de s’acheter les services d’un Coach développementaliste évolué (Voir le « JumpStart Learning to Learn Program » de Bryna Siegel – www.autismjumpstart.org ), qui va leur concocter un mix sur mesure des méthodes existantes après un diagnostic élaboré des compétences de l’enfant (c'est-à-dire, l’équivalent de ce que nous avons gratuitement en France auprès des CMP et des centres d’évaluation).
 
Dans le monde anglo-saxon, il y a aussi une vraie communauté Autiste/Asperger, qui revendique de savoir pertinemment ce qui est bon pour elle, et qui vomit aussi bien les comportementalistes que les développementalistes. Merci à vous, Jim Sinclair, fondateur, avec Donna Williams du « Autism Network International » et du « Autistic Self Advocacy Network » (voir www.autreat.com) ; merci à vous Michelle Dawson, qui avez plaidé en 2004 devant la cour canadienne sur la non éthique de l’ABA, les empêchant de capter les fonds publics pour leur opération de malfaisance. Vous êtes mes héros, comme on dit pompeusement chez vous.


ABA les pattes !
●La première étape de la méthode ABA consiste à réduire les stéréotypes dont l’enfant est affecté. On peut voir sur internet des séquences qui me font l’effet d’un cérémonial barbare, proche du sacrifice. L’enfant pénètre dans une pièce où se trouvent une table et une chaise.
 
On l’assoit, les deux mains paumes ouvertes sur la table. Un adulte est devant, et un autre est derrière lui. L’adulte devant émet des demandes, tandis que celui qui est derrière veille à lui interdire toute échappée belle. Voilà, tout est en place. Ce que l’on va maintenant extraire, pour l’éradiquer, ce sont ces petits riens, ces signes, ces connivences, qui font notre communication, notre miel, notre langage, notre univers partagé.
On ne se bouche pas les oreilles. Quand Louis porte ses mains aux oreilles, ce n’est pas pour les boucher. Si l’on veut se boucher les oreilles, on presse dessus avec ses paumes. Louis place ses pouces sous les lobes et les remonte vers le pavillon. Il garde ainsi les paumes de ses mains libres pour orienter soit vers l’intérieur, pour s’entendre lui-même, comme le font les chanteurs, soit vers l’extérieur, ce qui lui permet une attention directionnelle et ciblée.
 
On ne court pas dans tous les sens en agitant frénétiquement les mains. L’écriture de Louis s’inscrit dans l’espace, qu’il parcourt joyeusement en courant en tous sens, décrivant différents tracés, lignes d’erre[1], transversales légèrement courbes, tours serrés ou plus lâches autour d’un point, lignes brisées et brusques changements sous l’emprise d’une inspiration nouvelle, bras levés, mains tendues vers le ciel, agitant un tambourin imaginaire. Chanson de geste. Litturaterre. Véritable proto-écriture, que d’aucuns qualifient d’hyperactivité. La délicatesse et la gaucherie mêlées qui émanent de sa personne le rendent profondément attachant.
 
On n’attrape pas la main de l’adulte mais on pointe le doigt pour désigner ce que l’on veut. Il est vrai que Louis ne connaît pas la politesse quand il conduit fermement ma main vers le frigidaire pour attraper son dixième yaourt de la journée. Ce même geste peut pourtant révéler une émouvante subtilité. Voici une anecdote pour l’illustrer. De retour après deux ans dans une maison de vacances, nous retrouvons dans la salle de bains la tortue Tomy que nous y avions laissée. J’avais coutume de tenir Maman tortue sur le bord de la baignoire ; Louis tirait bien fort bébé tortue, et quand je lâchais, les deux tombaient dans le bain en faisant plouf. J’arrive donc toute heureuse : « Louis, regarde, Maman et bébé tortue ». Dans un premier mouvement il tend la main pour tirer le bébé tortue, mais il a alors une réaction inattendue, il se ravise et va chercher ma main pour que je le fasse. Il semble quêter mon approbation pour s’autoriser à utiliser sa propre main. Cette même main dans la main lui sert d’accrochage pour affronter les transitions vers des lieux inconnus, et il sait maintenant la lâcher, de sa propre initiative quand il est rassuré.
 
Quand mon fils, solidement installé dans mes bras, se jette en arrière avec jouissance et délectation, je repense à Donna Williams, cette merveilleuse dame autiste, cette femme d’une intelligence et d’une sensibilité hors du commun qui a « bénéficié » dans sa plus tendre enfance de la plus grave maltraitance maternelle. Mon arbre préféré appartenait au parc. J’y grimpais et me suspendais par les genoux la tête en bas, en me balançant sur la plus haute branche que je pouvais trouver[2]. Il ne me déplait pas de penser que mes bras sont, pour mon fils, cette plus haute branche d’où il peut se suspendre. Jamais je ne trahirai la confiance inconditionnelle qu’il me témoigne, à tous les moments de sa vie, pour le livrer à des tortionnaires, fussent t’ils animés des meilleures intentions pour un meilleur des mondes social.
 
●La deuxième étape de la méthode ABA, consiste à introduire des apprentissages par la répétition à l’infini de chaque particule élémentaire d’une opération, sans aucune considération pour une finalité quelconque. J’imagine que s’ils devaient faire aimer Haendel à une petite fille[3], ils passeraient d’abord chaque note de la première mesure pendant un mois, puis la deuxième le mois suivant, sans jamais faire écouter l’air en entier. Elle aurait droit à un yaourt en récompense pour avoir supporté ce massacre.
 
Louis, comme beaucoup d’autistes, adore, depuis le berceau, la musique, surtout baroque, musique très complexe et élaborée, très construite. Cela ne m’a empêchée de le croire sourd, un moment, jusqu’au jour où il a donné – sans signe précurseur – son premier concert vocal à 20 mois, un répertoire impressionnant, au beau milieu d’une salle d’attente d’hôpital. Le spectacle était saisissant : il chantait avec aplomb, justesse et rythme, une main collée à l’oreille comme le font les muezzins, au point que le brouhaha ambiant sembla s’estomper.
 
Une intense beauté se dégageait de cette scène.
 
Merci Scarlett et Philippe Reliquet, parents de la petite Garance, vous pensez comme moi qu’il importe peu de savoir si c’est notre cerveau gauche ou notre cerveau droit qui nous ouvre à la culture, à la beauté, à la poésie.

Quand je lis les poésies ironiques, décalées, acérées, ébouriffantes, des au(ar)tistes du Papotin[4], je me dis seulement que j’aimerais atteindre leur degré d’idiotie. Moi j’ai choisi, sans hésitation. Plutôt idiot cultivé que singe savant.
 
Mireille Battut


(Article publié sur Lacan quotidien : version d'origine)


[1] Hommage à Deligny

[2] Si on me touche je n’existe plus – Donna Williams

[3] Ecouter Haendel – Scarlett et Philippe Reliquet. – Editions Gallimard. A lire absolument.

[4] Toi et moi, on s’appelle par nos prénoms – Le Papotin, livre atypique – Marc Lavoine, Driss El Kesri – fayard
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> lettre ouverte projet de loi Fasquelle

lettre ouverte projet de loi Fasquelle

Lettre ouverte à Monsieur Jean-Pierre Bel,

Président du Sénat,

 

Suite à la proposition de loi de Monsieur Daniel Fasquelle, nous vous demandons,par la présente,de bien vouloir saisir le Conseil Constitutionnel afin qu'il en examine le contenu et les conséquences sur les principes mêmes qui fondent notre démocratie.

En effet, nous pensons que cette proposition qui vise"l'arrêt des pratiques psychanalytiques dans l'accompagnement des personnes autistes" et prône"la généralisation des méthodes éducatives et comportementales" est une atteinte grave à la liberté des pratiques.

Nous sommes très inquiets de voir le législateur décréter ce qu'est la "bonne" science et  la "bonne" pratique thérapeutique.

L'argument statistique, mis en avant par la proposition de loi, est d'une grande fragilité.En ce domaine ,la statistique ne prouve pas grand chose et s'il est vrai que "depuis une vingtaine d'années les pays occidentaux ont abandonné l'approche psychanalytique de l'autisme" cela montre surtout une uniformisation peu rassurante de la pensée qui déborde largement les frontières.

Quant au débat sur l'origine de l'autisme, il a toutes les caractéristiques de l'impasse: quand bien même l'autisme serait- comme l'avance la proposition-" un trouble neuro-développemental" fraudrait-il pour autant priver un enfant autiste de trouver ses propres solutions?

Cette proposition de loi dissimule d'ailleurs l'essentiel :le manque criant et cruel, pour les enfants autistes et leur famille,de structures adaptées ainsi que de moyens humains.

Nous craignons, monsieur le président, que cette mise à l'index de la psychanalyse ne soit un des symptômes de la dérive de notre démocratie vers un prêt-à-penser qui la détruit de l'intérieur. 

Chantal Allier

Pour signer cette lettre : cliquez sur ce lien

 

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>Lettre de juin 1969 adressée par D.W.Winnicott, au rédacteur de Child Care News

Lettre de juin 1969 adressée par D.W.Winnicott, au rédacteur de Child Care News, parue dans D. W. Winnicott. Psycho-Analytic Explorations, Londres. Kamac, 1989, pp. 125-128.

Cher Monsieur,

Il est certain que l’on pourrait faire un commentaire élogieux de l’article que Carole Holder consacre a la Thérapie Comportementale dans le Child Care News de mai 1969, n° 86. Pour cela, cependant, il faudrait être dans un monde différent de celui dans lequel à la fois je vis et je travaille. Il est important pour moi d’avoir l’occasion de faire savoir à mes nombreux collègues travailleurs sociaux que je désire tuer cet article et sa tendance. J’aimerais en dire plus et, en tout cas, commencer par dire pourquoi je veux les tuer.

Ce pourrait être une bonne chose que de lire les déclarations de cet article aux travailleurs sociaux qui, par autosélection, sélection et formation, ont une pratique de cas. A coup sûr, il est bon que l’on vous remette en mémoire que les systèmes locaux de principes moraux ne sont pas seulement enseignés par l’ exemple, mais aussi par des tapes sur le derrière et des punitions. En fait, il est peu probable que nous puissions oublier ce fait fondamental, puisque une grande part de notre travail s’est édifiée a partir de l’ échec de la thérapie comportementale telle qu’elle se pratique à la maison et dans les institutions.

Je revendique le droit de protester. J’ai gagné ce droit du fait que je n’ai jamais accepté le mot maladjusted qui, dans les années 1920, a traversé l’AtIantique dans les bagages de la “Guidance infantile” et nous a été vendu en même temps. Un enfant mal adapté est un enfant, garçon ou fille, aux besoins de qui quelqu’un n’a pas su s’adapter à tel stade important de son développement.

Imaginez des travailleurs sociaux dans un groupe d’études réfléchissant avec les principes de la thérapie comportementale. Un tel groupe ne tarderait pas a être, par sélection et autosélection, rempli par des gens qui, de façon naturelle, adoptent la disposition d’esprit de la thérapie comportementale. La formation ne ferait qu’accentuer les sillons et les arêtes des structures de la personnalité déjà à l’œuvre dans les mœurs comportementalistes.

Ce serait vraiment une bataille perdue, parce que ces gens dont je parle avec les mots de sillons et d’arêtes ne sauront pas qu’il existe une autre sorte de travail social, un travail orienté pour faciliter les processus du développement ; ils ne sauront pas que contenir tensions et pressions des personnes et des groupes comporte une valeur positive, de même que laisser le temps agir dans la guérison ; ils ne sauront pas que la vie est réellement difficile et que seul compte le combat personnel, et que, pour l’individu, il n’y a que cela qui soit précieux.

L’article de Carole Holder met en lumière qu’il est possible de considérer la vie avec la plus extrême naïveté. Le problème est que cette surprenante sursimplification doit séduire les gens dont on a besoin pour financer le travail social. 

Rien de plus facile que de vendre la thérapie comportementale aux membres d’un comité qui, à son tour, la revendra aux membres des conseils municipaux dont les talents s’exercent dans d’autres champs. On n’est jamais à court de gens qui affirment avoir tiré profit des principes moraux que leurs pères leur ont imposés en famille, ou tiré profit du fait qu’à l’école un professeur sévère rendait cuisants la paresse ou un larcin. C’est à cela que les gens croient pour commencer.

Il faut malheureusement, de près ou de loin, parler ici des médecins et des infirmières, car leur travail aussi repose sur une sursimplification fondamentale : la maladie est déjà présente, leur travail est de l’éliminer. Mais la nature humaine n’est pas comme l’anatomie et la physiologie, bien qu’elle en dépende, et les médecins, là encore par autosélection, sélection et formation, ne sont pas faits pour la tâche du travailleur social, à savoir reconnaître l’existence du conflit humain, le contenir, y croire et le souffrir, ce qui veut dire tolérer les symptômes qui portent la marque d’une profonde détresse. Les travailleurs sociaux ont besoin de considérer sans cesse la philosophie de leur travail ; ils ont besoin de savoir quand ils doivent se battre pour être autorisés a faire les choses difficiles (et être payés pour ça) et non les choses faciles ; ils doivent trouver un soutien là où on peut en trouver, et ne pas en attendre de l’administration ni des contribuables, ni plus généralement des figures parentales. En fait, dans ce cadre loca1isé, les travailleurs sociaux doivent être eux-mêmes les figures parentales, sûrs de leur propre attitude même quand ils ne sont pas soutenus, et souvent dans la position curieuse de devoir réclamer le droit d’être épuisés par I’exercice de leurs tâches, plutôt que d’être séduits par la voie, facile, de se mettre au service de la conformité.

Car La Thérapie Comportementale (avec des majuscules pour en faire une Chose qui peut être tuée) est une porte de sortie commode. Il faut juste s’accorder sur des principes moraux. Quand on suce son pouce, on est méchant ; quand on mouille son lit, on est méchant ; quand on met du désordre, quand on vole, qu’on casse un carreau, on est méchant C’est méchant de mettre les parents au défi, de critiquer les règlements de l’école, de voir les défauts des cursus universitaires, de haïr la perspective d’une vie qui tourne comme une courroie de transmission. C’est méchant de rechigner devant une vie réglée par des ordinateurs. Chacun est libre d’établir sa propre liste de “ bon ” et “ méchant ” ou “ mauvais ” ; et une volée de comportementalistes partageant plus ou moins des systèmes moraux identiques est libre de se rassembler et de mettre en place des cures de symptômes.

Il y aura des ratages, mais il y aura quantité de succès et d’enfants qui iront disant : “ Je suis si joyeux de ne plus mouiller mon lit grâce à MIle Holder ”, ou grâce a un appareil électrique ou a un “conditionneur” quelconque. Le thérapeute n’aura besoin de rien d’autre que d’exploiter le fait que les êtres humains sont une espèce animale dotée d’une neurophysiologie à l’instar des rats et des grenouilles. Ce qu’on laisse pour compte, là, c’est que les êtres humains, même ceux dont la teneur en intelligence est plutôt basse, ne sont pas simplement des animaux. Ils ont pas mal de choses dont les animaux sont dépourvus. Personnellement, je considérerais que la Thérapie Comportementale est une insulte même pour les grands singes, et même pour les chats.

Il est triste de penser qu’il n’y a pas suffisamment de travailleurs sociaux, et qu’il n’y en aura jamais suffisamment. Il est infiniment plus triste de penser que le dernier paragraphe de l’article de Mlle Holder pourrait bien être utilisé par les responsables des Institutions d’enfants pour justifier la transmission, à qui officie en pédiatrie, de ce “ procédé économique et raisonnable ” qui doit rendre gentils les méchants clients.

Il est clair que je suis en train de m’exercer a faire marcher un conditionneur : je veux tuer la Thérapie Comportementale par le ridicule. Sa naïveté devrait faire l’affaire. Sinon, il faudra la guerre, et la guerre sera politique, comme entre une dictature et la démocratie. Votre très fidèle


D. W. WINNICOTT

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>Le Meeting du 17 mars 2012

 

Samedi 17 mars de 9h à 18h , à Montreuil

A la Parole Errante.

LE MEETING EST DANS MOINS DE TROIS SEMAINES

A moins de 2 mois d’échéances électorales importantes, nous avons décidé de nous adresser aux candidats à l’élection présidentielle pour leur demander de préciser leur position et de répondre à nos demandes formulées dans notre manifeste. 

Les représentants du P.S., du Front de Gauche, d’E.E.L.V., du N.P.A., nous ont déjà assurés de leur présence.

Nous leur dirons aussi combien la politique sécuritaire amalgamant les malades mentaux à des délinquants ou à des criminels potentiels est, au-delà du caractère insultant et erroné de cette affirmation, une entrave majeure à une politique de soins digne de ce nom.

Nous leur dirons comment la dimension relationnelle, spécificité centrale de la pratique soignante, ne peut pas être standardisée, protocolarisée, normée,  référencée à des « normes qualité » comme des objets, ou des produits de consommation, promue comme tel par les procédures d’évaluation, d’accréditation.

Nous leur transmettrons à quel point ces procédures ont généré depuis une dizaine d’années dans les établissements, une bureaucratie tatillonne, abêtissante, détournant la mission de soins vers des critères comptables et de productivité déshumanisante.

Nous leur expliquerons qu’ hélas la Haute autorité de santé (l’H.A.S.), à travers ses  conférences de consensus, de recommandation ou de processus de certification, tente de faire appliquer des conceptions opposées et étrangères à ce qui fait le fondement de nos pratiques cliniques.

Nous leur démontrerons que les pratiques évaluatives prônées par L’H.A.S. tentent d’exclure la dimension psychopathologique du champ de notre discipline.

Nous leur dirons comment l’utilisation abusive et idéologique de découvertes scientifiques récentes envahit le discours social ambiant, toujours en quête de sensationnalisme, espérant des issues rassurantes aux inquiétudes de l’époque. Ces excès  tentent de détourner les soignants, les patients et les familles des vrais problèmes auxquels nous sommes confrontés : pénurie de moyens, insuffisance de la formation, conception réductrice de la souffrance psychique.

Nous leur dirons aussi combien la psychanalyse a été et reste une compagne fidèle et indispensable de la psychiatrie, ou tout au moins pour ceux qui pensent que la maladie mentale est une maladie de la relation aux autres, à soi-même, au monde.  La psychanalyse n’est pas une technique comme une autre. Elle représente un apport culturel  indispensable à la compréhension du fonctionnement psychique humain. Ses concepts peuvent être  d’une aide précieuse dans le travail au quotidien pour les équipes soignantes dans leur confrontation avec la psychose, avec les angoisses et les complexités des enjeux institutionnels.

Nous dirons avec force que nous refusons ce système qui demande en permanence de se plier à la norme des «trois P»:

         – apporter la preuve de résultats immédiats quant on sait que l’évolution pour les pathologies les plus complexes se mesure dans la durée, 

         – prédire l’avenir, 

         – instaurer la peur à l’égard des malades mentaux. 

De telles perspectives sont  inconciliables avec une hospitalité de la folie.

Nous dirons avec force et enthousiasme nos espoirs en la possibilité d’une pratique où chacun pourrait se sentir investi, concerné, attentif et fier de son engagement : telle est la psychiatrie de l’hospitalité que nous appelons à re-fonder.

Nous sommes prêts à débattre de ces questions et nous dirons avec conviction que seules des confrontations sincères et sans anathème peuvent nous permettre à tous, soignants, patients, parents, d’écrire une nouvelle page d’histoire de la psychiatrie.

Pour penser tout cela, pour avancer dans nos élaborations nous serons entourés à ce meeting par des magistrats, des philosophes, des sociologues, des neurobiologistes, des hommes d’Etat,

Ce grand moment préparera les Assises de la psychiatrie que nous organiserons à l’automne

N’OUBLIEZ PAS DE VOUS INSCRIRE ET DE DIFFUSER AUTOUR DE VOUS L’ANNONCE DE CET EVENEMENT

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>A l'adresse de l'HAS communiqué du cercle freudien

Au Professeur Jean-Luc Harousseau Haute Autorité de Santé 2, avenue du Stade de France

93218 Saint-Denis La Plaine Cedex

 

COMMUNIQUÉ DU CERCLE FREUDIEN

20, février 2012

 

En cette année de l’autisme « Grande cause nationale », les psychanalystes tiennent à préciser leur position vis-à-vis de cette pathologie, et plus généralement sur la place qui selon eux revient à la psychanalyse dans la sphère de la Santé.

 

L’étiologie de l’autisme n’est pas établie. Les définitions sont multiples, il existe une grande variété de formes et aucun traitement curatif n’a prouvé son efficacité. Aucune méthode de traitement ne peut donc revendiquer de monopole.

 

Ils s’étonnent que certains puissent proposer de régler la question sur le plan de la loi ou par des mesures autoritaires.

 

Les méthodes éducatives d’origine comportementaliste ont démontré une efficacité : en parvenant à réguler le comportement, elles restituent une possibilité de vie et apportent un certain apaisement aux familles, pour qui cette pathologie est particulièrement pénible, angoissante et envahissante. Il faut cependant rappeler les limites de ces techniques brevetées. Leur coût est élevé, elles ne sont pas toujours applicables, elles ne suffisent pas à éviter les épisodes d’agitation.

 

Comme le montrent de nombreux témoignages d’anciens autistes, la dimension psychique est présente dans cette pathologie comme en toute autre. Le recours au psychanalyste ou au psychothérapeute peut apporter aux proches un lieu où exprimer leur désarroi et l’angoisse suscités par « l’enfant pas comme les autres ». Ce lieu de parole les aide à modifier leur position, à trouver de nouvelles ressources et à prendre des décisions. Il peut aussi aider l’enfant, particulièrement aux moments où il s’agite.

 

Le recours au psychanalyste n’est pas sans effets thérapeutiques, parfois spectaculaires, et qui restent des acquis. Si ces effets ne peuvent être prédits à coup sûr, ils ne sont pas à négliger pour autant.

 

Nombreux sont les psychanalystes qui s’occupent d’autistes, que ce soit dans les institutions de soin ou en cabinet privé. Ils confrontent constamment leurs expériences et leurs élaborations et leurs conclusions sont régulièrement reprises par d’autres praticiens. privé. Tous sont convaincus de la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire.

 

Le Cercle Freudien soutient les associations de parents et de personnels spécialisés pour que la psychanalyse conserve sa part dans le soin des autistes et le soutien de leurs familles.

 

Le Président du Cercle Freudien : Docteur Olivier GRIGNON

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> La loi du 5 juillet 2011 : vers un contrôle social psychiatrique ?

La loi du 5 juillet 2011 :

vers un contrôle social psychiatrique ?*

 

Mathias Couturier

Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles

Université de Caen Basse-Normandie

 

La loi du 5 juillet 2011[1] est porteuse de significations lourdes. Le fond de ce texte ne procède pas essentiellement du fait divers de Grenoble dont le président de la République s’était emparé pour soutenir la nécessité d’une réforme de la psychiatrie sous contrainte. Il constitue, en réalité, l’aboutissement de réflexions élaborées, depuis le début des années 2000, par les divers travaux d’évaluation de la loi de 1990[2]. Cette dernière avait, pour la première fois, modifié substantiellement l’essence du régime juridique des soins psychiatriques sans consentement qui datait d’une loi de 1838 sur les aliénés. Or, selon les motifs de la loi du 5 juillet 2011, « [les rapports d’évaluation de la loi de 1990] ont tous conclu à la nécessité de réformer cette loi compte tenu des difficultés constatées dans l'accès aux soins psychiatriques […]. Le premier objectif de la réforme consiste à lever les obstacles à l'accès aux soins et à garantir leur continuité ».

Il ressort alors de la loi du 5 juillet 2011 que la psychiatrie française s’organisera à présent autour d’une logique paradoxale mais délibérée : mieux faire entrer les malades à l’hôpital pour mieux les en faire sortir. En vue d’accomplir cet objectif, ce texte tend à élargir l’accès aux soins psychiatriques sans consentement et à développer leur mise en œuvre hors des murs de l’hôpital. Pour cela, il a opéré deux évolutions essentielles. D’une part, certains cas d’admission en soins ont été modifiés dans le sens d’une facilitation de leur déclenchement. D’autre part, tout en pérennisant l’hypothèse de l’hospitalisation à plein temps, ce texte a introduit la possibilité de prendre en charge d’emblée le malade sous d’autres formes : soins ambulatoires, hospitalisation partielle, etc.

Ce faisant, la loi nouvelle se révèle ambigüe. Certes, elle paraît ouvrir la potentialité d’un traitement de la maladie mentale moins contraignant pour le malade et donc a priori plus respectueux de sa personne, cette impression étant renforcée par l’élargissement du rôle accordé au juge des libertés et de la détention chargé de contrôler la légitimité des mesures de soins sans consentement. Cependant, cette latitude offerte tant aux malades qu’aux psychiatres traduit en réalité la montée en puissance de rapports d’un nouveau type dans la triangulation malade/médecin/autorité administrative. Ceux-ci résultent de ce que ce texte, tout en ouvrant de nouveaux droits aux personnes voire en posant certaines garanties visant à assurer leur respect, s’inscrit dans une dynamique de renforcement tendanciel des devoirs du malade qui trahit l’essence des modes de l’action publique contemporaine.

 

I – Un élargissement des soins psychiatriques sans consentement

 

La loi du 5 juillet 2011, au nom d’une amélioration de l’accès aux soins des personnes atteintes de troubles mentaux, procède à une diversification des modes de prise en charge  et des modes d’admission en soins, ainsi qu’à une facilitation de la mise en œuvre de certains de ces derniers.

 

A – La diversification des modes de prise en charge

 

Afin de diversifier les modes de prise en charge, la loi du 5 juillet 2011 a supprimé les notions d’hospitalisation d’office ou à la demande d’un tiers pour les remplacer par l’admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’Etat ou sur décision du directeur de l’établissement, cette dernière comprenant deux modalités : sur demande d’un tiers ou en cas de péril imminent. La loi nouvelle dissocie ainsi le principe du soin des modalités du soin : suite à la décision d’admission, une seconde décision fixe la nature de la prise en charge qui peut prendre diverses formes. Dès 2001, le rapport des Dr Piel et Roelandt avait plaidé en faveur d’une « loi déspécifiée pour l’obligation de soins »[3]. Un rapport de l’IGAS et de l’IGSJ, en 2005[4], avait affiné l’épure en élaborant l’architecture du dispositif qui vient ainsi d’être consacré.

A présent, toute admission débute par une période initiale d’observation en hospitalisation complète émaillée de deux examens médicaux, l’un dans les 24 h et l’autre dans les 72 h, donnant lieu à émission de certificats. Lorsque ceux-ci concluent à la nécessité de prolonger la mesure, un avis médical propose la nature de la prise en charge. Il pourra s’agir d’une hospitalisation complète dans un établissement de soins ou, comme l’énonce l’article L. 3211-2-1 du Code de la santé publique, d’une prise en charge « sous une autre forme incluant des soins ambulatoires, pouvant comporter des soins à domicile (…) et, le cas échéant, des séjours effectués dans un établissement (de soins) ». En ce second cas, celle-ci se déroulera sur la base d’un « programme de soins » précisant la « forme que revêt l'hospitalisation partielle en établissement de santé ou la fréquence des consultations ou des visites en ambulatoire ou à domicile et, si elle est prévisible, la durée pendant laquelle ces soins sont dispensés »[5].

Pour la suite, la loi prévoit, après le cinquième jour et avant le huitième jour puis à une périodicité mensuelle, l’émission d’un certificat médical visant à faire le point sur l’évolution de l’état du patient afin de statuer sur la poursuite de la prise en charge ou sur un changement de sa nature. En effet, en vertu de l’article L. 3211-11 du Code de la santé publique, le psychiatre participant à la prise en charge du patient peut « proposer à tout moment [à l’autorité administrative] de modifier la forme de la prise en charge » et de passer d’une hospitalisation complète à une forme autre ou, à l’inverse, de procéder à une « réhospitalisation »[6] de la personne prise en charge sous une autre forme. En raison de cette possibilité de modifier la nature des prises en charge, la loi du 5 juillet 2011 a supprimé les sorties d’essai.

Selon le législateur, l’objectif premier de la loi du 5 juillet 2011, en introduisant une telle modulation, est de favoriser l’accès aux soins de personnes que le système ancien ne parvenait qu’imparfaitement à appréhender. Le principe de l’accès aux soins, qui découle de l’article L. 1110-5 du Code de la santé publique et du droit à la protection de la santé énoncé à l’article 11 du préambule de la Constitution de 1946, vise à garantir la possibilité, pour l’individu, de recevoir les prestations nécessitées par son état de santé. Il comprend deux dimension. La première, qui en constitue le socle, est que la personne ait dans l’absolu la possibilité d’accéder à des soins. Or, les rapports d’évaluation de la loi de 1990 faisaient valoir que le système ancien l’entravait parfois. En effet, on faisait valoir que les familles hésitaient parfois à présenter une demande d’hospitalisation car ceci faisait reposer sur elles la charge d’initier une mesure privative de liberté[7]. On suppose alors que, n’ayant à présent à qu’à appeler à ce que des soins soient dispensés à leur proche et non à ce qu’il soit hospitalisée, les familles regimberont moins à transmettre leurs demandes d’admission. La seconde dimension est que, comme le précise l’article L. 1110-5 du Code de la santé publique, la personne puisse accéder aux « soins les plus appropriés » à son état de santé. Or, le dispositif ancien présentait, selon certains, le défaut de n’offrir la souplesse nécessaire à une prise en charge tenant compte de l’état de certains malades et du degré de consentement et de conscience, même partiel, dont ils pouvaient éventuellement témoigner à l’égard de la mesure de soins[8].

L’introduction d’une telle modularité dans les soins sans consentement ne tient pas de la révolution mais de la simple évolution puisqu’une certaine variété des prises en charge était déjà possible. Et surtout, cette réforme prolonge un mouvement, entamé depuis une cinquantaine d’années, de passage d’une logique institutionnelle et disciplinaire de prise en charge de la maladie mentale incarnée par l’asile à des formes plus variées, plus décentralisées et moins désocialisantes par l’avènement de la psychiatrie de secteur à partir des années 1960. D’aucuns soutenaient néanmoins que cette logique de désinstitutionalisation n’avait pas été menée jusqu’à son terme et qu’il était nécessaire que l’architecture du système soit complétée pour parachever le projet initial. La loi du 5 juillet 2011 s’insère dans ce contexte et son objet n’est autre que, comme le proposaient les Dr Piel et Roelandt en 2001, d’adjoindre un cadre juridiquement contraignant pour le malade à cette diversification des prises en charge accomplies au sein de la cité[9].

           

B – La diversification et la facilitation des admissions en soins

 

Certains modes d’entrée en soins sans consentement ont subi des évolutions significatives, l’objectif de ces modifications étant à nouveau de favoriser « l’accès aux soins ». Les divers modes d’admission en soins seront examinés successivement.

D’abord, l’admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’Etat qui succède à l’hospitalisation d’office se fonde globalement sur les mêmes critères, exprimés à l’article L. 3213-1 du Code de la santé publique : le préfet peut, sur la base d’un certificat médical, prononcer l’admission « des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ». On relèvera cependant que le Conseil constitutionnel, dans une décision du 6 octobre 2011, a jugé non conforme à la Constitution le fait que, dans le cadre de la procédure d’urgence mise en œuvre « en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes », le maire ou, à Paris, le commissaire de police, puissent prononcer l’admission en soin en se fondant sur des troubles mentaux manifestes de l’individu attestés « par la notoriété publique ».

Ensuite, la loi du 5 juillet 2011 a maintenu le dispositif créé par la loi du 25 février 2008 qui permet au juge pénal, lorsqu’il prononce une décision d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, d’ordonner lui-même l’admission en soins de la personne à titre de mesure de sûreté « s'il est établi […] que les troubles mentaux de l'intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public »[10]. La loi y a cependant adjoint des dispositions spécifiques, également applicables aux malades auteurs d’infractions pénales ayant fait l’objet d’un classement sans suite pour cause de trouble mental ainsi qu’aux malades ayant déjà séjourné dans une unité pour malades difficiles. Par exemple, la prise en charge ne peut être décidée sous une forme autre que l’hospitalisation complète qu’après que le préfet a recueilli l’avis d’un collège constitué de deux psychiatres et d’un membre de l’équipe pluridisciplinaire de soins.

Enfin, c’est à propos des mesures prononcées sur décision du directeur d’établissement que la loi du 5 juillet 2011 révèle sa nette volonté d’élargir les cas d’admission en soins. Dans l’hypothèse de principe, ceux-ci ont vocation à intervenir sur base de critères globalement identiques au droit ancien, c’est-à-dire sur demande d’un tiers, appuyée par deux certificats médicaux, lorsque l’état mental de la personne rend « impossible son consentement » et « impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge »[11]. L’article L. 3212-3 du Code de la santé publique a maintenu la procédure d’urgence qui permet, « à titre exceptionnel », l’admission sur base d’un seul certificat pouvant émaner d’un médecin exerçant dans l’établissement d’accueil. Cependant, son critère a glissé vers le bas : cette procédure pourra être mise en œuvre en cas de « risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade » et non plus, comme avant, de « péril imminent pour la santé du malade ».

L’innovation la plus frappante tourne alors autour de ce dernier critère qui, à présent, est destiné à une nouvelle clef d’admission en soins que l’on désignera comme la procédure d’extrême urgence. L’article L. 3212-1, II, 2° du Code de la santé publique permet au directeur de l’établissement, « lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir une demande [d’un tiers] », de prononcer la décision sur la seule base d’un certificat en cas de « péril imminent pour la santé de la personne ». Cette innovation trouve son origine dans une décision du Conseil d’Etat qui, en 2003[12], avait précisé que le tiers demandeur de soins ne pouvait être qu’une personne justifiant d’un lien de parenté avec le malade ou « de l'existence de relations antérieures à la demande lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci ». La loi nouvelle a repris cette définition mais d’aucuns avaient plaidé la nécessité de disposer d’une procédure d’admission, même en l’absence de demande d’un tel tiers, pour les situations de nature à entrer dans le champ de la non-assistance à personne en péril de l’article 223-6 du Code pénal[13]. Ce nouveau cas est évidemment étroitement encadré. Ainsi, la commission départementale des soins psychiatriques doit examiner les mesures décidées en application de cette nouvelle procédure et peut en prononcer la levée. De plus, le directeur doit prévenir les proches du malade qui peuvent alors demander la levée de la mesure. Néanmoins, l’article L. 3212-9 lui permet de ne pas donner suite à cette requête tant qu’un psychiatre de l’établissement atteste que ce péril imminent n’est pas dissipé.

Il existe donc, à présent, avec ce cas du « péril imminent pour la santé de la personne » une nouvelle procédure d’admission en soins psychiatrique sans consentement. Renforcée en cela par les évolutions déjà évoquées en matière de modulation des soins, cette innovation révèle une propension manifeste à élargir l’empire de la psychiatrie imposée au malade. Se pose alors la question de savoir si la loi du 5 juillet 2011 ne constituerait pas l’emblème d’une nouvelle distribution des droits et des devoirs autour de la santé mentale.

 

II – Un élargissement des devoirs autant que des droits du malade

 

La loi du 5 juillet 2011 a indéniablement apporté des innovations quant à la protection des droits du malade. C’est l’extension du rôle du juge judiciaire qui constitue l’apport le plus significatif. Cependant, cette tonalité protectrice doit être mise en balance avec l’analyse des enjeux implicites du texte qui révèle l’avènement de nouveaux devoirs du malade.

 

A – La protection des droits par le juge judiciaire

 

L’extension du contrôle juridictionnel par le juge des libertés et de la détention (JLD) constitue l’apport majeur de la loi du 5 juillet 2011. Les dispositions nouvelles ont été introduites dans la loi du fait des exigences énoncées par le Conseil constitutionnel[14]. Elles prévoient, en substance, que toute prise en charge sous forme d’une hospitalisation complète doit faire l’objet d’un contrôle par JLD dans un délai de 15 jours puis tous les 6 mois tant que la mesure se prolonge. Le JLD peut alors prononcer sa levée immédiate (mais non la modification de sa nature). Auparavant, le contrôle du juge n’intervenait que sur saisine qui était rare en pratique.

La loi nouvelle a également apporté des précisions sur le déroulement des débats. Ceux-ci peuvent avoir lieu au tribunal ou par audience foraine dans les locaux de l’établissement de soins voire, sous certaines conditions, par visioconférence. Le patient a le droit d’être assisté par un avocat et doit être entendu par le juge sauf si les médecins considèrent que des motifs médicaux font obstacle à son audition, auquel cas il doit être représenté par un avocat. Enfin, les débats sont publics par principe.

L’introduction d’un tel dispositif de contrôle judiciaire obligatoire, pour souhaitable qu’elle ait été sur le principe, suscite néanmoins remarques et observations critiques. Quant aux remarques, on soulignera les complications dans le travail de prise en charge psychiatrique du malade que cela peut entraîner. D’abord, l’exercice du contrôle laisse planer le risque que le patient interprète le processus juridictionnel pour penser que c’est lui-même et non la légitimité de la mesure le privant de sa liberté qui est soumis à l’examen du juge. Ensuite, selon certains psychiatres, l’intervention de cette instance tierce qu’est le juge peut être de nature à retarder « l’alliance thérapeutique » entre le patient et son médecin. Le malade, en tant qu’il s’oppose à la mesure qui le prive de sa liberté, peut se sentir conforté par le processus juridictionnel en son rejet des soins proposés par les médecins dans le cadre de cette mesure. Enfin, la lecture publique de pièces médicales lors des débats peut conduire le patient et l’auditoire à prendre connaissance d’éléments diagnostiques, ce qui pose la question d’une part du respect de l’intimité médicale due au malade, d’autre part du risque que constitue, pour ce dernier, le fait de recevoir un regard cru sur sa pathologie. Ces divers inconvénients font cependant partie du prix à payer pour ce contrôle juridictionnel qui est le corollaire inévitable du respect des libertés dont le juge judiciaire est garant.

Du côté des critiques, on pourra déplorer que le contrôle par le JLD ne soit pas obligatoire pour les mesures mises en œuvre sous une forme autre que l’hospitalisation complète. Certes, l’article L. 3211-12 du Code de la santé publique prévoit la possibilité de saisir « à tout moment » le juge des libertés de toute mesure de soins sans consentement, y inclus ces mesures autres que l’hospitalisation complète. Toutefois, de telles saisines seront sans doute rares, tout comme l’était la saisine du juge judiciaire sous l’empire du droit ancien.

 

B – Les droits du malade placés au service de ses devoirs

 

Il a été vu que la loi du 5 juillet 2011 cherche essentiellement à élargir « l’accès aux soins » sans consentement. A cette fin, elle a, d’une part, introduit la modularité des prises en charge et, d’autre part, créé un nouveau cas d’admission en soins tout en assouplissant les critères de mise en œuvre d’autres cas déjà existants.

On se demandera alors pourquoi avoir placé toutes ces innovations sous le signe d’une amélioration de l’accès aux soins. En effet, « l’expression accès aux soins revient à reconnaître un droit d’accéder aux soins »[15] qui, en lui-même, ne peut justifier techniquement ou axiologiquement une telle extension des cas de soins imposés. Il ne s’agit pas ici de plaider la passivité face à la maladie mentale mais de souligner l’incohérence apparente d’un discours. L’intérêt de ce paradoxe est néanmoins que sa réduction permet de révéler sa logique sous-jacente : il faut, selon nous, y voir l’émergence d’une injonction de prendre soin de sa santé aboutissant à ce que, si l’individu a certes un droit d’être soigné, l’outillage juridique tend à développer les cas dans lesquels il a pour devoir de se soigner.

Il nous semble, dans ce contexte, que la loi du 5 juillet 2011 s’inscrit au sein d’une évolution plus générale ayant abouti à déplacer le centre d’intérêt de la médecine, celui-ci étant passé de la maladie à la santé et à l’individu institué comme acteur principal de sa préservation[16]. On notera, à titre d’indice, la quasi-disparition, dans le nouveau texte, de la notion de « malade mental », remplacée en presque chaque occurrence par celle de « personne faisant l’objet des soins ». Ce changement révèle peut-être la mutation des représentations à l’œuvre.

Cette évolution trouve sa source dans divers facteurs symbolisés par le fait que, depuis 1946, la santé est définie par l’OMS comme « un état de complet bien-être physique, mental et social [ne consistant] pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité »[17]. La santé se conçoit donc, de manière positive, comme une forme d’homéostasie et d’ataraxie qui dépasse le simple état exempt de pathologies. En cela, elle ne concerne plus seulement l’action du médecin mais aussi celle du patient lui-même qui doit se mobiliser pour s’efforcer de l’atteindre. Il s’agit donc, en renvoyant les personnes à leur liberté, de les inciter à se gérer afin d'exercer un plus grand contrôle sur leur propre santé et de faire des choix favorables à celle-ci[18]. On entrevoit alors la naissance, en droit, d’un véritable devoir de se soigner qui émerge d’ailleurs de plus en plus clairement en matière de santé mentale[19].

La loi de 1990 portait déjà de manière latente ce phénomène en posant cette règle que l’hospitalisation psychiatrique est libre par principe et n’est contrainte que par exception. En effet, supposer la liberté, en cette matière, revient à postuler qu’un individu, même atteint d’une pathologie mentale, est en mesure d’opérer lui-même le choix de se soigner. Sa maladie n’est donc pas nécessairement exclusive de l’autonomie lui permettant de gérer correctement sa santé.

Dès lors, les soins ambulatoires sans consentement complètent cette évolution. Comme l’explique une juriste, « cette modalité de prise en charge apparaît d'emblée ambiguë. Elle peut être conçue pour protéger les malades atteints de troubles mentaux en leur évitant un enfermement systématique ; mais elle peut être aussi perçue simultanément comme une mesure de sanction à l'encontre de personnes malades potentiellement dangereuses, à l'égard desquelles il est nécessaire d'imposer des soins indépendamment d'une  hospitalisation. Ainsi, le malade se trouve dans une situation a priori nouvelle et hybride, à mi-chemin entre méconnaissance de son autonomie et liberté relative »[20]. En somme, les soins ambulatoires sans consentement consistent à appuyer l’efficacité de la prise en charge sur une part de discernement que l’on présume demeurer chez le malade, articulée à la menace d’une mesure plus coercitive en cas de manquement à ses obligations. Cette tonalité sanctionnatrice à l’égard de l’individu est claire en l’article L. 3211-11 du Code de la santé publique qui, en son alinéa 2, prévoit qu’il est possible de procéder à une réhospitalisation lorsque « la prise en charge de la personne décidée sous une autre forme ne permet plus, notamment du fait du comportement de la personne, de dispenser les soins nécessaires à son état ».

Ainsi, les soins ambulatoires sans consentement ne constituent un dispositif ni autoritaire ni libéral. Ils symbolisent l’essence de l’ingénierie sociale sur laquelle repose l’action publique contemporaine. Il ne s’agit plus de redresser l’anormalité par le biais d’un dispositif excluant et absolument coercitif comme l’était la psychiatrie disciplinaire construite autour de l’asile. Il s’agit, en dotant les malades mentaux de prérogatives, de les instituer comme personnes autonomes aptes à effectuer certains choix et, adossant des devoirs à leurs droits, de s’appuyer sur cette autonomie pour gérer l’anormalité que leur condition représente[21].

 

***

 

La crise que l’hôpital psychiatrique a connue et connaît encore, liée à des facteurs qui ne sont pas que financiers, a redistribué les fonctions et places au sein et autour de lui. Le passage à la psychiatrie de secteur, dont l’objectif était de s’affranchir de la prédominance de l’institution asilaire et d’irriguer la société à l’aide de méthodes d’intervention nouvelles, a ainsi marqué la fin de la psychiatrie disciplinaire longuement décrite et analysée par Michel Foucault.

Toutefois, l’introduction par la loi du 5 juillet 2011 d’une dimension de contrainte au sein de cette psychiatrie décentralisée modifie l’essence du projet. En effet, selon ses défenseurs, la philosophie portée par le secteur serait celle d’un humanisme fondé sur le respect de la subjectivité du patient qui, en cela, serait incompatible avec l’idée de contrainte[22]. La loi nouvelle, au travers des mécanismes qu’elle met en place, interroge alors la nature de cette société postdisciplinaire que Foucault avait entrevue[23] et que Gilles Deleuze a nommée la société de contrôle[24]. La prise en charge des anormalités n’y relèverait plus du redressement autoritaire et de l’exclusion systématique de la vie sociale mais procèderait davantage d’une gestion des problématiques liées à certains groupes et individus au cœur de la cité par dispersion de mécanismes de correction souples et protéiformes qui, tout en manifestant généralement une volonté de respecter la liberté individuelle voire en se fondant sur elle, viseraient à conduire chacun à exercer celle-ci de manière conforme à certaines normes sociales explicites ou implicites[25].

Si les modes d’action ont évolué, la contrainte n’en est donc pas moins existante et deviendrait même plus retorse du fait de sa ductilité voire de sa dissimulation sous les atours d’une bienveillante tolérance. Les protestations émises à l’encontre de la loi du 5 juillet 2011, émanant pour une large part de psychiatres, traduisent alors peut-être leur crainte d’être affectés à une fonction d’instance de régulation biopolitique : généraliser les soins sans consentement hors l’hôpital transformerait la psychiatrie en une trame médico-administrative vouée à distribuer dans le corps social les prises en charge juridiquement imposées. A cet égard, le fait que les soins sans consentement aient vocation à se dérouler hors de l’hôpital et puissent même englober le domicile du malade s’avère lourd de significations quant à un effacement de nombre de séparations fondatrices de notre constitution sociale voire anthropologique : liberté/contrainte, dedans/dehors, privé/public…

Par ailleurs, les mutations à l’œuvre au sein d’une science psychiatrique globalisée manifestent un changement dans le rapport du normal au pathologique. Celui-ci se traduit par une objectivation croissante du psychisme humain dans laquelle la maladie mentale est progressivement réduite à de pures manifestations syndromiques, parallèlement à un étalement de la nosographie par multiplication constante des entités censées manifester un trouble mental légitimant l’intervention du psychiatre[26]. Une convergence de ces mutations scientifiques avec les évolutions juridiques pourrait alors amener un nombre croissant d’individus à subir une tutelle médicale juridiquement imposée visant à les inciter à se mobiliser pour rectifier ces « anormalités » et atteindre ainsi une « santé mentale positive » que le discours public appelle maintenant explicitement[27]. Beaucoup de choses dépendront de la manière dont les acteurs des systèmes sanitaire et judiciaire s’approprieront les éléments qu’il leur est offert d’appréhender et il n’est donc pas possible, en l’état, d’infirmer ou de confirmer qu’un tel pronostic s’accomplira. La loi du 5 juillet 2011 pose néanmoins certains jalons favorisant sa réalisation[28].



* Version résumée de M. Couturier, « La réforme des soins psychiatriques sans consentement : de la psychiatrie disciplinaire à la psychiatrie de contrôle », Revue de droit sanitaire et social janvier-février 2012, n° 1.

[1] Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

[2] Loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation.

[3] E. Piel et J.-L. Roelandt, De la psychiatrie vers la santé mentale, Rapport au ministre de l’emploi et de la solidarité et au ministre délégué à la santé, juil. 2001, p. 52.

[4] A. Lopez, I. Yeni, M. Valdes-Boulouque et F. Castoldi, Propositions de réforme de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation, Rapport IGAS  (n° 2004 064)  et IGSJ (n° 11/05), mai 2005.

[5] Art. R. 3211-1 du Code de la santé publique.

[6] Terme proposé par Mme M. Lopez, « La loi relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques. Genèse d’une réforme et incertitudes », Revue générale de droit médical n° 41, 2011. 137.

[7] A. Lopez, I. Yeni, M. Valdes-Boulouque et F. Castoldi, op. cit., p. 48.

[8] Ibid, p. 49.

[9] E. Piel et J.-L.Roelandt, op. cit. p. 39 et s.

[10] Art. 706-135 du Code de procédure pénale.

[11] Art. L. 3212-1 du Code de la santé publique.

[12] CE, 3 déc. 2003, CHS Caen, n° 244867.

[13] A. Lopez, I. Yeni, M. Valdes-Boulouque et F. Castoldi, op. cit., p. 31 et s. V. également P. Cléry-Melin, V. Kovess et J.-C. Pascal (Rapport), Plan d’actions pour le développement de la psychiatrie et la promotion de la santé mentale, 2003, p. 73.

[14] Cons. Const., décisions n° 2010-71 QPC du 26 nov.  2010 et n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011.

[15] B. Feuillet, « L’accès aux soins, entre promesse et réalité », Revue de droit sanitaire et social 2008, p. 719.

[16] A. Golse, « De la médecine de la maladie à la médecine de la santé », in P. Artières et E. Da Silva (dir.), Michel Foucault et la médecine, Kimé, 2001, p. 273 ; « Vers une médecine de la santé », Mana n° 6, 1999, p. 291 ; pour le cas particulier de la psychiatrie, A. Golse, Le lien psychiatrique comme lien social généralisé. Analyse sociologique des transformations récentes de la psychiatrie publique, thèse sociologie, Caen, 2000, spéc. p. 278 et s.

[17] Préambule adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 1946, Actes officiels de l'Organisation mondiale de la Santé, n° 2, p. 100.

[18] Cf. not. Organisation mondiale de la santé, Charte d’Ottawa, 17-21 nov. 1986.

[19] M. Couturier, « L’individu est-il juridiquement responsable de sa santé ? », in Santé et droit, Revue générale de droit médical (n° spécial), décembre 2010, p. 171.

[20] S. Théron, « De quelques remarques sur une évolution attendue de la prise en charge de la maladie mentale : l'instauration de soins ambulatoires sans consentement », Revue de droit sanitaire et social 2010, p. 1088.

[21] Pour une analyse d’un mode de gestion comparable dans le cadre des processus de répression pénale, v. A. Garapon, « Un nouveau modèle de justice : efficacité, acteur stratégique, sécurité », Esprit, nov. 1998, p. 98.

[22] G. Baillon, Quel accueil pour la folie ?, Champ social éditions, 2011, p. 215 et s.

[23] M. Foucault, « La société disciplinaire en crise », 1978, in Dits et Écrits, T. 2, Gallimard, 2001, p. 532.

[24] G. Deleuze, PourparlersÉd. de Minuit, 1990,  spéc. « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle », p. 240.

[25] Cf. M. Otero, Les règles de l’individualité contemporaine. Santé mentale et société, Les Presses de l’Université Laval, Québec, 2003 ; O. Razac, Avec Foucault, après Foucault : disséquer la société de contrôle, L’Harmattan, 2008.

[26] C. Lane, Comment la psychiatrie et l’industrie pharmaceutique ont médicalisé nos émotions, Flammarion, 2009.

[27] Cf. Centre d’analyse stratégique, La santé mentale, l’affaire de tous. Pour une approche cohérente de la qualité de la vie, Rapport remis à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet le 17 novembre 2009, La Documentation Française, 2009.

[28] Dans un sens comparable, S. Théron, op. cit. p. 1092.

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> L'autisme n'est pas une fatalité (2008)

Article publié Le 12 avril 2008

Par DIATKINE Anne

  • http://www.liberation.fr/week-end/010178530-l-autisme-n-est-pas-une-fatalite

Jacqueline Berger a été, durant quinze ans, éditrice à Libération . Entre sa vie au journal et sa vie personnelle, l'étanchéité était de mise. Le 24 Mai 2002, elle fait cependant paraître un article intitulé "Nos enfants attendus nulle part". Elle y décrivait la souffrance des enfants inadaptés qui restent toute la journée, sans soins, au domicile de leurs parents, faute de structures pour les accueillir. L'article a fait grand bruit et a ému durablement. Elle a ensuite écrit sortir de l'autisme (Bouchet-Chastel, 2007) qui mêle réflexions, parcours personnel, questionnements et théories.

«Sortir de l’autisme»?: le titre de votre livre peut sembler une contradiction dans les termes, tant la définition courante de l’autisme est un enfermement. Pourquoi ce titre?

A travers ce titre, je revendique la possibilité d’une évolution positive des syndromes autistiques, lorsqu’on a repéré chez un enfant des symptômes de retrait. C’est un travail long et épuisant mais qui porte ses fruits pour peu qu’on en finisse avec la conviction que l’état autistique est une fatalité?: un défaut indépassable de gènes ou neurones défectueux. La vertu de cette conception organique serait qu’elle déculpabilise l’entourage. Le petit autiste ne serait pas pris dans une histoire, il est porteur d’un fichu gène qui s’exprime mal, on ne l’a pas encore trouvé, mais un jour viendra … Or, je ne crois pas qu’il soit forcément accablant d’essayer, non de trouver une cause aux symptômes de son enfant, mais de démêler les noeuds de son propre passé et de ce qui a pu dévier dans la relation à son bébé. C’est parfois infinitésimal. La dépression d’un nourrisson n’est pas évidente à percevoir quand on est pris dans le cataclysme de la naissance. Cependant, pourquoi est-ce que les bébés ne pourraient pas connaître cette détresse familière aux adultes? Et s’il y a dépression, comment influe-t-elle sur le développement du petit humain? Paradoxalement, s’il y a un répit dans les blessures narcissiques constantes qu’inflige le regard des autres, j’en ai plutôt fait l’expérience en parlant avec des psychanalystes. Je n’ai jamais eu le sentiment que l’enjeu était de reconnaître sa responsabilité ou de s’en disculper. La psychanalyse a mauvaise presse entre autres parce que ses résultats ne sont pas évaluables, mais elle est l’un des rares lieux où les parents d’enfants «différents» ne sont pas devant un tribunal.

Votre livre est un récit théorique qui part de votre expérience pour réfléchir sur la manière dont la société envisage la déviance aujourd’hui

Je suis mère de jumelles qui ont eu des syndromes autistiques et qui sont aujourd’hui sorties de ce puits. C’est-à-dire qu’elles parlent, qu’elles sont en relation avec autrui, qu’elles font du théâtre, qu’elles prennent plaisir dans des moments de la vie quotidienne, même si leur temporalité n’est pas la même que la vôtre. C’est tout ce que je dirais sur mes filles qui n’ont ni envie ni besoin d’être qualifiées d’ex-autistes. Pour moi, c’était la difficulté?: partir de mon expérience sans m’approprier leur histoire. Mes filles, mais aussi les autres enfants autistiques que j’ai pu rencontrer, m’ont transformée. J’ai la conviction que les «fous» qui sont de nouveau relégués, cachés et parfois maltraités comme au début du siècle dernier, ont beaucoup à nous apprendre. Ne serait-ce qu’il y a trente ans, la pensée était en ébullition à son contact.

Ce qui s’est rigidifié, c’est notre per­ception ?

Pas uniquement. L’intelligence n’a pas déserté, mais elle est plus individuelle, faute de structure financée. Le désengagement de l’Etat a des conséquences terribles?: les parents n’ont aucun choix, bienheureux déjà s’ils ne doivent pas garder l’enfant chez eux. Cette absence de choix est le leitmotiv du film de Sandrine Bonnaire, Elle s’appelle Sabine. Mais on peut aussi l’entendre dans la parole des psychiatres, quand elle revient dans les hôpitaux psychiatriques où sa soeur a été internée (Libération du 29 janvier). Outre l’indigence des réponses, ce qui frappe c’est leur impuissance, due à la pauvreté des moyens humains dans les hôpitaux psychiatriques. Faute d’avoir des personnes disponibles pour soulager les crises et mettre des mots sur la colère, c’est-à-dire reconstruire un lien, on administre une camisole chimique, on prescrit une sismo – c’est-à-dire un électrochoc nouveau genre -, on met le patient sous clef. C’est inévitable : un soignant seul ne peut pas s’occuper de vingt personnes. Réciproquement, ce que son documentaire révèle, c’est que lorsqu’il y a des éducateurs pour lui parler et la contenir, Sabine va mieux, ses doses de médicaments sont réduites de moitié. Je ne fais pas un procès contre les médicaments, je comprends bien qu’ils peuvent être utiles, mais pour soigner une maladie du lien, on peut difficilement faire l’économie de la relation à autrui, donc de personnes. Or toutes les associations et institutions lancent un SOS, quelle que soit leur chapelle?: leurs crédits pour employer des gens sont supprimés. Quand on interroge des jeunes en banlieue qui ont connu un parcours tortueux, un sur deux est devenu éducateur. La plupart du temps sans emploi, bien que les associations aient un besoin vital d’eux.

Tout le monde peut s’occuper d’enfants autistes?

Tout le monde ne fait pas le même travail et n’a pas la même fonction, mais malgré le peu de formation, des jeunes gens en errance se révèlent des interlocuteurs précieux, à condition que la relation s’inscrive dans la durée et qu’eux aussi trouvent leur place. La vie des parents d’enfants exclus est faite de bricolage. On a besoin des associations qui sortent les enfants de chez eux, leur font faire de la peinture, les initient aux rollers, les conduisent à leurs rendez-vous de soins, quand soins il y a. Or, beaucoup disparaissent faute de moyens. Concrètement, les associations fonctionnent grâce aux contrats aidés pour l’emploi, qui sont menacés de disparition, après avoir été déjà drastiquement réduits. Le tête-à-tête constant des enfants avec leurs parents, voire avec leur mère seule, est redoutable pour les uns et les autres.

Le point commun entre votre livre et le documentaire de Sandrine Bonnaire, c’est le mouvement : vous décrivez des enfants qui rompent leur carapace et font des efforts considérables pour entrer en relation.

L’autisme est une maladie du lien. La comparaison s’arrête là car il y a autant d’autismes que de personnes souffrant de cette pathologie. On a tendance à confondre l’état toujours singulier d’une personne, et ses symptômes – l’enfermement, l’absence de parole, les jeux répétitifs, le regard apparemment indifférent, la violence. Ce n’est pas parce qu’une terreur s’exprime de la même manière – je ne peux pas prendre l’avion – qu’elle raconte la même histoire et signifie la même chose chez toutes les personnes qui la subissent. On sort de l’autisme, on y entre, on y retourne, je n’ai aucune recette miracle et je n’ai pas la prétention de faire l’apologie de mon expérience personnelle ni même des institutions que j’ai pu connaître et pour lesquelles j’éprouve de la gratitude. Sortir de l’autisme ne veut pas dire guérir de l’autisme, comme on peut guérir d’une grippe. Il ne s’agit pas de prendre modèle sur le corps et la manière dont les maladies peuvent disparaître. Mais de prendre en compte la plasticité du psychisme humain. Les «autistes» ne sont pas programmés pour rester enfermer dans leur structure ni à l’être par essence. En revanche, la fatigue, un élément qui peut sembler anodin, une rencontre qui réveille un souvenir, peuvent provoquer un besoin de repli et engager une régression. Exactement comme tout être humain est parfois prisonnier de sa structure névrotique, psychotique, ou autre, en fonction des chaos de la vie. On fait tous l’expérience de «rechute». Je défends l’idée qu’il n’y a pas tant de différences entre les personnes autistiques et les autres, le pathologique et le normal, mais un continuum. Les gens «normaux» aussi se replient quand ils sont agressés. Ce que j’observe chez certains enfants autistiques, c’est une hypersensibilité. La peau n’est plus une enveloppe protectrice. Ou pas suffisamment. Du coup, le moindre lien peut être violent ou trop envahissant, et il faut du tact, de la patience, mettre des baumes. Des baumes métaphoriques aussi?: des mots. Petit à petit, au fil des années, l’enveloppe se solidifie, le moi risque moins de s’éparpiller au contact des autres. Qui du coup est un peu moins exténuant et moins dangereux. C’est du moins mon expérience : mes filles se sont un peu plus blindées, tout en gardant une capacité hors du commun à saisir les pensées d’autrui. Je vois aussi qu’elles sont épuisées quand il y a eu trop de gens autour d’elles et qu’elles ont fourni un effort faramineux pour être sociables.

Comment se déroule le quotidien, dans les lieux communs ?

Tous les parents d’enfants autistiques connaissent l’angoisse du square lorsque leur petit se roule par terre en avalant de la terre. Il faut beaucoup de sang-froid pour résister aux jugements des témoins et trouver les mots qui mettent du sens sur la scène. Si on ne réussit pas cette mise à distance, on risque d’être soi-même violent. Autre lieu terrible?: les salles d’attente. Tout le monde se regarde. L’enfant tente de se tenir. Puis explose. La tension est extrême. Le souci de rentabilité maximum ne nous aide pas?: il est remarquable que la SNCF ait supprimé le wagon de jeux sur les grandes lignes. Qu’est-ce qu’on fait avec un enfant qui affole les gens normaux dans un compartiment??

Vous mettez en question le terme handicap ou de maladie pour qualifier l’autisme.

Tout se passe comme si, obsédé par la recherche d’une cause génétique, on ne comprenait plus la différence que comme un handicap. Handicap signifie une déficience de l’individu et de lui seul. Si on répète à un enfant de 2 ans qu’il est handicapé, on risque de l’enfermer dans une image de lui-même difficilement dépassable. De même, il y a une violence terrible à prévenir la délinquance en la dépistant dès le plus jeune âge. Comment peut-on envoyer une telle pulsion de mort à un enfant, sans jamais s’interroger en quoi ces troubles sont les symptômes de notre temps?? Les capacités autoréparatrices de l’être humain sont laissées en friche. Or, je suis persuadée que le combat des autistes est valable pour nous tous. J’ai écrit ce livre parce que notre regard est devenu très enfermant. Sous couvert d’empathie, il est destructeur pour les enfants eux-mêmes. On ne fonctionne plus qu’à coups d’émotion. C’est très bien d’être ému, mais comment remettre de la pensée là où il n’y a plus que des larmes?? Les enfants autistiques ne demandent pas à être plaints. Ils ont beaucoup à nous apprendre sur le langage, comment il s’installe ou non, sur son peu d’évidence. Ils sont au coeur des interrogations sur l’existence et sur comment le petit humain se développe. La créativité est aussi dans la déviance. Bien sûr, on trouvera toujours des gens – soignants, philosophes – qui réfléchissent. Mais les budgets ne vont pas aux sciences humaines. Ils vont aux sciences dites objectives?: aux neurosciences ou à la recherche génétique. Or, les recherches les plus avancées en neurosciences démontrent que l’homme est déterminé pour ne pas être déterminé ! Autrement dit, qu’il n’y a pas de cause finale.

Vous racontez comment les parents d’enfants autistiques doivent sans cesse organiser l’avenir de leur enfant avec la crainte qu’il n’existe aucune place pour lui …

J’ai vécu cette errance de porte fermée en porte fermée. Dès qu’on a trouvé une place dans un lieu (institution, hôpital de jour, institut médico-pédagogique), on est obligé d’imaginer la suite?: où sera l’enfant à l’adolescence?? Ma chance a été de rencontrer des soignants qui m’ont dit qu’ils ne savaient pas. Ils ignoraient ce que mes enfants deviendraient et comment ils allaient évoluer. C’est très douloureux de recevoir une telle réponse. Mais l’entendre, c’est accepter que le chemin est à faire et qu’il n’est pas tracé d’avance. Lorsqu’on comprend qu’il faut se préoccuper de l’ici et maintenant, que tout se joue au jour le jour, quelque chose de joyeux advient. Les enfants autistiques sont déjà écrasés par la peur. De plus, ils doivent subir l’angoisse de leur entourage. Quand on réussit à la mettre de côté, on fait un grand pas. Encore une fois, le modèle n’est pas celui de la médecine, il n’y a pas de prédiction, ni de prévention, à propos de la pensée. Elle n’est pas mécanique.

Vous semblez trouver vaine la recherche des causes génétiques ou organiques de l’autisme.

De manière sous-jacente, il y a la conviction que lorsqu’on aura trouvé la cause, on pourra éradiquer les déviances et créer quelqu’un qui réagit «normalement». Ainsi, exige-t-on des enfants non seulement normaux, mais performants. Nombre de parents et médecins sont obligés de faire alliance avec le diable, de lisser le comportement des enfants avec des médicaments afin qu’ils ne soient pas exclus du système scolaire. Mais encore une fois, je souhaiterais juste que les parents puissent avoir le choix entre les différentes thérapies possibles. Les psychiatres qui ont une formation analytique se raréfient. Les comportementalistes vous expliquent comment faire disparaître le symptôme de votre enfant en quelques semaines. Or, il y a de fortes chances que ce symptôme réapparaisse sous une autre forme. Je préfère penser que les productions de crise ont un sens.

Vous critiquez la possibilité, mise en place par Ségolène Royal, de mettre les enfants autistes dans le circuit scolaire national quelques heures par semaine.

Cette mise en place part d’une bonne volonté … mais les moyens n’y sont pas. Que peut faire un instituteur, qui doit s’occuper de vingt-cinq élèves, avec un enfant autiste qui demande énormément d’attention?? Cela nécessite non seulement qu’il soit formé mais que l’enfant soit accompagné d’un autre adulte, lui aussi formé et présent en continu. De plus, la présence de l’enfant autistique à l’école n’a de sens que si l’échange avec ses camarades est possible. Pour cela, il faudrait que l’instituteur prenne le temps de réfléchir avec les enfants sur les diverses manières de grandir. Faute de quoi, l’enfant autistique est dans son coin, perturbe la classe, et ses incompétences lui sont encore une fois démontrées. Contrairement à Sandrine Bonnaire, vous n’êtes pas à la recherche du diagnostic …Il n’est intéressant que s’il permet de mettre en place des soins. Et si on l’oublie aussi vite. Il s’agit toujours de nommer … sans enfermer.

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Conférence proposée par l’association APARTE le vendredi 28 mars 2008 à Dax.

 « Sortir de l’autisme » de Jacqueline Berger

La conférence est aussi animée par le docteur François Claus, Jacques Serfass, psychiatre d’enfant interlocuteur de parents et Stéphane Bernadiou, infirmier à l’hôpital de jour du service psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Ils accueillent Madame Jacqueline Berger, journaliste à Libération et mère de deux jumelles autistes âgée de 16 ans.

Dans ce contexte difficile d’exercice de la psychiatrie, le docteur Claus perçoit ce livre comme réconfortant. Il introduit la conférence par cette citation : « L’autisme est une notion terrible, je préfère dire que mon fils a sa logique. » S’ensuit un jeu de questions-réponses entre les professionnels et l’invitée. Mme Berger ne souhaite pas témoigner mais sortir justement de cette émotion pour mieux échanger. Son livre n’est pas un recueil de recettes concernant l’autisme mais le tracé d’un long chemin douloureux.

1/ S.B : « Sortir de l’autisme ». Le peut-on et vers où ? Pour quoi et pour qui sortir de l’autisme ?

J.B : Ce n’est pas guérir de l’autisme mais un chemin est possible, sortir de l’enfermement. Je pense à une idée de dynamique. La deuxième raison à ce titre est de toucher un public plus vaste, pour changer les regards et la question du regard est ô combien importante car elle touche directement les enfants. Ce livre pointe un combat et la complexité de la problématique autistique. Si la cause est génétique : quel chromosome et quelle partie de chromosome ? Si la cause n’est pas génétique, ce serait un problème de neurones, de connexions…

2/ J.S : Si dans votre livre tout est quelque chose de « sortir de…. » , qu’est-ce qui s’est passé pour « entrer dans… » la pathologie autistique ?

J.B : L’autisme n’existe pas au sens où il y a autant d’autismes que de sujets atteints. Oui, il existe des signes communs, des symptômes visibles mais ce n’est pas pour autant qu’il y ait une cause commune. Nous passons trop d’années à chercher une cause. L’idée est de trouver une solution et beaucoup…dans l’ici et maintenant.

3/ F.C : Vous faites une revue des causes possibles. Je cite : « Je préconise de tourner le dos à la recherche des causes, quête illusoire , effets pervers… »

J.B : Des effets pervers car il y a l’idée qu’on ne peut pas considérer les troubles autistiques, infantiles sur le modèle du corps, que l’on ne peut pas considérer l’apprentissage du langage, la communication comme une connexion. Ce n’est pas comme la fièvre.

Un effet pervers car il y a une exclusion non dite, pas de places dans un établissement dans la réalité. Avoir le choix, avoir des places est une utopie aujourd’hui. La colère monte face au rejet, à l’absence d’accueil. Il est question de la science qui se perfectionne et qui nie des souffrances plus d’ordre psychique, relationnel, proprement humaine. On s’intéresse à sauver les bébés prématurés et pas à leurs devenirs.

4 / J.S : Il est impossible à la science de chercher des causes. Toute expérience laisse une trace.

J.B : Quand bien même nous aurions connaissance de la cause, nous n’aurions pas de meilleures indications sur la façon de soigner. Se pose la difficulté primordiale de la relation puis de la diversité de l’autisme.

5/ J.S : On a trouvé la cause du mongolisme et on ne savait pas si c’était génétique ou mental. Si on trouvait la cause de l’autisme, ça ne changerait pas la question de soigner ?

J.B : Aujourd’hui, nous tenons un discours classificateur. Il n’y a pas de destins communs. Et oui, il reste tout à faire chez l’enfant de trois ans. Quand nous comprenons ce qui se passe chez son enfant alors nous prenons un grand chemin avec lui. L’enfant n’est jamais assuré de son existence. Il faut sortir de l’idée que tout se joue avant 3 ou 5 ans. La question de l’avenir de son enfant se pose pour tous les parents.

6/ S.B : Vous parlez d’une rencontre avec la psychanalyse, en quoi est-ce une ressource pour vous ?

J.B : C’est d’abord la rencontre avec un psychanalyste. Un savoir existe mais il est menacé or on donne un sens aux choses. Quand on commence à accepter, on avance.

7/ J.S : Un savoir menacé, pourquoi ?

J.B : La rencontre avec ces enfants est d’abord médicale. Elle est moins tournée vers le donner du temps pour laisser comprendre. Or trop vite, il faut mesurer, cataloguer, étiqueter.

J.S : Beaucoup de parents remplissent un questionnaire. Il s’agit de la souffrance de l’enfant et de la souffrance de la famille lorsque la médecine prend en charge la psychiatrie.

J.B : Les parents préfèrent la case handicapé que maladie mentale.

F.C : Les parents n’ont pas le choix. Ici, à l’hôpital pédo-psychiatrique, on part de la nature de l’enfant, des besoins. Il existe un clivage avec le « centre de ressources autisme » où les personnes qui établissent le bilan sont différentes de celles qui prescrivent le traitement. Or le traitement commence par une rencontre.

J.B : Je pense que c’est une mauvaise affectation des moyens. Les papiers, les classifications sont renforcés.

J.S : Au sein même des psychiatres, les prises de positions peuvent être catégoriquement opposées. Pour certains, le diagnostic est essentiel contrairement à d’autres.

J.B : Le repérage précoce est intéressant dans la mesure où les soins sont immédiats. Or la demande légitime est transformée en bureaucratie.

J.S : Je reçois depuis 3-4 mois une maman et son fils qui pose problème. Cette maman est allée au centre de ressources à Marseille pour un diagnostic et elle est rentrée déçue. Il lui a été dit que son fils est autiste à 60 % . Alors, j’ai demandé quels étaient les soins conseillés . Ce sont exactement les mêmes que ceux que nous lui conseillions. Il s‘agit d’une perte de temps et pas d’un réel centre de ressources.

F.C : Se pose le problème de la multiplication des AVS ? En quoi l’intégration scolaire est-elle un leurre ou un mythe ?

J.B: Je suis pour l’idéal de l’intégration mais on ne tend pas vers ça. L’intégration ne se décrète pas. Il est question de l’accompagnement, de la formation, d’intégration réelle ou pas. Il faut travailler dans tous les secteurs.

Tous doivent s’interroger. Un enfant autiste perturbe beaucoup. Est-ce une intégration pour faire plaisir aux parents, pour se rassurer ou pour l’enfant ? Dans une dynamique ou pas. Je m’interroge sur l’Education nationale. Comment intègre-t-on ? effectif réduit dans la classe ?

L ’ intégration est nécessaire pour sortir de l’ isolement mais de façon pensée dans l’intérêt de l’enfant.

J.S : Les associations de parents d’élèves pèsent fortement sur le pouvoir public, sur la poussée de scolarisation en milieu ordinaire avec AVS. Or les AVS pullulent. Certes, elles ont de la volonté mais elles sont sans formation.

J.B : Je partage votre point de vue. C’est une politique des bons sentiments. Une AVS coûte moins cher qu’un hôpital de jour.

S.B : Certains enfants ne peuvent pas être scolarisés.

J.B : Mais la demande est forte car le monde pousse à la normalité. Parfois, passer par le milieu extraordinaire est plus facile que par le milieu ordinaire même si c’est difficile à dire.

Pot-pourri de réflexions avec le public.

Les autistes sont des enfants qui cassent le temps. Il n’y a pas de handicap mental mais seulement un handicap physique car le mental bouge, change. Notons la plasticité du réseau neuronal alors que l’étymologie du mot handicap est figée. Dans le domaine des soins, il vaut mieux se fier à des rencontres plutôt qu’au métier ou au savoir de la personne. Quelle que soit la violence des parents, il est important de ne jamais juger, d’entendre des paroles douloureuses et de s’interroger sur les capacités à les entendre. Veillons à faire en sorte que des rencontres soient possibles. Pourquoi ne pas inventer des nouveaux modes de dialogues entre les professionnels et le social ?

 

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>Interdire les suppléments d’âmes de la psychiatrie ?

Par Mathieu Bellahsen

Le conflit actuel qui fait rage dans le domaine de l’autisme nous oblige à expliciter ce que peuvent apporter, au quotidien, la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle dans le champ de la psychiatrie. Explicitation d’autant plus nécessaire que les recommandations de la Haute Autorité de Santé sur la prise en charge des personnes atteintes d’autisme entend mettre au ban ces deux méthodes (1).  Comment transmettre au grand public ce qu’elles apportent dans le concret des pratiques ? Tâche bien ardue pour ne pas rentrer dans le débat d’experts tout en ne sombrant pas dans un simplisme réducteur.

Dans son fauteuil écoutant un patient allongé sur le divan, le cliché du psychanalyste est tenace. Il n’a cependant rien à voir avec ce que peut apporter la psychanalyse dans les secteurs psychiatriques et autres lieux d’accueil de la souffrance psychique. Dans ces lieux, elle est un des outils permettant de penser ce qui arrive à une personne et à ses proches, d’inscrire leurs souffrances dans une histoire et de construire un sens à même de transformer leur rapport à eux-mêmes et au monde. La psychanalyse n’est pas l’apanage des seuls psychanalystes et ne peut se résumer à élucider “ le complexe d’Œdipe ”, à pratiquer des interprétations sauvages et violentes voire à trouver le ou les soi-disant responsables des troubles.

Que l’on soit infirmier, aide-soignant, éducateur, ASH, psychologue, secrétaire, psychiatre, la psychanalyse est à disposition de l’ensemble des soignants pour penser ce qui se joue pour un patient dans sa relation à eux et aux autres en général. Tant du côté des soignants que du côté des patients, la psychanalyse est un outil consistant de compréhension et de traitement dont dispose la psychiatrie pour élaborer ce qui se passe dans les liens interpersonnels et inconscients. Pour autant, en institution, cet outil n’est pas exclusif et s’intègre nécessairement à d’autres (psychotropes, activités thérapeutiques et éducatives, groupes de parole, réinsertion sociale etc.) dans une perspective psychothérapique.

A contrario, si les psychotropes soulagent les souffrances, ils ne guérissent pas les « troubles » et ne permettent pas de subjectiver l’expérience de la maladie. Cette idée, de nombreuses personnes ont pu la connaître lors de la traversée d’un épisode dépressif : un traitement apaise mais ne peut pas se substituer à un travail psychothérapeutique. Alors que de plus en plus de patients se plaignent de l’approche exclusivement pharmacologique des troubles psychiques et sont en demande d’être « écoutés » par les psychiatres et les équipes qui les prennent en charge, comment comprendre qu’une méthode qui cherche à mettre en circulation la parole se voit ainsi rejetée ?

Rappelons que bien loin des clichés en vogue actuellement, aucune découverte majeure n’a affecté le champ thérapeutique en psychiatrie depuis plusieurs dizaines d’années (2). Bien que nettement plus chers, les nouveaux psychotropes ne sont pas plus efficaces que ceux découverts  dans les années 1950 et présentent pour la plupart des effets secondaires tout aussi importants que les premiers (surpoids, obésité, diabète etc.).

Idem pour l’imagerie médicale et les neurosciences qui seraient une « révolution », tant et si bien que, dans le rapport 2009 de l’OPEPS sur « la prise en charge psychiatrique en France », il est déclaré qu’aux vues des progrès des neurosciences, la partition entre neurologie et psychiatrie n’est plus de mise à l’heure actuelle (3) or, si l’imagerie médicale a permis d’affiner les diagnostics différentiels, c'est-à-dire de préciser les affections qui ne sont pas psychiatriques, aucun progrès n’a été fait dans le domaine de l’accompagnement au long cours et des soins si ce n’est grâce aux développements des méthodes actives comme celles de psychothérapies institutionnelles.

Si le grand public est à peu près au fait de la psychanalyse, qu’est-ce donc que la psychothérapie institutionnelle ? Inventée lors de la Guerre d’Espagne puis développée en France lors de la Seconde guerre mondiale, son postulat est simple, travailler l’organisation de l’hôpital afin de mettre un terme à des pratiques nuisibles aux soins : les hiérarchies hospitalières rigides avec leurs logiques gestionnaires et administratives, les dépendances générées par les milieux clos voire homogènes (unités par « troubles » qui produisent encore plus du trouble en question), les régressions qu’elles induisent ainsi que les préjugés des soignants et des patients, notamment sur l’incurabilité des maladies psychiques graves comme la schizophrénie. En somme, pour traiter les patients il s’agit également de traiter les pathologies créées par le lieu de soin lui-même.

Si la psychothérapie institutionnelle entend prendre en charge activement les phénomènes concentrationnaires en traitant l’ambiance, elle met aussi en question l’arbitraire des systèmes asilaires en responsabilisant patients et soignants, là où tout concourt à infantiliser les premiers et à figer hiérarchiquement les seconds. Lutter contre les cloisonnements de toutes sortes qui empêchent les soins, qui fabriquent de la ségrégation, tel est l’enjeu quotidien pour permettre au patient de tisser des relations humaines, d’être actif dans ses soins, de faire preuve d’invention et de créativité.

Que ce soit à l’hôpital et/ou en ambulatoire, la psychothérapie institutionnelle est une méthode de choix pour soigner et guérir les patients présentant des pathologies complexes qui ne peuvent se limiter à des approches exclusivement individuelles. Un collectif de soignants rigoureux et engagés est alors nécessaire pour rassembler tout ce qui se joue dans les relations intersubjectives.

La psychiatrie, en traitant ces phénomènes institutionnels et intersubjectifs, a pu dans de nombreux endroits, se passer de camisoles, de recours inflationniste aux chambres d’isolement, des tendances punitives, sécuritaires, de tris par pathologies qui avaient cours dans les asiles d’antan.

Aujourd’hui, dans les services de psychiatrie, il est de plus en plus fréquent d’attacher des patients sur leur lit en chambre d’isolement, il est de plus en plus fréquent d’augmenter ad nauseam les doses de psychotropes, il est de plus en plus fréquents de laisser les patients errer dans les unités d’hospitalisation sans que de réels soins leur soient prodigués. Comment comprendre le retour de ces pratiques qui, elles, mériteraient le qualificatif de « barbare » ?

En se pliant aux protocoles de la HAS (Haute autorité de la santé), ces pratiques violentes « certifiées conformes » sont plus difficiles à remettre en cause, d’autant plus qu’elles se légitiment du manque de personnel, du manque de formation et d’une conception déficitaire de la maladie mentale.

Et pourtant, à l’heure actuelle, il est encore possible de travailler les milieux de soin pour créer des espaces de confiance avec les équipes, les patients et leur famille, de donner du sens aux crises existentielles majeures que traversent les personnes en souffrance, de ne pas abandonner la perspective d’une guérison, c'est-à-dire que la personne puisse retrouver goût à la vie, au partage avec d’autres. La psychothérapie institutionnelle, en pensant ce que les patients jouent dans le dispositif de soin, est un outil d’une efficacité que l’on peut apprécier au quotidien, dans les équipes qui se donnent le temps de penser leur pratique (faire des réunions, partager les ressentis différents qu’un même patient provoque dans l’équipe etc.).

François Tosquelles, psychiatre catalan, l’un des fondateurs du mouvement de psychothérapie institutionnelle en France, rappelait que cette méthode marche sur deux jambes : la jambe psychanalytique et la jambe politique. La psychiatrie en étant poreuse au contexte socio-politique, doit le remettre en permanence en question pour ne pas sombrer dans l’arbitraire, la ségrégation et l’exclusion des plus malades d’entre-nous. La psychanalyse lui apporte un outil distinctif majeur pour replacer la singularité des personnes au centre des soins, bien loin de l’indifférenciation des patients, de la standardisation des prises en charge et de l’interchangeabilité des soignants.

Que l’on ne se méprenne pas, la psychothérapie institutionnelle, dans sa lutte permanente avec les totalitarismes, en a vu d’autres ! Née au creux des catastrophes du siècle passé, son éventuelle interdiction n’empêchera pas les équipes d’y avoir recours, puisque sans elle, l’accueil de la folie et la pratique quotidienne de la psychiatrie pourraient y perdre leur supplément d’âme.

Mathieu Bellahsen, psychiatre responsable d’un secteur de l’Essonne,

membre du collectif UTOPSY

et du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire


[1] Libération, 13 février 2012, p14-15


[2] GONON François, « la psychiatrie, une bulle spéculative ? », Revue Esprit, novembre 2011, p54-74


[3] OPEPS (Office Parlementaire d’Evaluation des Politiques de Santé). «Rapport sur la prise en charge psychiatrique en France.» 2009 : « Le mouvement de mai 68, porteur notamment de ces critiques, a tenté d’émanciper la psychiatrie des pratiques chirurgicales inadaptées et d’une vision jugée trop étroite de la maladie. Il a abouti, par l’arrêté du 30 décembre 1968, à la séparation de la psychiatrie et de la neurologie auparavant réunies au sein de la neuropsychiatrie. Cette division en deux spécialités se révèle aujourd’hui regrettable en raison de la révolution qu’ont connue les neurosciences et l’imagerie médicale et des connaissances acquises depuis lors dans ces disciplines

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>La Parisienne Libérée: toc, toc, toc, voilà les médocs ! (Mediapart)


 

 

Chaque jeudi, La Parisienne Libérée chante l'actualité. Cette semaine, l'organisation des soins psychiatriques autour du “médecin-juge-préfet”.

 

Des liens documentaires sont proposés sous l'onglet “Prolonger”, n'hésitez pas à les compléter dans les commentaires. 

 

TOC TOC TOC, VOILÀ LES MEDOCS !

Paroles et musique : La Parisienne Libérée

 

[citation N. Sarkozy]

 

C’est déjà pas très rigolo

D’être schizophrène ou parano

On se dit rarement depuis tout petit

« Moi quand je serai grand je serai suivi ! »

C’est déjà assez compliqué

De trouver quelque part où loger

Sans qu’un agent persécuteur

Puisse se présenter à toute heure

Et vous dire :

 

Toc toc toc, voilà les médocs !

Ça fait comme un électrochoc

Attention, voilà l’injection !

On ne vous demande pas la permission

Le médecin-juge-préfet

Est là pour vous soigner

Il viendra vous chercher

Jusque dans la chambre à coucher

 

Parce qu’un évadé de l’HP

S’est retrouvé médiatisé

Il faudrait murer tous les patients

Sous peine de péril imminent

Les fauteurs de trouble public

Iront en prison psychiatrique

Et si ça coûte cher au Trésor

Il n’y a qu’à les enfermer dehors

Et leur dire :

 

Toc toc toc, voilà les médocs !

Ça fait comme un électrochoc

Attention, voilà l’injection !

On ne vous demande pas la permission

Le médecin-juge-préfet

Est là pour vous soigner

Il viendra vous chercher

Jusque dans la chambre à coucher


Un gestionnaire quand ça vous trace

Ça voit le soignant comme une menace

Tandis qu’il y a bien assez d’argent

Pour faire des chambres d’isolement

Un gestionnaire quand ça bricole

Ça vous fabrique des protocoles

Où le parano passe en audience

Grâce à de la visioconférence

 

Toc toc toc, voilà les médocs !

Ça fait comme un électrochoc

Attention, voilà l’injection !

On ne vous demande pas la permission

Le médecin-juge-préfet

Est là pour vous soigner

Il viendra vous chercher

Jusque dans la chambre à coucher

 

Quand vient la nuit sécuritaire

On économise la lumière

En enlevant la citoyenneté

A ceux qui ont démérité

Résonne alors, au coin de la rue

L’appel à exclure les exclus

L’insupportable ritournelle

Du fou dangereux criminel

 

Toc toc toc, voilà les médocs !

Ça fait comme un électrochoc

Attention, voilà l’injection !

On ne vous demande pas la permission

Le médecin-juge-préfet

Est là pour vous soigner

Il viendra vous chercher

Jusque dans la chambre à coucher

 

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Les précédentes chroniques :

 

Travailleur élastique

A©TA, un monde sous copyright

Y'a pas que les fadettes…

Les investisseurs

La TVA, j'aime ça !

Votez pour moi !

Les bonnes résolutions

PPP

Le subconscient de la gauche (duo avec Emmanuel Todd)

Concert en live à Mediapart

Un président sur deux

Mamie Taxie 

L'usine à bébés

Kayak à Fukushima 

La gabelle du diabolo

Les banques vont bien

Le plan de lutte

«Si je coule, tu coules…»

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>Adresse aux candidats à l’élection de la Présidence de la République

 

Manifeste du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire 

Adresse aux candidats à l’élection de la Présidence de la République

La folie n’est concevable qu’irréductiblement liée à la condition humaine.


L’art et les pratiques cliniques psychiatriques prennent en compte la personne dans son ensemble, son histoire : il s’agit de soigner une personne qui souffre et non une maladie.

Engagée dans la réalité sociale, la psychiatrie se doit de préserver la singularité et l’originalité des personnes qui se confient à elles ou lui sont confiées : telle est son éthique. Elle ne se conçoit qu’en relation avec les patients, leurs familles mais aussi avec les acteurs du social et du champ médico-social. Par conséquent, c’est une politique psychiatrique inscrite dans la communauté qui doit être promue.

Nous, soignants en psychiatrie , patients, familles affirmons que :

         -Les valeurs républicaines de liberté, égalité et de fraternité sont le socle constitutif de toute pratique

         – L’engagement thérapeutique tient d’abord à la prise en considération de la vulnérabilité mais aussi de la créativité des patients. Il doit  conduire à promouvoir tous les lieux nécessaires à une hospitalité pour la folie qui constitue l’enjeu de la pratique. Dans l’hospitalisation, comme dans les lieux ambulatoires, l’accueil doit être mis au centre des projets et des préoccupations thérapeutiques.

           -La dimension relationnelle est au cœur de tout processus de prévention et de soins. L’apport de la psychanalyse à la  psychiatrie est incontestable; ne peut être nié, voire pire « interdit. Il est un élément important dans la nécessaire pluralité des pratiques qui composent notre discipline.

Aussi refusons-nous avec force :

• L’idéologie sécuritaire qui stigmatise, isole et maltraite les plus démunis des citoyens.

• Toute modification ou interprétation des lois qui confirmerait la ségrégation et la stigmatisation des patients en les assujettissant à des lois spécifiques et aggraverait la tendance à l’enfermement.

• L’idéologie falsificatrice qui ferait croire que soigner sous la contrainte dans la cité serait une avancée pour les patients ou leur famille.

• L’imposture des protocoles standardisés pseudo scientifiques déniant la singularité de chaque acte, de chaque projet soignant, de chaque patient.

• La mainmise de l’appareil gestionnaire tentant d’annihiler, de nier et d’écraser la dimension créative et inventive de tout processus de soin.

Aussi soutenons nous toute pratique qu’elle soit publique en accord avec les acquis du secteur, libérale ou associative, garantissant en particulier la continuité des soins et prônant l’attachement à des valeurs fondamentales telles que : respect du secret professionnel, engagement relationnel, indépendance professionnelle, respect de l’intimité et des droits du patient, la prise en compte de son entourage familial. 

Nous défendrons un enseignement reposant en particulier sur la psychopathologie, et nécessitant la réintroduction de formations spécifiques désarrimées de la logique, du cadre théorique et des intérêts hospitalo-universitaires actuels autant que de l’emprise des laboratoires pharmaceutiques et ceci pour tous les professionnels de la psychiatrie.

Avec et pour ces valeurs nous continuerons à dénoncer toutes les dérives politiques, techniques, gestionnaires et sociales qui enfermeraient peu à peu les patients dans un carcan déshumanisant.

Nous affirmons que ce combat est essentiel pour que la psychiatrie ne bascule pas dans la barbarie où rejeter et punir feraient disparaître les pratiques accueillantes de soins désaliénistes.

Cette  conception du soin psychique implique une rupture avec les politiques législatives, administratives et idéologiques engagées par les pouvoirs publics depuis des années

C’est pourquoi nous exigeons :

-L’abrogation de la Loi du 5 juillet 2011 qui fait passer la psychiatrie d’une logique sanitaire à une logique sécuritaire de contrôle policier des populations.

-L’abrogation de toutes les lois organisant depuis des années la gouvernance hospitalière et nous empêchant d’être soigné et de soigner correctement, et en particulier la loi HPST.

-L’abrogation de la loi de février 2008 sur la « rétention de sûreté ».

-L’arrêt immédiat de tous les processus d’accréditation et de certification, des recommandations de “bonne pratique “ et “des conférences de consensus”, validés dirigés et imposés par l’HAS, dont l’objectif d’une mise en normes des pratiques, protocolisées et homogènes, est anti thérapeutique, destructeur des soins et constitue un obstacle majeur à des soins psychiques de qualité.

– La suspension immédiate de toutes les contraintes médico- administratives mettant en péril les principes de confidentialité.

Concernant les moyens :

La psychiatrie publique doit avoir les moyens – tant financiers qu’humains (en nombre et en qualification) – de répondre aux besoins de l’ensemble de la population. Elle n’est pas la santé du pauvre. Ce qui implique un renforcement substantiel de ses  moyens

Elle doit pouvoir  bénéficier d’une enveloppe budgétaire spécifique.

Concernant l’organisation :

Le Secteur Psychiatrique doit être réaffirmé comme étant l’élément central du dispositif de psychiatrie publique.

Les pôles doivent être démantelés, car il s’agit  d’un dispositif antinomique de l’organisation sectorielle, qui concerne un territoire à taille humaine. 

Un bureau de la psychiatrie doit être  rétabli au sein du Ministère de la Santé, afin que les dossiers de la psychiatrie soient traités par des personnes au fait de la discipline

Concernant les formations :

La nécessité d’assurer une formation spécifique à tous les intervenants en psychiatrie. Cette formation devant permettre aux futurs professionnels d’appréhender la complexité de la psychopathologie. Dans ce cadre nous exigeons que l’enseignement, pour tous les professionnels soit pluraliste avec notamment un apport nécessaire en psychopathologie, psychanalyse et sciences humaines qui enrichissent nos pratiques.

Concernant les internes, tous les Secteurs doivent pouvoir redevenir qualifiants.

Concernant le financement :

Ni la T2A, ni la VAP ne doivent s’appliquer à la psychiatrie. Celle-ci doit disposer d’un financement lui permettant de répondre à ses missions tant de soins que de post-cure et de prévention, ainsi qu’à son implantation dans le tissu social de la Cité.

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>A propos des initiatives actuelles contre la psychanalyse.

Communiqué de presse

Du 12 février 2012

 

À propos des initiatives actuelles

contre la psychanalyse

 

Après avoir lancé sa proposition de loi « visant à interdire la psychanalyse pour l’accompagnement des personnes autistes », le député U.M.P. Daniel Fasquelle continue sa croisade.

Il vient de déclarer à l’AFP qu’il « va saisir le Conseil national des universités afin que l'enseignement et la recherche sur les causes et les prises en charge de l'autisme ne fassent pas référence à la psychanalyse ».

Ce député se fait donc le relai du puissant lobby de quelques associations pour  interdire la psychanalyse et également la Psychothérapie Institutionnelle.  Certaines de ces associations, se sont illustrées par la violence et la virulence de leurs attaques personnelles contre des praticiens pourtant reconnus. 

Si des parents d’enfants autistes ont pu être malmenés, mal accueillis, maltraités par certains psychanalystes, il est tout à fait justifié qu’ils puissent faire entendre leur voix. De la même façon, les dérives sécuritaires comme les mises en chambre d’isolement abusives, les contentions punitives, et les « traitements de chocs »ne sont pas tolérables.

 Mais ce n’est pas une loi qui règlera les dérives des pratiques ou qui devrait décider des traitements à la place des praticiens.

Les familles et tous les citoyens doivent pouvoir garder le droit inaliénable d’une liberté de choix de leur praticien et de la façon dont ils souhaitent se soigner,

en respectant  la nécessaire pluralité des approches.

Au nom de quel pouvoir, de quel supposé savoir un député peut-il refuser aux personnes autistes d’avoir un inconscient comme tout être humain et donc de bénéficier de soins relationnels pluralistes dans leur inspiration?

De telles initiatives ne laissent pas d’interroger sur leurs buts.

En effet depuis quand une loi devrait-elle venir s’immiscer dans le débat scientifique ?

Allons-nous accepter sans réagir des lois interdisant la liberté de pensée et de recherche ?

La psychanalyse est une méthode qui a fait ses preuves depuis plus d’un siècle et qui constitue un aspect crucial de la formation des praticiens. Bien au-delà elle fait aussi partie intégrante de la Culture au même titre que les autres avancées du savoir humain.

Aurons-nous bientôt une loi interdisant le darwinisme et niant l’existence des dinosaures comme certains fondamentalistes chrétiens le prônent aux USA en menaçant les enseignants?

Depuis le nazisme qui avait interdit la psychanalyse comme science juive et pratiqué des autodafés des œuvres de Freud, seules des dictatures comme celle des colonels grecs avaient osé interdire cette part du savoir de l’humanité !

 Ou encore le stalinisme qui, à la fin des années 40, avait interdit la psychanalyse en tant que « science bourgeoise ». 

Tout récemment, à l’automne 2011,une psychanalyste syrienne, Rafah Nached a été emprisonnée par la dictature syrienne parce qu’elle animait des groupes de parole pour des personnes traumatisées par la répression.

 Au-delà de la personne du député Fasquelle qui vient de se discréditer irrémédiablement et dont nous exigeons la démission de la présidence du Groupe d’études sur l’autisme à l’Assemblée Nationale, nous nous inquiétons de cette dérive inquiétante où des propos tenus jusqu’alors uniquement par des sectes telles que l’église de scientologie font retour depuis le sommet de l’Etat.

Cette dérive au même titre que certains discours prônant l’inégalité des cultures est en train d’introduire un discours populiste fort inquiétant pour la démocratie.

Nous appelons donc tous les professionnels du soin psychique, mais aussi  tous les citoyens à une vigilance républicaine pour refuser un tel tournant dangereux pour les libertés.

Contact : Marie Cathelineau 06 81 37 95 25 

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>Conférence : l’Autisme aujourd’hui ?

Samedi 18 Février 2012 de 14h30 à 18h45  

Salle du bureau des entrées de l’Hôpital de Montfavet, conférence de Simone Molina qui viendra nous parler des liens entre la pratique clinique et les enjeux actuels autour de la question de l’autisme, suivie d’un débat animé par Loriane Brunessaux, pédopsychiatre et membre du Collectif des 39 

Discutants : Dr Anicet, Dr Bonnauron,  Chefs de pôle en pédopsychiatrie, aborderont leurs pratiques et les questions institutionnelles qui se posent aujourd’hui. Présence du Docteur H. Rouveyrollis ancien chef de Pôle Enfant-Nord, qui participera au débat.

16h 45 : Pause / collation offerte. Vente des Actes du Point de Capiton, et du livre de S.Molina «  Archives Incandescentes » (éditions l’Harmattan 2011)

17h -18h45 : Assemblée Générale du Point de Capiton :

Ordre du jour de l’AG

– Simone Molina, Présidente : Rapport moral et bilan d’activité 2011 

Bilans du Cycle Utopia et du colloque «  Entre rêve et création, le fil rouge de l’infantile ? », bilan du lien avec l’Appel des 39 et de la rencontre du 19 novembre à Cavaillon ; information sur le nouveau Site et sur les Actes en préparation ; bilan des liens avec l’Inter-associatif européen de psychanalyse dont le Point de Capiton est partenaire depuis 2011. Bilan des groupes de travail en 2011.

– Joëlle Fatticionni- trésorière : Bilan financier  (montant de l’Adhésion 2012) :

– Bilan du CA et Désignation des membres du nouveau CA (vote des adhérents)

– Projets avec l’inter-associatif européen de psychanalyse : séminaire sur un week-end, à préparer en lien avec des associations grenobloises.

– Proposition d’un séminaire par Simone Molina.

– Propositions des adhérents : Le Point de Capiton est aussi  ce que chacun en fait, par son dynamisme, son souci de creuser une question avec d’autres, puis d’en rendre compte en réunion publique, ouverte aux seuls adhérents ou à un public plus large. C’est pourquoi l’assemblée générale se veut un lieu de débat et un creuset pour que le désir de ceux qui souhaitent travailler avec d’autres prenne consistance.

Nous vous attendons nombreux !

Entrée libre pour les Adhérents.

Participation aux frais : non Adhérents 3 euros

Adhésion 2011 valable jusqu’à la fin de l’AG : 20 euros / le montant 2012 sera voté en AG.

 

Le Point de Capiton

www.le-point-de-capiton.net / lepointdecapiton@hotmail.fr

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> A propos du documentaire « Le mur »

Le documentaire « Le mur » est problématique car il laisse penser, ce qui correspond aux idées habituellement diffusées dans les médias, qu’un débat se joue, dans le champ de l’autisme, entre les « psychanalystes » et les « comportementalistes ».

Les termes du débat ne se situent pourtant pas tout à fait là puisque les cliniciens tenants de ces deux approches théorico-cliniques, ainsi que les chercheurs en neurosciences et en sciences cognitives ont appris, pour un certain nombre d’entre eux, à travailler ensemble depuis plusieurs années. Par contre, ce qui est juste, c’est qu’il existe un féroce mouvement « antipsychanalytique », porté notamment par certaines associations de parents de personnes d’autistes soutenus par des hommes et femmes politiques (Daniel Fasquelle, Valérie Létard), pour qui l’urgence ne semble pas être la réflexion autour de l’amélioration des prises en charge de ces enfants et adultes mais la dénonciation des dérives de certaines théories psychanalytiques, la condamnation et l’interdiction de la psychanalyse, sans prendre en compte l’extrême diversité de ce champ. 

A chacun ses priorités. Heureusement, toutes les associations de parents ne sont pas dans ce cas-là ; malheureusement, les associations de parents les plus virulentes sont celles qui se font le plus entendre et qui se servent du film documentaire « Le mur » comme d’un document scientifique prouvant quelque chose sur « la Psychanalyse ». « Le mur » est pourtant un film de propagande dont le manque de rigueur et la malhonnêteté ne peuvent échapper à aucune personne s’intéressant un tant soit peu à l’état actuel des connaissances et des pratiques dans le champ de l’autisme. 

En effet, dès les premières secondes, on s’étonne de l’aplomb avec lequel la voix off affirme que l’autisme est un trouble neurologique, que « Tous les autistes présentent des anomalies dans une zone du cerveau, le sillon temporal supérieur ». Or, cette hypothèse n’a jamais été validée scientifiquement, cette anomalie du sillon temporal supérieur n’ayant été retrouvée que chez un petit nombre de personnes autistes. L’état actuel des recherches en neurosciences favorise l’hypothèse d’un trouble de la connectivité neuronale d’étiologie inconnue plutôt qu’une lésion neurologique localisée. Les autres hypothèses que l’on peut retrouver, à propos de l’origine de l’autisme, sont génétiques, hormonales, toxiques, infectieuses, environnementales, psychogénétiques… Et si elles représentent des voies de recherche, elles n’en demeurent pas moins des spéculations. 

Ensuite, la voix off affirme que la psychiatrie française est largement dominée par la psychanalyse, ce qui est un fantasme grotesque au vu de l’extension massive de la psychiatrie biologique en France, du faible nombre de services d’orientation psychanalytique en dehors de la région Ile-de-France et de l’absence quasi-totale de la psychanalyse dans les études médicales. La psychiatrie n’est pas la psychanalyse. La voix off poursuit en affirmant que les psychiatres français ignorent résolument les découvertes récentes dans le domaine de l’autisme, ce qui est faux, et achève son introduction par la déclaration suivante : « Pour les psychanalystes, l’autisme est une psychose, autrement dit un trouble psychique majeur résultant d’une mauvaise relation maternelle. » Il est vrai que la plupart des psychanalystes considèrent l’autisme comme une psychose, mais il est absolument réducteur et présomptueux d’affirmer que la psychose résulte d’une mauvaise relation maternelle ! La psychose est un trouble grave de la relation à l’autre et au monde, et ne peut en aucun cas se définir par une hypothèse sur sa causalité !

Les discussions sur la causalité de la névrose, de la psychose, de la souffrance psychique, ont entraîné des réflexions et des prises de positions différentes dans le champ de la psychanalyse, et ces discussions ne sont pas nécessairement au-devant de la scène car, quand il s’agit de travailler avec des enfants et des adultes en souffrance, névrosés, psychotiques, autistes, la question de la causalité peut devenir accessoire. 

Les psychanalystes, en ce qui concerne la causalité, ont pu évoquer des hypothèses psychogénétiques tout autant qu’organogénétiques : il est arrivé à Freud de parler d’un « roc biologique », à Mélanie Klein d’une « cause constitutionnelle », Geneviève Haag, dans le cas de l’autisme, penche en partie pour la possibilité d’un trouble de la connectivité neuronale ; Jacques Lacan mettait l’origine de la psychose en rapport avec l’accession de l’être humain au langage.

Après que la voix off a affirmé que la psychose serait due, pour les psychanalystes, à une mauvaise relation à la mère, chaque psychanalyste interrogé qui répond que l’autisme est une psychose devient donc suspect d’accuser les mères… C’est ainsi que le professeur Pierre Delion, par exemple, se fait piéger. Plus loin, un montage grossier fera de lui le défenseur du psychanalyste Bruno Bettelheim présenté comme le grand accusateur des mères, alors que Pierre Delion essaie seulement de lutter contre la caricature souvent faite de ce psychanalyste. 

Ensuite, le choix des personnes interviewées ainsi que le choix des séquences montrées à l’écran est étonnant : on comprend que la réalisatrice ait choisi de rencontrer Pierre Delion et Bernard Golse, deux professeurs de pédopsychiatrie ayant beaucoup travaillé avec des enfants autistes, mais comment se fait-il que Pierre Delion ne soit pas interrogé sur ce qu’il prône, à savoir une pédopsychiatrie intégrative, associant les neurosciences, le cognitivisme, la psychanalyse, le comportementalisme ? Comment se fait-il que Bernard Golse ne soit pas interrogé sur sa conception d’un « modèle polyfactoriel » dans l’origine de l’autisme, prenant en compte les facteurs organiques, neurologiques, génétiques, environnementaux ? Pourquoi les faire passer pour des psychanalystes incriminant les mères, ce qu’ils ne sont pas ? 

Par la suite, on découvre neuf psychanalystes. On s’étonne de constater qu’aucun n’appartient au courant de psychanalyse post-kleinienne, qui est pourtant un courant ayant compté un certain nombre de grands psychanalystes d’autistes (Frances Tustin, Donald Meltzer), et qu’aucun n’appartient à l’association de psychanalyse la CIPPA (Coordination Internationale entre Psychothérapeutes psychanalystes s’occupant de Personnes avec Autisme), rassemblée autour de Geneviève Haag, travaillant depuis des années avec des chercheurs en neurosciences et sciences cognitives et avec des parents d’enfants autistes. 
On s’étonne également de constater la surreprésentation, dans le documentaire, de clichés du discours lacanien, caricaturé et chosifié, porté par six psychanalystes interviewés sur neuf.

Parmi eux, on retrouve un pédiatre, Aldo Naouri, qui a valorisé dans certains de ces ouvrages les découvertes comportementales dans le champ de l’autisme (ce qui n’est pas montré à l’écran, il s’en est d’ailleurs plaint en dénonçant la malhonnêteté de la réalisatrice), et une psychanalyste dont le sous-titre annonce qu’elle est « kleinienne », alors même que le discours qu’elle tient évoque la place du père dans le discours de la mère, considération qui n’a rien de kleinienne quand on sait que Mélanie Klein se désintéressait du psychisme des parents de ses analysants, se focalisant sur le monde fantasmatique des enfants et adultes qu’elle recevait en analyse. Il s’agit à nouveau d’un cliché.

Parmi ces psychanalystes lacaniens, aucun n’appartient à l’ALI, (Association Lacanienne Internationale) qui est pourtant une école lacanienne comptant des psychanalystes particulièrement intéressés par la question de l’autisme, avec Marie-Christine Laznik et Graziella Crespin, qui ont fondé l’association PREAUT (PREvention de l’AUTisme) dont le but est de mêler les apports de la méthode cognitiviste TEACCH et de la psychanalyse lacanienne. Comment expliquer leur absence ? Pour finir, on s’étonne de voir interviewer trois psychanalystes de la même école freudienne dont deux ne travaillent pas spécialement avec des personnes autistes: Jacqueline Schaeffer qui se fait piéger sur la question de l’inceste et le professeur Daniel Widlöcher (il faut savoir que la réalisatrice s’est présentée comme effectuant un documentaire sur la psychanalyse en général, pas spécialement sur la psychanalyse dans l’autisme). Quand à Laurent Danon-Boileau, le montage grossier a pour objectif de lui faire porter un autre cliché de la psychanalyse : le psychanalyste qui dort, qui ne fait rien, qui attend, inactif, en face d’une personne autiste, face à des méthodes cognitives et comportementales qui permettraient des progrès grâce à une hyperstimulation active. Le seul tort de Laurent Danon-Boileau est d’avoir évoqué trop librement ses éprouvés contre-transférentiels alors que ceux-ci ne peuvent être compris sans explications.

Mais justement, par le biais du montage, d’explications il n’y aura pas.

Ce sont pourtant des praticiens, soignants, thérapeutes d’inspiration psychanalytique, parfois liés à la psychothérapie institutionnelle ou à la psychiatrie communautaire, qui ont théorisé et mis en pratique la prise en compte des détails du quotidien, de l’organisation de l’institution, l’élaboration rigoureuse du cadre et du support psychothérapique, la mise en place de repères spatio-temporels précis et structurés et la nécessité d’un engagement intense dans le soin, entre autres, des enfants autistes.

Comment, alors, comprendre un tel manque de rigueur dans un documentaire sur la psychanalyse dans l’autisme ? Comment ne pas s’étonner de l’aplomb avec lequel il est affirmé que, sur le modèle des institutions de Bruno Bettelheim, la séparation parents-enfants est un pilier du traitement psychanalytique, alors même que les psychanalystes de personnes autistes travaillent depuis bien longtemps avec les parents ? 

Dans le champ de l’autisme, la psychanalyse a certaines visées précises, qui ne sont pas les mêmes que celles des méthodes éducatives, mais qui les complètent dans un enrichissement mutuel : la thérapie permet aux personnes autistes de réduire leurs angoisses conscientes et inconscientes, de libérer leurs capacités d'apprentissage, de permettre qu'ils trouvent du plaisir dans les échanges émotionnels et affectifs avec les personnes qui les entourent, de permettre qu'ils gagnent du champ dans les choix de vie les concernant.

Au total, il paraît bien évident que les quelques associations de parents d’enfants autistes et hommes et femmes politiques qui valorisent ce film sont au courant de la malhonnêteté de celui-ci mais que, pour eux, la fin justifie les moyens ; autrement dit l’interdiction de la psychanalyse et la lutte contre le travail de l’inconscient justifie bien quelques gros mensonges. Dans ce cas, ces personnes ne peuvent plus prétendre se réjouir que l’autisme soit la Grande Cause nationale 2012 car il est évident que pour elles, c’est la haine de la psychanalyse et de l’inconscient qui est la Grande Cause nationale 2012.

Espérons que le groupe parlementaire saura donner la priorité à ce qui le mérite vraiment : palier au déficit de prise en charge thérapeutique, éducative et pédagogique pour tous les enfants et adultes en difficulté dans ce pays et favoriser la recherche de points de convergence, de divergence et de complémentarité des différentes théories et pratiques de la psychiatrie.

Loriane Brunessaux, 31/01/2012.

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>Soins Psychiatriques. Autorisation de délirer au centre Antonin-Artaud (L'humanité.fr)

 

(Flora Beillouin)

Depuis sa création, 
en 1985, le centre 
de jour Antonin-Artaud offre, à Reims, une vision humaniste 
de la psychiatrie. 
Son fondateur, 
Patrick Chemla, militant dans le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, mêle ses patients à cette réflexion qui les concerne en premier lieu : le sort que l’on réserve aux fous 
dans notre société.

 

Reims (Marne), 
envoyée spéciale. «Que s’est-il passé cette semaine ?» Olivier embraye : «Il y a eu des élections au Maroc et en Égypte, remportées par des partis qui se réclament de l’islam modéré et veulent instaurer la charia…» Au centre de jour Antonin-Artaud, comme chaque mercredi depuis quinze ans, le forum d’actualité commence, animé par un infirmier. «En France, l’équivalent, ce serait Bayrou ? » tente une petite voix, vite interrompue par Vincent, qui, debout, finit de rouler sa cigarette, une lueur de révolte barrant ses yeux gris-bleu : « Tout ce qu’on sait, c’est que ça n’a jamais rien donné de bon de mélanger la religion à l’État !»

La revue de presse passe du coq à l’âne. Sébastien a la mémoire des chiffres, Fred un goût prononcé pour les contre-pouvoirs. Pour Vincent, « les médias veulent faire de nous des moutons », et il « faut mettre un grand coup de pompe dans la fourmilière ». Un thème retient néanmoins l’attention collective : la folie. Il est notamment question du tueur d’Oslo et d’un reportage de France 3 sur l’unité pour malades difficiles (1) de Sarreguemines. « On voyait les patients, visages floutés, qui refusaient leurs médicaments, et le journaliste racontait qu’ils frappaient les infirmiers », relate Clément, sous le regard horrifié de l’assemblée.

Ici, on est loin du schéma extrême de Sarreguemines. Au centre Artaud, il n’y a ni blouse blanche ni pyjama. Les médicaments, seulement si nécessaire, ne sont que des éléments de la thérapie proposée par l’équipe de Patrick Chemla. « Le médicament n’agit que sur les effets, or la problématique humaine est bien plus complexe, de par la diversité de ses causes, à la fois sociales, traumatiques, anthropologiques », explique le psychiatre, qui refuse de « classer les gens dans des cases », selon les cloisonnements chers à Nicolas Sarkozy. (…)

Lire la suite sur le site de l'humanité 

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>Lettre ouverte

Monsieur le Président du Conseil National de l’Ordre des médecins, Mesdames et Messieurs les parents de personnes autistes, Deux médecins, le Professeur Pierre Delion, « véritable promoteur du Packing en France1  », Chef du Service Psychiatrie Enfant et Adolescent du CHRU de Lille, et le Professeur David Cohen, Chef du Service Psychiatrie Enfant et Adolescent de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière ont été ou sont convoqués devant leurs Conseils départementaux de l’Ordre des médecins suite à la plainte d’une association représentant des familles de personnes autistes, l’association Vaincre l’Autisme. Leur délit : soutenir le principe d’une recherche scientifique validée dans son objet et son protocole par le Comité de Protection des Personnes du CHRU de Lille, recherche menée dans le cadre d’un Programme Hospitalier de Recherche Clinique National (PHRC), validé en 2008 (PHRC 2007/1918, n° Eudra CT : 2007-A01376-47), financée par le ministère de la Santé et dont le thème est « L’efficacité thérapeutique du packing sur les symptômes de troubles graves du comportement, notamment les automutilations, des enfants porteurs de TED/TSA  ».


Ces plaintes2  constituent une véritable attaque personnelle et professionnelle difficile à comprendre quand on prend le temps de connaître l’objet de ces attaques et les hommes qui en sont les victimes.

De plus, les comparutions devant le Conseil de l’Ordre s’accompagnent d’appels à la manifestation devant les dits Conseils, selon des méthodes d’un autre âge qui interrogent sur les véritables motivations de leurs instigateurs. Elles rejoignent d’autres mobilisations telles celles qui ont violemment attaqué les équipes pratiquant l’avortement ou celles, plus récentes, exigeant l’interdiction de représentations culturelles jugées blasphématoires au nom de la religion.

Or, la recherche scientifique est tout sauf un blasphème, même si elle va à l’encontre de convictions qui peuvent, en elles-mêmes quand elles ne se manifestent pas sur le mode du dénigrement et de la disqualification, être respectables. La science n’est pas un dogme, Pierre Delion et David Cohen ne prétendent pas détenir la vérité, ils la cherchent. « Toute connaissance est issue d’un processus de construction, processus qui consiste en une réorganisation qualitative de la structure initiale des connaissances et qui peut s’assimiler à un changement de conceptions3 .

Pierre Delion rappelle que « ils [ les scientifiques] savent bien qu’avant de pouvoir démontrer quelque vérité scientifique que ce soit, le chercheur émet des hypothèses abductives (j’ai l’intuition que) puis conduit ses recherches pour tenter de démontrer de façon déductive et inductive les hypothèses émises. S’il n’y avait pas d’abord des intuitions basées sur la clinique, aucune découverte n’aurait pu être faite en médecine, ni a fortiori démontrées dans le cadre de l’Evidence Based Medicine . » C’est la base même de la recherche expérimentale.

Une étude scientifique ne préjuge pas de son résultat, ce que font les associations de parents d’enfants autistes qui ont décidé que cette technique « relevait de la torture4  », qu’elle était pratiquée « sans protocole, sans évaluation et sans résultat3  » voire qu’elle « ouvrait la voie à l’abus sexuel5 »  et qu’il fallait y mettre un terme parce que « dénuée de tout respect et de toute dignité3  ».

Pourquoi, donc, s’opposer à un examen scientifiquement validé de la question du packing ?

Le packing, contrairement à ce que laissent entendre ceux qui demandent son interdiction, n’a pas pour origine la psychanalyse et il existe une abondante littérature scientifique sur cette technique, anglo-saxonne notamment6 . Il trouve sa source dans la médecine antique et repose sur l’utilisation de l’eau dans les soins physiques et psychiques, l’hydrothérapie étant utilisée en Grèce dès le VIIIème  siècle avant Jésus-Christ. Soranus d’Ephèse la recommande au Ier  siècle de notre ère pour soigner la dépression. Au XVIIIème  siècle, Pinel demande que l’on utilise les bains chauds à visée de relaxation. Cullen, médecin anglais, est le premier à recommander les enveloppements humides dans le même but. En 1948, Paul Sivadon a utilisé des approches corporelles à base d’eau, à Sainte Anne, « pour favoriser le sentiment de sécurité, la prise de conscience de l’existence corporelle et la relation avec les objets et les personnes  ». En 1966, un psychiatre américain, Woodbury introduit sa méthode d’enveloppement (“packing” en anglais) en France : la technique est la même mais l’enveloppement se déroule en présence d’un infirmier qui reste aux côtés du malade en permanence durant ce temps d’enveloppement. « Le but de ce traitement est de donner au malade une stimulation du schéma corporel, de contrôler ses tendances autodestructrices et agressives, sans l’aliéner par les médicaments ou l’isolement  ». 

La technique du packing sera proposée pour le traitement des enfants et adolescents autistes les plus gravement malades ou qui présentent des troubles graves du comportement (hyperactivité, instabilité grave, auto- ou hétéro-agressivité, stéréotypies envahissantes, anorexie grave, insomnie rebelle notamment).

Il s’agit donc de valider, ou non, scientifiquement « L’efficacité thérapeutique du packing sur les symptômes de troubles graves du comportement, notamment les automutilations, des enfants porteurs de TED/TSA  », en aucun cas traiter l’autisme ou ce que l’on nomme aujourd’hui les Troubles Envahissants du Développement (TED). Le Professeur Pierre Delion a maintes fois rappelé que « le packing ne concerne que quelques enfants porteurs de TED/TSA lorsqu’ils présentent des signes graves voire gravissimes de troubles du comportement, pour lesquels une indication précise doit être posée et une formation de l’équipe réalisée dans de bonnes conditions  ».

Tout le monde est aujourd’hui d’accord pour dire que l’autisme, on devrait probablement dire les autismes, est un trouble neuro-développemental, entrant dans le cadre des troubles envahissants du développement ce qui ne préjuge en rien de son étiologie qui demeure inconnue, les hypothèses allant des anomalies génétiques aux atteintes infectieuses ou toxiques, probablement associés à des degrés divers.

Il n’existe pas de traitement curatif de l’autisme. En revanche, de multiples approches de prise en charge ont vu le jour depuis la découverte de ce syndrome, approches issues de divers courants théoriques et fondées sur des conceptions très diverses de l’autisme7 . De manière pratique, des études scientifiques ont à ce jour permis de démontrer l’efficacité d’une prise en charge précoce à l’aide d’approches éducatives comportementales (ABA8 ), cognitives (TEACCH) ou développementales. La littérature scientifique est unanime sur ce point : il faut que l’intervention éducative soit précoce, massive et structurée.

Mais, quel que soit la nature du handicap ou de la différence de la personne autiste, le mérite de la psychiatrie et de la psychanalyse aura été de montrer qu’elle demeure un être de relation, doté d’un inconscient, tout comme ses parents, et que les interactions relationnelles et identificatoires sont modifiés par le trouble. Et ce même si l’on réduit l’inconscient à ses dimensions cognitives, ce qui n’est plus le cas des neuro-biologistes, Lionel Naccache considérant même Freud comme le Christophe Colomb des neurosciences9 .

L’époque n’est plus aux antagonismes, neurosciences versus psychanalyse par exemple, et l’ensemble de ces disciplines se confrontent utilement au travers d’interfaces que nous avons été nombreux à appeler de nos voeux. « Une réflexion critique qui confronte les diverses approches des sciences de la vie et des sciences de l’homme et de la société autour du cerveau de l’homme et de sa fonction devient nécessaire10.  » Dès que l’on parle de l’homme et de la nature, il faut « nouer sciences fondamentales et sciences humaines  » dit Michel Serres.

Il ne suffit pas de se targuer d’autres autorités scientifiques qui, en l’occurrence, s’appuient sur des préjugés qui ont une construction scientiste voire idéologique, pour invalider le travail de plusieurs années au service d’une cause que Pierre Delion et d’autres ont défriché de longue date : combien d’entre nous ne se sont-ils pas intéressés grâce à lui à l’autisme, d’abord par une grande ouverture d’esprit clinique et une réflexion plurifactorielle sans exclusive assortie d’une grande rigueur scientifique ? Si le regard commun et scientifique sur l’autisme a pu évoluer dans ce pays, on le lui doit en grande partie, il suffit de lire ses travaux et ses publications avec honnêteté.

Les attaques visant Pierre Delion, David Cohen, Daniel Widlöcher et Bernard Golse visent aussi toute une profession, que le Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux avait appelé à juste titre la Communauté soignante, dans une optique de « mise en cause des compétences médicales de la psychiatrie  » et, plus généralement, de disqualification de la psychiatrie et de la psychanalyse.

Comment attaquer Pierre Delion, dont l’intégrité professionnelle, le sens éthique et l’humanité peuvent difficilement être discutés par quiconque est de bonne foi ? « Nous sommes tous des Pierre Delion  » disait le Syndicat des Psychiatres Hospitaliers, nous dirions plutôt « Nous voudrions tous être des Pierre Delion  ». Et avoir ses qualités humanistes, son profond respect de l’autre souffrant, sa rigueur scientifique, sa compétence dans l’animation des équipes dont il a eu la charge, sa qualité d’enseignant “maïeutique”, la cohérence qui est la sienne entre sa pratique et son enseignement, son attachement à la “défense et illustration” de la prise en charge des enfants autistes et de leurs familles. Son travail, son enseignement plaident pour lui mieux que quiconque ne pourrait le faire. A travers lui, c’est toute une conception de l’humain, du social et du scientifique qui est en jeu. Et ces attaques inquiètent car elles traduisent une dérive qui voudrait que ceux qui prennent en charge les personnes en souffrance psychique les remplacent, en coupables expiatoires, comme objets de fantasmes primaires stigmatisants. Ainsi, les acharnés de la guérison sont nombreux dans le champ des médecines différentes, précisément parce qu’ils cherchent toujours et encore l’arme absolue qui puisse enfin avoir raison des échecs thérapeutiques qu’ils ne supportent pas.

L’autisme est une souffrance, pour l’autiste d’abord, pour ses proches ensuite. La douleur des parents doit être respectée et entendue, y compris quand elle s’exprime de manière excessive.

Mais l’alliance thérapeutique que prône l’ensemble des dispositifs voulus ces dernières années par les pouvoirs publics suppose respect mutuel et confiance réciproque. La controverse n’est pas inutile, « Le mot liberté n’admet, par définition, aucune restriction11  », si elle fait progresser la lutte contre la souffrance. Chacun doit se regarder en conscience, la pratique de la psychiatrie et de la psychanalyse n’ont pas toujours été heureuses en matière d’autisme, toutes les associations de parents d’autistes ne se reconnaissent pas dans des discours excessifs, et chercher comment concilier au mieux « corps et esprit humains, inséparables12  ».

Cette nécessaire alliance, chacun doit y participer. Autistes  dans la mesure de leurs moyens, parents  qui doivent trouver une réponse à leur détresse et aider leur enfant à progresser autant qu’il lui est possible afin de « garantirl’intégration des personnes autistes en milieu ordinaire ou la création de places adaptées en milieu spécialisé13  » ; pouvoirs publics , qui doivent éviter toute posture démagogique, proposer des espaces de médiation et soutenir toute recherche, sans exclusive aucune, qui permettra de faire avancer les connaissances en matière de troubles envahissants du développement ; les médias, qui doivent aider à la prise de conscience en ces matières mais aussi informer de manière objective. Les professionnels  enfin, dont le dévouement ne peut être contesté et qui, quoi qu’il advienne et quel que soit le champ de compétence de leur intervention, demeureront un maillon indispensable à l’évolution positive des enfants et adultes concernés.

Ces alliances sont tout le contraire de démarches qui ont une construction sectaire en ce sens qu’en s’appuyant sur la détresse et l’émotion au détriment de la réflexion critique, elles se soutiennent du “principe de simplification”, supercherie visant à séduire les personnes en détresse par l’indication d’une “voie unique”, factice face à la complexité des problèmes posés, voie qui, en ce sens, constitue une régression épistémologique.

Claude Finkelstein, présidente de la FNAPSY, rappelle que « les chapelles en psychiatrie sont devenues des sectes, chacune pensant avoir “raison” contre la “déraison” et ceux qui en souffrent sont les patients, non les familles, même si j’en suis sûre celles-ci sont de bonne foi. Seul le patient peut dire si telle ou telle intervention lui a servi . » Pour toutes ces raisons, nous soutenons Pierre Delion, David Cohen, et tous les professionnels mis en cause dans leur démarche scientifique, clinique et thérapeutique, et nous dénonçons la véritable chasse aux sorcières dont ils sont l’objet. Nous demandons qu’ils reçoivent tout l’appui qu’ils méritent de la part de leurs confrères de l’Ordre des médecins, en reconnaissance de leur courage, de leur rigueur et de leur compétence et pour l’ensemble de leur oeuvre

 

1 Vaincre l’Autisme (ex Association Léa pour Samy)


2 Ces comparutions, fondées sur un supposé manque de rigueur scientifique et une volonté de nuire interviennent dans un contexte particulier dont témoigne la diffusion d’un film, « Le Mur », construit uniquement à charge contre la psychanalyse et les psychanalystes et qui, grâce à un montage subtil, discrédite trois professionnels, Pierre Delion, déjà, Daniel Widlöcher et Bernard Golse. Ce document, quelle que soit la volonté explicite de ses auteurs, ne vise pas à faire le point sur l’apport (ou non) de la psychanalyse dans la prise en charge des autistes, critique s’il le faut, mais à constituer un dossier à charge qui ridiculise les professionnels.

3 Hélène Hagège : La démarche scientifique : invariants et spécificités disciplinaires, une approche épistémologique, LIRDEF, Université Montpellier II – IREM, février 2007

4 Vaincre l’Autisme

5 Site officiel du Collectif de soutien au film « Le Mur »

6 Le Professeur David Cohen en donne maintes références dans son argumentaire. Parmi les articles récents, citons :

1. Hospital and Community Psychiatry. 1986, 37: 287-288.

2. Am J Psychiatry. 1988, 145: 242-245.

3. Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence. 2009, 57 : 529-534.

4. Clinical Neuropsychiatry. 2009, 6: 29-34.

5. Journal of physiology. 2010, 104: 309-314

6. Issues in Mental Health Nursing, 2009, 30:491-494.

7. Adolescent Psychiatry. 2011, 1: 163-168

7 Voir les travaux, notamment de Jacques Constant et ceux de Centre Ressource Autisme de Languedoc-Roussillon à la demande du ministère de la santé en 2007

8 qui connaît également ses détracteurs, on lira sur ce point l’ouvrage très documenté de Laurent Mottron, « L’autisme, une autre intelligence : Diagnostic, cognition et support des personnes autistes sans déficience intellectuelle », Editions Mardaga, 2004, 235 pages

9 Le nouvel inconscient, Poche Odile Jacob, février 2009

10 L’homme de vérité, Jean-Pierre Changeux, Editions Odile Jacob, Paris, 2002, page 9

11 Jean Yanne, Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil

12 Pierre Delion, Lettre ouverte

13 Autisme France

Marie-Noëlle Alary, psychiatre des hôpitaux,  Mathieu Alary, doctorant en neuro-imagerie, Patrick Alary, psychiatre des hôpitaux,  Claude Allione, psychanalyste,  Marie Allione, pédopsychiatre des hôpitaux, Jean-David Attia , pédopsychiatre des hôpitaux en retraite, Guy Baillon , psychiatre des hôpitaux en retraite, Mathieu Bellahsen , psychiatre de secteur, Jean Bertrand , Psychiatre, Liège, Belgique, Dominique Besnard , Psychologue, Directeur National des CEMEA, Jean-Raphaël Bessis , Psychologue clinicien, Gérard Boittiaux , psychiatre des hôpitaux, Michel Botbol , professeur de pédopsychiatrie, Alain Bouvarel , psychiatre des Hôpitaux, président du CNASM, Loriane Brunessaux , pédo-psychiatre, Marie-France Canoville , addictologue des hôpitaux, Frédérique Cataud , cadre de santé – assistante chef de Pôle, Patrick Chaltiel , psychiatre des hôpitaux, Sophie Charancon , Martine Charlery , pédopsychiatre, Dorota Chadzynski , psychomotricienne, psychologue clinicienne, Patrick Chemla , psychiatre des hôpitaux, Jean-Luc Chevalier , psychologue clinicien, Jacques Constant , pédopsychiatre des hôpitaux en retraite, formateur sur la question de l’autisme, Alain Couvez , psychiatre des hôpitaux, chef de service, Jean-Yves Cozic , psychiatre des hôpitaux, président du Syndicat des Psychiatres Français, Jean-Michel de Chaisemartin , psychiatre des hôpitaux, Pascal Crété , psychiatre, directeur Foyer Léone Richet, Alain Darbas , directeur de Stéphanie Dauver , pédopsychiatre des hôpitaux, Francine Delionnet , ex-enseignante spécialisée, Marie-Philippe Deloche , psychiatre MGEN, Matthieu Duprez , Psychiatre des Hôpitaux, Bernard Durand , pédopsychiatre des hôpitaux en retraite, Président de la FASM Croix-Marine, Michel Duterde , ex-responsable des CEMEA, Claude Finkelstein , présidente de la FNAPSY, Martine Fournier , psychiatre hospitalier, Lise Gaignard , psychanalyste, Nicolas Geissmann , psychiatre des hôpitaux, Roger Gentis , psychiatre retraité de secteur public, Patrick Genvresse , pédopsychiatre des hôpitaux, Yves Gigou , formateur, Geneviève Giret , pédopsychiatre des hôpitaux, Pierre Godart , psychiatre des hôpitaux, chef de pôle, Philippe Goossens , psychiatre, Bruxelles, Belgique, Marie-Christine Hiébel , directrice d’Etablissement public de santé, Ariane Hofmans , psychologue, Michel Jadot , psychiatre médecin-directeur du service de santé mentale de Verviers, Belgique, Christine Jedwab , Psychologue clinicienne, Dina Joubrel , Psychiatre des hôpitaux, Claire Jutard , psychomotricienne, Dimitri Karavokyros , Psychiatre honoraire des Hôpitaux, Anja Kloeckner , psychomotricienne, Yves Le Bon , psychologue-Clinicien, psychanalyste, chargé d'Enseignement à l'Université de Paris 7-Diderot, Paul Lacaze , neuropsychiatre d'exercice privé libéral et institutionnel, Yvon Lambert , formateur retraité des CEMEA, Georges Lançon , pédopsychiatre, Dominique Launat , psychologue, Agnès Lauras-Petit , psychomotricienne, docteur en psychologie clinique et pathologique, Catherine Le Berre , cadre de santé, Michel Lecarpentier , psychiatre, Catherine Legrand-Sébille , socio-anthropologue, maître de conférences, Leïla Lemaire , comédienne, Marc Livet , cadre de santé, Stéphanie Levêque , pédospychiatre, Marie-Hélène Lottin , psychiatre, psychanalyste, Jean-Jacques Lottin , directeur d'études de santé publique, Paul Machto , psychiatre des Hôpitaux, psychanalyste, Jacqueline Mairot , psychiatre, Sandrine Malem , psychanalyste, Marie-Line Marcilly , cadre coordonnateur, Esteban Morilla Martinez , psychiatre des hôpitaux, Vincent Marzloff , interne en psychiatrie, Bénédicte Maurin , membre du collectif des 39, éducatrice spécialisée en pédopsychiatrie, Simone Molina , psychanalyste, Joseph Mornet , psychologue, secrétaire général de la FASM Croix-Marine, Françoise Nielsen , psychanalyste, Joséphine Nohra-Puel , psychologue, psychanalyste, Heitor O'Dwyer de Macedo , psychanalyste, Vincent Perdigon , psychiatre des hôpitaux, Juliette Planckaert , psychologue honoraire des hôpitaux psychiatriques, Martine Ragot , aide-soignante, Philippe Rassat , Pédopsychiatre, Psychanalyste, Directeur médical de CMPP, Nathalie Renon , psychologue clinicienne, Elise Ricadat , psychologue clinicienne, Martine Rosati , psychologue, directrice de l’école de Bonneuil, Sara Rudel , psychologue, Cosimo Santese , psychanalyste-psychologue, Madeleine Sarrouy , pédopsychiatre, Pierre Sadoul , pédopsychiatre des hôpitaux en retraite, Gérard Sadron , directeur, Jacques Sarfaty , pédopsychiatre des hôpitaux, Madeleine Sarrouy , pédopsychiatre, Gérard Schmit , professeur de pédopsychiatrie, Sylvie Séguret , Psychologue, psychanalyste, Jean-François Thiébaux , psychiatre des hôpitaux, Marc Toulouse , psychiatre des hôpitaux, Bruno Tournaire-Bacchini , psychiatre des hôpitaux, Jean-Marc Triffaux , psychiatre universitaire, Liège, Belgique, Maria Eugenia Uriburu , psychologue clinicienne, Pierre Vaneecloo , psychiatre des hôpitaux, retraité, Lucie Verkaeren , monitrice IDE, Benjamin Wouts , diplômé en psychologie,

Association des Cadres et Infirmiers en Santé Mentale, Association Marseillaise pour la Psychothérapie Institutionnelle, Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, Collège de psychiatrie grenoblois, Fédération d’Aide à la Santé Mentale Croix-Marine, Fédération Inter-Associations Culturelles en Santé Mentale, Groupement des Hôpitaux de Jour francophones

Pour signer cette lettre contacter Patrick Alary

patrick.alary@orange.fr 

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>La "radio des fous" a 20 ans (courrier international)

Lancée en 1991 par un psychologue de Buenos Aires, la station de radio La Colifata, animée par les patients d'un établissement psychiatrique, est devenue un modèle original de thérapie et a largement dépassé les murs de l'hôpital.

 

Il y a vingt ans, le psychologue Alfredo Olivera montait à l'hôpital Borda de Buenos Aires un atelier radiophonique, La Colifata, aujourd'hui reconnu pour sa valeur thérapeutique et journalistique. Première radio au monde gérée par les patients d'un hôpital psychiatrique, ce projet a rencontré et rencontre encore un grand écho dans le monde, de l'ancien footballeur Oscar Ruggeri au réalisateur Francis Ford Coppola, en passant par l'animateur de radio Lalo Mir, le médecin et journaliste Nelson Castro et le musicien Manu Chao. Pourtant, son histoire, ses perspectives de travail, et son projet politique restent méconnus. La Colifata "permet à l'ensemble de la communauté de progresser en construisant ses propres solutions face un problème douloureux et complexe", résume Alfredo Olivera.

Revenons vingt ans en arrière. En août 1991, le psychologue Olivera réunit un groupe de patients autour d'un magnétophone, et leur propose de participer à un projet de radio pour raconter leur quotidien. Peu à peu, "un collectif d'hommes et de femmes diagnostiqués comme fous se sont mis à produire une déconstruction des mécanismes à l'œuvre dans notre société."

Les premières années du projet furent rudimentaires et artisanales. Et comme il s'agissait d'une expérience inédite, Oliveira procédait par tâtonnements. Il transmettait ses conversations avec les patients à la radio et leur faisait ensuite écouter la réponse des auditeurs lors de la rencontre suivante. Tout cela par le biais de cassettes. Et édité sur un magnétophone à double cassette qui lui avait été prêté.

L'année suivante, une radio de San Miguel leur offre un émetteur, qui semble tout droit sorti de la Seconde guerre mondiale, et une antenne. Les patients circulaient dans les couloirs de l'hôpital pour tester la puissance et la portée de l'émission. Ensuite un généreux donateur leur fait cadeau d'une Citroën, qui sera rapidement convertie en antenne mobile. Le projet a également bénéficié du soutien de la radio FM La Boca. Les patients autorisés à sortir pouvaient ainsi profiter de ses studios pour apprendre le métier. Une autre station de radio, FM La Tribu, leur a fait bénéficier de son soutien en leur proposant des émissions, des ateliers et des stages.

Aujourd'hui, LT 22 Radio La Colifata possède son propre studio d'enregistrement et elle est diffusée sur les ondes et sur Internet. Les émissions sont retransmises dans tous les hôpitaux psychiatriques argentins. Et grâce à ce projet fondateur, des centaines d'expériences similaires ont vu le jour en Amérique latine et en Europe. La notion de thérapie par l'évènement, l'incidence sur les politiques publiques et la transversalité sont les fondamentaux du projet. Sa réussite s'explique par une nouvelle manière d'être à l'écoute, une ouverture à l'irruption de l'imprévu. "Il était important d'être attentif aux répercussions du phénomène et de créer les conditions idéales pour cette narration. C'est-à-dire, une thérapie par l'événement, pensée de manière active, respectueuse des sujets qui traversent des situations de souffrance psychique, et où la radio fait partie du dispositif."

Dès lors, ce n'est pas seulement le parcours psychiatrique des patients qui importe, c'est aussi leur situation familiale, leur entourage, le fait d'avoir créé de nouvelles relations à travers la radio. Tout cela influe sur la subjectivité. D'après une étude de 2008, 40 % des relations sociales des animateurs de cette radio sont nées de La Colifata, puis se sont poursuivies en dehors de ce cadre.

Cette même étude montre que 40 % des patients vivent avec leur famille, tandis que les 60 % restants résident dans un hôtel proche de l'hôpital. Plus de 70 % des internés ont pour seule source de revenus leur pension d'invalidité. Mais son montant correspond à ce que coûte l'hôtel, si bien que leur état de vulnérabilité psychique et sociale est très important. Ils doivent donc fréquenter les soupes populaires et n'ont pas les moyens de s'acheter des vêtements.

"A quoi cela me sert-il de soigner les gens sur le plan psychique si je ne tiens pas compte de ces situations ?", se demande Olivera. Et de répondre : "Nous élaborons des stratégies d'intervention à partir de ce contexte de vulnérabilité socio-économique, qui se construit dans le devenir de la relation à la personne, afin de pouvoir penser l'aspect radiophonique".


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>Interdire la psychanalyse ?

Les ténors du système néo-libéral travaillent depuis longtemps à de nombreuses choses qu'ils ont expérimentées au début des années 70 au Chili, puis en Argentine. C'est ainsi que le système financier, gestionnaire, celui des actionnaires tout-puissants à pu prendre le contrôle de la planète, ou quasiment. Le documentaire qui suit est exemplaire. Il suffit alors, dans le contexte actuel à propos de l'autisme par exemple, de remplacer le mot marxisme par psychanalyse. Les méthodes sont les mêmes, le but identique. Mais comme vous le verrez, ce sont des méthodes psychiatriques qui illustrent le propos dès le début du documentaire. Pas n'importe lesquelles.

Prenez le temps de visionner cette heure d'histoire et de réflexions, basée sur l'ouvrage de Naomie Klein "La stratégie du choc" : l'objectif de ceux qui prétendent vouloir obtenir des "résultats" (qui sont désastreux pour les populations) est celui d'arrêter toute forme de réflexion, de contestation : au fond c'est l'arrêt de la pensée qui est inscrit dans cette "philosophie" du monde. Et par ricochet, de notre humanité.

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>Des adieux poétiques : hommage d'hommes et de femmes à Hervé Bokobza

Il est jours qui ont de l'importance. Qui font sens. Des jours où les hommes et les femmes réunis sentent en eux un serrement au cœur particulier. C'était un jour comme celui-ci, ce mardi 17 janvier 2012.

Au centre psychothérapique de Saint Martin de Vignogoul, un après-midi de spectacles avait été organisé ce mardi là. En hommage à un homme qui s'en va, continue sa vie ailleurs, n'offrira plus son écoute et son humanité aux personnes en souffrance, en recherche, en doute, qui viennent dans ce lieu protecteur, cet asile merveilleux qu'est Saint Martin de Vignogoul.

Il avait son fauteuil au premier rang, le bougre !

Et il riait, riait : parce que l'hommage était beau et drôle à la fois. Parce que les artistes, ces fous créateurs, avaient mis le paquet : théâtre, musique, poésie, slam… 

Et oui, Hervé Bokobza : 23 ans à être là tous les matins, en groupe de thérapie, ce n'est pas rien. Le groupe 1. Number one. Un cercle de chaises. Des êtres humains, assis, qui se contemplent. Attendent. Parlent. Se taisent. Ecoutent. Crient. Pleurent. Rient.

Hervé Bokobza a reçu le plus beau des hommages. Celui de ceux qui l'aiment pour son "humanité qui sauve", cette extraordinaire capacité à accompagner par le regard, la parole, l'écoute…

Hervé est un artiste de l'âme, des membres du "groupe un" l'ont ainsi défini. 

C'est si vrai. Si simple. On pourrait en pleurer.

Mais régalons-nous, braves gens ! Osons l'espoir, la création et l'inventivité : Hervé Bokobza est parti de Saint Martin, vive Hervé Bokobza ! (et Saint Martin).

Ecoutez maintenant ce texte déclamé avec la force de l'âme, son auteure se nomme Jehanne.

Prenez le temps d'entendre et vibrer, rire avec ces mots qui cognent, qui secouent et qui trompent aussi : là est toute la substance moelle de nos existences, celle des êtres vivants qui vibrent, cherchent, souffrent, jouissent et jamais ne ferment la porte. Nous sommes des êtres humains.

Vive nous !

 

 


Boulimique-Jehanne by collectif39

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>Fleurs du mal, Le Romantisme à l'ère d'internet

Là tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté. (Charles Baudelaire)

 

Gecko, jeune beur, sort difficilement d'une enfance de foyers. Streetdancer, yamakusi, il arpente les rues parisiennes à la recherche de lui même. Anahita, jeune iranienne, fuit à Paris la violence de son pays. 

Etudiante à l'Université de Téhéran, belle et intelligence, elle découvre paris à la recherche d'une liberté inconnue. L'internet habite les vies de nos deux protagonistes. Violent parfois, il pénètre les vies de ces deux jeunes à leur insu et rappelle sans cesse la cruauté du monde et la violence des actes.

Ce film est l'histoire d'une rencontre de deux jeunesses blessées. Mais c'est aussi l'histoire d'un protagoniste technologique qui s'immisce dans une relation amoureuse romantique et passionnelle en plein coeur de la ville des amoureux.

Anahita ne peut pas briser le fil qui la retient à l'Iran et c'est son inséparable ordinateur qui lui rappelle sans cesse le pays qu'elle a fui, la lâcheté qu'elle a amenée avec elle dans ses bagages, l'envie de vivre qui l'a poussée à partir et les amis étudiants qui se battent pour une liberté chimérique au prix le plus fort qui soit, celui de leur vie.

Gecko quant à lui, exprime sa solitude à travers un corps en perpétuel mouvement, il danse, danse et danse encore son ennui, sa honte de n'avoir pas été un bon fils et son envie d'aventure.

Ponctué de vidéos youtube montrant la violence iranienne dans sa réalité la plus crue, parfois à la limite de l'insoutenable, on ne peut pas rester indifférent devant un tel film.

Quand le spectateur s'évade dans le romantisme de cette relation amoureuse, Internet le rappelle sans cesse à son souvenir. Il se retrouve alors auprès d'Anahita et souffre avec elle en portant la honte d'être si impuissant devant de telles images. A d'autres moments, le corps du spectateur s'anime devant les figures complexes de Gecko, il danse et voltige avec lui mais le Web revient encore et encore lui rappeler qu'il est des pays où même danser est un crime.

David Dusa, réalisateur de Fleurs du Mal a su mettre dans cette oeuvre toutes les émotions les plus vives et les plus crues. D'origine hongroise, élevé en Suède et vivant en France, ce cinéaste a collectionné des années durant des vidéos de l'insurrection iranienne ayant suivi l'élection de Mahmud Ahmadinedjad en 2009, sans trop savoir comment il allait les utiliser. C'est sa rencontre avec les deux acteurs principaux de ce film qui lui a permis de construire l'intrigue de ce film sur fond d'Internet.

David Dusa nous entraîne alors dans un tourbillon de sentiments des plus forts et des plus violents. La relation amoureuse tissée entre ces deux jeunes protagonistes est empreinte d'un romantisme rare mais elle est aussi le rappel qu'une rencontre d'individus est tout d'abord la rencontre de deux histoires, de deux souffrances parfois tellement fortes qu'elles en deviennent incompatibles.

Des dialogues ciselés, pertinents, sensibles entraînent le spectateur dans des ressentis très perturbants. C'est ainsi qu'on se laisse entraîner dans le sentiment amoureux, la passion, la violence, l'impuissance, la honte et dans tout ce qui fait qu'on se sent exister au plus profond de soi même.

Internet devient le personnage principal. Il est celui qui nous permet de nous rencontrer, de nous informer mais il est aussi celui qui, par sa violence et sa réalité crue, peut nous séparer, nous hanter et nous faire faire des choix irréversibles. Anahita et Gecko vivront leur passion jusqu'au bout de ce qu'ils peuvent et savent donner, l'iranienne qui rêve de liberté et le danseur qui s'emprisonne dans des clichés sociaux et culturels se donnent l'un à l'autre sans compter, sans espérer et Internet saura les rappeler à leur douloureuse réalité.

Il est difficile d'écrire au sujet d'une telle oeuvre tant l'émotion est fulgurante. Si on devait en résumer l'essence et le sens, un mot suffirait peut-être : celui de Liberté. Les Fleurs du Mal n'ont jamais été d'autant d'actualite quand Charles Baudelaire, en d'autres temps avait dit : 

Les sanglots des martyrs et des suppliciés

Sont une symphonie enivrante sans doute,

Puisque, malgré le sang que leur volupté coûte,

Les cieux ne s’en sont point encore rassasiés.


 

Sortie en salles le 8 février.

Marie L

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>Adresse à tous les candidats républicains pour qu’ils s’engagent à soutenir une psychiatrie fondée sur l’hospitalité.

 

Collectif des 39 – Quelle hospitalité pour la folie ? Quelle hospitalité pour l’humain ?

Meeting du 17 mars 2012 à "La maison de l'Arbre" à Montreuil sous Bois 93

 

La folie n’est concevable qu’irréductiblement liée à la condition humaine.

Les conditions d’hospitalité pour la folie se dégradent inexorablement depuis près de trente ans.

Depuis le 2 décembre 2008, date du discours du Président de la République à l’hôpital d’Antony, la situation s’est considérablement aggravée ; il est de plus en plus difficile de soigner et d'être soigné particulièrement depuis la loi du 5 juillet 2011.

Nous sommes à un moment politique où tous ces enjeux cruciaux pour la psychiatrie se posent aussi pour l'ensemble de la société.

Nous nous adressons à tous les candidats républicains pour qu’ils s’engagent à soutenir une psychiatrie fondée sur l’hospitalité.

Nous, professionnels du sanitaire, du médico-social, patients, familles et proches qui fréquentons la psychiatrie affirmons que : 

-L’engagement thérapeutique doit conduire à mettre l'accueil au centre des préoccupations afin de prendre en considération la vulnérabilité et la créativité des patients nécessaires à toute prise en charge thérapeutique.

-La dimension relationnelle est au cœur de tout processus de prévention et de soins.

-L’accès à des soins de qualité est un principe républicain.


Aussi refusons-nous avec force :

– L’envahissement d’une logique gestionnaire et managériale, l’exigence de rentabilité du soin, le manque de temps soignant, le manque de lits et de places, qui amènent à une accélération inconsidérée des prises en charge. Trop souvent les patients se retrouvent déshospitalisés avant d’aller suffisamment bien. Ce qui de fait conduit à un abandon des plus fragiles renvoyés à la rue ou à la prison.

–  Les empêchements à la mise en place d’un accueil de bonne qualité dans les services et dans les lieux ambulatoires, où les protocoles standardisés pseudo scientifiques dénient la singularité de chaque acte, de chaque projet soignant, de chaque patient et constituent un obstacle à la rencontre avec les patients.

– La politique de la Haute Autorité de Santé (HAS) qui  impose cette protocolisation destructrice d’hospitalité par des « quasi rituels » de soumission sociale au travers de processus d’accréditations homogénéisants et abêtissants.

– La nouvelle loi du 5 Juillet 2011qui se fonde sur l’illusion dangereuse qu’un traitement sous la contrainte juridique dans la cité est une avancée pour les patients ou leur famille.

– La mise à mal de la protection judiciaire de la jeunesse et la volonté de prédire le destin psychopathologique d’enfants de 3 ans ou d’adolescents. Ces choix  vont à l’encontre de toute expérience clinique et éducative et aggravent de fait la situation psychique des jeunes concernés.

Les diagnostics effectués par des programmes informatiques ou des questionnaires sans finesse clinique qui relèvent d’une pratique machinique que nous n’aurions jamais imaginée.  Cette dérive ne peut conduire qu’à des aberrations et à une déshumanisation.

Aussi soutenons nous toutes pratiques qu’elles soient publiques, libérales conventionnées ou associatives, garantissant en particulier la continuité des soins et prônant l’attachement à des valeurs fondamentales telles que le respect du secret professionnel, l’engagement relationnel, l’indépendance professionnelle et le respect de l’intimité du patient.

Nous défendons pour tous les professionnels de la psychiatrie  un enseignement qui repose  notamment sur la psychopathologie et nécessite la réintroduction de formations spécifiques ancrées sur la clinique.  Une rupture nette du cadre hospitalo – universitaire  sous l’emprise des laboratoires pharmaceutiques doit être effective.

Nous nous battons déjà quotidiennement là où nous travaillons pour une autre pratique du soin et de l’hospitalité pour les patients et leurs familles. Nous le faisons malgré toutes les difficultés que nous rencontrons sur le terrain. Les résistances internes aux collectifs de soins ont toujours nécessité un travail d’analyse permanent ouvrant  une possibilité  concrète d’agir sur  l’organisation  du travail. Or  ces résistances se trouvent considérablement aggravées par l’organisation bureaucratique actuelle de la Psychiatrie.

Nous sommes dans l’urgente nécessité de refonder la psychiatrie avec les principaux concernés: soignants de tous métiers et travailleurs sociaux, patients et usagers, familles et tous ceux, intellectuels et artistes qui soutiennent notre  mouvement.

Nous affirmons que cette perspective est essentielle pour que la psychiatrie ne bascule pas dans la barbarie où rejeter et punir feraient disparaître les pratiques accueillantes de soins désaliénistes.

Nous  demanderons solennellement aux politiques lors de ce meeting du 17 mars 2012 à "La maison de l'Arbre" à Montreuil sous Bois 93, de s’engager dans ce mouvement de refondation et d’abroger

– la Loi du 5 juillet 2011, et toutes les lois organisant depuis des années la bureaucratisation de la gouvernance hospitalière.

– La loi du 25  février 2008 sur la rétention de sûreté


Contacts presse:


Yves Gigou: 06 60 48 98 84 – yglns39@orange.fr


 

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>Appel au meeting du 17 mars 2012

 

Communiqué de presse – Collectif des 39 – Quelle hospitalité pour la folie ?

Appel au meeting du 17 mars 2012 à "La maison de l'Arbre" à Montreuil sous Bois 93

La folie n’est concevable qu’irréductiblement liée à la condition humaine.

Depuis le 2 décembre 2008, discours du Président de la République à Antony la situation ne fait que se dégrader, il est de plus en plus difficile de soigner et d'être soigné particulièrement depuis la loi du 5 juillet 2011.

C'est pour ces raisons que nous interpellerons lors de cette journée les candidats à l'élection présidentielle ainsi que celles et ceux qui solliciterons nos suffrages aux législatives.

Reprenant la charte que nous avons rédigés le 7 février 2009.  

Nous, soignants, patients/usagers et familles en psychiatrie affirmons que :

• Notre engagement thérapeutique tient d’abord à la considération de la vulnérabilité et de la créativité des patients ; il doit par ailleurs nous conduire à promouvoir tous les lieux nécessaires à une hospitalité pour la folie qui constitue l’enjeu de notre travail : dans l’hospitalisation, comme dans les lieux ambulatoires qui doivent mettre l’accueil au cœur de leur projet.

• La dimension relationnelle est au cœur de tout processus de prévention et de soins

• Les valeurs républicaines de liberté, égalité et de fraternité sont le socle constitutif de toute pratique.

Aussi refusons-nous avec force :

• L’abandon des patients renvoyés à la rue ou à la prison

• L’idéologie sécuritaire qui stigmatise, contient, isole et maltraite les plus démunis des citoyens

• Toutes les lois qui confirmerait la ségrégation des patients en les assujettissant à des lois spécifiques et aggraveraientt la tendance à l’enfermement.

• L’idéologie falsificatrice qui ferait croire que soigner sous la contrainte dans la cité est une avancée pour les patients ou leur famille.

• L’imposture des protocoles standardisés pseudo scientifiques déniant la singularité de chaque acte, de chaque projet soignant, de chaque patient.

• La mainmise de l’appareil technico gestionnaire tentant d’annihiler, de nier et d’écraser la dimension créative et inventive de tout processus de soin.

Aussi soutenons nous toute pratique qu’elle soit publique en accord avec les acquis du secteur, libérale conventionnée ou associative, garantissant en particulier la continuité des soins et prônant l’attachement à des valeurs fondamentales telles que : respect du secret professionnel, engagement relationnel, indépendance professionnelle, respect de l’intimité du patient.

Nous défendons un enseignement reposant en particulier sur la psychopathologie, et nécessitant la réintroduction de formations spécifiques désarrimées de la logique, du cadre théorique et des intérêts hospitalo-universitaires actuels autant que de l’emprise des laboratoires pharmaceutiques et ceci pour tous les professionnels de la psychiatrie.

Avec et pour ces valeurs nous continuons à dénoncer toutes les dérives politiques, techniques, gestionnaires et sociales qui enferment peu à peu les patients dans un carcan déshumanisant.

Nous affirmons que ce combat est essentiel pour que la psychiatrie ne bascule pas dans la barbarie où rejeter et punir ferait disparaître les pratiques accueillantes de soins désaliénistes.

Contacts presse:

 
Yves Gigou: 06 60 48 98 84 – yglns39@orange.fr


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>L’autisme, grande cause nationale ?

L'autisme a reçu le label "Grande cause nationale 2012". L'exposition médiatique de ce sujet va s'intensifier, un groupe de travail s'est formé à l’Assemblée Nationale dont les premières rencontres parlementaires débutent jeudi.

 

 
 
Comment ne pas se réjouir de l'intérêt porté à l'autisme face aux insuffisances actuelles de la prise en charge thérapeutique, éducative et pédagogique et des possibilités professionnelles proposée à ces patients (adultes et enfants) ? Cependant, l'aspect polémique et orienté des discours offerts au grand public empêche d'ores et déjà d'être optimiste sur l'issue de ce travail parlementaire.
En effet, on nous donne à entendre:
 
Ø De fausses évidences:
 
· "L'autisme est un trouble neurologique".
         Faux: si une dimension biologique de l'autisme est une hypothèse forte, les différentes recherches effectuées sur le sujet, tant sur le plan d'une localisation neurologique (cerveau, cervelet, tronc cérébral), que d'une anomalie génétique ou hormonale (ocytocyne), n'ont pas permis d'établir formellement une origine organique à l'autisme. Il s'agit probablement d'une pathologie liée à l'intrication de plusieurs dimensions (organique, psychopathologique, environnementale, histoire de vie).
Mais ceci est un faux débat car une origine organique à l'autisme ne change rien au fait que ces enfants puissent évoluer grâce aux thérapies relationnelles.
 
· "Le vrai problème est un grand retard diagnostique, qui montre l'insuffisance de formation des pédopsychiatres"
         Faux: la raison de l'augmentation du nombre d'enfants autistes dépistés (passant de 1 enfant sur 2000 à 1 sur 150, environ) est l'élargissement des critères d'inclusion dans ce diagnostic de la classification DSM.
En effet, les "troubles envahissants du développement" ou "désordres du spectre autistiques" composent une acception de l'autisme beaucoup plus large que par le passé et conduisent à appeler "autistes" des enfants ou adultes qui précédemment auraient reçu un autre diagnostic (schizophrénie infantile, dysharmonie évolutive…). Ceci aux dépens de la finesse diagnostique et, du coup, de la finesse des prises en charge, moins ajustées à la singularité de chaque patient.
Par ailleurs, cette fausse évidence entraîne une confusion entre "diagnostic" et "prise en charge". Que le diagnostic soit posé tôt ou tard, la vraie question est celle des modalités de suivi des enfants présentant des particularités de développement, qui ne peut être réglée par un protocole préétabli et ce, quel que soit leur diagnostic.
Enfin, le diagnostic d'autisme est souvent posé tardivement parce que la clinique des enfants, de tous les enfants, est fluctuante et réversible, il est donc parfois dangereux voire traumatisant pour un enfant et pour ses parents de poser trop rapidement un diagnostic d'autisme. Il existe également un temps nécessaire aux parents pour accepter la pathologie de leur enfant et ce temps est propre à chacun. Si certains souhaitent un diagnostic le plus précoce possible, d'autres au contraire préfèrent que toutes les autres options diagnostiques soient éliminées précédemment.
 
· "Les pédopsychiatres français refusent de se mettre à jour de l'évolution des connaissances et persistent à utiliser des classifications vieillottes telle la CFTMEA".
         Faux: la plupart des pédopsychiatres français sont plus qu'à jour des scandales accompagnant la création des diagnostics DSM: alliances objectives entre médecins, compagnies pharmaceutiques et financeurs de l'industrie de la santé. Cette classification dite athéorique est au contraire profondément idéologique dans le sens d'une vision mécaniciste de l'être humain et se situe au carrefour d'enjeux financiers importants. Ceci lui ôte toute objectivité et toute scientificité.
 
Ø Un faux procès fait à la Psychanalyse:
 
· "La Psychanalyse est inefficace et inadaptée pour les enfants autistes".
         Faux: tout d'abord, la « Psychanalyse » n'existe pas. Il y a des psychanalyses, différents courants dans la psychanalyse d'enfants, qui travaillent différemment, comme il y a différents courants à l'intérieur du cognitivisme.
L'objet général de la psychanalyse des enfants autistes est de réduire leurs angoisses, de libérer leurs capacités d'apprentissage, de permettre qu'ils trouvent du plaisir dans les échanges émotionnels et affectifs avec les personnes qui les entourent, de permettre qu'ils gagnent du champ dans les choix de vie les concernant. Il s'agit d'un travail au long cours dont les résultats ne sont pas évaluables avec des critères mécanicistes. Ainsi, les méthodes psychothérapiques sont complémentaires des méthodes éducatives et pédagogiques. L'une ne remplace pas l'autre. Il s'agirait que ces différentes théories et pratiques puissent dialoguer sur le mode de la controverse et non sur celui de la polémique éliminationniste. 
Le vrai problème n'est pas celui de la méthode employée (psychanalyse, cognitivisme, pédagogie) mais celui de l'intensivité des suivis au cas par cas. Toute méthode, appliquée de manière intensive et raisonnée (au cas par cas pour chaque enfant) et avec un fort engagement des soignants, éducateurs, pédagogues, aboutit à des progrès chez l'enfant autiste.
 
· "La psychanalyse culpabilise les parents d'enfants autistes et notamment les mères".
         Faux: la culpabilisation des parents est une dérive malheureuse des discours soignants, éducatifs et pédagogiques de manière générale, et ce, de tout temps et de toutes époques.
Certains psychanalystes n'y ont pas échappé et cela est tout à fait affligeant.
La psychanalyse, en elle-même, offre au contraire les outils pour penser cette facilité qui consiste à incriminer les parents comme fautifs. En effet, par le biais des concepts de résistance du ou des thérapeutes, du contre-transfert, de la rivalité imaginaire qui peut surgir entre les équipes soignantes, éducatives, pédagogiques et les parents, la psychanalyse a construit les outils qui permettent de repérer, d'analyser et de dépasser les mouvements qui amènent un soignant, un éducateur ou un pédagogue à accuser massivement les parents d'un enfant en difficulté. 
 
Ø De fausses nouveautés:
 
"Avec des rééducations adaptées, un enfant autiste peut progresser et gagner en autonomie, mener une vie professionnelle et amoureuse épanouissante".
         Oui, et la même phrase est applicable "avec des soins adaptés".
 
Ø Un faux scandale et un faux espoir:
 
·"Le scandale est le manque d'intégration en école ordinaire des enfants autistes alors que, lorsque celle-ci est possible, ces enfants effectuent des progrès spectaculaires".
         Faux: l'intégration scolaire en école ordinaire des enfants autistes est un formidable tremplin pour certains, une simple aide pour d'autres, une corvée douloureuse pour d'autres encore et une souffrance intolérable pour d'autres enfin. Et ce, quels que soient les aménagements effectués.
L'intégration scolaire fait partie des techniques pédagogiques proposées aux enfants autistes, elle ne doit pas remplacer les techniques thérapeutiques ni les techniques éducatives. Ce n'est pas l'un ou l’autre mais les trois ensemble, au cas par cas pour chaque enfant.
Le triomphalisme des discours présentant l'intégration scolaire comme seule méthode faisant progresser l'enfant risque de provoquer de faux espoirs et, en conséquence, de lourdes déceptions pour les parents d'enfants qui ne peuvent supporter l'école et devront rester à domicile, sans place dans un établissement spécialisé.
 
Ø Un vrai scandale: la pénurie de places en établissements spécialisés et adaptés, en France, pour les enfants et les adultes en difficultés.
 
Il est scandaleux de devoir envoyer son enfant en Belgique car aucun établissement français adapté ne peut l'accueillir faute de place.
Il est également scandaleux de voir certains établissements inadaptés à la prise en charge d’enfants autistes (IME, ITEP) être mis en avant pour palier à l'insuffisance du service public ou à l'absence d'hôpitaux de jour dignes de ce nom. Ces établissements se voient souvent obligés de refuser les enfants les plus en difficulté, dans l'incapacité de leur offrir un accueil adéquat.
Cela produit une ségrégation honteuse et c'est à cela que devraient s'atteler les pouvoirs publics!
 
         Au total : quel sera l'effet de la mise en place du groupe parlementaire de travail sur l'autisme ? Au vu de la forte partialité des discours tenus, gageons que les conclusions aboutiront à la mise à l'écart des théories et pratiques psychanalytiques (pour des raisons idéologiques) et à une loi renforçant l'obligation scolaire des enfants en difficulté sans augmenter le nombre de places en établissements spécialisés (plus économique et plus démagogique à la veille des élections).
 
C'est alors que nous, patients, parents, soignants, nous aurons beaucoup perdu. Espérons que cette année sera aussi celle de la pensée et de la controverse, pas seulement celle du populisme et de la réduction des dépenses de santé.
 
Journée d’action des 39, le samedi 17 mars 2012 à Montreuil, "La Parole Errante à la Maison de l'Arbre", 9 rue François Debergue,  93100 – Montreuil-sous-Bois, Metro Croix de Chavaux.(métro ligne 9)
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>Décès de Monsieur Thierry MASNOU

 

Nous souhaitons vous faire part de la triste nouvelle du décès de Monsieur Thierry MASNOU.

Malgré une grave maladie, Monsieur Masnou a travaillé tant qu'il l'a pu au service de la psychiatrie, que ce soit comme administrateur d'associations du secteur médico-social, comme adhérent d'associations de parents ou comme membre actif du collectif des 39.

Il était très soucieux des conditions d'hospitalisations des malades et défendait l'idée qu'à leur sortie d'hospitalisation ils puissent avoir un logement ou un hébergement décent.

Père d'un enfant malade, il a initié, au sein du collectif, la création d'une commission "famille" permettant aux familles qui ne se retrouvent plus dans le discours de certaines associations de parents de s'engager à nos côtés. Nous éspèrons que ses efforts de création d'un réseau social entre les familles et les 39 ne seront pas vains et que cette commission perdurera. Ceux d'entre vous qui souhaitent continuer à faire exister cette commission peuvent écrire à maurinbenedicte@yahoo.fr

Nous tenons à présenter toutes nos condoléances aux proches de Monsieur Masnou et en particulier à sa femme et à ses enfants.

Le collectif des 39

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>La logique sécuritaire des « soins » sans consentement en ambulatoire enfin explicitée par le gouvernement

 

Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire

Communiqué du 10.01.2012


Dans un projet de décret de trois ministères (Intérieur, Santé et Cohésion sociale), la logique des « soins sans consentement en ambulatoire » nommés « soins psychiatriques sous la forme mentionnée au 2° de l’article L.3211-2-1 » par la loi du 5 juillet 2011 se précise.

 

Nos analyses concernant le contrôle social des personnes soumises à ce régime de « soins » sont clairement explicitées dans ce projet de décret (cf. l’annexe). Bien loin des discours rassurants sur l’atteinte aux libertés fondamentales prononcés lors du vote de la loi, le registre sécuritaire, sous couvert de permettre la réinsertion sociale, est entériné.

 

Sous prétexte d’une convention devant « définir le cadre global d’une prise en charge et un accompagnement de qualité en matière de réinsertion sociale des patients faisant l’objet de soins psychiatriques sous la forme mentionnée au 2° de l’article L.3211-2-1», il est imposé aux patients une levée du secret médical (Art. R.3222-11): « Les professionnels sociaux et médico sociaux intervenants dans la réinsertion sont informés des lieux et des horaires des différentes modalités de prise en charge mentionnées dans le programme de soins ».

 

Nous rappelons à l’ensemble des professionnels que la mise en place de tels « soins » n’est en rien obligatoire quand les personnes hospitalisées sans leur consentement sortent « définitivement » de l’hôpital. Ainsi est-il nécessaire de s’efforcer, pendant l’hospitalisation, à transformer les « soins sous la contrainte » en soins libres.

 

Il appartient aux équipes de travailler le consentement et l’alliance thérapeutique dans le temps de l’hospitalisation. En aucun cas la contrainte légale ne peut se substituer à la relation thérapeutique, sauf à croire qu’il n’y a que la loi pour soigner les patients.

 

Nous, collectif des 39, appelons de nouveau l’ensemble des équipes de psychiatrie à refuser la mise en place de tels « soins » pour les patients, une fois leur sortie de l’hôpital actée.

 

Nous appelons d’emblée au retrait de ce projet de décret levant le secret médical et qui, sous prétexte d’assurer une réinsertion pour les patients soignés « sans leur consentement », organise de fait leur stigmatisation dans l’espace démocratique accordé à tout citoyen en situation de précarité

 

Journée d’action des 39, le samedi 17 mars 2012 à Montreuil"La Parole Errante à la Maison de l'Arbre", 9 rue François Debergue,  93100 – Montreuil-sous-Bois, Metro Croix de Chavaux.(métro ligne 9)

 

Inscriptions à la journée d'action

 

ANNEXE : Projet de Décret

 

Décret n°                          du

 

relatif à la réinsertion sociale des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques.

 

NOR : […]

 

Le Premier ministre,

 

Sur le rapport du ministre du travail, de l’emploi et de la santé,

 

Vu le code de la santé publique, notamment son article L.3222-1-2 ;

 

Vu l’avis de la commission consultative d’évaluation des normes ;

 

 Le Conseil d’Etat (section sociale) entendu,

 

Décrète :

 

Article 1er

 

Au sein du chapitre II du titre II du livre II de la troisième partie du code de la santé publique,  il est inséré une section ainsi rédigée :

 

« Section II  Réinsertion sociale des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sans leur consentement.

Art. R.3222-10  En application de l’article L.3222-1-2, le directeur de l’établissement de santé conclut des conventions avec le préfet de département ou, à Paris, le préfet de police, les représentants des collectivités territoriales et leurs groupements compétents sur les territoires de santé correspondants et le directeur général de l’agence régionale de santé.

Ces conventions ont pour but de définir le cadre global d’une prise en charge et un accompagnement de qualité en matière de réinsertion sociale des patients faisant l’objet de soins psychiatriques sous la forme mentionnée au 2° de l’article L.3211-2-1. Elles définissent les modalités de coopération entre les personnels de l’établissement prenant en charge le patient, les personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux et les services territoriaux d’assistance sociale afin de préciser les conditions d’organisation des réponses des différents acteurs sur un territoire déterminé et les procédures à mettre en œuvre en cas d’urgence. Ces conventions assurent la coordination des coopérations ainsi définies avec les

 

actions de soutien et d’accompagnement des familles et des aidants des patients menées par l’établissement de santé et les associations mentionnées à l’article L.3221-4-1.

 

Ces conventions précisent pour chacun des services placés sous l’autorité des signataires les principes et modalités de leur collaboration en matière d’échanges d’information, de formation et en cas de réadmission des patients en hospitalisation complète.

 

 La  modalité de mise en œuvre de la convention peut être précisée dans un protocole individuel relatif à un patient. Ce protocole constitue une pièce du dossier médical du patient.

 

 Art. R.3222-11   Les conventions précisent les modalités des échanges d’information prévus à l’article R.3222-10 intervenants, sauf en cas d’urgence due notamment à la levée de l’hospitalisation complète par le juge des libertés et de la détention avant la définition du programme de soins du patient et pendant l’exécution de ce programme de soins.

 

 Avant l’établissement du programme de soins, le psychiatre prenant en charge le patient informe les professionnels sociaux et médico-sociaux intervenant dans la réinsertion  de la prochaine modification de la prise en charge du patient, des caractéristiques du patient ainsi que de ses difficultés et de ses besoins en matière de réinsertion sociale.

 

Pendant le suivi du programme de soins, l’équipe soignante, les professionnels sociaux et médico-sociaux intervenant dans la réinsertion organisent des échanges réguliers sur la réinsertion sociale du patient et sur son évolution, afin de favoriser la continuité de la prise en charge, d’éviter les situations de crise et les ré hospitalisations à temps complet en urgence. Le protocole établi pour un patient indique la procédure à suivre en cas d’urgence.

 

Les professionnels sociaux et médico-sociaux intervenant dans la réinsertion sont  informés des lieux et des horaires des différentes modalités de prise en charge mentionnées dans le programme de soins

 

Art. R.3222-12  Les conventions prévoient que les équipes soignantes, les professionnels sociaux et médico-sociaux intervenant dans la réinsertion définissent leurs besoins communs et spécifiques en formation, notamment en matière de connaissances des pathologies mentales, de soins sans consentement, de dispositifs pour la réinsertion sociale.

 

 Art. R.3222-13  Sans préjudice des dispositions de l’article L.3222-1-1A, les conventions précisent les conditions dans lesquelles le patient en programme des soins est ré hospitalisé à temps complet, les organisations mises en place et les missions de chaque professionnel concerné pour :

 

– le  transport du patient, du lieu où il se trouve vers l’établissement de santé, par l’équipe soignante éventuellement escortée par les forces de police ou de gendarmerie requises par le préfet de département ou, à Paris, le préfet de police lorsque le patient présente un risque d’atteinte grave à l’ordre public résultant de sa dangerosité particulière attestée par un certificat ou un avis médical.

 

– l’accès au domicile du patient par l’équipe soignante.  En cas de refus réitéré du patient de laisser le libre accès à son domicile, et après que l’équipe soignante a tenté d’obtenir l’assentiment du patient d’accéder à son domicile, le recours aux forces de l’ordre peut être sollicité par l’intermédiaire du directeur d’établissement saisi par l’équipe soignante. Les forces de police ou de gendarmerie requises par le préfet de département ou, à Paris, le préfet de police interviennent lorsque les troubles mentaux du patient compromettent sa sécurité etla sureté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public.

 

Art. R.3222-14 Les conventions mentionnées à l’article R.3222-10 sont signées pour une durée d’un an, renouvelable par tacite reconduction. Leur application fait l’objet d’une évaluation annuelle conduite par l’établissement de santé avec l’ensemble des signataires de la convention. Cette évaluation est établie à partir d’une liste minimale d’indicateurs validés par l’agence régionale de santé et relatifs au projet de réinsertion sociale du patient, à la formation des professionnels concernés, et aux réadmissions en hospitalisation complète.

Les conventions et leurs avenants sont publiés au bulletin des actes administratifs de la préfecture du département dans lequel l’établissement de santé initiateur de la convention a son siège.

                                                            Article 2

 

 Le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités locales et de l’immigration, le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, la ministre des solidarités et de la cohésion sociale et la secrétaire d’Etat auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé chargée de la santé sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

 

 Le

Par le Premier ministre :

 

Le ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Xavier BERTRAND

 

Le  ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités locales et de  l’immigration

 

Claude GUEANT

La ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Roselyne BACHELOT-NARQUIN

 

La secrétaire d’Etat auprès du ministre du  travail, de l’emploi et de la santé chargée de la santé

Nora BERRA

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>Pour une refondation de la psychiatrie (Tribune dans liberation.fr, le 02 janvier 2012)

Par Hervé Bokobza, psychiatre, membre du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire

La psychiatrie, discipline profondément ancrée dans le champ social, est en grave péril. Ceci a été dénoncé vivement et clairement lors des états généraux de la discipline en 2003. Nous affirmions alors que seul un changement radical de politique permettrait d’éviter le risque de désastre sanitaire auquel nous étions confrontés.

Traiter des personnes souffrant de pathologie mentale pose toujours la question de l’exclusion et de la ségrégation : la peur de la folie est ancestrale et le demeurera probablement. Peur de la folie de l’autre, de la sienne, de l’étrangeté, de l’étrange, du déraisonnable.

Soigner, c’est dédramatiser, faire confiance, accompagner, encourager.

C’est, quand cela est possible, rassurer les familles, tenter d’expliciter notre travail, leur permettre de traverser des moments on ne peut plus douloureux.

Or, il y a trois ans, le président de la République est venu stigmatiser les malades mentaux : ils seraient tous potentiellement dangereux, nous a-t-il affirmé.

Le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire est né de cette infamie.

En juillet, une loi inique et liberticide était votée : sous-tendue par cette supposée dangerosité, elle enferme les patients dans une coquille sécuritaire et elle continue de transformer les soignants en exécuteurs de diktats normatifs. Au lieu de veiller sur les patients, on nous demande de les surveiller.

La norme envahit les services, les pratiques, les espaces de soins : tout doit être contrôlé, protocolisé, prévu, géré, contrôlé, sécurisé. Or, le soin a besoin de liberté de penser et d’action, de confiance, de surprise.

Notre temps doit être consacré à nos patients, au travail de réflexion au sein des équipes de soin. Or, pour répondre aujourd’hui à ces exigences normatives, chaque soignant est convoqué à se replier ou à se renfermer pour accomplir sa «mission» : remplir des cases, des fichiers. En fait, tout se passe comme s’il fallait éviter, refouler ou dénier l’essence même de notre pratique : la rencontre avec le patient, seul garant d’un soin de qualité.

Une machine infernale est en marche. Chacun tente de résister comme il le peut. Lors d’un récent débat avec Claude Finkelstein, au forum de Libération à Lyon, j’insistais pour signifier que la psychiatrie ne se limitait pas, loin de là, «aux horribles internements» ; que près de trois millions de personnes se confient à des soignants tous les ans avec confiance et espoir, que c’est justement pour tenter de sauvegarder ces rapports de confiance que des mouvements importants de toute la profession s’étaient organisés dans le but de combattre cette récente loi qui justement institue la méfiance. Mais nous avons perdu une nouvelle bataille.

Dans ces conditions, que deviennent et que vont devenir nos lieux d’hospitalisation ? Seront-ils ou ne sont-ils pas déjà complètement obsolètes ? Ne sont-ils pas les lieux qui peuvent le moins résister à cette machine normative et excluante, dont les récentes lois ne représentent que les derniers avatars ?

Devrons-nous continuer d’accepter que nos pratiques soient à ce point méprisées, dévalorisées, étouffées par les pouvoirs publics ?

Devrons-nous continuer à garder un «entre nous de circonstance» où chacun tente de se débrouiller comme il le peut, en s’épuisant et parfois vainement, et n’a de cesse de dire : «Ce n’est plus possible» ?

Devrons-nous encore longtemps courber l’échine, oublier de dire, accepter l’inacceptable, participer à cette formidable œuvre de démolition qui s’accomplit devant nous et hélas parfois avec nous, au mépris de nos valeurs et de nos espoirs ?

Car nous continuons d’affirmer que ceux qui souffrent de pathologie mentale ont besoin et auront besoin à des moments de leur existence de recourir à des lieux d’asile et qu’il est hors de question de supprimer encore des lits ! Mais inventer des lieux où l’accueil de la souffrance est possible est indispensable ! Lieux où les rencontres nécessaires à tout soin qui se réclame «humain» ne sont pas dictées par des protocoles aliénants, lieux où les règlements ne sont pas l’unique proposition «contenante», lieux où prendre du temps est possible et estimé nécessaire, lieux où le patient puisse tout simplement être reconnu dans sa singularité.

Or, jour après jour, ces espaces sont de plus en plus difficiles à maintenir vivants. Que beaucoup disparaissent pour laisser place à des endroits indignes des valeurs humanistes qui ont fondé la psychiatrie moderne nous fait honte et nous révolte. Nous ne l’acceptons pas car cela nous écœure.

Seul un mouvement de grande envergure réunissant soignants, patients, familles, citoyens pourra stopper cette machine infernale. Il est décidément grand temps de refonder la psychiatrie.

Article original sur liberation.fr : http://www.liberation.fr/societe/01012380766-pour-une-refondation-de-la-psychiatrie

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>Les voeux des 39 pour 2012

Pour commencer l’année deux textes en attendant le rendez-vous du 17 mars 2012 à « La parole errante » 

 

On ne peut se défendre de l'impression que les hommes se trompent généralement dans leurs évaluations.

Tandis qu'ils s'efforcent d'acquérir à leur profit la jouissance, le succès ou la richesse, ou qu'ils les admirent chez autrui, ils sous-estiment en revanche les vraies valeurs de la vie.

Mais sitôt qu'on porte un jugement d'un ordre aussi général, on s'expose au danger d'oublier la grande diversité que présentent les êtres et les âmes.

Une époque peut ne pas se refuser à honorer de grands hommes, bien que leur célébrité soit due à des qualités et des oeuvres totalement étrangères aux objectifs et aux idéals de la masse. On admettra volontiers, toutefois, que seule une minorité sait les reconnaître, alors que la grande majorité les ignore.

Mais, étant donné que les pensées des hommes ne s'accordent pas avec leurs actes, en raison au surplus de la multiplicité de leurs désirs instinctifs, les choses ne sauraient être aussi simples.

 

Malaise dans la civilisation est l'un des textes classiques qui, publiés primitivement dans la Revue française de Psychanalyse, sont devenus introuvables. Il nous a semblé important de le remettre à la disposition de nos lecteurs. La présente traduction a paru dans la Revue française de Psychanalyse, t. VII, n ̊ 4, 1934, p. 692, et t. XXXIV, no I, 1970, p. 9. (Note de l’Éditeur.)

 

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Il est un ridicule usage,

– Dont on abuse au jour de l'an – 

Qui met nombre de gens en rage 

La manie est au Compliment ;


C'est ainsi de par l'étiquette –

Que bien des amis… détestés 

Sur un carton vous font risette…

– Sourires sitôt protestés !


Mais, galant ou grave en sa forme,

Sincère hommage ou tendre aveu, 

De ces cartons le tas énorme 

A son destin marqué: le Feu…


Un avenir bien plus durable 

Est réservé seul aux cadeaux

Ils font trouver un fat aimable…

S'il a su choisir les plus beaux


 

Rogues de Fursac (J.) Les écrits et les dessins dans les maladies mentales et nerveuses, Masson, 1905. (Cité par Frédéric Gros dans Création et folie PUF 1997 page 46)

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>Scandale du médiateur : la CNI demande l'arrêt des expérimentations

 

Les Agences Régionales de Santé de Provence Alpes Côte d’Azur, de l’Ile de France et du Nord Pas de Calais lancent l’expérimentation d’un nouveau métier « médiateurs-patients en santé mentale » (Presse APM et La Provence).

Ce programme est porté par le Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de la Santé (CCOMS) en partenariat avec la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA). Partie prenante du projet au départ, la Fédération Nationale des Patients en Psychiatrie (FNAPSY), s’est retiré du projet en janvier 2011. La CNI a participé à plusieurs réunions organisées par l’ARS PACA sur l’évaluation des différentes actions et le futur projet du SROS, sans que cette expérimentation ne soit évoquée. L’ARS PACA va investir 330 000 € dans ce projet alors que certains établissements sont en déficit, que l’emploi est menacé, l’embauche de professionnels réduite. A terme, ces nouveaux « emplois » devront être financés par les établissements.



  • Quelle politique de santé mentale souhaitons-nous mettre en place ?
  • Quels seront les soignants de demain ?
  • La pénurie de personnel est-elle aussi importante pour que l’on ait recours aux « anciens » patients pour prendre en charge leurs pairs dans les services de soins ?
  • Quelle amélioration cette innovation apporte-t-elle pour les patients hospitalisés ?



Nous voyons dans cette manoeuvre la volonté de création d’un nouveau métier.

Mais comment peut-on, dans la fonction publique, recruter des acteurs de soins, non pas sur leurs compétences ou leur niveau d’étude mais sur la qualité « d’anciens patients » en santé mentale ?
 Ces médiateurs seront formés en alternance, sur 8 semaines. Ils devraient faciliter l’accès aux droits, à la prévention et aux soins de l’usager des services de santé mentale mais n’avons-nous pas déjà des équipes pluri-professionnelles compétentes ?



Comment seront accueillis ces médiateurs par les établissements ? Rémunérés 1550 € brut, ils auront un salaire équivalent* à une IDE débutante ayant fait une formation initiale de 3 ans avec des responsabilités engagées au quotidien !



Nous ne jetons pas au panier l’idée. Que d’anciens patients hospitalisés puissent aider leurs pairs à l’extérieur des lieux de soins, dans des groupes d’entraide mutuels (GEM) où dans des associations, nous y sommes plus que favorable. Mais comment imaginer les relations professionnelles au sein d’une unité si soignants et médiateurs sont en désaccord, chacun avec une histoire et une expérience de l’hospitalisation différente? Avec les nouvelles Lois, la charge de travail des soignants augmente, comment dans ces conditions est-il possible d’envisager l’intégration de médiateurs-patients ? Comment aborder le respect de la liberté et de la confidentialité ?



Où sont les maisons des associations dans les établissements de santé qui pourraient recevoir les patients qui le souhaitent et ainsi les accompagner en tant que « pairs-aidants » ?



NON : Ce n’est pas en créant un nouveau métier de « médiateurs en Santé mentale », fussent-ils avec d’anciens patients que leurs pairs hospitalisés ou suivis en ambulatoire seront mieux pris en charge.



OUI : C’est en donnant les moyens aux établissements de santé d’assurer leurs missions de service public, en créant un véritable diplôme (niveau master) d’IDE spécialisé en psychiatrie, en revalorisant les salaires, en reconnaissant la pénibilité du travail, en réfléchissant à l’évolution des parcours professionnels pour reclasser les professionnels qui souffrent. C’est en redonnant et en ayant confiance dans les professionnels. C’est en donnant une place aux associations d’usagers dans les institutions par la création de maisons des usagers.



Le syndicat Coordination Nationale Infirmière demande l'arrêt immédiat de cette expérimentation et la réattribution des budgets.



* Une IDE gagne un peu plus 1551,15 € brut (1er échelon), où une aide-soignante gagne 1370,57€ brut (1er échelon) où une assistante sociale gagne 1426,13 € (1er échelon), un cadre de santé 1759,51 € brut (1er échelon) et certains médecins, guère plus, alors que leurs responsabilités sont engagées au quotidien.

Nathalie DEPOIRE

présidente de la CNI 

Article original : http://www.coordination-nationale-infirmiere.org/index.php/201112201491/Actualites/Scandale-du-mediateur-la-CNI-demande-l-arret-des-experimentations.html

 

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>D’anciens malades dans les équipes soignantes en psychiatrie

 

D’anciens patients en psychiatrie vont intégrer des équipes soignantes comme « médiateurs en santé mentale ».

De patient à médiateur en santé mentale

Le quotidien La Provence du 9 décembre vient de révéler une expérimentation mise en place dans la région PACA qui vise à former pendant huit semaines, à la faculté de médecine, d’anciens patients en hôpital psychiatrique en vue de les intégrer dans les équipes soignantes comme « médiateurs en santé mentale ». Cette expérience n’est pas spécifique à la région PACA mais sera conduite dans trois régions (Ile de France, Nord Pas de Calais et PACA).

Une expérimentation dans le cadre d’un programme national

Dans le cadre du nouveau « plan psychiatrie et santé mentale » en gestation, un groupe de travail composé de représentants du ministère de la Santé et de psychiatres a validé cette proposition. Ce plan devait être présenté aux organisations syndicales, mais l’expérimentation aurait été lancée sans concertation. La région PACA étant la plus avancée sur ce projet, c’est l’Autorité régionale de santé (ARS) de cette région qui, au cours d’une conférence de presse tenue le 8 décembre, a révélé ce projet.

Cette action s’inscrit dans le cadre d’un programme national « qui permet aux personnes présentant des pathologies mentales pouvant aller des troubles dépressifs aux troubles psychotiques les plus sévères d'être accompagnées, dans le cadre de leur prise en charge, par des personnes ayant elles-mêmes traversé des épisodes de troubles mentaux ». « Il s'agit d'un programme national porté par le Centre collaborateur de l'Organisation mondiale de la santé (CCOMS) situé à Lille, en partenariat avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) qui financera la formation et la Fédération nationale des patients en psychiatrie (FNAPSY). »

Un budget de 330.000 euros

« Les médiateurs vont intégrer les équipes et débutent une formation à la faculté de médecine en alternance de janvier prochain à octobre 2012. Leur formation est assurée par la CNSA. Et c'est l'ARS qui finance cette action pour un montant de 330.000 euros par an pour le recrutement par les établissements retenus (APHM, Valvert, Centre hospitalier de Cannes et Sainte-Marie à Nice) de 5 binômes de médiateurs, soit 10 médiateurs sur la région. Chaque médiateur sera rémunéré 2.500 euros brut par mois. Il sera un acteur reconnu dans l'équipe de soin, et pourra faire aussi des visites à domicile. » Cette proposition fait référence à des actions similaires menées dans d’autres pays comme le Canada, mais sur des secteurs différents (cancérologie, addictologie, etc.).

Des réactions vives en perspective

Les réactions syndicales sont d’ores et déjà vives. Elles dénoncent le manque de psychiatres, le manque de personnel dans les structures psychiatriques et voient arriver des personnes formées en huit semaines avec un salaire supérieur à celui d’une infirmière débutante. Le « gain » attendu de cette initiative en termes de soins n’est pas très explicitement formalisé puisque d’après l’ARS, « pour les équipes soignantes (…) le médiateur va pouvoir apporter en termes de complément, de "plus", "d'autre chose" à leur travail de soignants ». Alors que la nécessaire élévation du niveau de formation des professionnels de la santé fait l’objet de discussions et de propositions au sein de plusieurs instances, cette proposition de médiateurs en santé mentale est une « galéjade » ou une « provocation » pour certains, et « ne saurait être prise au sérieux » pour d’autres.

D’autres expériences menées

A Lille, une recherche est en cours sur un « programme d’embauche et de formation intégrée de médiateurs de santé – travailleurs-pairs dans les secteurs sanitaire et médico-social » se basant sur une pratique de plus en plus répandue dans les pays anglo-saxons. Le projet précise : « Le concept de "pairs-aidants" (Peer Support Worker) a émergé progressivement depuis les années 80 aux États-Unis sous l’impulsion des mouvements d’usagers. Des services de soins ont alors recruté des personnes dites "en rétablissement" dans leurs équipes, considérant que celles qui ont vécu un problème et réussi à le surmonter sont très efficaces pour aider les autres à faire la même chose. »

Les premiers résultats ont été jugés très négatifs mais l’expérimentation ayant été reprise avec des modifications, le constat affirmé est le suivant : « Cette étude démontre donc scientifiquement que les travailleurs-pairs ont une intervention significativement pertinente dans le traitement précoce (early treatment) de la maladie psychique et en particulier chez les personnes repérées comme ayant au départ une mauvaise alliance thérapeutique (clients not well engaged in treatment). »

En 2007, une mission de Médecins du Monde de santé mentale communautaire, qui s’adresse à des personnes sans chez soi présentant des troubles psychiatriques sévères, engage le premier médiateur de santé mentale comme salarié. En 2009, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille recrute le premier médiateur de santé mentale sur financement ciblé du ministère. Le profil de poste défini parle « d’enthousiasme, d’éthique, de réflexivité personnelle et sociale, d’empathie, etc. » Les pré-requis sont  les suivants : « Expérience de la rue, de la maladie mentale et de l'addiction, et expérience en tant qu’usager du système de soins en psychiatrie et/ou addictologie. La personne doit être inscrite depuis longtemps dans un processus actif de rétablissement. Le rétablissement sera défini conjointement par les pairs, les professionnels et la personne elle-même. Minimum niveau fin d'étude secondaire (niveau 4). » Nous sommes loin de la définition d’un poste d’infirmier dans ce profil.

Confusion des genres ou non ?

Le cadre même de ces médiateurs doit être clairement explicité : quel intérêt pour le patient ? Quel intérêt pour le personnel de soins autre qu’ « un plus », qu’un « autre chose » ? Quelle relation personnel soignant/médiateur ? Quelle relation psychiatre/médiateur ? Il en va de la crédibilité des mesures prises sur la psychiatrie et au-delà, cette mesure nouvelle étant présentée comme un « acte révolutionnaire », « un bouleversement des pratiques et des mœurs » dans le soin de demain.

Moins d’infirmiers demain mais plus de médiateurs ?

L’équation aura du mal à prendre sans une clarification nette. Et sera-t-elle de nature à doper les vocations chancelantes à embrasser la profession d’infirmier ?

Pour aller plus loin :

http://www.laprovence.com/article/a-la-une/psychiatrie-des-malades-font-partie-de-lequipe-soignante

http://www.ars.paca.sante.fr/Mediateurs-en-sante-mentale.125761.0.html

http://www.marseille-sante-mentale.org/newsletters_archives/lettre_02/handicap.pdf

http://www.marseille-sante-mentale.org/newsletters_archives/lettre_02/

 

Article original sur : http://www.weka.fr/actualite/sante-thematique_7850/d-anciens-malades-dans-les-equipes-soignantes-en-psychiatrie-article_68182/

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Le Collectif des 39