Archives de catégorie : Articles de presse

>Pour une refondation de la psychiatrie (Tribune dans liberation.fr, le 02 janvier 2012)

Par Hervé Bokobza, psychiatre, membre du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire

La psychiatrie, discipline profondément ancrée dans le champ social, est en grave péril. Ceci a été dénoncé vivement et clairement lors des états généraux de la discipline en 2003. Nous affirmions alors que seul un changement radical de politique permettrait d’éviter le risque de désastre sanitaire auquel nous étions confrontés.

Traiter des personnes souffrant de pathologie mentale pose toujours la question de l’exclusion et de la ségrégation : la peur de la folie est ancestrale et le demeurera probablement. Peur de la folie de l’autre, de la sienne, de l’étrangeté, de l’étrange, du déraisonnable.

Soigner, c’est dédramatiser, faire confiance, accompagner, encourager.

C’est, quand cela est possible, rassurer les familles, tenter d’expliciter notre travail, leur permettre de traverser des moments on ne peut plus douloureux.

Or, il y a trois ans, le président de la République est venu stigmatiser les malades mentaux : ils seraient tous potentiellement dangereux, nous a-t-il affirmé.

Le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire est né de cette infamie.

En juillet, une loi inique et liberticide était votée : sous-tendue par cette supposée dangerosité, elle enferme les patients dans une coquille sécuritaire et elle continue de transformer les soignants en exécuteurs de diktats normatifs. Au lieu de veiller sur les patients, on nous demande de les surveiller.

La norme envahit les services, les pratiques, les espaces de soins : tout doit être contrôlé, protocolisé, prévu, géré, contrôlé, sécurisé. Or, le soin a besoin de liberté de penser et d’action, de confiance, de surprise.

Notre temps doit être consacré à nos patients, au travail de réflexion au sein des équipes de soin. Or, pour répondre aujourd’hui à ces exigences normatives, chaque soignant est convoqué à se replier ou à se renfermer pour accomplir sa «mission» : remplir des cases, des fichiers. En fait, tout se passe comme s’il fallait éviter, refouler ou dénier l’essence même de notre pratique : la rencontre avec le patient, seul garant d’un soin de qualité.

Une machine infernale est en marche. Chacun tente de résister comme il le peut. Lors d’un récent débat avec Claude Finkelstein, au forum de Libération à Lyon, j’insistais pour signifier que la psychiatrie ne se limitait pas, loin de là, «aux horribles internements» ; que près de trois millions de personnes se confient à des soignants tous les ans avec confiance et espoir, que c’est justement pour tenter de sauvegarder ces rapports de confiance que des mouvements importants de toute la profession s’étaient organisés dans le but de combattre cette récente loi qui justement institue la méfiance. Mais nous avons perdu une nouvelle bataille.

Dans ces conditions, que deviennent et que vont devenir nos lieux d’hospitalisation ? Seront-ils ou ne sont-ils pas déjà complètement obsolètes ? Ne sont-ils pas les lieux qui peuvent le moins résister à cette machine normative et excluante, dont les récentes lois ne représentent que les derniers avatars ?

Devrons-nous continuer d’accepter que nos pratiques soient à ce point méprisées, dévalorisées, étouffées par les pouvoirs publics ?

Devrons-nous continuer à garder un «entre nous de circonstance» où chacun tente de se débrouiller comme il le peut, en s’épuisant et parfois vainement, et n’a de cesse de dire : «Ce n’est plus possible» ?

Devrons-nous encore longtemps courber l’échine, oublier de dire, accepter l’inacceptable, participer à cette formidable œuvre de démolition qui s’accomplit devant nous et hélas parfois avec nous, au mépris de nos valeurs et de nos espoirs ?

Car nous continuons d’affirmer que ceux qui souffrent de pathologie mentale ont besoin et auront besoin à des moments de leur existence de recourir à des lieux d’asile et qu’il est hors de question de supprimer encore des lits ! Mais inventer des lieux où l’accueil de la souffrance est possible est indispensable ! Lieux où les rencontres nécessaires à tout soin qui se réclame «humain» ne sont pas dictées par des protocoles aliénants, lieux où les règlements ne sont pas l’unique proposition «contenante», lieux où prendre du temps est possible et estimé nécessaire, lieux où le patient puisse tout simplement être reconnu dans sa singularité.

Or, jour après jour, ces espaces sont de plus en plus difficiles à maintenir vivants. Que beaucoup disparaissent pour laisser place à des endroits indignes des valeurs humanistes qui ont fondé la psychiatrie moderne nous fait honte et nous révolte. Nous ne l’acceptons pas car cela nous écœure.

Seul un mouvement de grande envergure réunissant soignants, patients, familles, citoyens pourra stopper cette machine infernale. Il est décidément grand temps de refonder la psychiatrie.

Article original sur liberation.fr : http://www.liberation.fr/societe/01012380766-pour-une-refondation-de-la-psychiatrie

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>Scandale du médiateur : la CNI demande l'arrêt des expérimentations

 

Les Agences Régionales de Santé de Provence Alpes Côte d’Azur, de l’Ile de France et du Nord Pas de Calais lancent l’expérimentation d’un nouveau métier « médiateurs-patients en santé mentale » (Presse APM et La Provence).

Ce programme est porté par le Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de la Santé (CCOMS) en partenariat avec la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA). Partie prenante du projet au départ, la Fédération Nationale des Patients en Psychiatrie (FNAPSY), s’est retiré du projet en janvier 2011. La CNI a participé à plusieurs réunions organisées par l’ARS PACA sur l’évaluation des différentes actions et le futur projet du SROS, sans que cette expérimentation ne soit évoquée. L’ARS PACA va investir 330 000 € dans ce projet alors que certains établissements sont en déficit, que l’emploi est menacé, l’embauche de professionnels réduite. A terme, ces nouveaux « emplois » devront être financés par les établissements.



  • Quelle politique de santé mentale souhaitons-nous mettre en place ?
  • Quels seront les soignants de demain ?
  • La pénurie de personnel est-elle aussi importante pour que l’on ait recours aux « anciens » patients pour prendre en charge leurs pairs dans les services de soins ?
  • Quelle amélioration cette innovation apporte-t-elle pour les patients hospitalisés ?



Nous voyons dans cette manoeuvre la volonté de création d’un nouveau métier.

Mais comment peut-on, dans la fonction publique, recruter des acteurs de soins, non pas sur leurs compétences ou leur niveau d’étude mais sur la qualité « d’anciens patients » en santé mentale ?
 Ces médiateurs seront formés en alternance, sur 8 semaines. Ils devraient faciliter l’accès aux droits, à la prévention et aux soins de l’usager des services de santé mentale mais n’avons-nous pas déjà des équipes pluri-professionnelles compétentes ?



Comment seront accueillis ces médiateurs par les établissements ? Rémunérés 1550 € brut, ils auront un salaire équivalent* à une IDE débutante ayant fait une formation initiale de 3 ans avec des responsabilités engagées au quotidien !



Nous ne jetons pas au panier l’idée. Que d’anciens patients hospitalisés puissent aider leurs pairs à l’extérieur des lieux de soins, dans des groupes d’entraide mutuels (GEM) où dans des associations, nous y sommes plus que favorable. Mais comment imaginer les relations professionnelles au sein d’une unité si soignants et médiateurs sont en désaccord, chacun avec une histoire et une expérience de l’hospitalisation différente? Avec les nouvelles Lois, la charge de travail des soignants augmente, comment dans ces conditions est-il possible d’envisager l’intégration de médiateurs-patients ? Comment aborder le respect de la liberté et de la confidentialité ?



Où sont les maisons des associations dans les établissements de santé qui pourraient recevoir les patients qui le souhaitent et ainsi les accompagner en tant que « pairs-aidants » ?



NON : Ce n’est pas en créant un nouveau métier de « médiateurs en Santé mentale », fussent-ils avec d’anciens patients que leurs pairs hospitalisés ou suivis en ambulatoire seront mieux pris en charge.



OUI : C’est en donnant les moyens aux établissements de santé d’assurer leurs missions de service public, en créant un véritable diplôme (niveau master) d’IDE spécialisé en psychiatrie, en revalorisant les salaires, en reconnaissant la pénibilité du travail, en réfléchissant à l’évolution des parcours professionnels pour reclasser les professionnels qui souffrent. C’est en redonnant et en ayant confiance dans les professionnels. C’est en donnant une place aux associations d’usagers dans les institutions par la création de maisons des usagers.



Le syndicat Coordination Nationale Infirmière demande l'arrêt immédiat de cette expérimentation et la réattribution des budgets.



* Une IDE gagne un peu plus 1551,15 € brut (1er échelon), où une aide-soignante gagne 1370,57€ brut (1er échelon) où une assistante sociale gagne 1426,13 € (1er échelon), un cadre de santé 1759,51 € brut (1er échelon) et certains médecins, guère plus, alors que leurs responsabilités sont engagées au quotidien.

Nathalie DEPOIRE

présidente de la CNI 

Article original : http://www.coordination-nationale-infirmiere.org/index.php/201112201491/Actualites/Scandale-du-mediateur-la-CNI-demande-l-arret-des-experimentations.html

 

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>D’anciens malades dans les équipes soignantes en psychiatrie

 

D’anciens patients en psychiatrie vont intégrer des équipes soignantes comme « médiateurs en santé mentale ».

De patient à médiateur en santé mentale

Le quotidien La Provence du 9 décembre vient de révéler une expérimentation mise en place dans la région PACA qui vise à former pendant huit semaines, à la faculté de médecine, d’anciens patients en hôpital psychiatrique en vue de les intégrer dans les équipes soignantes comme « médiateurs en santé mentale ». Cette expérience n’est pas spécifique à la région PACA mais sera conduite dans trois régions (Ile de France, Nord Pas de Calais et PACA).

Une expérimentation dans le cadre d’un programme national

Dans le cadre du nouveau « plan psychiatrie et santé mentale » en gestation, un groupe de travail composé de représentants du ministère de la Santé et de psychiatres a validé cette proposition. Ce plan devait être présenté aux organisations syndicales, mais l’expérimentation aurait été lancée sans concertation. La région PACA étant la plus avancée sur ce projet, c’est l’Autorité régionale de santé (ARS) de cette région qui, au cours d’une conférence de presse tenue le 8 décembre, a révélé ce projet.

Cette action s’inscrit dans le cadre d’un programme national « qui permet aux personnes présentant des pathologies mentales pouvant aller des troubles dépressifs aux troubles psychotiques les plus sévères d'être accompagnées, dans le cadre de leur prise en charge, par des personnes ayant elles-mêmes traversé des épisodes de troubles mentaux ». « Il s'agit d'un programme national porté par le Centre collaborateur de l'Organisation mondiale de la santé (CCOMS) situé à Lille, en partenariat avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) qui financera la formation et la Fédération nationale des patients en psychiatrie (FNAPSY). »

Un budget de 330.000 euros

« Les médiateurs vont intégrer les équipes et débutent une formation à la faculté de médecine en alternance de janvier prochain à octobre 2012. Leur formation est assurée par la CNSA. Et c'est l'ARS qui finance cette action pour un montant de 330.000 euros par an pour le recrutement par les établissements retenus (APHM, Valvert, Centre hospitalier de Cannes et Sainte-Marie à Nice) de 5 binômes de médiateurs, soit 10 médiateurs sur la région. Chaque médiateur sera rémunéré 2.500 euros brut par mois. Il sera un acteur reconnu dans l'équipe de soin, et pourra faire aussi des visites à domicile. » Cette proposition fait référence à des actions similaires menées dans d’autres pays comme le Canada, mais sur des secteurs différents (cancérologie, addictologie, etc.).

Des réactions vives en perspective

Les réactions syndicales sont d’ores et déjà vives. Elles dénoncent le manque de psychiatres, le manque de personnel dans les structures psychiatriques et voient arriver des personnes formées en huit semaines avec un salaire supérieur à celui d’une infirmière débutante. Le « gain » attendu de cette initiative en termes de soins n’est pas très explicitement formalisé puisque d’après l’ARS, « pour les équipes soignantes (…) le médiateur va pouvoir apporter en termes de complément, de "plus", "d'autre chose" à leur travail de soignants ». Alors que la nécessaire élévation du niveau de formation des professionnels de la santé fait l’objet de discussions et de propositions au sein de plusieurs instances, cette proposition de médiateurs en santé mentale est une « galéjade » ou une « provocation » pour certains, et « ne saurait être prise au sérieux » pour d’autres.

D’autres expériences menées

A Lille, une recherche est en cours sur un « programme d’embauche et de formation intégrée de médiateurs de santé – travailleurs-pairs dans les secteurs sanitaire et médico-social » se basant sur une pratique de plus en plus répandue dans les pays anglo-saxons. Le projet précise : « Le concept de "pairs-aidants" (Peer Support Worker) a émergé progressivement depuis les années 80 aux États-Unis sous l’impulsion des mouvements d’usagers. Des services de soins ont alors recruté des personnes dites "en rétablissement" dans leurs équipes, considérant que celles qui ont vécu un problème et réussi à le surmonter sont très efficaces pour aider les autres à faire la même chose. »

Les premiers résultats ont été jugés très négatifs mais l’expérimentation ayant été reprise avec des modifications, le constat affirmé est le suivant : « Cette étude démontre donc scientifiquement que les travailleurs-pairs ont une intervention significativement pertinente dans le traitement précoce (early treatment) de la maladie psychique et en particulier chez les personnes repérées comme ayant au départ une mauvaise alliance thérapeutique (clients not well engaged in treatment). »

En 2007, une mission de Médecins du Monde de santé mentale communautaire, qui s’adresse à des personnes sans chez soi présentant des troubles psychiatriques sévères, engage le premier médiateur de santé mentale comme salarié. En 2009, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille recrute le premier médiateur de santé mentale sur financement ciblé du ministère. Le profil de poste défini parle « d’enthousiasme, d’éthique, de réflexivité personnelle et sociale, d’empathie, etc. » Les pré-requis sont  les suivants : « Expérience de la rue, de la maladie mentale et de l'addiction, et expérience en tant qu’usager du système de soins en psychiatrie et/ou addictologie. La personne doit être inscrite depuis longtemps dans un processus actif de rétablissement. Le rétablissement sera défini conjointement par les pairs, les professionnels et la personne elle-même. Minimum niveau fin d'étude secondaire (niveau 4). » Nous sommes loin de la définition d’un poste d’infirmier dans ce profil.

Confusion des genres ou non ?

Le cadre même de ces médiateurs doit être clairement explicité : quel intérêt pour le patient ? Quel intérêt pour le personnel de soins autre qu’ « un plus », qu’un « autre chose » ? Quelle relation personnel soignant/médiateur ? Quelle relation psychiatre/médiateur ? Il en va de la crédibilité des mesures prises sur la psychiatrie et au-delà, cette mesure nouvelle étant présentée comme un « acte révolutionnaire », « un bouleversement des pratiques et des mœurs » dans le soin de demain.

Moins d’infirmiers demain mais plus de médiateurs ?

L’équation aura du mal à prendre sans une clarification nette. Et sera-t-elle de nature à doper les vocations chancelantes à embrasser la profession d’infirmier ?

Pour aller plus loin :

http://www.laprovence.com/article/a-la-une/psychiatrie-des-malades-font-partie-de-lequipe-soignante

http://www.ars.paca.sante.fr/Mediateurs-en-sante-mentale.125761.0.html

http://www.marseille-sante-mentale.org/newsletters_archives/lettre_02/handicap.pdf

http://www.marseille-sante-mentale.org/newsletters_archives/lettre_02/

 

Article original sur : http://www.weka.fr/actualite/sante-thematique_7850/d-anciens-malades-dans-les-equipes-soignantes-en-psychiatrie-article_68182/

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>La psychiatrie dans la ligne de mire de la Scientologie (article Actusoins.com)

Une association liée à la Scientologie sollicite depuis plusieurs mois les hôpitaux psychiatriques sous prétexte de surveiller les hospitalisations sous contrainte.

Son nom peut porter à confusion, mais ne vous y trompez pas : la Commission des Citoyens pour les droits de l’Homme (CCDH) n’a rien à voir avec la fédération du même nom.

Derrière cette association se cache en réalité l’Eglise de Scientologie. Active depuis plus de dix ans en France, la CCDH reprend le principal credo de la secte : la lutte contre la psychiatrie, les antidépresseurs et les hospitalisations sous contrainte.

C’est au nom de ce dernier prétexte que l’association harcèle depuis plusieurs mois les hôpitaux psychiatriques français. Comme l’a révélé le Canard Enchaîné le 23 juin dernier (1), la CCDH réclame à ces établissements « une copie des pages des registres 2008 et 2009 établis pour les hospitalisés sous contrainte ».

Ces documents administratifs indiquent notamment les noms des patients, leurs dates d’entrée et de sortie, ainsi que les visites de  contrôle effectuées par les préfets et les magistrats.

Une méthode légale

« Nous avons bien été sollicités par la CCDH » nous confirme un hôpital du Pas-de-Calais. « Après avoir consulté notre service juridique, nous avons décidé de ne pas donner suite à leur requête »explique la direction.

Mais quelques mois plus tard, l’hôpital est obligé de céder : « la CCDH a déposé à deux reprises un recours à la Commission pour l’accès aux documents administratifs (CADA), nous allons donc leur communiquer les éléments souhaités, à savoir les dates de passage des autorités judiciaires. Nous allons bien sûr anonymiser ces documents comme la loi nous l’impose ».

La CCDH profite en effet d’une loi du 17 juillet 1978 qui garantit l’accès des citoyens aux documents administratifs. « Nous ne demandons que les dates de passage des préfets et des magistrats » se défend Mylène Escudier, présidente de la CCDH. « Nous respectons bien sûr le secret médical. Notre objectif est juste de savoir si les procédures d’internements psychiatriques sont bien respectées » assure-t-elle.  

La CCDH a donc envoyé des lettres à tous les hôpitaux psychiatriques ainsi qu’aux commissions départementales chargées de contrôler les hospitalisations sous contrainte (CDHP), lettre dont ActuSoins a obtenu copie.

« Au moins la moitié des hôpitaux nous a répondu favorablement. Pour les autres, nous avons saisi la CADA. Mais parfois cela ne suffit pas : nous avons porté plainte au tribunal administratif contre dix CDHP qui ne nous ont pas envoyé leur rapport d’activité malgré l’avis favorable de la CADA »explique Mylène Escudier (2).

Lobbying au Parlement

L’association compile ensuite tous ses chiffres dans un rapport de synthèse, qu’elle envoie aux parlementaires et aux membres du gouvernement. Une méthode de lobbying qui porte ses fruits, comme l’a constaté Georges Fennech. « Plusieurs parlementaires se sont fait piéger l’an dernier. Ils ont été plus de 80 à réclamer des explications sur les hospitalisations sous contrainte à la ministre de la santé après avoir été sollicités par la CCDH » explique le président de la Miviludes, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

Mais Georges Fennech avoue l’impuissance des autorités face aux techniques de cette association. « L’Etat a une obligation de transparence et certains en abusent, c’est la force et la faiblesse d’une démocratie » constate-t-il. « La Scientologie possède une véritable force de frappe, car elle a de gros moyens financiers et des juristes à sa disposition » ajoute le président de la Miviludes.

Ces moyens financiers permettent notamment à la CCDH de mener depuis plusieurs années une campagne contre les antidépresseurs : l’association a déjà envoyé à plus de 50.000 médecins généralistes de France un DVD contenant un documentaire à charge contre ces médicaments, réalisé par le siège de la CCDH aux États-Unis.

La Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme.

Créée en 1969 aux Etats-Unis, la CCDH a vu le jour en 1974 en France. Elle est véritablement active depuis une dizaine d’années. Cette association est une émanation de l’église de scientologie. Elle ne cache d’ailleurs pas ses liens avec l’organisation, condamnée en 2009 pour escroquerie en bande organisée (3). La CCDH proteste contre l’usage des antidépresseurs et contre l’internement psychiatrique, qu’elle considère comme une atteinte aux droits de l’Homme. L’association s’appuie, entre autres, sur un des “credo” de la scientologie qui stipule que “l’étude du mental et la guérison des maladies d’origine mentale ne devraient pas être séparées de la religion, ni tolérées dans les domaines non religieux”.

(1) « La Sciento reprend du sévice », Canard Enchaîné du 23 juin 2010.

(2) Il s’agit des commissions départementales des hospitalisations psychiatriques du Var, de la Moselle, de la Meurthe et Moselle, des Côtes d’Armor, du Morbihan, de l’Aube, de la Lozère, de la Seine et Marne, des Hauts de Seine et de la Corrèze (Source : CCDH).

(3) La Scientologie a fait appel, la procédure judiciaire est donc toujours en cours. Sur ce sujet, voir les articles du Monde (http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/10/27/la-scientologie-condamnee-a-des-amendes-peut-continuer-ses-activites_1259183_3224.html) et de L’Express (http://www.lexpress.fr/actualite/societe/la-scientologie-une-religion-impossible-en-france_469122.html)

Amélie Cano (Article original dans Actusoins.com)

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>La psychiatrie gouvernée par les normes américaines (LePoint.fr)

 

Par 

Le manuel américain des troubles mentaux déshumanise la médecine et veut à tout prix faire entrer les malades dans des "cases".

Le Pr Maurice Corcos part en guerre contre le fameux DSM (Diagnostic and Statistical Manuel) américain. Ce psychiatre et psychanalyste, qui dirige le département de psychiatrie de l'adolescent et du jeune adulte à l'institut mutualiste Montsouris de Paris, s'insurge contre "le nouvel ordre psychiatrique", tel qu'il est enseigné aujourd'hui dans les facultés de médecine. Et il le fait savoir dans le livre qu'il vient de lui consacrer*. Il regrette la seule prise en compte des faits et donc la disparition de toute interprétation subjective, ce qu'il considère comme une grave régression pour les malades. Et il s'emporte contre la réduction des existences à de simples accidents biologiques.

Dès l'introduction, le ton est donné : "La pensée stérilisée par l'apprentissage à répondre efficacement à des QCM (questionnaires à choix multiples) pour valider leurs examens" réduit les étudiants en psychiatrie à "collecter les symptômes que leur impose le DSM, les additionnant sans fin, puis les soustrayant pour aboutir à un résultat qu'ils livrent joyeux comme le bon élève qui a vaincu une équation à une inconnue. Mais l'équation a plusieurs inconnues et l'homme, surtout quand il devient "fou", sont une machine déréglée qu'aucune check-list ne parviendra à résumer…"

Lire la suite sur lepoint.fr

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>Surveillez moi, oh oui, surveillez moi !

(on en parle, on en parle, on explique comment ça marche, et on a l’impression que tout le monde s’en fout (ou presque), mais fichtre diable, comment qu’il fonctionne et à quoi qu’il peut bien servir tout cet arsenal de surveillance, hein ? Parce que bon, Madame Michu, elle a rien à se reprocher, alors pourquoi qu’elle serait inquiète de la société de la surveillance généralisée, hein ?)

— « Moi, Monsieur, je ne vois pas où est le problème, parce que je n’ai rien à me reprocher ! Mais si vous, vous êtes contre, c’est p’têtre bien que vous avez des choses à cacher, non ? Et pis faut bien faire queqchose cont’tous ces délinquants, les terroristes barbus et tous ces mômes qui savent plus quoi faire d’leurs journées, hein ? » Ouais, c’est ça Marcel, je vais en parler à mon cheval. Le problème avec Marcel et ses potes, leurs femmes (dont Madame Michu fait partie, mais aussi des plus jeunes dont Jennifer, Kevin et Pierre-Henri), c’est qu’ils renvoient un lieu commun de plus en plus accepté : la surveillance est une bonne chose, et si elle est à la rigueur un peu gênante, c’est un moindre mal nécessaire pour contenir l’insécurité vendue par Jean-Pierre au journal de 13h et par Claude Guéant partout où il peut.

Amesys et ses technologies de DPI : l’accomplissement d’une politique de contrôle social déjà ancienne

Ne vous méprenez pas, vous qui maudissez le gouvernement actuel et pensez qu’il est le principal responsable de la société sécuritaire de surveillance qui se met en place : leurs potes de gauche ne sont pas en reste et ont été les premiers à en faire la promotion. Pour ceux qui étaient encore très jeunes à l’époque, rappelons que c’est Elisabeth Guigou, cette splendide blonde humaniste qui était garde des sceaux, lorsqu’en 1998 la loi sur le fichier national automatisé des empreintes génétiques a été votée (FNAEG) avec une majorité socialiste à l’assemblée et un gouvernement tout pareil. Quelques-uns avaient mis en garde sur une dérive qui ne manquerait pas de survenir, mais nos bons républicains de gauche juraient la main sur le cœur que ces empreintes ADN ne seraient réservées, bien entendu, qu’aux criminels sexuels. Madame Michu était rassurée, Marcel pouvait se resservir un Pastis en lançant « qu’enfin on allait s’occuper de tous ces salopards de violeurs et de pédophiles ». Ouais, ouais, ouais…

Aujourd’hui on est à plus de 1 700 000 empreintes dans le FNAEG : n’importe quel gamin ayant participé à une manif, s’il est embarqué au poste à droit à son fichage ADN, aidé par une « circulaire Dati » qui soustrait le FNAEG au contrôle des juges. FNAEG grossit de 1000 fiches par jour ce qui nous donne 365 000 par an. Mais comme il est toujours possible d’aller encore plus loin, un professeur de l’INSERM n’a pas trouvé mieux que de prélever (en 2007) 6000 échantillons ADN de lycéens pour étudier la génétique des comportements (1). Ah ouais ? La génétique des comportements, c’est quoi ce truc ? Et bien comme nous allons le voir, si l’on parle de contrôle social dans le cadre de la surveillance des communication des populations, c’est qu’il y a un rapport étroit entre les deux.

Ils en rêvaient depuis des siècles, l’informatique leur ouvre les portes du contrôle social

Un excellent bouquin du célèbre linguiste Noam Chomsky « La Fabrication du consentement. De la propagande médiatique en démocratie » rappelle avec moult détails et précisions comment dès le XVIIIème siècle les dirigeants politiques et grandes fortunes du monde occidental se sont enquis des possibilités d’influencer les masses et surtout parvenir à un contrôle de leurs populations qui leur assurerait une continuité dans l’exercice du pouvoir et la transmission de leurs patrimoines financiers. Le principe est simple d’un point de vue théorique, mais compliqué dans sa mise en œuvre. Pour faire court, l’idée centrale est de parvenir à une société où les individus sont à la fois convaincus du bien-fondé du système dans lequel ils évoluent, pratiquent une auto-censure permanente et défendent leur propre asservissement pour conserver une cohésion collective. Cette « société parfaite » propose d’abolir le crime, la violence, la sédition pour que tout un chacun puisse se sentir protégé, sécurisé, (et que les classes possédantes puissent surtout ne pas être remises en cause par le reste de la population, c’est à dire la très grande majorité).

« 1984 » de Georges Orwell, roman d’anticipation écrit juste après la seconde guerre mondiale nous décrit avec une précision diabolique la société dans laquelle nous sommes déjà entrés : omniprésence des écrans et de l’information, « discours de peur » permanents des dirigeants, technologies de surveillance généralisées, détournements sémantiques des appareils d’Etat et des concepts (« la guerre c’est la paix », « la liberté c’est l’esclavage »), police de la pensée, ennemi éternel (le terrorisme permanent justifiant la surveillance), guerres et alliances modifiées en permanence…

Le ministère « de l’immigration et de l’identité nationale » est un bon exemple de pratique de détournement sémantique « à la 1984″. Comme la réception d’un Khadafi en 2008 déclaré ennemi sacré 3 ans plus tard. Le plan vigipirate ré-activé chaque année. Les slogans politiques de type « ensemble tout est possible ». « Les fous dangereux laissés en liberté », dénoncés par le courageux président lui permettant d’implémenter des caméras de surveillance dans les hôpitaux et proposer la « géo-localisation par bracelet électronique des schizophrènes (sic) alliée à la loi de soins sous contraintes en psychiatrie ». La surveillance des échanges de fichiers. Arrêtons-là les analogies pour nous pencher sur le contrôle social tel qu’il est insidieusement mis en place…et ce qu’il génère.

Le contrôle social, mais pourquoi ?

L’idée politique du contrôle social, dans une société vieillissante, et donc par essence plus inquiète et influençable, est avant tout la réalisation d’un fantasme originel de la haute bourgeoisie, des classe possédantes, en un mot de l’élite. Ce fantasme est celui de l’imposition à tous, d’un environnement social étanche et profondément contre-révolutionnaire dans sa structure même. La hantise des classes dirigeantes (cette bourgoisie ayant remplacé la noblesse) depuis l’apparition des démocraties, est la perte de ses privilèges, perte du contrôle des appareils d’Etat lui assurant sur plusieurs générations l’équivalent d’une immunité de sa rente financière, donc de sa totale mainmise sur les ressources les plus importantes, garantes de sa jouissance à tous les sens du terme.

La force brutale ne fonctionnant pas pour conserver cette mainmise, puisque poussant les classes les moins favorisées, dont la jeunesse fait souvent partie, à se rebeller, à vouloir « changer la société » et pouvant produire des révolutions, la classe dirigeante doit alors mettre en place un vaste système d’influence [des esprits, des mentalités], d’auto-régulation des masses [dans leur capacité à défendre les outils de contrôle que les dirigeants mettent en œuvre] et passant par plusieurs étapes. Ce qui est appelé contrôle-social n’est rien de moins qu’une vaste toile d’araignée dans laquelle on englue la population. Cette toile est constituée de plusieurs éléments, mais elle ne peut être mise en œuvre qu’avec des solutions technologiques qui n’étaient pas assez performantes il y a quelques dizaines d’années encore.

Comment faire passer la pilule et activer l’auto-censure ?

L’idée d’une société dangereuse parce que constituée d’individus néfastes et criminels, irrécupérables parce que « génétiquement programmés pour nuire » est le premier point à étudier pour comprendre comment fonctionne le contrôle social. La génétique est indispensable à une partie du discours, elle dédouane d’un côté le politique dans ses échecs d’amélioration sociales, éducatives, et permet un doublé extraordinaire : il faut surveiller les « délinquants génétiques », et « vous, les bons citoyens n’êtes pas de ceux-là, donc la surveillance ne vous concerne pas, même si elle s’exerce sur vous et que vous le savez plus ou moins ». Le rapport de l’INSERM de 2005 soutenu par les politiques dont l’actuel président de la république indiquait qu’un dépistage dès l’âge de 3 ans des comportements à risques était nécessaire. Avec ce types de développements comme « Le taux d’héritabilité génétique du trouble des conduites est proche de 50 % ». Rien d’étonnant, puisqu’on pense au sommet de l’Etat, par exemple, qu’on « nait pédophile ».



Sarko s’improvise « scientifique » par sarkonon

Le principe (sans aucune preuve formelle et scientifique) des causes génétiques des maladies mentales comme la schizophrénie est clamé sur tous les toits depuis quelques années. Les fichiers ADN cités plus haut ont été proposés comme outil de gestion de l’immigration, et on comprend très bien ce que permettrait la constitution d’un tel fichier. Parce que voilà le centre du sujet : passer de la lutte des classes (dangereuse pour la classe dirigeante) à la « lutte des comportements d’origine génétiques » [ethniques aussi par rebond, c’est en cours) , bien plus productive en termes de contrôle et de gestion des populations.

La toile, pour bien fonctionner, doit aussi étendre les outils de surveillance le plus loin possible afin, non pas de chercher à « coincer » n’importe qui, mais afin de dissuader le plus grand nombre de pratiquer toute forme de sédition. Parce que la limite entre parler de terrorisme et être terroriste n’est pas grande. Parce que dépasser de 4 km/heure une limitation de vitesse devient un acte délictueux qui vous pénalise immédiatement par l’automaticité de l’envoi du procès-verbal par le radar connecté au central des cartes grises. Fumer est délictueux dans la plupart des lieux. L’obligation de placer des détecteurs de fumée avec alarme à son domicile est prévue pour 2012. Comme l’obligation de posséder un alcotest dans son véhicule. Le fichier Base-éleve instruit les comportements des élèves. La liste est trop longue…mais tous ces éléments participent à une seule chose : établir un « état d’être » des populations soupçonneuses et soupçonnées, sous surveillance de l’Etat garant du mieux-être, de la sécurité du plus grand nombre, d’une société immobile nettoyée de ses éléments perturbateurs, ou en surveillance étendue.

Qu’est-ce qu’on peut faire ?

Plein de choses. Parce que l’utilisation de l’inspection profonde de paquets par Amesys (et bien d’autres) en Tunisie, Libye etc… pour espionner les populations est gravissime, mais doit créer un électrochoc au sein de notre société : ces entreprises vendent des technologies de surveillance de masse à l’étranger, il n’y a aucune raison qu’elles ne fassent pas de même en France. Et au delà de cette possibilité, le simple fait qu’une loi Hadopi permette déjà d’opérer la surveillance des échanges de fichiers des citoyens en peer-to-peer est une démonstration que l’opération « je suis partout, je vous surveille, faites gaffe à ce que vous faites » est en cours. Et le but de l’opération n’est pas de faire baisser le téléchargement illégal. Le but de l’opération, qu’on va nommer « Internet civilisé » dans le cas des outils de surveillance numériques est de monter d’un cran le contrôle social déjà en place. Parce que plus vous aurez l’impression qu’on vous surveille, plus vous ne ferez que le strict minimum. Vous vous censurerez. Comme en Tunisie à l’époque de Ben Ali où discuter dans un bar était très risqué puisque la probabilité qu’un client soit un agent de Ben Ali était proche de 100%. Il y avait un flic pour 10 habitants en Tunisie à cette époque. Imaginez ce qu’il est possible de faire avec l’espionnage massif des communications, une surveillance urbaine totale par caméras, un fichage génétique de grande ampleur. Et ce que cet « état de fait » peut déclencher psychologiquement et socialement chez les citoyens.

Le Patriot Act de Georges W. Bush a pu par exemple permettre que toutes les coordonnées des emprunteurs de livres de bibliothèques parlant de l’islam soient immédiatement transférées au FBI. FBI qui déboulait chez les dits emprunteurs, et pas avec de bons sentiments. « 1984 » n’est pas loin. C’est le moins qu’on puisse dire. Alors quelques solutions : faire partager cette information au plus grand nombre, en parler autour de soi. Utiliser des outils sécurisés sur le net, surveiller les surveillants ou aider à le faire. Mais surtout travailler à démonter les pseudo-sciences du comportement, dénoncer les fichages quels qu’ils soient, la pseudo-société de l’insécurité massive qui n’est qu’une pure fabrication, un mensonge politique ; demander des moyens sociaux pour permettre aux populations les plus défavorisées de participer  correctement à la vie collective, éteindre les postes de télévision, dénoncer la mise en place du contrôle social. Et aussi, se dire et faire savoir, qu’une dictature n’a pas besoin de se nommer pour se mettre en place. Ni de coup d’Etat. La dictature la plus puissante qui soit est celle des esprits. Rien ne nous dit qu’elle n’est pas déjà bien entamée ou qu’elle ne va pas encore aller plus loin, jusqu’à que nous ne soyons plus en mesure de dire « Non ». Ou mieux, quand l’emprise du contrôle en place sera telle qu’il ne nous sera même plus possible de penser dire « Non ».

(1) : source « Big Brother Awards – Les surveillants surveillés »

Article publié à l'origine dans Reflets.info

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>Autisme : trois psys répondent aux accusations du film « Le Mur » (Tribune sur Rue89)

 

Les trois signataires de cet article :

Geneviève Haag, pédopsychiatre et psychanalyste. Elle a tenu la plume.

Bernard Golse, chef de service de pédopsychiatrie à l'hôpital Necker – Enfants malades (Paris) et membre du conseil d'administration de la CIPPA, et Dominique Amy, présidente de la CIPPA et auteure de deux livres sur l'autisme.

 

A l'occasion du procès de la réalisatrice du documentaire « Le Mur » , dont l'audience se tient ce jeudi 8 décembre, et qui a suscité un important débat sur Rue89, nous donnons la parole à des psychanalystes membres de la Coordination internationale de psychothérapeutes psychanalystes s'occupant de personnes avec autisme (CIPPA). L'un des signataires, Bernard Golse, est interviewé dans le film, mais ne le poursuit pas devant la justice. Le film accuse la psychanalyse d'apporter de mauvaises réponses à l'autisme infantile. Geneviève Haag et ses deux co-signataires répondent.

 

La Coordination internationale de psychothérapeutes psychanalystes s'occupant de personnes avec autisme (CIPPA), reconnaît la diversité des pratiques et des hypothèses théoriques concernant l'autisme dans les courants psychanalytiques, et peut discuter avec certains membres du courant lacanien.

Elle dénonce la condamnation abusive des « psychanalystes » et de « la psychanalyse » dans un amalgame autour de certaines formulations émises dans le documentaire « Le Mur ».

Il serait nécessaire de rétablir l'authenticité des propos émis par les interviewés car ceux-ci ont été coupés et remontés, certains fragments ont même été recollés de façon complètement déformante.

Ainsi, Bernard Golse dénonce le rapprochement de ses propos sur la biologie de la grossesse, indépendante des questions sur l'autisme, de propos parlant de mouvements inconscients de rejets du futur bébé. Il réfute le lien de causalité entre les mouvements inconscients de la mère dans la période prénatale et l'autisme.

Le courant que nous représentons, regroupement de praticiens résolus à améliorer leurs pratiques, ne se reconnait en aucune façon dans une série d'accusations.

L'accusation de la culpabilisation des parents

Dominique Amy souligne la nécessité de contacts fréquents avec les parents au cours des prises en charge en institutions. Elle insiste aussi sur le partage des observations et des tentatives de compréhension tenant compte des difficultés spécifiques de chaque enfant. La psychothérapie psychanalytique, individuelle et groupale proprement dite, loin d'être un placage d'une théorisation préalable périmée, est le lieu d'une observation très détaillée et patiente du langage corporel préverbal que les enfants eux-mêmes nous ont aidés à décrypter.

Les enfants cherchent ainsi à communiquer des vécus corporels pénibles (tomber, se répandre, perte du sentiment de peau, perte de sensation de certaines parties du corps), que nous verbalisons. Ces apports se relient très bien à toutes les recherches en cours – qu'elles soient cognitives, neuroscientifiques ou génétiques – sur les particularités sensorielles, perceptives et de représentation.

L'accusation d'empêcher les enfants d'accéder à l'éducation et à l'instruction

Nos membres proposent la compréhension et les soins psychanalytiques dans un esprit de constante articulation avec les autres approches : stratégies éducatives et instructives variées, scolarité et approches rééducatives : orthophonie, psychomotricité, ergothérapie, coordonnées et ajustées à chaque enfant (comme décrit dans le livre Autisme : L'accès aux apprentissages d'Anne-Yvonne Lenfant et Catherine Leroy, 2011).

Certains d'entre nous se sont formés eux-mêmes au TEACCH et à l'ABA ainsi qu'aux stratégies de communication alternative au langage verbal PECS et MAKATON pour comprendre ces méthodes et pouvoir accompagner ceux qui les utilisent. Nous en avons pris le meilleur, mais critiqué certains professionnels qui préconisent et mettent en pratique une trop grande élimination de la relation affective et ludique.

L'accusation de l'isolement

La théorisation purement psychogénétique de l'autisme et l'ignorance ou le mépris des apports des recherches cognitivistes neurophysiologiques et génétiques ne nous concernent pas. Plusieurs d'entre nous ont participé au Réseau interdisciplinaire Autisme Sciences (RIAS, rattaché au CNRS), au Cercle de neuropsychologie et psychanalyse (CNEP).

Dans « Comment aider l'enfant autiste » (Dunod, 2004), Dominique Amy affirme que les recherches neurophysiologiques et génétiques mettent à juste titre les mères et les pères hors de cause concernant l'émergence de l'autisme chez leur enfant. Nous pensons cependant qu'ils ont à être très soutenus afin de les aider à mieux surmonter leur détresse, à comprendre les difficultés de leur enfant et à lui proposer un environnement adapté, avec des actions éducatives et thérapeutiques couplées à une scolarisation bien accompagnée (AVS et soutien du personnel enseignant).

L'accusation de refuser toute évaluation

Certes nous avons pris du retard en matière d'évaluations formalisées utilisant les outils recommandés. Dès sa fondation en 2004, la CIPPA a recommandé à ses membres les évaluations standardisées et beaucoup d'équipes se sont formées et/ou travaillent en coopération avec les Centres de diagnostic . Pour les psychothérapies proprement dites, nous participons au Pôle Autisme du réseau INSERM de recherche fondée sur les pratiques psychothérapiques.

L'accusation de ne pas solliciter des diagnostics

Il est faux de dire que nous ne proposons pas de prises en charge précoce, car bon nombre d'entre nous collaborons avec les PMI et les crèches afin de favoriser autant et dès que possible la prévention et les suivis nécessaires. Nous sommes en étroite liaison avec les recherches de l'association Préaut, de dépistage de l'autisme.

 

Lire l'article sur le site Rue89

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>«On a besoin de psychiatres qui ne désertent pas» (Libération, le 29/11)

 

 

 

Par ERIC FAVEREAU

«Qu’est-ce que voulez-vous que je dise ? C’est une honte.» Hervé Bokobza, psychiatre et psychanalyste, ne cache pas sa gêne. Il répond à une question de Claude Finkelstein sur l’assourdissant silence des psychiatres devant la montée en puissance des chambres d’isolement pour les malades mentaux, devant les pratiques de contention qui se multiplient, devant l’abrutissement aux médicaments, et, en l’occurrence, devant la passivité des psychiatres de Nice qui n’ont rien dit après le licenciement d’une de leurs collègues, considérée comme responsable de l’évasion d’un malade détenu.

«On a besoin de vous, on a besoin de psychiatres qui nous défendent. Et non pas de professionnels de santé qui désertent», a répété Claude Finkelstein. Ce week-end à Lyon, lors du Forum de Libération, la rencontre était inédite. D’un côté, Hervé Bokobza, psychiatre, porte-parole du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, un groupe qui s’est constitué, il y a trois ans, au lendemain du discours de Nicolas Sarkozy sur la «sécurisation» des hôpitaux psychiatriques. De l’autre, Claude Finkelstein, qui dirige avec un courage unique la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie : elle est malade et elle se bat. Depuis des années, il y a comme un fossé, lourd de malentendus et d’incompréhension, entre les malades et les psychiatres. Comme s’il n’était pas tout à fait sur le même bateau ivre. Au point que les politiques ou l’administration font alliance avec l’un pour contrer l’autre.

A Lyon, ces deux figures de la psychiatrie ont débattu, avec chaleur : «Oui, j’ai honte de notre silence, j’ai honte de la pratique dans certains lieux, mais n’est-ce pas un peu toute la société qui est anesthésiée ? Nous, au Collectif des 39, nous nous sommes créés contre cela», a expliqué Hervé Bokobza. Claude Finkelstein : «C’est vous qui pouvez nous aider, et empêcher que l’on soit enfermé contre notre volonté. On a l’impression, aujourd’hui, que c’est normal de contraindre un malade. Il n’y a qu’en psychiatrie que l’on peut imposer des soins… C’est incroyable, alors que bien souvent il suffit d’un peu de temps pour que le malade accepte

Hervé Bokobza : «Le malade n’est pas dangereux. Il l’est quand il est abandonné, isolé, reclus. Je crois qu’il faut fermer les hôpitaux psychiatriques et ouvrir des lieux pour accueillir ceux qui en ont besoin.» Il ajoute : «On a une mauvaise façon de voir, on parle toujours des 1% de malades qui sont hospitalisés, internés, des grands fous. Mais la très grande majorité se débrouille, vit dans la ville. On en connaît tous des gens qui sont un peu bizarres, qui délirent un peu, mais se débrouillent.» Claude Finkelstein : «On ne choisit pas d’être fou. Il faut s’en accommoder, trouver le bon traitement, un peu mais pas trop.» Puis Hervé Bokobza : «Il faut aller vers des états généraux de la folie

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>Le juge, l'avocat, le psychiatre… et le patient

Avocat à La Rochelle, Dominique Jourdain a été désigné pour assurer le service des «gardes à vue psychiatriques». Il s'oppose vivement à la poursuite d'une « expérience » qu'il juge « calamiteuse » et partage avec nous son argument.

J'ai déjà dénoncé la fausse bonne idée que représente le simulacre de débat contradictoire que met en scène la Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge applicable depuis le 1er août dernier. Cette loi systématise en effet l'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) pour valider les hospitalisations d'office, les hospitalisations sans le consentement du patient.

Le système mis en place (que de précédents textes avaient déjà imaginé mais sans les ritualiser avec un caractère automatique) a suscité l'opposition de l'immense majorité des soignants. Seuls se sont félicités quelques notables du Barreau, saluant « la grandeur d'un métier qui permet de porter la parole dont serait privé celui que la maladie a rendu vulnérable »…Sauf que, dans la pratique, faire intervenir le JLD pour valider une « détention » en restaurant « la parole à la défense » n'est ni plus ni moins que faire du psychiatre un agent de l'administration pénitentiaire et du patient celui qui a transgressé la règle, la loi, l'ordre, c'est à dire un présumé délinquant. L'hospitalisation est exclusivement un acte de soin, alors quid de la place de l'avocat ?

Suite de l'article à cette adresse :


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>Empêcher les crimes et renoncer à la démocratie ?

C'est avec un certain effroi que l'on peut accueillir le déferlement de réactions politiques suite au crime perpétré par un adolescent de Haute-Loire à l'encontre d'une autre adolescente du même lycée. Effroi à l'égard des réactions politiques, une fois passé l'effroi causé par le crime lui-même, mis en lumière par les médias et ainsi exposé à la curiosité malsaine du public.

Le crime évitable

Comme pour tout drame causé par le déchaînement de violence d'un individu envers un autre, quelle qu'en soit la cause ou la raison, les membres de la société seront choqués, effrayés, dégoûtés. Mais après ? Rien. Comme pour n'importe quel crime, les émotions sont là, mais rien ne peut faire revenir la victime. Pour autant, la question qui désormais se pose après chacun de ces drames est l'aspect rétroactif de l'événement et la mise en cause de tiers par le politique afin de trouver une chaîne de responsabilités qui expliqueraient pourquoi le criminel a pu perpétrer son crime. La démonstration qui suit invariablement depuis quelques années est toujours, que sans cette chaîne défaillante, le crime ne serait pas survenu. Enfin, ce crime-ci. La famille touchée dans sa chair se débrouillera avec le sentiment obligatoirement odieux pour elle, d'un drame exprimé comme tout à fait "explicable", "évitable", presque "logique" : une forme de complot formé d'incompétences en cascades qui permet au criminel d'accomplir son crime. Ce criminel était un monstre que la société n'a pas osé, voulu mettre de côté, des incompétents et le système pas assez répressif ayant accompagné la défaillance,  tel est le message qui circule alors.

Le politique retrouve le contrôle perdu

Il est donc désormais indispensable, pour les responsables politiques, de venir expliquer que chacun de ces drames impliquant une personne ayant déjà eu affaire à la justice, aurait pu être "empêché". Chaque fait divers sanglant de ce type est l'objet du même discours politique, celui de la prédiction, et plus exactement de la défaillance de la prédiction du crime. Le politique, plus déterminé que jamais, promet alors d'empêcher que d'autres défaillances prédictives surviennent et, ce par de nouveaux appareils législatifs qui permettront de restreindre le champ des crimes possibles. Cette approche se généralise à un moment précis, un moment où le politique est totalement démuni dans ses capacités à prédire l'évolution de la société, alors qu'une crise financière et économique majeure s'est abattue sur la planète. Crise que le politique ne contrôle pas, et dont il ne peut prédire la suite…

Une société sans crimes ?

Cet aspect de reprise en main du politique par le biais du sécuritaire est basée sur la prédiction du crime, c'est-à-dire la volonté de démontrer qu'un individu ayant commis un acte grave réitèrera. Mais ce choix politique mène à des modèles de société qu'il est nécessaire de bien envisager. Parce que si des faits divers viennent démontrer que la prédiction du risque n'est le plus souvent pas "juste", ou bien que les dispositions de remise en liberté sont dues à des défaillances puisqu'elles laissent des crimes "évitables" se perpétrer, alors les solutions pour éviter ces crimes semblent toutes tracées et déjà imaginées. La société de la "prédiction totale du crime", celle du roman de Phillip K. Dick, "Minority Report", en est une. La société de Minority Report est une société où les criminels sont arrêtés avant d'avoir commis leur crime grâce à des ordinateurs établissant pour toute la population des statistiques permettant de déterminer leurs actions criminelles potentielles futures. Société policière, totalitaire, de surveillance et de prédiction complète. Une société sans crimes perpétrés (mais pas sans criminels) puisque le criminel est arrêté avant même d'avoir agi, voire d'avoir pensé le crime. Une autre société, mais qui, elle, a réussi à abolir le crime, est celle du film Equilibrium. Ainsi, en 2075, les citoyens doivent prendre une drogue quotidienne (sous peine d'exécution) qui abolit tous les sentiments, déclarés source de tous les maux de l'humanité, donc source des crimes et de la violence. Les citoyens d'Equilibrium ne ressentent ni haine, ni amour, ni dépit ou emballement. Le film établit bien le rapport entre risque et liberté : une société sans risques est une société qui abandonne toutes les libertés individuelles. Une société sans risques est une société sans sentiments, donc inhumaine.

Prévoir, écarter, protéger, empêcher, mais à quel prix ?

Le consensus créé par les politiques autour des crimes de récidivistes est dangereux. Parce que mettre en avant un meurtre,  appeler à l'assentiment général, au bon sens commun pour établir que le meurtre peut être évité, et ce, afin de modifier une énième fois le droit, est risqué. Risqué parce qu'impliquant petit à petit une "impossibilité à faillir" de l'individu, un refus d'accepter la capacité humaine à la violence. De décider que l'enfermement, la privation de liberté est l'unique alternative pour celui qui commet un crime ou simplement devient violent. Comme si le crime n'était pas vraiment envisageable, au fond, comme si le crime était devenu une "hérésie" insupportable que la société ne pouvait plus accepter. Mais qui a dit que le crime était une action humaine qui ne devrait pas survenir ? Après des décennies de violences télévisuelles quotidiennes, de guerres à répétitions mises en scène sur les écrans, d'œuvres mettant en scènes des criminels de tous poils qui ravissent le public ? Combien de jeunes gens ayant commis des viols, comme celui de la Haute-Loire, ont été suivis par des éducateurs, des psychiatres, se sont réinsérés et n'ont plus commis d'actes violents ? Combien pour un qui réitère et tue une innocente ?

Quelques chiffres sur la criminalité en France, de façon générale :

Sur la part des mineurs  dans la criminalité :

Population incarcérée depuis 1991 (Source: INSEE) :

Part des 16-18 ans dans la population carcérale (Source INSEE) :

 

 

 

 

 

 

 

 

Il n'y a pas de progression constante des incarcérations de mineurs entre 16 et 18 ans (comme pour les moins de 16 ans), ainsi que pour la part des délits commis par des mineurs. Quant aux homicides, de façon globale ils diminuent depuis 30 ans. Alors, la complexité d'un individu qui commet un acte aussi horrible soit-il que celui du lycée de Chambon-sur-Lignon est-elle soluble dans une loi sur les centres fermés et la mise en cause de mauvaises prédictions d'experts ? Qu'est-ce que cette violence criminelle signifie, et plus particulièrement celle des jeunes ? Alexis de Toqueville, en plein milieu du XIXème siècle disait la chose suivante, qui devrait nous interpeller aujourd'hui après avoir entendu les réactions et proposition politiques qui ont surgi instantanément après le drame de  Chambon-sur-Lignon : "Quand toutes les opinions sont égales et que c'est celle du plus grand nombre qui prévaut, c'est la liberté de l'esprit qui est menacée avec toutes les conséquences qu'on peut imaginer pour ce qui est de l'exercice effectif des droits politiques. La puissance de la majorité et l'absence de recul critique des individus ouvrent la voie au danger majeur qui guette les sociétés démocratiques : le despotisme."

 

Article originellement publié sur : http://reflets.info

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>Clinique de Dostoïevski : Crime et châtiment (2/20)

Raskolnikov : le temps de l’insomnie 

La réalité en tant que telle n’a pas de prise sur le héros tragique dostoïevskien. Ce qui compte toujours c’est l’interprétation, le sens, que lui donne le héros – interprétation et sens souvent très contaminés par l’état émotionnel qui est le sien à ce moment-là. Même la biographie du personnage, pourtant parfois déterminante (comme, par exemple, dans les Frères Karamazov) ne renvoie jamais à une temporalité ni ne donne les causes du drame vécu. Ces causes sont toujours le combat pour affirmer une pensée en dehors de toute garantie divine. De ce point de vue, le combat engagé tranche avec tout ce qui existait avant et, comme c’est un combat inédit, rien ne permet de prévoir la suite. Le héros tragique dostoïevskien ne connaît pas le temps linéaire ; il ne se réfère pas à un avant et il ne connaît pas non plus un déroulement. Il est en permanence insomniaque, suspendu à l’instant qu’il traverse, en permanence en crise avec tout, en conflit. C’est certainement pour cela que l’on lit toujours Dostoïevski comme un roman policier : une crise appelle et implique un dénouement, une solution. Seulement, voilà, ici la crise est la figure singulière de la bataille que mène chaque homme pour exister dans un monde abandonné par Dieu. Figure singulière de cette bataille maintenant incontournable, chaque héros tragique dostoïevskien, coupé du temps et immobilisé dans sa manière de vivre son combat pour changer le cadre de pensée existant, devient le personnage d’un mythe dans l’Olympe de la modernité. Ce qu’on appelle, d’ailleurs, le personnage dostoïevskien. Continuer la lecture de >Clinique de Dostoïevski : Crime et châtiment (2/20)

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>Comment les centres psychiatriques rendent les gens… fous (Le Plus Nouvel Observateur)

Le collectif des 39 attire votre attention sur le témoignage publié sur le site du nouvel observateur, décrivant la déshumanisation de l’accueil d’un service d’urgences psychiatriques.

Valérie est assistante sociale. La souffrance des autres est son pain quotidien. Mais parfois, l'exercice de ses fonctions prend des allures d'immersion dans des mondes parallèles. Ce jour-là, elle accompagnait un usager en centre psychiatrique d'orientation et d'accueil.

 

La salle d'attente ressemble à l'idée que je me fais d'un cauchemar psychotique. Un vieillard déambule d'un pas pesant, un calepin à la main. Il se penche sur un écriteau et l'examine longuement, comme s'il admirait un chef d'œuvre de Leonardo : "L'utilisation du téléphone portable est interdite dans cette enceinte" peut-on y lire (LIRE LA SUITE…)

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>Emission de radio : Hacker la psychiatrie (avec Philippe Bichon et Joël Kerouanton)

Do You Hack Me ? : hacker la psychiatrie, le 28 octobre à 16h

Do You Hack Me sur Radio Libertaire (89.4 FM sur Paris) a toujours prétendu parler du hacking au sens large et cette quatrième émission est là pour démontrer que beaucoup de hacks sont possibles, même dans un domaine comme celui de la psychiatrie.

Nos deux invités, Philippe Bichon et Joël Kerouanton sont respectivement psychiatre et écrivain. Mais pas seulement, et au delà de leur “titre”, ce sont des professionnels qui n’abordent pas les personnes en souffrance psychique avec le “logiciel” officiel. Ils vont nous aider à comprendre comment et pourquoi il est important de hacker la psychiatrie qui, avec les lois sur les soins sans consentement et les approches cognitivo-comportementalistes est devenue une machine froide qui prétend guérir les individus au “cerveau défaillant”, génétiquement prédisposés aux maladies mentales…

 

Ecrire en turbulence (la maison des écrivains)

Trouble 307.23 (Editions Champ Social)

 

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>Plan santé mentale : les quatre axes du gouvernement (le quotidien du médecin)

 

Le ministère de la Santé a soumis au comité d’orientation du plan Santé mentale 2011-2015 un document de travail fixant quatre grands axes stratégiques destinés « à prévenir et réduire les ruptures » : au cours de la vie du malade, au niveau de l’offre de soins de proximité, au sein des modes d’exercice et de « l’environnement sociétal » de la psychiatrie.

Les membres du comité d’orientation se sont réunis lundi après-midi au ministère de la Santé pour discuter d’un document de travail qui fixe le cap souhaité par le gouvernement pour le plan Santé mentale. Attendu pour le mois de décembre, ce plan ne devrait pas excéder les 15 pages (contre près d’une centaine pour le précédent plan 2005-2008).« Prévenir et réduire les ruptures pour mieux vivre avec des troubles psychiques », tel est le titre encore provisoire suggéré dans le document de travail ministériel. Quatre grands axes stratégiques y sont présentés. Le premier aborde la prévention et la réduction des ruptures durant la vie du malade. Il s’agit notamment d’« améliorer l’accès de la personne aux soins psychiatriques et somatiques dont elle a besoin », de « favoriser la réhabilitation psychosociale », d’« améliorer la continuité des soins et de l’accompagnement aux différents âges de la vie de la personne », sa qualité de vie et son accès aux droits. Le soutien aux aidants constitue une autre priorité de ce premier axe. Le deuxième axe ambitionne de « prévenir et réduire les ruptures selon les publics et les territoires ». Y seront entre autres inscrits, une meilleure répartition de l’offre de soins dans sa proximité et sa variété, la fin des« points noirs » en matière d’hospitalisation psychiatrique, l’adaptation de l’offre aux populations ayant des besoins spécifiques (prisonniers, sans-abri, handicapés), ainsi qu’une information beaucoup plus lisible sur les dispositifs de prise en charge.

Sortir des conflits d’école.

Le troisième axe arrêté par le ministère vise à la réduction et à la prévention des ruptures entre la psychiatrie et son environnement sociétal (représentations sociétales de la psychiatrie, relations avec la justice…). « Les représentations négatives des troubles mentaux, de la psychiatrie, des handicaps psychiques nuisent à la santé publique, en tant qu’elles retardent bien souvent la demande d’aide et le recours aux soins. Elles peuvent aussi mettre en échec les programmes d’accès au soin, de prise en charge et d’accompagnement, mais aussi isoler et faire souffrir les personnes et leurs proches », souligne le ministère.

Le quatrième et dernier axe s’attache à « prévenir et réduire les ruptures entre les savoirs ». Il s’agit ici de « sortir des conflits d’écoles », entre les différentes approches thérapeutiques, « toutes utiles et complémentaires ». À l’issue de la réunion de lundi, les membres du comité d’orientation du nouveau plan doivent faire part de leurs commentaires sur ces grands axes arrêtés par le gouvernement. S’ensuivront quatre autres réunions de travail – une par axe – qui permettront d’aboutir à la rédaction du plan à partir du mois de décembre.

Article original : http://www.lequotidiendumedecin.fr

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>Retour sur…. Les désobéissants en psychiatrie (France Culture)

 

 

Retour sur le Collectif des 39 par France Culture, avec Matthieu, Loriane, psychiatres et membres des 39

Les règles édictées pour le bien commun méritent parfois d’être contournées. Deux jeunes psychiatres révèlent quelques-unes de leurs techniques de survie en milieu psychiatrique. Retour sur leurs expériences deux mois après la mise en application de la loi du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement.

 

Reportage : Pauline Maucort

Réalisation : Viviane Noël

 

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Thème(s) : InformationPsychiatrie

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>Schizophrénie : Comment j’ai enfermé mon frère – Récit d’une hospitalisation sous contrainte (France Culture)

 

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>Psychiatrie: Les dérapages se succèdent (Mediapart, les Contes de la folie ordinaire)

Les dérapages se succèdent depuis le 1er août, date de l'application sur les soins sans consentement en psychiatrie. Je propose au débat cet article de 2 amis, je dis bien au débat, à vous lire.

 


Loi du 5 juillet : entre criminalisation des patients et refus de soins

Les dérapages se succèdent depuis le 1er août, date de l'application sur les soins sans consentement en psychiatrie. Opérations de police pour forcer des malades à se rendre à l'hôpital, ou au contraire, refus d'hospitalisation pour des personnes en très grande difficulté.
C'est un système totalement emballé et absurde qui semble s'activer, au détriment des patients. 

Une mère appelle à l'aide le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire suite à l'opération de "police médicale" que sa fille schizophrène a subie. Cette jeune femme de 27 ans, sous le coup d'une obligation de soins, a prévenu l'hôpital qu'elle se rendrait depuis la gare, accompagnée de sa soeur, pour y faire une injection retard. A son arrivée à la gare, le train avait été bloqué par une équipe de 10 personnes dont des policiers, infirmiers, ambulanciers afin de l'emmener de force à l'hôpital. La mère de la jeune femme ne conteste pas la nécessité d'une hospitalisation pour sa fille, mais ne peut accepter la méthode employée, totalement démesurée et traumatisante pour celle-ci. Elle compte porter plainte.

A Lyon, il est rapporté qu'une rue a été bloquée par un nombre impressionnant de policiers casqués pour "chercher" un patient qui ne voulait pas ouvrir sa porte.

A Marseille, Serge Partouche, un autiste de 48 ans est mort mercredi 21 septembre, à plat ventre, le visage en sang, menotté par 3 policiers dont l'un à genoux sur son dos. Les forces de l'ordre avaient été appelées par une voisine en conflit avec les parents. Serge n'avait jamais été violent ni menaçant.

A l'opposé, le 14 septembre, une mère de famille a perdu son fils qui s'est jeté sous un camion. Une demande d'hospitalisation en clinique lui avait été refusée quelques jours auparavant au service des urgences. Le motif donné par le CISS (Collectif Interassociatif Sur la Santé) : les dépressifs n'ont pas le choix de leur hôpital. Le jeune homme, demandeur d'une prise en charge en clinique ne voulait pas retourner à l'hôpital mais avait accepté de repartir avec des médicaments. Aucune ordonnance n'a été fournie par le médecin des urgences.

Ces drames et dérives policières à l'égard des malades posent des questions graves sur le secteur psychiatrique. Est-il encore en mesure de répondre à ses engagements déontologiques, et au delà, peut-il continuer à prétendre au soin, venir en aide aux personnes en souffrance psychique ?

Si la loi sur les soins sans consentement continue de criminaliser les malades comme elle a déjà commencé à le faire, il semble que la réponse soit non.

H.P et J.B.P

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>Les enseignements de la folie (blog Mediapart)

Un feuilleton « dangereux » à partir du 10 octobre Par Heitor O'Dwyer de Macedo

Lors de la première manifestation appelée par Le Collectif des 39 contre La Nuit Sécuritaire  les patients ont inventé un mot d’ordre vite repris par les manifestants : Nous sommes tous des schizophrènes dangereux. C’est en réfléchissant sur le sens de cette proposition que je me suis dit qu’il serait bienvenu d’évoquer les enseignements que nous donnent la folie et les fous. Et j’ai pensé que revisiter le grand clinicien de la folie que fut Dostoïevski pourrait être une contribution à la lutte citoyenne contre l’application de la loi des « soins sans consentement », lutte inaugurée et soutenue par Le Collectif des 39.

Donc à partir du 10 octobre, du lundi au vendredi de chaque semaine, je revisiterai pour un temps une partie de l’œuvre dostoïevskienne.

Mon point de départ pour ce « feuilleton » a été l’idée que chez Dostoïevski, la grandeur ou la misère des personnages fondamentaux de l’œuvre accompagne la découverte qu’ils font de l’inconscient. Que les personnages soient construits à partir du trauma de la rencontre avec l’inconscient, est certainement une des raisons principales de leur pérennité. En nous appuyant sur ces personnages nous démontrerons que leur enseignement sur le trauma, le fantasme, la perversion, la folie nous apprend la vie vivante. Mon travail se concentrera sur deux textes Notes du sous-sol et Crime et Châtiment.

Bref rappel des faits et des enjeux :

Au 1 août dernier une loi dite des « soins sans consentement » est entrée en vigueur.

Cette loi s’inscrit dans le droit-fil du discours de Nicolas Sarkozy à l’hôpital d’Antony le 2 décembre 2008. Sont désignées par le Président de la République comme potentiellement criminelles, en tout cas potentiellement dangereuses, toutes les personnes qui présentent des signes peu ordinaires de souffrance psychique.

Un collectif s’est constitué en décembre 2008, en réaction immédiate à ce sinistre discours présidentiel : « Le Collectif des 39 contre La Nuit Sécuritaire »

Le Collectif des 39 contre La Nuit Sécuritaire a immédiatement  dénoncé le projet de cette loi en rappelant la pensée de François Tosquelles : Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie c’est l’homme même qui disparaît.

La loi instaure des « soins sans consentement », y compris « en ambulatoire », c’est-à-dire en dehors de l’hôpital, au domicile. Elle remplace les modalités actuelles d’hospitalisation et d’alternative à l’hospitalisation en promouvant toujours plus de contrôle et de répression.  En effet, la notion de « santé mentale » utilisée notamment par les rapports gouvernementaux semble étendre le domaine des troubles psychiques à la simple exacerbation des sentiments, des émotions, aux peurs, à la tristesse, aux énervements, aux angoisses, aux ressentis et vécus douloureux, liés à des situations précises telles que le travail, une rupture, un deuil. De plus, l’évocation du « trouble de l’ordre public », entraînant la mise en place de soins psychiatriques sans consentement, comporte un risque de dérive pour les libertés individuelles. 

Puisque, comme le disait récemment Leslie Kaplan, la folie concerne tout le monde, cette loi nous concerne tous.

Cette loi qui crée des « soins sans consentement » y compris à domicile, est un saut dans l’inconnu. Elle représente un risque de dérive particulièrement inquiétant car sont instaurés :

– des soins sous la menace d’une hospitalisation forcée en cas d’absence aux consultations ;

– des soins réduits à la surveillance d’un traitement médicamenteux, nouvelle camisole chimique ; 

– des soins où la rencontre, la confiance dans la relation, la patience, la prise en compte de la parole, sont oubliées ou accessoires.

Nous savons bien que c’est la peur qui génère des réactions violentes chez certaines personnes ; or, cette loi engendre la peur des patients et la peur chez les patients.

Cette loi porte atteinte à  la confiance entre le patient et le soignant : le soignant représentera en permanence une menace, une surveillance sur la liberté d’aller et venir du patient, car il lui incombera de signaler toute absence aux consultations et aux visites, sous peine de sanctions. Le préfet, saisi par le directeur de l’hôpital, enverra les forces de l’ordre pour contraindre la personne à une hospitalisation. Le malade devenant « un contrevenant », il s’agit donc de mettre fin au métier de soignant

Bref, le gouvernement érige le trauma en projet de société. Mettre l’angoisse, le désir et la pensée à l’index est une nécessité inséparable de son modèle économique : le citoyen doit être un individu sans subjectivité, sans sensibilité, simple reproducteur anonyme des conditions de fonctionnement d’un système d’échange où il n’y a plus d’échange, qui produit le vide de sens dont la machine a besoin pour se perpétuer – et la princesse de Clèves peut aller se faire foutre. (1)

Donc, toute solidarité est résistance, toute fidélité aux nuances est résistance. Toute pratique d’amitié est résistance. Devant l’attaque systématique de tout lien social, nous sommes convoqués, en respectant nos fragilités et nos angoisses, nos rêves et nos désirs, à être des professionnels de la vie vivante, professionnels de la merveilleuse folie de la vie vivante. Nous sommes convoqués, dans nos domaines de pratique de pensée, à célébrer l’énigme et la liberté, la complexité et l’inédit de toute rencontre avec le monde. Devant la brutalité qui envahit notre quotidien nous essayerons, comme les poètes, de nous ressourcer dans l’éphémère de chaque instant. En même temps, nous serons déterminés et, si nécessaire, dans la colère, contre le mensonge et le cynisme, contre la simplification et la vulgarité – attitudes qu’on nous propose à la place du lien, attitudes avec lesquelles on espère transformer en banalité la tristesse du ne-pas-être-ensemble.

1 – «Dans la fonction publique, il faut en finir avec la pression des concours et des examens. L'autre jour, je m'amusais, on s'amuse comme on peut, à regarder le programme du concours d'attaché d'administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d'interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu'elle pensait de La Princesse de Clèves… Imaginez un peu le spectacle ! En tout cas, je l’ai lu il y a tellement longtemps qu’il y a de fortes chances que j’aie raté l’examen ! »  – Nicolas Sarkozy pendant sa campagne aux élections présidentielles

Heitor O'Dwyer de Macedo

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>Les indignés européens marchent sur Paris

Le mouvement "des indignés" s'était créé après la manifestation de l'association Democracia Real Ya ! du 15 mai 2011 en Espagne et s'était donné pour nom AcampadaSol ou "Take the square" (prends la place) avec pour mode d'action la désobéissance civile et pour but des changements fondamentaux de gouvernance et de société. La marche internationale des indignés arrive à Paris le 17 septembre 2011. Rencontre avec le comité d'accueil dans la capitale française. 

Le mouvement des Indignés fait toujours entendre sa voix, et même de plus en plus loin à travers le monde, alors qu'on aurait pu croire qu'il s'essoufflerait, parce que né en dehors des organisations politiques classiques. Ils organisent depuis cet été une marche internationale en résonance avec la réalité la plus sombre de la crise économique (et politique) qui fragilise les nations occidentales. La marche s'arrêtera à Paris le 17 septembre puis ira se conclure à Bruxelles le 8 octobre, avec une manifestation une semaine après, toujours dans la capitale belge.  


Une équipe de coordination du "take the square" en France


Deux garçons , une fille, de 24 à 30 ans : elle est Polonaise mais vit en Italie, Il est Brésilien, habite en Espagne, le troisième est Portugais et vient…du Portugal. Installés dans un squat au cœur de Paris, juste au dessus d'un hackerspace, ces 3 là organisent via Internet l'arrivée à Paris les marches internationales indignées prévues pour le 17 septembre. En Espagne, les techniciens du mouvement maintiennent les serveurs en état de marche pour que les équipes du "take the square" un peu partout en Europe puissent tenir à jour les espaces d'information du mouvement. Leur action est bien cadrée : l'activisme sur les réseaux sociaux et la blogosphère, la coordination et l'information. Leur espoir est toujours le même qu'au début du mouvement : parvenir à la "vraie démocratie". Avec pour pense-bête et orientation : A-partisan, A-syndical, Non-violent, international.


L'équipe Take the square à Paris, de gauche à droite : Aldo, Pedro, Anna


La vraie démocratie au bout du chemin ?


"Pour nous, il n'est plus possible de laisser la situation comme ça, on est obligés de continuer, et on y arrivera." Anna, 26 ans, parle parfaitement français et respire la franchise et le calme. Pas d'emballement chez cette jeune femme qui vient de Naples organiser la grande marche de Paris, mais une détermination sans failles. L'objectif des marches des indignés qui se concluront à Bruxelles est, pour elle, "de continuer le mouvement pour changer les mentalités, parce qu'il n'est plus possible de laisser les politiciens nous écraser sans que nous puissions avoir notre mot à dire."

 

Anna, indignée polonaise, arrivée de Naples


Quand on lui demande ce qu'elle entend par là, Pedro, le plus jeune de la bande (24 ans), Brésilien, reprend : "La vraie démocratie, c'est le peuple qui est consulté et qui peut décider, pas les seul politiciens. Les politiciens ont fait de la politique un métier, nous, nous demandons que ce ne soit plus un métier, qu'il n'y ait qu'un seul mandat pour une personne dans une vie, que les politiques ne puissent plus prendre des décisions pour le peuple sans que le peuple puisse dire son mot. Il faut des groupes de réflexion dans chaque quartier, des conseils populaires, les élus ne peuvent plus décider à la place de tous."


L'espoir d'une révolution pacifique et démocratique

 

Pedro : "il y aura des actions très fortes le 17 septembre"

 

Si on leur demande quel est l'objectif de la marche des indignés, ce qu'ils en attendent concrètement, leurs yeux s'écarquillent dans une attitude d'incrédulité : "mais nous voulons la vraie démocratie, c'est une révolution pacifique et mondiale qui est en marche, et même si cela prendra du temps, plusieurs années, nous y arriverons !". Pour l'impact de la marche par la quantité de participants, ce n'est pas aujourd'hui pour eux le sujet. Pedro résume la démarche : "il y aura quelques centaines de marcheurs indignés pour chaque pays, mais on parle de l'Espagne, du Portugal, de l'Italie, de l'Autriche, la Grèce, l'Allemagne, etc… : ce n'est pas une marche massive, mais une marche symbolique. Par contre, en parallèle il y aura des actions très fortes le 17 septembre, comme antibank (http://antibanks.takethesquare.net/), où les gens vont occuper des hauts lieux de la finance dans 23 villes  européennes et américaines, en Israël aussi,  puis une nouvelle marche qui débutera à Rome, un meeting international à Barcelone. A Athènes les gens vont boycotter les banques en retirant leur argent…"


Un mouvement de grande ampleur, à l'échelle de la crise économique et démocratique ?


Les indignés dénoncent le déficit de démocratie des nations européennes et l'emprise des oligarchies sur celles-ci, le "vol de la démocratie" par des élites corrompues, à la solde des puissances financières. Leur cri de révolte semble être celui d'une jeunesse qui ne veut pas répéter les erreurs déjà commises, qui semble déterminée à prendre le temps amis veut aller jusqu'au bout de la proposition initiale fondatrice des vieilles démocratie comme la France : le gouvernement du peuple par le peuple, pour le peuple. Reste désormais à voir quel impact les "preneurs de place" auront le 17 septembre, puis par la suite, s'ils ne baissent pas les bras. Ce qui ne semble pas vraiment envisageable lorsqu'on voit leur énergie doublée d'une volonté qui semble sans failles.

 

Pascal Hérard

 

Vidéo : La chanson des indignés : Hissez-haut, Indignado !

Liens :

Le mouvement Take The Square : http://takethesquare.net/fr/qui-sommes-nous/

Mouvement à Paris : http://paris.reelledemocratie.fr/

Actions du 17 septembre : http://antibanks.takethesquare.net/

Mouvement européen : http://www.europeanrevolution.net/

Actions du 15 octobre : http://15october.net/

Acampadasol à Madrid : http://madrid.tomalaplaza.net/

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>La fin de la propriété de soi

 

par Jean-Claude Paye

 

La dernière loi psychiatrique française, le rapport de l’Assemblée nationale sur la prostitution, tout comme le développement des suicides dans l’entreprise, dévoilent l’existence d’un pouvoir maternant avec lequel les individus entretiennent une relation fusionnelle. Nous ne sommes plus dans un société de surveillance. Il ne s’agit plus de contrôler et de modeler les corps, afin de les rendre aptes à la machine économique, mais de s’attaquer à leur être même en fixant les modalités de jouissance des individus.

Dans « Les Temps modernes » (1936), Charlie Chaplin ne dénonce pas seulement l’organisation tayloriste du travail. Il anticipe la mise à disposition complète du corps de l’ouvrier au service de la production et la fin de la vie privée. Son personnage en vient à se réfugier en prison pour retrouver paradoxalement une forme d’intimité et de liberté intérieure.


Quel rapport peut-il exister entre une loi psychiatrique, créant une injonction de soins à domicile, avec un rapport parlementaire visant à pénaliser les clients des prostituées ? [1] Les deux textes opèrent une dissociation du sujet de droit. La propriété de soi est scindée. La jouissance de son corps reste aux mains de l’individu, mais à condition qu’il en fasse un bon usage. L’utilisation doit être conforme à l’image de la dignité humaine, dont les autorités sont le dépositaire légal.

La dissociation de la propriété de soi se révèle être un paradigme de la post-modernité. Non seulement elle résulte de l’action de l’État qui affirme sa nue propriété sur nos existences, mais peut aussi prendre la forme du contrat, comme, par exemple, celui imposé à ses employés par la firme chinoise Foxconn qui interdit à ses employés de se suicider tout en leur recommandant de « chérir leur vie ». Le suicide des travailleurs, comme protestation contre la détérioration de leur conditions de travail, est un symptôme de cette mutation de la propriété de soi qui efface le corps individuel et social au profit de l’image du corps. Il est le phénomène de l’émergence d’une nouvelle forme de subjectivité qui fusionne l’existence du travailleur avec la jouissance de son employeur.

La notion de soins sous contrainte

La loi du 5 juillet 2011 relative « aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge » [2] opère une nouvelle dérogation au principe général du consentement nécessaire du malade. La notion existante d’hospitalisation sous contrainte est étendue à celle de soins sous contrainte. Elle rend ainsi possible une surveillance du malade à son domicile, supprimant au passage toute séparation entre espace public et domaine privé. La possibilité pour chaque patient de se déplacer librement se verra strictement encadrée par un « programme de soins » qui fixera les lieux, le contenu et la périodicité des rendez-vous médicaux, avec la menace de se voir hospitalisé d’office si un élément du protocole n’est pas strictement respecté.

Obligation de soins et enfermement, sont ainsi étroitement liés. L’enfermement physique et chimique fait taire. Il nie le symptôme qui fait parler le corps. Il réduit ce dernier à une chose muette. Le corps devient ainsi le simple support de l’invisible, du regard porté sur l’individu. Ce double enfermement est la condition de transformation du corps en image. Ce projet institue une sorte de garde à vue sanitaire, l’institution d’un délai de 72 heures, durant lequel on pourra maintenir l’hospitalisation d’office d’un patient, sans statuer sur son état et sur la nécessité de l’internement. L’hospitalisation d’office s’inscrit dans une tendance lourde de retour à l’enfermement psychiatrique. Depuis quelques années, refleurissent les murs des hôpitaux. Sont créées de nouvelles unités fermées et des chambres d’isolement. Il est aussi de plus en plus difficile de sortir d’une institution psychiatrique fermée, les préfets ne validant plus systématiquement les sorties des malades hospitalisés d’office, même si elles sont soutenues par les psychiatres. Cette politique sécuritaire s’étend aux hospitalisés volontaires qui, eux aussi, peuvent être privées de leur liberté d’aller et venir.

La capture du corps, dans l’hospitalisation forcée ou dans la garde à vue sanitaire, se complète d’une camisole de force chimique. À travers cette suspension du corps, il s’agit de faire taire, afin que la souffrance ne puisse se dire et de poser le malade en tant que victime de lui-même.

L’injonction de soins, à l’hôpital ou à domicile, intime au patient qu’il doit faire un bon usage de son corps, qu’il ne peut le laisser se dégrader, en épuiser la substance. Il n’a pas le droit de porter atteinte à son image humaine. Ainsi, le corps devient transparence. Il se réduit à être une image, la visibilité de l’invisible. Placé dans la transcendance du regard du pouvoir, il n’est plus médiation entre l’extérieur et l’intérieur. Sa fonction n’est plus de séparer et d’articuler le dedans et le dehors, mais d’être dans la matérialité du regard de l’autre.

Cette procédure psychotique, qui fait exister l’image de la dignité humaine aux côtés des individus réels, opère une dissociation du sujet de droit. La propriété de soi est démembrée, la jouissance se sépare de la nue propriété.

Comme nue propriété, l’image humaine est le patrimoine des autorités instituées. Le malade n’a plus que l’usus, l’usufruit de son corps et à condition qu’il soit la transparence de la propriété exercée par le pouvoir. La possibilité de réduire ce dernier à une chair sans parole permet ce démembrement.

La criminalisation de la prostitution

La dissociation de la propriété de soi se lit également dans un rapport parlementaire, intitulé En finir avec le plus vieux métier du monde [3]. Il propose de créer un nouveau délit de recours à la prostitution. Le client deviendrait passible d’une peine de six mois de prison ferme, assortie d’une amende de 3 000 euros. Le rapport devrait servir de base à une proposition de loi devant être déposée après les présidentielles de 2012. La « lutte contre la prostitution » et son élément le plus avancé, la criminalisation du client, en niant à la prostituée le droit de disposer de son propre corps, a pour objectif déclaré la défense de la dignité de la femme et de la personne humaine. C’est bien l’image de la Femme qu’il s’agit de préserver [4] au dépends des femmes concrètes qui seront, suite à l’application de telles mesures, mises en danger par le développement de la clandestinité. L’image de la dignité de la femme, que l’on retrouve dans le rapport de l’Assemblée Nationale, s’intègre dans une conception du droit qui fait de la dignité de la personne humaine un élément supérieur d’organisation du système juridique. Cette conception consacre ce principe comme un droit absolu, de nature supérieure par rapport à d’autres droits fondamentaux, dont le principe de liberté ou le droit de disposer de son propre corps.

Cette conception s’inscrit dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’État. Ce dernier, dans un arrêt du 27 octobre 1995, dans l’affaire du « lancer de nain » [5], avait décrété que personne ne pouvait consentir à la dégradation de sa qualité d’homme, limitant ainsi le droit de disposer son corps.

Quant au Conseil Constitutionnel, lors de sa décision du 27 juillet 1994, il parle du « principe de sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d’asservissement et de dégradation » Il consacre la dignité de la personne humaine comme un élément d’organisation du système juridique.

La loi psychiatrique du 5 juillet et le rapport parlementaire, criminalisant les clients des prostituées, opèrent une dissociation de la propriété de soi. Les individus ne conservent qu’un droit de jouissance de leur corps qui doit être conforme à l’image de la dignité humaine dont la puissance publique a la propriété.

Contrat et abandon de la propriété de soi

La dissociation de la propriété de soi est bien un paradigme de la post-modernité. Non seulement elle est le résultat de l’action de l’État, mais elle peut également prendre la forme du contrat, par lequel un employé abandonne la nue propriété de sa vie à son employeur. Foxconn, sous-traitant chinois d’Apple, HP, Dell et Nokia, a été accusé de faire signer à ses employés un contrat, par lequel ils s’engagent à ne pas se suicider et à « chérir leur vie » [6].

Le texte indique que désormais, Foxconn ne pourra, en aucun cas, être désigné comme responsable du suicide d’un employé et ne devra payer aucun dommage et intérêt aux familles. Cette dernière clause a provoqué la colère des médias chinois, puisque Foxconn versait environ 13 000 euros à chaque famille des ouvriers suicidés, soit 10 ans du salaire minimum dans une usine de la firme [7].

L’initiative de la firme Foxconn est à replacer dans le cadre d’une société dans laquelle il subsiste encore des éléments résiduels d’un ordre symbolique antérieur au développement du capitalisme. Cette survivance implique que la société reconnaisse une responsabilité par rapport au suicide de ses employés et indemnise les familles concernées. Les mots utilisés « chérir sa vie » pour se dédouaner et « responsabiliser » ses employés, trahissent ce décalage dans l’expression verbale, entre l’exigence de la rentabilité capitaliste et le langage, lié à un ordre symbolique antérieur.

Dans les pays occidentaux, les entreprises touchées par le suicide de leurs employés dénient toute responsabilité. L’exemple de France Télécom est emblématique [8]. Le PDG Didier Lombart avait simplement évoqué une "mode du suicide" après le décès de treize salariés en 2008, puis de dix-neuf en 2009. Les syndicats ont aussi comptabilisé vingt-sept suicides et seize tentatives en 2010.

Dans les faits, les suicides de salariés, en protestation de leurs conditions de travail, sont plus nombreux dans des entreprises telle que France Télécom que dans les firmes chinoises [9]. Le délitement plus important des rapports sociaux, le caractère monadique de la société fait que qu’il y a moins de résistance au passage à l’acte.

Suicide et nue propriété de soi

Lorsqu’il vend sa force de travail, le salarié, le propriétaire de la marchandise force de travail, en cède la valeur d’usage à l’employeur, à charge de celui-ci d’en assurer l’exploitation durant la journée de travail.

Le salarié vend ainsi au patron la jouissance de sa force de travail et en garde formellement la nue propriété. Cette propriété n’est pas cependant un donné, mais un résultat. Sa réalité dépend de la capacité du salarié à limiter la jouissance du patronat, les conditions d’exploitation ne devant pas détériorer son être. Historiquement, la capacité ouvrière à mettre un cran d’arrêt à l’exploitation est de nature collective. Cette action porte aussi bien sur la durée du travail que sur les conditions de travail.

Les suicides des salariés de France Télécom nous montrent que la capacité ouvrière de mettre un frein à l’usage de la force de travail par le patronat est actuellement démantelée. Les travailleurs ne sont plus en mesure de s’opposer à la détérioration de leur force de travail, si bien que leur nue propriété est, dans les faits, remise en cause.

La possibilité pour le patronat de menacer l’intégrité du travailleur résulte de l’intensification de la dépense nerveuse et surtout de la création d’un travail invisible qui dépasse le cadre de la journée de travail. Le travail visible se double d’un travail invisible, celui qui est nécessaire pour intérioriser les nouvelles contraintes imposées par l’entreprise [10].

France Télécom a entrepris une « politique de modernisation » à marche forcée qui s’est notamment traduite par la suppression de 16 000 emplois entre 2006 et 2008, une politique qui a contraint les travailleurs à une forte mobilité. Elle a non seulement augmenté le travail visible, mais a surtout fait exploser le travail invisible, si bien que le travailleur ne disposait plus d’aucun espace privé lui permettant d’assurer sa reproduction.

Pour Chaplin, le capitalisme finira par priver l’ouvrier de toute forme de jouissance, y compris le plaisir de manger, pour affecter son corps à la seule tache de produire.

Big Mother Company

Le développement considérable du travail invisible est tel qu'il tend à accaparer l’ensemble de la vie du travailleur. Non seulement il n’y a plus de séparation nette entre l’entreprise et le privé de l’individu, mais il n’y a plus non plus de coupure entre le temps pendant lequel le travailleur est contractuellement au service de la jouissance de l’employeur et le déroulement de la vie privée, celle d’une jouissance [11] existant hors de la machine productive. L’absence de séparation, privé/public et temps de travail/temps de la vie quotidienne, place l’individu dans la transparence, dans la fusion entre son être et celui de l’employeur. Il s’agit là d’une structure psychotique qui produit l’identité de la vie du travailleur avec celle de l’entreprise.

En tant qu’agir collectif, la lutte ouvrière porte notamment sur la valeur d’usage de la force de travail. Il s’agit de préserver cette dernière d’un excès de jouissance du patron qui produirait la perte de la nue propriété de l’ouvrier. Ce levier collectif permet aux travailleurs de reproduire celle-ci à travers l’aménagement d’un espace privé qui est lieu de jouissance de sa propre existence. À travers la réorganisation du procès de travail de l’entreprise, le salarié perd non seulement la nue propriété de sa force de travail, la substance de celle-ci étant altérée, mais aussi l’entièreté de son existence. La croissance du travail invisible est telle qu’elle supprime tout espace privé, tout lieu séparé de reproduction de la force de travail et de tout lieu d’existence de la propriété de soi.

Le suicide du travailleur est le symptôme d’une condition ouvrière qui est transparence, fusion avec l’entreprise. Le travailleur ne peut plus lutter car il est enfermé dans un rapport maternel avec cette dernière. Il n’a d’autre jouissance que celle de la machine productive.

Pouvoir maternant et règne de l’image

L’absence de luttes d’envergure, capables de s’opposer à l’organisation du capital, supprime tout ordre symbolique. Nous « n’ex-istons » plus en dehors du réel de la machine économique. Nous n’avons plus d’espace propre et sommes placés hors langage. Nous n’avons plus les mots pour opposer une critique. Désormais, le capitalisme ne peut plus être désigné négativement. Nous entretenons avec lui une relation fusionnelle. La domination s’appelle partenariat et l’exploitation se nomme gestion des ressources humaines [12]. Ne devant plus faire face à une négativité, à un agir et une conscience collective, l’organisation du pouvoir consiste essentiellement à gérer les monades, les modes de jouissance des individus.

La loi psychiatrique du 5 juillet, créant une injonction de soins à domicile, ainsi que le rapport parlementaire sur la prostitution, limitent la jouissance qu’ont les individus de leur corps, en établissant qu’elle ne doit pas altérer l’image de la dignité humaine dont le pouvoir s’attribue la propriété. Jouissance et nue propriété fusionnent dans l’image de la dignité humaine. Elles ne portent plus sur le corps, qui est annulé, mais sur l’image de celui-ci.

Du fait de son annulation en tant qu’objet, en tant que frontière entre intérieur et extérieur, le corps n’est plus limite à la jouissance du pouvoir. La propriété de l’image du corps devient une jouissance sans limite de celui-ci et conduit à son anéantissement.

L’identité, dans l’image, de la jouissance des travailleurs et de celle du patron, explique pourquoi ceux-ci ne peuvent plus confronter ce dernier. Ils établissent avec l’entreprise un rapport fusionnel d’ordre maternel.

Comme attributs séparés de la propriété, les notions juridiques, de nue propriété et de jouissance, ont une origine pré-capitaliste. Elles enregistrent un « pas tout » de la propriété et de la jouissance, une limitation de chaque attribut l’un par rapport à l’autre. Il s’opère, dans la société capitaliste, surtout dans cette post-modernité, un déplacement, en ce qui concerne la propriété de soi, de l’objet à l’image qui produit un renversement de des attributs de celle-ci. La propriété, qui était barrage à la jouissance d’autrui, devient jouissance de l’autre, de celle, sans limite, de l’État ou de l’entreprise. Ainsi, dans l’image, jouissance et propriété se confondent et la valeur d’usage de la chose s’identifie avec sa valeur d’échange, avec sa mesure.

Article original sur : http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=26413

 

Notes

[1] « La prostitution et l’image de la femme », par Tülay Umay, Réseau Voltaire, 29 juillet 2011.

 

[2] « Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge ».

[3] En finir avec le plus vieux métier du monde, Rapport d’information 3334, présenté par Guy Geoffroy, Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 avril 2011.

[4] « La prostitution et l’image de la femme », ibid.

[5] « Prostitution : sale temps pour les michetons », par Georges Moréas, LeMonde.fr Blogs, 7 avril 2011.

[6] « Suicide interdit par voie de contrat chez Foxconn », par Anouch Seydtaghia, Le Temps, 7 mai 2011.

[7] « Les suicidés de l’iPad », par Farhad Manjoo, Slate.fr, 3 juin 2010

[8] « France Télécom : un salarié se suicide en s’immolant par le feu », LeMonde.fr avec AFP, 26 avril 2011.

[9] On enregistre une dizaine de suicides de la société Foxconn sur un total de 800 000 salariés et les syndicats comptabilisent une cinquantaine de suicides sur les trois dernières années pour les sièges français de France Télécom, pour environ 80 000 travailleurs.

[10] « La légende du travail », par Jean-Marie Vincent, Arbeit Macht Nicht Frei, 15 août 2010.

[11] Jacques Lacan a introduit, dans le champ de la psychanalyse, le terme de jouissance en rapport avec son usage juridique, à savoir la jouissance d’un bien se distinguant de sa nue propriété Lacan apportera une redéfinition de cette pulsion de mort freudienne comme étant une pulsation de jouissance, et une pulsation de jouissance qui insiste au moyen et dans la chaîne signifiante inconsciente. Lacan replace donc toute l’affaire de la jouissance au cœur même du champ et de la fonction de la parole et du langage. Jacques Lacan, Le séminaire, Livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1986, p.235.

[12] « Inculture(s) ou le nouvel esprit du capitalisme. Petits contes politiques et autres récits non autorisés », par Frank Lepage, TVbruits.org, 8 août 2008.

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>Hacker la psychiatrie ?

Des soignants en psychiatrie sortent des rails établis, pratiquent une psychiatrie différente, ne suivent pas les protocoles et les "règles d'or" de la profession, au point qu'on peut les considérer comme des hackers : hacker la psychiatrie, en reconnaissant la valeur de la folie, pour aider à l’adoucir, pour lui donner du sens, pas pour l'éradiquer ?

 

Sous ce titre provocant de "hacker la psychiatrie", il y a des des réalités très intéressantes dans la relation et les soins aux personnes en souffrance psychique. Il faut, pour commencer, définir rapidement ce que signifie le terme hacker (prononcer aké), ce qu'est un hacker (prononcer akeure), celui qui pratique le hacking.

 

Qu’est-ce qu’un hacker ?

Apparu à la fin des années 60 dans le milieu des programmeurs en informatique, le verbe hacker, en américain, signifie, tailler en pièces, découper en petit morceaux. Ces personnes prenaient des programmes informatiques, les démontaient littéralement pour voir leur structure, les modifiaient pour les améliorer, les détourner de leur fonction originelle. Ou reprogrammaient entièrement un logiciel non modifiable.

 

Le hacker est un passionné qui cherche à pratiquer une technique autrement, à la comprendre, à lui faire faire autre chose. Hacker est un art, l'art du bidouillage au sens noble, c'est à dire d'oser démonter, regarder en profondeur une pratique, une technique. Hacker c'est chercher pour bidouiller, c'est à dire changer quelque chose pour que cette chose soit au plus près de nos besoins réels, pas à un besoin déterminé par d'autres. Hacker est aussi dépendant d'une éthique, "l'éthique hacker" qui contient en substance les concepts suivants : Passion, liberté, conscience sociale, vérité, lutte contre la corruption, lutte contre l’aliénation de l’homme, égalité sociale, accès gratuit à l’information (liberté de savoir), valeur sociale (reconnaissance entre pairs), accessibilité, activité, soucis de responsabilité, curiosité, créativité.

 

Linux, le système d'exploitation libre est le fruit du travail incessant de hackers depuis 20 ans. Sa vocation : offrir un système informatique sans brevet, ouvert, que chacun peut partager, améliorer, un système libre, programmé pour aider les hommes et les femmes à communiquer avec des ordinateurs sans être dépendants de firmes privées aux intérêts purement économiques.

 

Hacker le logiciel DSM

Alors, revenons à la psychiatrie. La folie est le plus souvent définie par le terme de trouble psychique et les praticiens se basent, pour la plupart sur un "manuel de psychiatrie" nommé DSM (Diagnostic And Statistical Manual Of Mental Disorders). Ce manuel indique quelle est la pathologie mentale qui affecte un sujet en fonction des symptômes dont il semble être affecté. Le psychiatre prescrit ensuite des médicaments de type psychotropes en fonction du trouble psychique diagnostiqué grâce au manuel en question, ce fameux DSM. Il est important de préciser que les laboratoires de psychotropes participent à l'élaboration du dit manuel, qui est passé de 60 pathologies répertoriées en 1952, lors de sa première parution, à désormais plus de 400 (Version IV).

 

Si vous suivez le "logiciel industriel fermé de la psychiatrie", en analogie avec l'informatique, vous êtes devant le paradigme suivant : le trouble psychique est une maladie comme une autre qui peut être diagnostiquée et traitée grâce à des médicaments.  Avec ce logiciel propriétaire, la folie n’existe pas, seules les pathologies comptent. Des «maladies mentales». Si un sujet se met à délirer, on l'interne, on le diagnostique, on le traite en hôpital psychiatrique ou en clinique avec des psychotropes et on attend que ça passe. La liberté, la lutte contre l'aliénation de l'homme, la curiosité et la créativité ne sont pas au centre de la pratique "officielle" de la psychiatrie, comme on peut le voir. Personne ne le contestera.

 

Qu’est ce que hacker la psychiatrie ?

Alors, parlons donc des hackers de la psychiatrie : des médecins psychiatres, des infirmiers, des psychologue, psychomotriciens, éducateurs, qui ne croient pas au logiciel officiel DSM sous brevet américain et ne voient pas d'effets bénéfiques pour les personnes en souffrance psychique lorsqu'ils utilisent ce même logiciel. Que font-ils, qu'ont-ils inventé, comment ont-ils hacké le logiciel de psychiatrie DSM-Psychotropes ? 

 

Ils ont démonté la pratique, regardé à l'intérieur des concepts de «maladie mentale» et en ont tiré une conclusion : la maladie mentale n'existe pas. Chaque homme ou femme peut devenir "fou", tomber «malade» parce qu'une souffrance psychique terrible l'incapacite, mais pour autant, il n'y a pas une «maladie». La folie n'est pas l'équivalent d'une grippe. On n'attrape pas la folie. La folie n'est pas congénitale. La folie n'est pas un dysfonctionnement du cerveau. La folie est ontologique. Elle touche l'être en lui-même dans toutes ses dimensions existentielles, elle exprime quelque chose de profond, elle est un trouble de la relation. Ce qu’un des hackers en psychiatrie, fondateurs des 39, le docteur Hervé Bokobza, répète souvent : la folie est un trouble de la relation aux autres, à soi et au monde.

 

Hacker la psychiatrie, c'est  aborder la personne en souffrance psychique autrement que sur le registre de la maladie et du diagnostic. C'est aider la personne à "soigner" cette souffrance en offrant des champs d'expériences et de relations différents : par la parole (psychothérapie institutionnelle), l'art (théâtre, psychodrame, musique, danse, arts plastiques), les échanges quotidiens (cuisine, ménage, fêtes). Et comme il y a «hack», il y a techniques, approches méthodiques, réfléchies, donc thérapeutiques, avec l'aide des médicaments adéquats quand ils semblent nécessaires. Sans improvisations ou expérimentations hasardeuses. Hacker la psychiatrie, c'est respecter l'homme ou la femme qui subit sa folie, c'est comprendre et faire comprendre cette folie, aider à la dompter. Pas tenter de l'éradiquer.

 

Les hackers de la psychiatrie sont une minorité, mais ils luttent, comme les hackers de l'internet. Ils luttent pour que l'homme soit au centre de la pratique psychiatrique, homme, reconnu dans la valeur humaine de sa folie, et qui, s’il ne l’est pas, disparaît, comme François Tosquelles l'a si bien dit.

 

P.H

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>Bird et la loi du 5 juillet 2011

 

Imaginez le topo. Charlie Parker, dit Bird, « réside » sur la côte ouest des états unis depuis quelques mois. Il a décidé d’y vivre, tout comme Stravinsky et Schonberg, lui le grand saxophoniste « be-bop », mais les choses ne se passent pas comme prévu.  La drogue y est quasi introuvable et chère. Il doit boire plus qu’à l’accoutumée. Il dort dans des taudis. Il est mal fagoté, inconnu à Los Angeles, mal en point, sans le sou, un pauvre bougre noir. Personne ne sait qu’il est celui qui vient d’enregistrer une version d’anthologie du thème « Cherokee », la version qui donne le vertige et révolutionne le jazz. Il était un héros à New York, enfin à Harlem et sur la 52 ° rue, le voici plus rien à Los Angeles.

Son producteur le cherche. Il reste introuvable. Les copains partent à sa rencontre. De longues rues partent de la mer pour n’arriver nul part. Les voitures jouent parfois à poursuivre les pauvres vagabonds noirs au cours de rodéos macabres. On finit par le trouver et à le trainer dans la salle d’enregistrement. 

Le voici assis sur une chaise, le sax à ses pieds, perdu et absent. Il est en crise, en manque, et s’est « soigné » avec ce qui lui est tombé sous la main : du porto et des pilules . Le trompettiste entame un thème à un tempo d’enfer, un de ces tempos dont Bird se servait pour larguer les mauvais coucheurs. Pas de réponse, pas de Bird, il était incapable de suivre la logique qu’il avait lui-même inventée. 

Son producteur et son associé sont à la technique, derrière la vitre du studio. Le jeune frère de l’associé y est également. Il est psychiatre et fournit parfois de la méthadone. Il fait avaler 6 comprimés de Phénobarbital à Bird. Celui-ci finit par prendre son sax et bredouille « Lover man », une ballade, un tempo lent, les musiciens ouvrent et il va réussir à jouer. L’enregistrement est poignant, bouleversant, des salves de désespoir. 

Puis, c’est la descente aux enfers. Bird retourne à son hôtel. Il sort à plusieurs reprises de sa chambre, nu, comme souvent, réclamant auprès du concierge de pouvoir téléphoner à sa femme. On finit par l’enfermer dans sa chambre. De la fumée passe sous la porte. Sa cigarette brûle le drap. On appelle les pompiers, la police. Les policiers assomment ce grand gaillard qui s’est sans doute défendu. On l’attache, l’embarque. Les copains mettent plus de 10 jours à le retrouver. Il est en prison, en garde à vue psychiatrique, camisolé, en cellule.

Il est passible de 6 mois de prison au regard des faits mais un psychiatre expert a évoqué une aliénation mentale et des passages à l’acte de nature psychotique. Le juge doit statuer. Son producteur (blanc), le jeune psychiatre (blanc) tentent d’expliquer au juge la dimension du prévenu. 

Au bout de quelques jours, le juge ne croit pas en l’aliénation mentale de Bird mais prononce tout de même une hospitalisation à Camarillo, un lieu psychiatrique de soins. Il échappe ainsi de peu à la prison, et grâce à ses connaissances, à l’hospitalisation dans un des 2 endroits dont on ne sortait pas : des lieux pour malades psychiatriques dangereux dans lesquels les noirs ayant présenté des troubles du comportement se retrouvaient souvent. On y mourrait beaucoup, et pas de vieillesse.

Camarillo avait un programme de soins contre les addictions à la drogue et à l’alcool. Ce n’était pas du luxe concernant Bird mais de là à ce que cela dure 6 mois…. ? 

Il en sortira parce qu’un résident « crédible » californien s’est porté garant, une vieille loi dénichée par l’avocat de Bird. Les copains avaient commencé à imaginer une évasion.

Dans des circonstances pareilles, comment et pourquoi porter un diagnostic qui se voudrait définitif ou qui pourrait avoir des conséquences définitives ?

Bird se droguait, soit, mais pas tellement plus que la moyenne des boppers et essayez donc de souffler dans un sax huit heures par jour sans quelque stimulant ! Essayez juste une demi-heure ! Essayez de voir quel effet ça fait d’avoir révolutionné le jazz, de s’être tué à la tâche, d’être un très grand musicien, d’en être au fait  et d’être condamné à jouer des thèmes de 32 mesures dans des bouges enfumés pour un public d’alcooliques ! Le soi-disant destin des musiciens noirs. Comment jouer dans des jam-session de 2h à 6h du matin, les laboratoires du jazz, une fois que vous avez fini de faire danser les blancs, comme à Kansas City, sans prendre « un petit remontant » ? Le jazz y reprenait dès 9h le matin.

Bird pensait que la 52° rue à New York (la rue du jazz à Manhattan dans les années 40) s’écroulait avec la fin de la guerre parce que la police et l’armée avaient décidé d’y fermer tous les bars. Ils avaient effectivement tenté de le faire. C’est une grande partie de son univers que Bird voyait disparaître. Où jouer sa musique ? Bird se redoutait bientôt sans « home », sans scène, enfermé à Harlem, lui qui avait conquis l’Europe.

La 52° rue avait une arrière-cour : le club de Billy Berg à Los Angeles et c’est pourquoi il part pour l’ouest. Il y est inconnu du public, « sideman » et non soliste, sans le sou, en gros …. rien. Vous connaissez désormais l’histoire ; Il s’y écroule et c’est à ce moment là que l’on porte à son encontre un diagnostic. Etait-ce vraiment nécessaire ? Une crise doit-elle concentrer de tels jugements ? Est-ce « scientifiquement » légitime ?

Il a été diagnostiqué psychotique, aliéné, schizophrène, à deux reprises, à chaque fois au détours d’une crise existentielle aigüe ( la seconde fois après la mort de sa fille). En dehors de ces crises, Bird ne présentait pas de pathologie psychiatrique si ce n’est qu’il se droguait ….. comme la plupart des musiciens de jazz de cette époque. Cela n’empêchait pas un parcours d’exception.

C’était un surdoué, un génie musical, un visionnaire. Un noir, libre et entravé comme personne, qui fit gagner au jazz de nouveaux titres de noblesse.

Et pourtant, à coup sûr, de nos jours, Bird aurait « bénéficié » de soins sans consentement, pourquoi pas, mais aussi sans doute de soins en ambulatoire obligatoires s’il avait vécu en France. A défaut d’altérer la gamme, cela aurait altéré sa créativité et sa présence au monde. Imaginez : Bird sous neuroleptique retard toute sa vie pour deux crises de quelques jours, sans son consentement, sans sa collaboration à son traitement et surtout sans horizon partagé avec son thérapeute. 

Cette marque, un traitement obligatoire à domicile sous peine d’hospitalisation dans un lieu psychiatrique pour récalcitrants avec inscription dans un fichier, aurait donc sanctionné 2 crises pour une période indéfinie.  

Le juge avait choisi Camarillo pour Bird, un lieu de soin, mais que se serait-il passé si les copains avaient été absents, si un psychiatre de sa connaissance n’était pas intervenu : la prison ou un établissement dont on ne sortait pas.

Billy Holiday, Wardell gray, Howard McGhee, Bud Powell, Lester Young, etc….. n’ont pas eu autant de chance.

Ces 2 crises sont-elles ce qui caractérise le plus la vie de Charlie Parker ? Sont-elles isolables du reste de son existence et méritent-elles une sanction en tant que tel ?

 Le traitement obligatoire en ambulatoire étale en l’occasion sa démesure. 

Charlie Parker n’était pas commode et n’en faisait qu’à sa tête, Dieu merci. Il aurait balancé tous les conseils des « blanc-bec » qui auraient soi-disant désiré son bien. Que soupçonnaient-ils des conditions de vie d’un musicien noir, qui plus est d’avant-garde ? 

Son consentement se méritait et il savait de quoi il parlait.  La ségrégation, le « séparés mais égaux », les lois de 1894 , il connaissait jusqu’à plus soif.

La ségrégation aux USA ne reposait pas sur le principe de précaution à l’égard de la dangerosité supposée comme aujourd’hui en France mais sur la couleur de peau. 

Un Noir pouvait-il faire de la musique savante et porter le jazz à la dignité de la musique de chambre ? Un Noir était-il capable d’un tel degré de « civilisation » ?  Bird, en a payé le prix, mais a répondu à ces questions.

La ségrégation est susceptible de fausser bien des jugements et peut être même de rendre sourd…… Merci Bird.

Patrice Charbit

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>Montfavet, les directeurs des 5 unités pour malades difficiles de France ont exprimé leurs inquiétudes (La Provence.com)

 

 

René Pandelon (ici à l'unité de Montfvet) : "On risque de créer des malades à vie. Sous prétexte de favoriser l'accès aux soins, on met en réalité en place un système de contrôle des populations".

Photo Ange Esposito

Faut-il se réjouir de la création prochaine de cinq nouvelles unités pour malades difficiles (UMD) en France ? En apparence oui, puisque la capacité d'accueil en milieu sécurisé des patients souffrant de troubles psychiatriques et potentiellement dangereux pour autrui s'en trouvera considérablement élargie.

Mais le corps hospitalier y voit également la conséquence d'une approche sécuritaire de la psychiatrie et en redoute les effets pervers. Et la question a fait plus que traverser le congrès inter-UMD annuel, qui vient de se tenir au centre hospitalier de Montfavet, à Avignon.

"Ce n'est pas forcément une bonne nouvelle dans le sens où cela traduit le retour à une conception de la psychiatrie très hospitalo-centrée",estime le Dr René Pandelon, chef du pôle de soins intensifs sécurisés et en milieu pénitentiaire (PSISMP) et responsable de l'UMD de Montfavet.

A partir des années soixante, une politique de prévention et de soins au plus près des populations avait été mise en place, avec des petites unités sur tout le territoire. Ce qui permettait d'éviter l'hospitalisation dans de nombreux cas, les patients restant le plus souvent dans leurs familles tout en étant soignés en ambulatoire.

"Or, depuis quelques années, par manque de moyens, on reconcentre et on hospitalise beaucoup plus, poursuit René Pandelon. Il est évident que nous avons besoin d'accueillir dans des conditions particulières les patients très dangereux qui ont commis des actes médico-légaux mais la majorité de ceux qui sont accueillis en UMD aujourd'hui sont des patients ayant commis de simples agressions ou proféré des menaces à répétition contre le personnel psychiatrique. Et s'ils sont là, c'est surtout parce que les unités normales n'ont pas les moyens de les prendre en charge. En ce sens, la multiplication des UMD, où les patients sont soignés par des équipes qui ne les connaissent pas, est le signe d'une dégradation du système".

Le projet de loi sur la psychiatrie, toujours en discussion, inquiète également René Pandelon. En particulier la possibilité de contraindre tous les malades à se soigner, même ceux qui ne sont pas hospitalisés, sur le double avis d'un médecin et du juge des libertés.

"Outre qu'on néglige le consentement, qui est la condition nécessaire du soin, on sait bien qu'il sera extrêmement difficile de lever cette obligation puisque la décision sera judiciaro-administrative,souligne-t-il. Quel préfet va prendre ce risque alors que la prise de médicaments ne coûte pas grand chose ? Aucun… On risque de créer des malades à vie et sous prétexte de favoriser l'accès aux soins, on met en réalité en place un système de contrôle des populations. Tout ça à cause de quelques faits divers, concernant des personnes dont je reconnais qu'il faut les enfermer pour les soigner, mais en exploitant ces cas dans une perspective sécuritaire".

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Montfavet réputé pour ses ateliers artistiques

A Montfavet, les directeurs des cinq unités pour malades difficiles de France ont également partagé leurs expériences, chacun explorant au-delà des protocoles habituels communs des voies de soin spécifiques. René Pandelon, à Avignon, met tout particulièrement l'accent sur la pratique artistique, à travers des ateliers de peinture, de poterie, d'écriture ou même de théâtre avec des créations présentées dans le festival Off.

"Tous les UMD font des ateliers mais ici, nous les pratiquons de manière plus intensive, explique René Pandelon. C'est l'une des meilleures manières de traiter la psychose car elle permet au patient de suppléer à ce qu'il ne peut être. En atelier, il n'est pas que délirant ou fou, il devient acteur, peintre, etc.".

Joël RUMELLO (jrumello@laprovence-presse.fr)

Article publié sur http://www.laprovence.com

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>Fondation Fondamental : Aldous Huxley était-il un visionnaire ?

La fondation Fondamental a été créée en juin 2007 par décret du Ministère de l’Enseignement et de la Recherche, dans le cadre des réseaux Thématiques de Recherche et de Soins. Son objet est de « faire reculer » les troubles psychiques, plus particulièrement la schizophrénie, les troubles bipolaires et l’autisme de haut niveau (syndrome d’Asperger). La vision et l’approche de Fondamental méritent réflexion pour mieux comprendre ce que l’avenir est censé réserver en termes de prise en charge des patients de la psychiatrie.

« Fondamental, fondation de coopération scientifique dédiée aux maladies mentales s’est donnée pour rôle de redonner espoir aux patients et à leurs proches », c’est ce que l’on peut lire sur leur site internet. Des scientifiques veulent « redonner espoir », préalable à toute entreprise moderne médicale crédible…L’espoir aurait-il été perdu par les patients et leurs proches ? Lequel ? A quel niveau ? Celui de guérir ? Oui, mais de quoi ?


« Aujourd’hui, les récentes avancées de la recherche permettent une nouvelle lecture des maladies mentales qui révolutionne leur approche… » poursuivent les rédacteurs du site web de Fondamental. « Ces travaux ouvrent non seulement des pistes en matière de diagnostic, de prévention et de traitements, mais peuvent – et doivent – accompagner l’émergence d’un nouveau regard sur ces pathologies. »


La fondation exprime donc que les « récentes avancées de la recherche » vont changer radicalement la donne, c’est à dire ne plus du tout envisager le patient de la même manière, et par conséquence ce qui l’affecte. Mais quelles sont ces avancées dans le domaine de la prise en charge au long cours des patients atteints de schizophrénie, d’autisme ou de troubles bipolaires ? Quel sera ce « nouveau regard » porté, non plus sur les patients, mais sur « ces pathologies » ?


Prenons la schizophrénie : Fondamental nous éclaire de façon précise sur son approche : « les recherches actuelles explorent l’interaction de différents facteurs à la fois génétiques, neurobiochimiques, neuro-développementaux, socio- environnementaux et psychologiques. »


Sur l’état des lieux : « Pourtant, ces pathologies ne sont pas une fatalité : des outils thérapeutiques existent et la recherche est une promesse d’améliorer le diagnostic et les soins. Il est temps que les préjugés laissent enfin place à une approche médicale et thérapeutique. » Ce qui voudrait dire que jusqu’à aujourd’hui il n’y aurait pas eu d’ « approche médicale et thérapeutique » et que celle-ci surviendrait enfin grâce à…Fondamental…et ses « chercheurs ». De façon explicite, le modèle de FondaMental, loin d’être une nouveauté, souhaite repenser la psychiatrie et les maladies de l’existence selon un modèle purement médical.

 

Par ailleurs, quels sont les préjugés cités si ce n’est l’abord relationnel des soins psychiques ?


Viennent ensuite les « missions soins » avec les « centres experts » : tout est savamment compartimenté puisque les 22 centres sont organisés…par « troubles ». Il y a, par exemple, 8 centres experts dédiés à la schizophrénie. Mais qu’y fait-on dans ces centres experts ? Et bien on y propose, entre autres, des « thérapies spécifiques, telles que la psychoéducation, la remédiation cognitive ou l’entraînement aux compétences sociales ». Difficile d’évaluer de façon précise ces « thérapies spécifiques », mais les méthodes « ABA » ou « Teacch » de plus en plus en vogue en institutions sont éclairantes : le but est de rééduquer l’individu, de le re-programmer pour utiliser le vocabulaire cognitivo-comportementaliste.


 Si cette approche est décrite comme scientifique, qu’en est-il de sa scientificité véritable ? A-t-on assez de recul pour penser que : « L’essor de la génétique et la découverte de la séquence complète du génome ont permis de faire naître l’espoir que des progrès énormes dans la compréhension des mécanismes physiologiques, altérés dans les maladies mentales, allaient enfin pouvoir être obtenus. »


C’est effectivement un changement radical dans l’approche psychiatrique que Fondamental propose. L’espoir redonné aux patients et à leurs proches est celui de mettre de côté l’esprit humain (le psychisme) au profit des gènes et des techniques de réadaptation. L’espoir proposé est celui de pouvoir affirmer à une personne subissant des délires : « Non, vous n’êtes pour rien dans ce qu’il vous arrive, vous n’y pouvez rien, c’est une maladie  mais nous allons la traiter afin de vous permettre d’essayer de vous insérer. » Vous êtes parents ? : « Ne vous inquiétez pas, vous n’y êtes pour rien, c’est une maladie, nous allons la traiter et appliquer à votre enfant une remédiation cognitive qui lui permettra d’essayer de s’insérer. »


Il n’y a plus l’homme ou la femme délirant, c’est à dire un esprit vaste et complexe, avec son histoire, ses peurs, ses angoisses, sa parole unique, mais une maladie mentale aux facteurs génétiques et des compétences sociales pour lesquelles on entraîne l’individu. La « science de Fondamental » c’est celle qui voit l’homme comme une machine que l’on peut entraîner, reprogrammer, une machine uniquement constituée de gènes, de connexions neuronales, d’hormones et de terminaisons nerveuses. Ce qui ne veut pas dire qu’une telle approche des troubles psychiques doit être écartée, elle l’a été et l’est toujours, mais de quelles sciences parle-t-on ? Pour quels « troubles » ?


Les nouvelles « approches scientifiques » sont toutes identiques, dans tous les domaines : elles cherchent à déterminer de façon massive les individus dans un cadre productif et abolissent les complexités qu’elles ne maîtrisent pas. Pour la psychiatrie, Fondamental brandit des sciences de l’efficacité visible, qui nient l’efficacité des techniques relationnelles ou de psychothérapies institutionnelles, par exemple.


La poésie délirante des schizophrènes ne peut pas être entendue par les chercheurs de Fondamental, elle n’est qu’un symptôme, que traitements, rééducation et nouvelles découvertes que la science fera disparaître.

 

Et quand la poésie est traitée comme une forme de facteur négatif d’insertion sociale, une expression de maladie génétique qu’il faut diagnostiquer le plus tôt possible pour l’éradiquer, c’est l’âme humaine qu’on nie.


Si la fondation Fondamental veut redonner de l’espoir, ce n’est pas celui d’un monde meilleur, mais son propre espoir de nous faire entrer dans le meilleur des mondes…d’Aldous Huxley.


P.H

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>Psychiatrie: le rapport qui accuse (article du journal Libération du 18/03/11)

 

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté dénonce, dans un avis que s’est procuré «Libération», l’hospitalisation sous contrainte.

 

Par Eric Favereau

 

«Nous disons que tout cela est insupportableLes mots sont durs. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, est pourtant un homme posé, conseiller d’Etat de formation. Il va faire paraître au Journal officiel un avis sur l’hospitalisation d’office en psychiatrie, et une recommandation sur l’Infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris (lire ci-contre), deux textes que Libération a pu se procurer.

 

Constat terrible. Leur parution intervient au moment même où le Parlement débat d’un projet de loi qui vise à étendre encore les mesures de contrainte pour les malades mentaux. «Nous ne parlons pas dans le vide, argumente Jean-Marie Delarue. Depuis deux ans, nous avons visité plus d’une vingtaine de lieux d’hospitalisation psychiatrique. Ce ne sont pas de simples visites. Nous arrivons à l’improviste, nous restons, nous regardons tout.» Le contrôleur général des lieux de privation de liberté lâche : «Au regard des droits de l’homme, la situation est inquiétante et elle s’aggrave.» Avec, en arrière-fond, un mal typiquement français : le législateur fait des lois, mais les droits qu’elles sont censées garantir ne sont pas accessibles.

 

C’est sur la question centrale de l’hospitalisation d’office qu’a planché le contrôleur. En vertu de la loi de 1990, les préfets peuvent, sur le fondement d’un certificat médical, faire admettre à l’hôpital des personnes, contre leur gré, «atteintes de troubles mentaux et qui compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public». Cette mesure, supposée exceptionnelle, est appelée «hospitalisation d’office» (HO). Elle peut être renouvelée, sans limite de temps. «Le malade en sort lorsque le médecin psychiatre, qui estime la sortie possible, la propose au préfet, lequel décide ou non la mainlevée de l’hospitalisation d’office», note Jean-Marie Delarue.

 

Droits formels.

Le législateur avait donc recherché un équilibre, entre le médical et l’administratif. Mais «aujourd’hui, quatre éléments mettent en cause gravement cet équilibre». D’abord, note l’avis, dans de très nombreux cas, les droits formels du patient ne sont pas respectés. Exemple : «On interdit la plupart du temps au malade d’avoir recours à un avocat. On lui dit, certes, qu’il peut saisir un juge, mais sans lui donner l’adresse, ni le lieu. Les formulaires qui lui sont fournis sont illisibles. L’accès à ses possibilités de recours n’est pas possible», s’étonne le contrôleur.

 

Deuxième point qui noircit le paysage de la psychiatrie : «C’est le grand retour de l’enfermement qui caractérise désormais ces lieux de soins.» Cela n’est pas sans aberration : dans un même service de psychiatrie, les patients en hospitalisation libre sont contraints de vivre comme les autres, c’est-à-dire reclus, «en totale contradiction avec leur situation», note Jean-Marie Delarue. «Les portes d’un nombre croissant d’unités hospitalières psychiatriques sont en effet fermées à clef. Les patients, qui sont là librement, ne peuvent sortir, même pour se promener dans un parc, ni pour se rendre dans une cafétéria, ou participer à un office religieux.» Et de préciser : «Ces restrictions ne sont pas sans incidence sur la vie des malades et sur les relations avec leurs proches.» En d’autres termes, la logique de l’enfermement tire tout le monde vers le bas.

 

Troisième point : les sorties d’essai. Depuis des années, c’était une pratique essentielle pour permettre à un patient en HO de commencer à se réhabituer à la vie hors les murs. Le médecin responsable signait alors un certificat, qui était ensuite, la plupart du temps, validé par le préfet autorisant la sortie. Depuis le meurtre à Grenoble en novembre 2008 d’un étudiant par un patient en fugue, les préfets ont peur. Une crainte renforcée par une circulaire de 2010, signée par les ministres de la Santé et de l’Intérieur, rappelant leur responsabilité directe. «Aujourd’hui, devant ces demandes de sortie d’essai, le préfet hésite, diligente une enquête de police. Les sorties d’essai se sont réduites comme peau de chagrin. Des malades, habitués à sortir régulièrement, en sont interdits.»

 

Attaché. Dans le même ordre d’idée, les levées de HO, décidées par le préfet, sur demande du médecin, sont de plus en plus difficiles. «Aujourd’hui, le préfet hésite, demande une expertise, mais il n’a pas d’argent pour la faire. Au final, cela traîne des mois, voire des années»,lâche Jean-Marie Delarue. Des patients sont ainsi retenus, sans aucune justification médicale. «Le préfet fait ce qu’il veut au nom d’arguties juridiques qui ne sont pas opératoires.»

 

Quatrième point : la situation des détenus qui bénéficient de l’article D 398, permettant à l’autorité préfectorale de placer un détenu en hôpital psychiatrique. Voilà des personnes incarcérées qui sont en crise. Le médecin de la prison demande qu’ils soient hospitalisés, et le préfet peut transformer leur incarcération en hospitalisation d’office. Mais là encore, c’est d’abord le parapluie que l’on ouvre. «Le préfet craint, par-dessus tout, l’évasion. Il traîne. Alors qu’il y a urgence, cela peut prendre jusqu’à deux semaines, alors que la personne est en crise aiguë.» Pendant cette crise, le détenu reste en cellule. Quand il arrive enfin à l’hôpital, il est mis systématiquement en chambre d’isolement, durant tout son séjour. Parfois, il est même attaché, sans discontinuer, pendant deux semaines. Résultat ? «On ne leur donne pas les soins appropriés à leur état, cela est absolument inadmissible. Nombreux sont ceux qui préfèrent retourner en prison, car en prison au moins ils peuvent avoir des visites, ou bénéficier de promenades.»

 

De fait, c’est tout un monde caché que fait entrevoir le contrôleur général, un monde où les droits élémentaires des personnes ne sont pas respectés. Et dans ce monde-là, «ce n’est pas tant la loi, quelle qu’elle soit qui est en cause, mais la réalité des pratiques», conclut Jean-Marie Delarue.


Le rapport du contrôleur de privation des libertés relatif à certaines modalités de l'hospitalisation d'office (15 mars 2011)avis-du-controleur-general-des-lieux-de-privation-de-liberte


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>Semaine de la folie ordinaire à Reims

Après La Locomotive, un Groupe d’Entraide Mutuel de Reims, les “V.I.P. en psy” de Grenoble ( “Voix Iséroises de Patients en psy), et les adhérents, patients et soignants, de la Radio Citron de Paris, voici un nouveau collectif à Reims, une ville où ça bouge décidément, qui se manifeste contre le projet de loi sur les soins sans consentement.

Après l’appel à la grève des quatre syndicats de psychiatres hospitaliers pour le mardi 15 mars, premier jour d’examen du projet de loi à l’Assemblée Nationale, les professionnels ont opposé un refus unanime de participer aux groupes de travail proposés par le ministère de la Santé pour préparer les futurs décrets d’applica- tion de la loi sur les soins sans consentement en psychiatrie, selon une dépêche A.P.M. du 2 mars 2011.

 

Il ne va plus y avoir grand monde pour soutenir ce projet de loi, tant l’opposition s’amplifie, avec l’expression de plus en plus forte et nouvelle des associations de patients eux mêmes.

 

Avec en prime des expos, des initiatives culturelles, des débats, comme par exemple le propose ce Collectif de Reims, du 15 au 19 mars.

 

Mais aussi, nous y reviendrons, avec cet événement inédit, à Paris dans le 20ème, au Lieu-Dit, 6 rue Sorbier : le Festival des “Évadés du Bocal” : un mois du lundi 7 mars au dimanche 3 avril 201, des expos, des films, des débats, des pièces de théâtre, des concerts…. à suivre.

 

Paul Machto

 

 

 

Semaine de la folie ordinaire à Reims

du 15 au 19 mars 2011

 

La réforme de la loi de 1990 relative « aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge » qui sera soumise au vote mi-mars à l’Assemblée nationale, signe un virage sécuritaire qui est délétère vis à vis des soins en psychiatrie.

 

En effet, nous savons d’expérience qu’il n’y a pas de soin possible sans l’adhésion du patient. En instaurant des soins sous contrainte, cette loi anéantirait la relation de confiance, entre soignants et patients, indispensable à la bonne conduite d’une thérapie.

 

Elle transformerait les soignants en police de la pensée et la vie des patients en liberté surveillée. Ce projet établit ainsi un paral- lèle douteux qui assimile patient et criminel. Enfin, il porte at- teinte à un droit fondamental, à savoir que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.

 

La seule thérapeutique proposée est une camisole chimique, n’étant en fait qu’une réduction au silence de la souffrance et entretenant l’illusion du soin. Les médicaments font partie de la thérapie, en aucun cas ils ne représentent la thérapie. L’écoute, la parole, la prise en charge psychologique, la mise en place d’un environnement respectueux du patient sont primordiaux.

 

L’introduction, dans les soins, du juge des libertés et de la détention, comme le propose le projet de loi, assimile l’hospitalisation d’office à la détention et rend la levée de cette mesure aussi difficile qu’une levée d’écrou.

 

Devant toutes ces attaques, à l’initiative de patients, un collectif de soignants et de patients du secteur ZR4 à Reims, propose une réponse.

 

Soudés au sein des différentes associations, club thérapeutique et centre d’accueil, nous exposons durant ce que nous appelons « La semaine de la folie ordinaire » du 15 au 19 mars, le travail effectué dans divers ateliers.

 

Notre désir est d’opposer à la négation de la folie et à son enfermement, l’expression et la chaleur humaine.

 

La mairie de Reims nous soutient en mettant des locaux à notre disposition pendant la semaine de la santé mentale.

 

Pour le collectif, Matthieu, Michèle Exposition A la maison de la vie associative 122 bis, rue du Barbâtre.


Reims Du mardi 15 au samedi 19 mars 2011 De 9h à 22h30 sauf samedi de 9h à20h Vernissage le mardi 15 mars à 15h Soirée débat : « La folie de vivre » Jeudi 17 mars 2011 de 18h à 22h Salle Armonville 7 bis rue Armonville Reims.

 

 

Article publié le dimanche 06 mars 2011 sur Mediapart

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>Le Syndicat de la Magistrature condamne ‘sans’ appel le projet de loi sur la psychiatrie

Docteur Guy Baillon, Psychiatre des Hôpitaux                                                                   

Le projet gouvernemental est en effet invalidé après une analyse ‘juridique’ attentive des diverses dispositions de la loi.

 

Etant donné que cette loi « porte atteinte aux libertés des citoyens » dans un certain nombre de situations, il était légitime que les magistrats l’examinent. Le camouflet que reçoit l’Etat est cuisant et définitif. Après les protestations de plus en plus vigoureuses des professionnels de la psychiatrie (voir ‘l’appel des 39’ qui réunit déjà plus de 15.000 signatures) les magistrats montrent que cette loi est la porte ouverte à tous les abus contre la liberté des citoyens. Ils soulignent la confusion grave qu’elle établit entre le domaine des soins et celui de la justice. Le résultat le plus patent est la stigmatisation qu’elle étend à l’ensemble du champ du soin psychique, et ses usagers, plus de 2 millions de personnes soignées par an vont pâtir des faits graves commis par quelques dizaines de personnes. Tout patient va se sentir futur criminel, et sera désigné et ‘traité’ comme tel !

 

Dès le début de [leur texte], comme beaucoup de censeurs de l’évolution de la psychiatrie française les magistrats ont fait le constat qui étonne : « comment se fait-il que depuis la fameuse loi de 1990 qui devait ‘toiletter’ la loi de 1838 (toiletter = faire le ménage en enlevant les mots scandaleux, mais sans changer le fond : volonté d’interner certains patients) le nombre d’hospitalisations sous contrainte au lieu de continuer à décroitre comme il l’avait fait depuis la mise en place de la politique de secteur en 1972, n’ait fait que croitre à partir de 1990 jusqu’à ce jour ? ». Ceci avait déjà été dénoncé par le rapport de la Cour des Comptes et du Conseil Constitutionnel dès1999. Une inspection a été déclenchée et a fait son rapport, mais n’a pas su trouver la vraie raison de l’inversion de l’évolution, … parce que celle-ci est trop évidente !

 

Ce qui est intéressant c’est que les magistrats donnent eux-mêmes l’explication, mais en parlant de l’avenir seulement, et sans voir que cela s’applique aussi à cette énigme (nous l’avons dénoncé dans divers articles depuis 2000, et rappelé dans notre dernier ouvrage sur l’état des lieux en 2011.[1] Quand dans des situations complexes comme le sont la plupart des états de ‘crise’ (appelons-les simplement les moments aigus des troubles psychiques graves) les soignants se trouvent devant le dilemme suivant, dans une équipe ‘solide’ (je parlerai des autres après) :

-soit les soignants arrivent d’emblée à établir un lien de confiance avec le patient, nous savons que si nous prenons le temps qu’il faut c’est toujours possible, ils créent un véritable dialogue qui va aboutir à des mesures de soin prises ensemble, et ceci même si d’emblée ‘on’ nous avait dit cette personne était dangereuse, et qu’il ‘fallait’ l’hospitaliser : 

-soit ce lien ne se crée pas, pour x raisons : d’autres urgences autour de lui s’accumulent, le malade se sent abandonné car personne ne le reconnait, de plus en plus inquiet il se pense en milieu hostile et réagit en s’opposant à tout pour la simple raison qu’il « se sent en grand danger », lui ! Dans ces situations (ce sont les plus fréquentes) il faut aux soignants beaucoup de courage, d’expérience, de disponibilité à la fois dans l’immédiat et dans la continuité, une solidité des liens de l’équipe pour résister à « la » solution proposée d’emblée :

 devant toute situation difficile (où est la limite de cette difficulté ?) une hospitalisation sans consentement permet d’être sûr qu’un soin va être installé, et surtout couvre le psychiatre et son équipe pour tout type de risque’ ! La couverture est tirée !

 

Les magistrats prévoient ce qui va se passer dans leur texte pages 2, 3 et 4 ; ils disent que « la tentation sera forte de recourir à une hospitalisation sous contrainte », « d’autant qu’il est évident qu’en 72 h de ‘garde à vue’ la personne n’est pas souvent en mesure de donner son avis ». enfin un commentaire lucide.

 

En réalité ce que les magistrats ne disent pas, car ils l’ignorent n’étant pas acteurs du soin, c’est que ce choix du refus de prendre de risque se fait déjà et trop souvent depuis 1990 (nos Inspecteurs qui ne sont pas ‘soignants’ n’ont pas su dépister cette raison majeure de l’échec de la loi de 1990). En fait la pratique du soin psychique n’est qu’une constante prise de risque !

 

Cette affirmation est d’autant plus importante à donner que l’absence de soutien des équipes de secteur par l’Etat a commencé lui aussi précisément en 1990 avec la fermeture du ‘Bureau de la psychiatrie’ du Ministère de la santé. Depuis ce moment un nombre d’équipes de plus en plus important s’est dégradé, par manque de soutien du ministère. Et il est clair que chaque dégradation a accentué ce mouvement de « facilité » qui depuis 1990 permet de choisir plus ‘facilement’ le recours à l’hospitalisation sous contrainte.

 

Le hasard veut que ces jours derniers un article provenant du Canada nous informe de la dérive actuelle des soins sous contraintes au Québec. [2] Le détour vaut la peine, lisez-le.

A ce point précis il m’apparait indispensable d’éclairer à notre tour les magistrats sur ce qui se passe concrètement dans ces moments de soin des troubles aigus, en nous appuyant sur deux données, l’une concernant les patients, l’autre concernant les soignants.

 

Nous devons d’abord insister sur un fait propre aux troubles psychiques graves : ces personnes sont le plus souvent dans la méconnaissance de la réalité de leurs troubles et refusent la nature psychique de ceux-ci.


Ceci constitue la difficulté la plus importante du traitement psychique. Personne ne peut ‘violer’ l’esprit d’une personne et lui imposer une soit disant vérité. Il doit y accéder en s’appuyant sur sa propre confiance en lui. Tout le travail du soin est fait de l’élaboration des mots, des attitudes qui vont permettre à la personne de quitter cette position ‘bétonnée’, celle de son délire, et de commencer à établir des liens (rien de cela ne peut s’obtenir sous la contrainte).

 

Les conditions pour que ceci évolue vers une ouverture sont nombreuses, parmi elles la connaissance antérieure du patient par tel ou tel membre de l’équipe, ensuite la qualité réelle du travail d’équipe (qui nécessite d’avoir pu écarter les conflits interpersonnels existant dans toute équipe mais qui là sont de vraies ‘barrières au traitement’, ceci nécessite que les psychiatres fassent un travail d’élaboration suffisant et clair pour tous pour comprendre les délires et les troubles), ensuite la disponibilité suffisante, … A ce prix le patient va se sentir en terrain humain, non hostile, enfin accueillant (nous avons beaucoup insisté tout au long de notre carrière sur l’importance d’un accueil suffisamment long, ouvert et déployé avant tout soin, en particulier lors des ‘indications’ d’hospitalisation).[3]

 

Quant aux soignants, je dois ici faire un aveu : dans mes différents écrits depuis 40 ans j’ai toujours évité de décrire la difficulté ‘humaine’ du travail des soignants en psychiatrie. Je croyais que c’était par pudeur et qu’il y avait plus urgent. Je pense avoir commis là une grave erreur, j’ai en réalité laissé dans l’ombre la souffrance de mes collaborateurs. Quand après ma retraite je me suis trouvé proche du président de l’UNAFAM , à chaque fois que j’abordais ce thème, il m’arrêtais en me disant « Docteur assez vous n’allez pas nous faire pleurer », j’avais en effet assez écouté les témoignages des familles pour percevoir leur douleur extrême, accrue par le fait que rares sont celles que les psychiatres acceptent de recevoir  (nous n’avons pas tous encore compris aujourd’hui que le soin psychique ne peut se faire pour une personne que si sa famille est simultanément « accompagnée »).

 

J’arrêtais pour ne pas débattre de qui souffrait le plus. Mais je comprends aujourd’hui que j’aurai dû persister, car ce qui n’est jamais dit avec assez de clarté c’est l’« extrême » difficulté que rencontre un soin humain en psychiatrie, du fait de sa complexité et de ses dimensions non apparentes. Il faut que chaque soignant accepte de vivre une partie de la douleur du patient, qu’il vive cette empathie, qu’il accepte les doutes qui l’envahissent à chaque fois lui-même profondément, qu’il vive son impuissance devant le mur de la toute puissance du délire, qu’il accepte d’être mis à mal publiquement par tel ou tel patient (totalement inconscient de son attitude la plupart du temps, parfois en partie conscient), tout ceci la famille le vit, mais c’est l’un des ‘leurs’, alors que les soignants ne sont pas gratifiés par un attachement familial, ils sont dans la solitude.

 

Ceci toujours, mais quand en plus l’équipe pour une raison ou une autre est déstabilisée (manque d’effectif récent, maladie du chef de service, ou, plus grave, un conflit d’équipe) la vie des soignants peut devenir humainement insupportable parce que chacun se sent atteint au plus profond de lui-même, dévalorisé, blessé ; les psychiatres souffrent certes mais ils sont les plus protégés en raison de leur formation longue, de leur autorité, de leur pouvoir ; par contre leur responsabilité est déterminante pour la vie de l’équipe ; ce sont eux qui construisent la cohésion indispensable à l’origine d’une vraie vie d’équipe; sa défaillance va peser sur l’équipe plus qu’un manque d’effectif ; une équipe de secteur ne tient que par un travail de formation permanente en interne travaillant la rencontre entre théories et pratique, en continuité avec la souffrance singulière de chaque patient et du contexte environnant de chacun d’entre eux; ce travail nécessite aussi l’élaboration de contrats tacites avec toutes les institutions du secteur.

 

Si ce climat n’est pas créé il faut affirmer avec force que les soignants vont vivre un enfer qui est rarement décrit : c’est la solitude du vécu de chaque soignant face à la folie des patients, ce sont tous les dégâts que cette rencontre provoque si les soignants ne sont ni formés, ni protégés par l’équipe : les infirmiers en première ligne ; on pense que les psychologues ont une place plus facile en raison de leur formation, en réalité leur solitude dans une équipe non cohérente, est extrême ; le personnel moins formé souffre aussi mais paradoxalement il peut s’en sortir mieux ayant moins d’impératifs sur le plan du lien relationnel auprès des patients.

 

Cette description peut paraitre loin de la loi actuelle. Il n’en est rien car cette loi fait totalement abstraction de la complexité et de la pénibilité du travail de soin. Nous les psychiatres, qui animons si bien les discours, ne prenons pas assez le temps de montrer qu’aucun travail de soin ne se fait sans un partage profond de la souffrance. Pour cette raison toutes les procédures de management importées d’ailleurs pour la psychiatrie par nos administrations nous feraient sourire s’il n’y avait en arrière plan cette souffrance. L’exercice de l’autorité et la hiérarchie n’ont aucun sens et aucun effet positif en psychiatrie de service public (le privé partage les mêmes exigences, mais s’appuie sur des liens beaucoup plus confortables : ceux de la cooptation de tous les membres de l’équipe entre eux, cooptation absente du service public : nous devons là établir la même qualité de liens avec tous les acteurs présents dans l’équipe où nous arrivons, sans accord préalable, ni libre choix).

 

Dans un tel ‘contexte’ de souffrance, le seul réflexe possible des soignants est de ne prendre aucun risque, et d’avoir recours à la contrainte, c’est ce que font peu à peu les psychiatres depuis 1990, et la présence du tiers au lieu de diminuer le recours à la contrainte le soutient : 20 ans d’expérience l’ont prouvé.

 

Cette description était nécessaire pour apprécier l’absurdité des ‘protocoles’ de la future loi.

Prévoyant une garde à vue de 72h (comment oser prétendre que ce temps est suffisant pour créer la confiance, et établir des liens avec un patient ?) il est évident que cette obligation ne peut déboucher que sur une « imposition » d’un soin non consenti, et que tout ce qui va suivre après ne sera que provocations amenant les patients à n’avoir qu’une idée ‘obsédante’ tout au long de leur ‘carrière de patient’ : se défendre contre des personnes aussi hostiles.

 

Nous ne reprenons pas ici le texte ‘magistral’ de la magistrature critiquant avec précisions et prudence le projet de loi. Il est assez éloquent.

 

Il n’est pas question non plus de l’interpréter, il est très clair, chacun le lira et se l’appropriera.

Par contre nous voulons insister fortement sur un autre aspect non abordé par la loi ; cet aspect manque douloureusement aux yeux des familles et des usagers qui se sont mobilisées pour l’obtenir entre 2001 et 2005, la complémentarité de l’action sociale.

 

En effet une autre gravité de ce projet c’est de donner une image fausse de la folie : elle la ‘dit’ dangereuse, alors que nous savons que les patients ne commettent pas plus de crimes que le reste de la population, par contre qu’ils sont 17 fois plus souvent victimes de délits. Mais surtout leur folie a des conséquences sociales et relationnelles très lourdes qui vont provoquer des pertes de logement, de ressources, du travail, de leurs amis, voire de leur famille.

 

Cette loi l’ignore et ne parle que de soins. Elle décapite la Santé Mentale ! Les patients ont simultanément besoin de toute une suite d’accompagnements sociaux. La France s’est dotée d’une loi remarquable pour faire face à ces difficultés et apporter les compensations adaptées : c’est la loi du 11-2-2005 sur l’égalité des chances et des droits des personnes handicapées proposant mesures personnelles et services variés, dont le plus modeste mais le plus ingénieux est le GEM Groupe d’Entraide Mutuelle. C’est de tout cet ensemble ‘coordonné’, soins ‘et’ compensations sociales, dont ont besoin les patients. Ce projet est très grave parce qu’il donne une idée fausse de la folie et de ses conséquences : il se limite aux soins, alors qu’en l’absence de compensations sociales les patients sont voués à la rue, à l’abandon, à la prison.

 

Au total nous remercions profondément les magistrats d’avoir passé en examen avec autant d’attention, sans polémique ni agressivité ce projet de loi.

Mais cette étape n’est pas suffisante, il est essentiel qu’ils puissent continuer leur réflexion avec les professionnels de la psychiatrie, avec ceux de l’action sociale, et avec les grandes associations nationales de familles l’UNAFAM et d’usagers de la Santé Mentale la FNAPSY ;  ce n’est que sous l’effet de nos regards croisés et d’une attention commune et complémentaire que nous pourrons, à la place de ce projet dangereux parce que ‘non humain’ pour toute la société (qui ne donnera-t-elle pas le ‘droit’ d’interner, tout en se protégeant par tous les papiers officiels que l’on peut toujours détourner ?), proposer un « Plan cadre » pour l’ensemble de la Santé Mentale associant psychiatrie, action sociale, et prévention.

 

Rappelons que la France est en avance sur la plupart des pays car elle a entre ses mains déjà cet ensemble indissociable ‘politique de secteur’ (qui malgré les obstacles en 50 ans a fait preuve de son efficacité), et loi du 11-2-2005 reconnaissant l’appui social complémentaire indispensableLes hommes sont là, les outils sont là, ce qui manque c’est la confiance des médias, des élus pour leur permettre d’établir une continuité, une confiance suffisantes mettant l’humain de chacun de nous au service de la souffrance de nos proches.

 

Guy Baillon

 

[1] (« Quel accueil pour la folie ? » champs social éditions, collection dirigée par Yves Gigou, p 147 et s).

[2] Dénonciation des gardes forcées en psychiatrieRadio-Canada  21 févr. 2011

Une dizaine de personnes se sont présentées lundi au bureau du ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, Yves Bolduc, pour lui demander 

[3] Association Accueils, et « Les urgences de la folie. L’accueil en santé mentale », Gaëtan morin, 1998.

Le document du syndicat de la magistrature : observations-Syndicat-Magistrature

 

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>La menace d’être en permanence sous surveillance

Le Projet de loi sur les soins sans consentement ? 

La menace d’être en permanence sous surveillance et une sortie d’essai à vie !

Un contrôle insupportable ! 

Les adhérents de la RadioCitron ont écrit aux Députés et vont saisir les sénateurs. Après les « V.I.P. en psy », les Voix Iséroises des Patients en psy, le Groupe d’Entraide Mutuelle La Locomotive, le Club thérapeutique le Grillon de Reims, une nouvelle prise de position d’association. 

Les Patients se saisissent de la parole et ont leur mot à dire sur ce projet de loi qui les concerne au premier chef ! Salutaire. 

Paul Machto

 

LETTRE DES ANIMATEURS DE RADIO CITRON AUX DEPUTES 

 

Mesdames et Messieurs les Députés,

Un projet de loi va vous être soumis à la mi-mars concernant la psychiatrie. En tant que patients et en tant qu'animateurs de Radio Citron, nous avons lu attentivement ce projet de loi et nous tenons à attirer votre attention sur différents points.

La substitution de la notion d'hospitalisation sous contrainte par la notion de soins sous contrainte représente pour le patient la menace d'être en permanence sous surveillance, même bien après la crise et jusque dans son espace privé. En cas de soupçon de discontinuité d'observance, le patient serait réhospitalisé d'office, ce qui équivaut à être une sortie d'essai à vie : c'est un contrôle insupportable.

Le fichage et la surveillance par un comité spécial dès l'hospitalisation d'office, en plus du psychiatre, à l'encontre du patient même stabilisé ou guéri, la décision d'un juge ou d'un préfet sur le placement, le prolongement et la levée de l'enfermement, la dénonciation des soignants auprès d'eux, le protocole de soins établi par le Conseil d'Etat, protocole stéréotypé et non personnalisé, l'accaparement des psychiatres à des fins d'expertise auprès des juges au lieu des soins, les jours d'hospitalisation complète imposés pour débuter les soins, la suppression totale des sorties d'essai, l'agitation procédurière nuisant au patient, toutes ces mesures et bien d'autres encore dans ce projet sont démesurément sécuritaires.

 

Rappelons qu'un patient en psychiatrie n'est pas un délinquant, mais un sujet de droit, qui, pour un moment, peut avoir le discernement amoindri. Verrouiller encore plus l'hôpital psychiatrique, favoriser l'enfermement et la médication, considérer les personnes comme dangereuses, et à vie, n'est pas la solution à cette souffrance. C'est même pathogène.

 

Pourquoi donc nous enfermer, nous surveiller et nous contraindre pour une dangerosité supposée, quand toutes les études menées démontrent que nous ne sommes pas plus dangereux que les autres ? Même, les malades psychiques sont 300 fois plus susceptibles d'être attaqués par des gens non malades, que l'inverse. L'événement qu'évoque Nicolas Sarkozy dans son discours d'Anthony en 2008 est l'exception. Alors pourquoi nous stigmatiser ? Et pourquoi vouloir soumettre cette loi en urgence, alors qu'elle est loin d'être anodine, et qu'elle est lourde de conséquences pour nous ?

 

En fait, cette réforme est complètement centrée sur une prise en charge autoritaire de la maladie psychique, contre la liberté individuelle et contre toute logique de résultat parce qu'elle ne prend pas en compte l'idée d'un contrat responsable entre patient et psychiatre, et donc la possibilité pour le patient de négocier sa prise en charge librement avec les soignants, ce qui garantit l'observance du soin.

Les soins efficaces, qui laissent au patient la possibilité d'adhérer librement au soin et lui permettent donc d'être un je-sujet de son être, de sa vie, capable de penser sa maladie, la mettre en perspective, en comprendre la source de ce fait, la désamorcer en partie ou complètement, et éviter un éventuel passage à l'acte, les soins qui permettent le lien transitionnel avec les soignants, les soins humains, la parole, les entretiens, les activités sociales et créatives, ces soins efficaces ne sont pas soutenus par cette loi, au contraire elle les met en péril, contre toute raison. De plus, contraindre aux soins médicamenteux certains patients est si violent que l'ambiance des unités de soins psychiatriques s'en trouvera détériorée.

Poser un jugement de dangerosité et d'"irrécupérabilité" sur un patient, c'est lui donner la sensation qu'il est traqué, par tous et partout, et cela favorise les passages à l'acte violents. Or les malades psychiques ont souvent subi une maltraitance dans leur jeunesse, source de pathologies. Car c'est par trop de souffrance que l'esprit cherche des solutions qui parfois génèrent des pathologies. Verrouiller encore plus l'hôpital psychiatrique, l'enfermement et la médication, les considérer comme dangereux, à vie, n'est donc pas la solution à cette souffrance.

 

Cette loi nous propose d'aller mal, à vie. Elle est totalement contre-productive. Qui y gagne ? Ni les malades, ni la société, ni la sécurité.

 

Déjà, nous connaissons depuis quelques années une augmentation des hospitalisations d'office, pas parce que nous sommes plus dangereux ou plus nombreux à être malades, mais parce que beaucoup de structures de proximité, intermédiaires, qui accueillaient la parole des patients, on été fermées, alors qu'elles constituaient un véritable outil de prévention des risques et dont se saisissaient les patients. Celles qui restent manquent de moyens, de personnel, les attentes pour des rendez-vous sont dangereusement longues. Telle structure a vu en quelques mois son nombre d'hospitalisations d'office être multiplié par… 10 ! Par 10 ! Alors que les pathologies restent les mêmes. Que se passe-t-il ? Le préfet semble signer l'enfermement à tour de bras, comme le psychiatre, mais hésite à signer les levées : ils ont peur d'être jugés trop laxistes… non pour le bien du patient, ni pour celui de la société ! Voici des conséquences déjà visibles de l'esprit de cette loi.

Toute hospitalisation d'office est toujours extrêmement violente pour le patient. Tous nos témoignages personnels sont terrifiants. Nous en gardons un traumatisme à vie. L'hospitalisation doit de toute façon être soigneusement réfléchie et durer le moins possible. Or ce n'est pas du tout le sens de cette loi.

Si le grand public et notre entourage sont amenés à penser que nous sommes dangereux au point de nous contraindre, de nous enfermer à ce point, de nous contrôler à ce point, de nous "judiciariser" et qui plus est, d'urgence, quelle image de nous et quelle réaction vont-ils avoir ? Et nous, quelle image pouvons-nous avoir de nous-mêmes ? Et vous, si vous craquez ? Comment va se comporter une population persuadée que tous les malades sont dangereux, ou que tous les dangereux sont enfermés ?

Aussi, dans un souci d'efficacité des soins, comme dans un souci d'une société capable de se pencher avec raison sur les véritables dangerosités dans notre vie à tous, dans un souci de justice et de justesse, nous refusons chaque terme de cette réforme. Ces actes risquent d'être perpétrés en votre nom, en notre nom.

Ne sacrifions pas des citoyens qui souffrent, qui se battent individuellement pour se soigner, et toute la profession qui avait tant progressé pour le bien de toute la société. Nous souffrons de ce projet. Nous faisons peu de bruit parce que nous sommes surtout occupés à tenir et nous soigner. Mais nous sommes là, nombreux, à vouloir nous soigner correctement et rester citoyens libres et responsables.

Ne nous enfermez pas dans des hôpitaux-prisons, dans une image terrible, dans des contraintes et des protocoles de soins stéréotypés, par peur ! Au nom d'un principe illusoire de précaution. Aidez-nous, au contraire, car nous souhaitons aller mieux, souffrir moins et avoir notre place, utile et légitime, dans notre société.

Mesdames et messieurs les députés, vous nous représentez, nous vous demandons de porter nos voix et notre refus légitime de cette loi, lors du débat à l'Assemblée Nationale.

Veuillez recevoir nos salutations citoyennes.

Les patients et animateurs de RADIOCITRON.COM

Une émission récente avec Pierre Sadoul, membre du collectif des 39 : http://www.radiocitron.com/index.php?pisteId=393&pisteEmision=1&page=0&PHPSESSID=6240158b8aa553b0e1512778e2126e05

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>Une réforme absurde et dangereuse des soins sous contrainte

Pourquoi absurde ? Des soins sans consentement ! Impossible ! Soin et consentement vont de pair. A moins de limiter les soins psychiatriques à une prise de médicaments. Nous revendiquons le droit et l'accès aux soins psychothérapeutiques qui sont pour nous indissociables d'un traitement adéquat. Quelque soit la théorie appliquée (thérapie comportementale, institutionnelle ou psychanalytique), celle-ci devrait d'ailleurs être "explicitée" systématiquement au patient par son médecin thérapeute, c'est une démarche personnelle de la part du malade qui bien sûr nécessite sa pleine adhésion. Il ne peut y avoir stabilisation de son état que par des soins complets: un traitement adapté et un travail psychothérapeutique.

Nous ne cessons d'entendre que le système judiciaire est engorgé de toute part, il faut tout de même rappeler que les H.S.C (hospitalisations sous contrainte) représentent plus de 7.4000 hospitalisations par an! Comment les juges des libertés et de la détention (J.L.D) vont-ils pouvoir faire face à ce surcroît de travail? Avec quelles compétences spécifiques à part celle de consulter les avis médicaux? De plus il est précisé que l'intervention d'un juge judiciaire garantit le principe du contradictoire, c'est-à-dire que le patient pourra alors être représenté par un avocat lors de ses démarches… mais cet avocat encore faut-il pouvoir le contacter, le trouver, le payer et nous pensons que cela est rendu très difficile voire impossible par une situation d'H.S.C.

 

Pourquoi dangereuse ? Le passage à une durée de 72h d'observation (24h auparavant) avant que le médecin ne se prononce laisse en effet la porte ouverte aux abus à l'encontre du patient. Cette durée ressemble plus à une "garde à vue" qu'à une période de soins pourtant primordiale. Qu'en est-il des visites de la personne de confiance désignée par le patient durant ces trois jours ? Une plus grande réactivité et donc une levée des HDT et HO selon l'état du malade nous paraît indispensable, les délais des décisions nous paraissent trop longs ! Passez donc quelques semaines dans un hôpital psychiatrique et vous comprendrez. Certes il y a quelques petites choses à faire dans certains pavillons mais c'est trop rare par manque de moyens et de personnel.

L'argent mis à construire des chambres d'isolement et à installer des barricades (70 M€ ! pour le plan de sécurisation ) aurait pu être utilisé afin d'améliorer les conditions d'hospitalisation et donc, j'en suis persuadée, de diminuer la durée moyenne des "séjours" des patients dans ces établissements (en 2009: 52 jours en HL, 60j en HDT et 95j en HO).

"Précaire" signifie "qui n'offre aucune garantie, qui peut toujours être remis en cause". Or la condition humaine est vulnérable certes, mais non "précaire" dans le sens où elle ne peut pas être remise en cause comme l'affirme le président d'ADVOCACY France. Cela signifierait alors que certaines personnes pourraient ne pas être dignes de faire partie de l'humanité. C'est ce que l'on veut nous faire croire en appliquant une norme dans notre société et en enfermant, en rendant clandestins ceux qui ne peuvent s'y conformer. Il est vrai qu'aujourd'hui nous vivons dans la précarité, mais c'est celle engendrée par le fonctionnement même de notre société.

Les H.S.C (auparavant hospitalisations sous contrainte devenues soins sans consentement!) doivent rester des exceptions et non un moyen de contrôler la population dans un but normatif. Les critères énoncés dans la réforme de la loi de 1990 prêtent à interprétation libre de la part du décideur (juge, maire ou préfet…): il y est stipulé qu'en cas de "péril imminent" une H.S.C doit être prononcée. Une atteinte à l'ordre public, même qualifiée de "grave" (ce qui demande des précisions), n'est en aucun cas un critère valable pour un internement sous contrainte systématique. Selon nous l'H.S.C se justifie uniquement si il y a un danger pour une personne (le patient ou un tiers) ou bien si il y a une perte d'autonomie de la personne c'est-à-dire que le patient n'est pas en capacité de choisir pour lui-même.

L'intervention d'un juge pourrait impliquer une dérive dangereuse entre HDT, HO et mise sous tutelle/curatelle qui reste une décision lourde de conséquences pour le patient et son entourage. Il faut de plus noter la difficulté de sortir de ses systèmes de tutelles/curatelles. En effet c'est la personne concernée qui doit aujourd'hui payer l'expert psychiatre qui se prononcera sur la levée ou non de la mesure de protection. Nous retiendrons que cette somme est loin d'être négligeable pour un petit budget. De plus pour quelqu'un qui doit justifier de ses dépenses auprès de son curateur/tuteur il est d'autant plus compliqué de le faire quand c'est dans le but de supprimer le rôle de cette tierce personne.

La réforme de la loi de 1990 suscite un amalgame dangereux entre délinquants (qui relèvent de la justice) et malades (qui nécessitent des soins psychiatriques appropriés). Cela ne fera que renforcer les méprises telles que l'emprisonnement de malades et inversement (même si cela paraît plus rare) l'hospitalisation d'auteurs de délits alors qu'ils ne relèvent pas des soins psychiatriques. L'intervention du juge des libertés et de la détention à postériori (15 jours après la première décision) ne fait que renforcer cette confusion. Le patient est donc moins perçu comme personne souffrant d'une pathologie que comme un danger. Auparavant nous pouvions déplorer une réduction du patient à sa maladie, aujourd'hui il y a en plus confusion de la personne souffrante à un sentiment d'insécurité qui ne cesse d'être invoqué par les politiques.

Objets d'exclusion par la peur nous ne resterons pas silencieux !

"objets" oui, car le vocabulaire utilisé dans ces textes de lois nous réduisent à cet état.

 

Cécile Aventurier

 

Article d'origine, contes de la folie ordinaire, édition de Mediapart : http://blogs.mediapart.fr/edition/contes-de-la-folie-ordinaire/article/170211/loi-1990-reaction

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Lettres de psychotiques (magazine Books-février 2011)

Après la publication de ses « Confessions d’un schizophrène (1) », Luiz Ferri Barros a commencé à recevoir des lettres des quatre coins du Brésil. Nous publions des extraits de deux d’entre elles, et l’une de ses réponses.

Le Livre

Un ange facteur. Correspondance de la psychose

par Luiz Ferri Barros 

Imago

Babel, 18 août 1993

Cher Lucas (2),

Le fait est que nous sommes comme frère et sœur. J’ai découvert que je souffrais de cette maladie et, grâce à votre livre, j’en ai eu la confirmation.

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>Ce jour-là, Sally a basculé ( Magazine Books-février 2011)

Courant dans le flot des voitures, sûre de pouvoir les arrêter du simple fait de sa volonté… Aujourd’hui pudiquement baptisée trouble bipolaire, la psychose maniaco-dépressive touche, comme la schizophrénie, 1 % de la population.

Le Livre

Le jour où ma fille est devenue folle

par Michael Greenberg 

Flammarion

« Le 5 juillet 1996, commence Michael Greenberg, ma fille a été prise de folie. » L’auteur ne perd pas de temps en préliminaires, et le livre avance promptement, de façon presque torrentielle, à partir de cette phrase introductive, à l’unisson des événements qu’il rapporte (1). Le déclenchement de la manie est soudain et explosif : Sally, sa fille de 15 ans, était dans un état survolté depuis quelques semaines, écoutant les Variations Goldberg par Glenn Gould sur son Walkman, plongée dans un volume de sonnets de Shakespeare jusqu’à des heures avancées de la nuit. Greenberg écrit : « Ouvrant le livre au hasard, je découvre d’invraisemblables griffonnages faits de flèches, de définitions, de mots entourés au stylo. Le Sonnet 13 ressemble à une page du Talmud, les marges remplies d’un si grand nombre de commentaires que le texte imprimé n’est guère plus qu’une tache au centre de la feuille. » Sally a également écrit des poèmes troublants, à la Sylvia Plath (2). Son père y jette discrètement un coup d’œil. Il les trouve étranges, mais ne songe pas un instant que l’humeur ou le comportement de sa fille soit de quelque manière pathologique.

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>John Strauss : « La réalité échappe aux manuels de psychiatrie » (Magazine Books-février 2011)

Ni la schizophrénie ni la psychose maniaco-dépressive ne peuvent faire l’objet d’une définition précise. Le danger est grand de donner aux mots plus de réalité qu’ils n’en ont vraiment, car la psychiatrie n’est pas une science. L’admettre lui permettrait de mieux explorer la subjectivité des malades, et donc leur traitement.

Books : Vous avez plus de quarante ans de pratique auprès de patients atteints de schizophrénie. En quoi consiste cette maladie ? Peut-on la définir ?

John Strauss : La schizophrénie est un mot en usage depuis un siècle environ pour désigner certains types de malades. On perd le sens du réel, on éprouve des hallucinations, on entend des voix, on délire. Mais, comme les autres mots utilisés en psychiatrie pour désigner telle ou telle forme de pathologie mentale, c’est une construction du corps médical. On veut croire que c’est un concept clair, qui désigne nettement son objet, mais ce n’est pas le cas. Beaucoup de définitions de la schizophrénie ont été données au fil du temps (1). Et il n’existe pas de frontière nette entre la schizophrénie et certaines formes de psychose maniaco-dépressive. Ainsi parlons-nous de trouble « schizo-affectif » pour désigner un état dans lequel le patient entend des voix et est en même temps hyperactif ou, au contraire, déprimé. On est alors quelque part entre la schizophrénie et la maladie maniaco-dépressive. De même, il peut y avoir des éléments de paranoïa dans une schizophrénie ou dans une maladie maniaco-dépressive ; mais la paranoïa peut ne relever ni de l’une ni de l’autre. Depuis quelques années, on a remplacé la notion de maladie maniaco-dépressive, ou manie, par celle de maladie bipolaire. Mais ce qu’on appelle « bipolaire » peut relever du maniaco-dépressif ou simplement du dépressif (lire ci-dessous « La mode du “bipolaire” »).

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>La Fnapsy ne soutient plus le projet des pairs-aidants : réponse du Centre Collaborateur de l'Organisation Mondiale de la Santé pour la recherche et la formation en santé mentale

En préambule, nous notons que dans le rapport du bureau de la Fnapsy apparaît une confusion constante entre les quatre positions suivantes : usagers des services de santé mentale, responsable d’association d’usagers, chargé de mission national pour le projet médiateurs de santé/pairs.


INTRODUCTION – RAPPORT FNAPSY

« La FNAPSY participe, depuis plusieurs années, à l'étude du projet « Pairs-aidants » rebaptisé depuis « Médiateurs de santé-pairs »

L'approfondissement de ce projet a confirmé les craintes exprimées dès le début par la FNAPSY.

Un voyage au Québec a permis de constater que la réalité dans ce pays était loin de la présentation qui en était faite.

Le déroulement des premiers mois de travail a mis en lumière l'incommunicabilité entre professionnels et usagers, et la quasi impossibilité de créer et de faire vivre harmonieusement des équipes communes.

Tirant les leçons de ces constatations le bureau de la FNAPSY a décidé, dans sa séance du 7 janvier 2011, faisant suite à la réflexion du conseil d'administration du 27 novembre 2010, de se retirer de ce projet.

Le présent rapport a pour objet de diffuser les renseignements recueillis lors de cette participation et de détailler les raisons de cette décision ».



REPONSE DU CCOMS


Le CCOMS prend bonne note « des craintes exprimées dès le début par la FNAPSY » concernant ce projet. Il avait noté les réticences de celle-ci tout au long du projet expérimental et s’était étonné du ralliement positif de la FNAPSY à ce projet le dernier jour de la formation des pairs-aidants dispensée par l’équipe québécoise à Lille en septembre 2009. Nous l’avions attribué d’une part au dynamisme évident du projet québécois, et d’autre part à la demande de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) d’inclure la Fnapsy au projet. 


Le voyage d’étude au Québec de l’équipe projet « médiateurs de santé/pairs » en novembre 2010 a mis en évidence non seulement les limites mais également les réalités d’un projet innovant et de l’espoir qu’il suscitait chez les usagers et les équipes de santé mentale. 


Il est tout à fait possible de communiquer harmonieusement entre usagers et professionnels non usagers à la condition que chacun soit à sa place et dans son rôle. Les exemples québécois, américain et marseillais sont là pour le prouver (…)

 

document complet à télécharger (12 pages) : Reponse CCOMS

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>Un point sur : les conséquences législatives truquées de la Décision du Conseil constitutionnel

Sur la Décision relative à l’intervention du juge judiciaire quant au maintien des hospitalisations sans consentement

Il s’agit de comprendre en quoi et avec quelle portée est truqué le texte rectificatif de projet de loi du gouvernement, présenté pour l’application de la Décision du Conseil Constitutionnel du 26 novembre 2010, constatant la nécessité d’intervention du juge judiciaire pour les maintiens en hospitalisations psychiatriques sans consentement au-delà de quinze jours (cf. les extraits de textes en Référence en pied du présent article). Le rédacteur du présent exposé est juriste de droit public. Il s’agit non pas d’un article au sens général du terme, mais d’un exposé partant de points de droit, et donc non de philosophie — à supposer que la philosophie puisse ignorer les points de droit, le droit ne dépend en rien de la philosophie (sauf s’agissant des textes supérieurs que sont les constitutions, textes et principes de cette nature, et les déclarations des droits de l’homme).

Une fois le trucage précité et sa portée exposés, il sera loisible au lecteur d’en tirer toutes inférences ou déductions de nature philosophique ou politique, à ce propos. Continuer la lecture de >Un point sur : les conséquences législatives truquées de la Décision du Conseil constitutionnel

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>Vol au dessus d'un nid de tabous

C’est fou ce que parler de la folie peut engendrer. Le site du collectif des 39 s’est transformé l’espace d’une semaine en petite foire d’empoigne. Il faut dire que tout ça part d’un communiqué du collectif réagissant à la décision du Conseil Constitutionnel. Il semble acquis que le collectif se devait de répondre à ces messieurs dames nommés par Notre Président National (ainsi que deux autres de son bord qui tapent du marteau pour l’un à l’Assemblée et l’autre au Sénat). Les psychiatres parlaient donc au Conseil. Et les «usagers» hurlaient au loup. Parce que si vous n’êtes ni usager défenseur des usagers de la psychiatrie ou soignant en psychiatrie, vous n’arrivez pas vraiment à comprendre. D’un côté un texte un peu ampoulé (le communiqué), il faut bien le dire, pas toujours évident à saisir mais déclarant en substance que le juge n’a rien à faire dans l’accueil de la folie et que l’hospitalisation en psychiatrie n’est pas une privation de liberté équivalente à la prison. De l’autre, des usagers «emballés» par la décision du conseil qui déclarent la «guerre» aux membres du collectif, devenus pour le coup des suppôts d'une psychiatrie toute puissante voulant conserver ses droits à "enfermer comme bon lui semble".

 

Comment s’y retrouver dans tout ça ?

 

Non, c’est vrai à la fin, on n’y comprend plus rien ! Le collectif défend une psychiatrie humaniste, milite contre le sécuritaire en psychiatrie et voilà donc qu’ils montreraient leur vrai visage de «privateurs de libertés» en étant simplement pas d’accord avec une décision du Conseil Constitutionnel de mettre un juge dans le coup ? Parce que cette décision de mettre un juge dans la boucle serait obligatoirement «bonne», plus humaine, les aideraient plus, les patients ? Si l’on essaye de suivre le raisonnement du côté des patients, on arrive mieux à comprendre leur emportement positif d’un côté (le juge) et leur indignation de l’autre (le communiqué qui ne veut pas du juge). Ceux qui sont montés au créneau déclarent en substance que l’hôpital ne peut être un lieu de non-droit, que le malade doit avoir des droits comme les autres personnes et que par conséquent il est normal et indispensable qu’un juge puisse se pencher sur son cas après 15 jours d’hospitalisation sans consentement. Et que ceux qui ne seraient pas d’accord avec cette obligation du juge seraient en fait les défenseurs d’un hôpital psychiatrique privant de libertés les citoyens sans avoir la possibilité de se faire entendre par la justice, comme tout le monde. 

 

Ca se complique, mais on peut simplifier quand même, enfin pas vraiment.

 

Ce qu’il ressort de flagrant c’est la vision très légèrement différente de l’hospitalisation qu’ont les usagers et les soignants. Du côté des premiers, l’hospitalisation sans consentement est une privation de liberté anormale puisque basée sur des critères purement médicaux. De l’autre, une obligation médicale. L’accord des deux ne paraît pas simple. Parce que l’hospitalisation dont tout le monde parle c’est celle de quelqu’un qui vit la folie. Pas juste quelqu’un qui a un bobo : un fou quoi. Un délirant qui voit des trucs que les autre ne voient pas ou croit qu’il est le messie, ou en communication avec une puissance extra-terrestre, que sais-je encore ? Peut être quelqu’un qui a lancé autour de lui qu’il allait se supprimer aussi. Ce quelqu’un inquiète ses proches, qui l’amènent voir le médecin et son hôpital plein de blouses blanches. Et il ne veut pas rester dans l’hôpital, pour peu qu’il soit convaincu d’un complot à son égard avant d’arriver, on comprend qu’il ne veuille vraiment pas. Alors la question, c’est : qu’est-ce qu’on fait ? On le laisse partir s’il veut pas rester ? Inquiétant quand même, et puis les proches, ils vont avoir vraiment la trouille. Le garder, oui, mais il veut pas. Bon, on le garde contre son gré et on tente de faire qu’il arrête de penser que tout le monde entend ses pensées ou que les voix qui l’insultent cessent. Donc c’est sans son consentement. Mais c’est pour le soigner. Mais il n’a plus le droit de faire comme il veut. Oui, mais il est pas en mesure de savoir ce qu’il veut parce qu’il est délirant ! Ah le dilemme. C’est insoluble cette affaire, non ?

 

Et si le problème n’était pas que le patient soit privé de liberté ? 

 

Oui, ce n’est pas très politiquement correct de dire ça, mais quand même. L’accueil de l’hôpital psychiatrique pour les gens en crise (et donc en HDT ou en HO), c’est pyjama, gros médicaments qui assomment, personnel pas en forme parce qu’en sous-effectif, locaux des années 60 et attente que la nuit vienne remplacer le jour et vice-versa. C’est sûr qu’en terme d’accueil, on pourrait faire mieux. Et là, on se dit qu’avec des conditions aussi minables et une thérapeutique à peu près inexistante, le patient, il se sent nié. Il a la sensation d’être un taulard, avec des blouses blanches au lieu de matons. Pour le reste, le cadre est proche de la taule, surtout si il a passé quelques jours dans la chambre d’isolement, encore plus si il a été mis en contention : attaché à son lit comme un animal rétif. Alors, maintenant, grâce à la décision du conseil constitutionnel, il aura son joli dossier, le patient, qui sera envoyé à un juge, après 15 jours. Le juge va vérifier que tout est bien conforme. A quoi ? On ne sait pas, mais il vérifiera. Là, je tiens à dire que pour l’observateur extérieur c’est assez bizarre, on ne comprend pas vraiment ce que ce juge va faire si il estime que c’est pas conforme malgré que le psychiatre dise qu’il est pas guéri, le patient. Demander à ce que le patient sorte ? Contre l’avis du psychiatre ? Ah. Et si le patient pète les plombs dehors le lendemain ? Rebelotte ? Les tiers qui le ramènent, ou les forces de l’ordre qui l’incarcèrent. Bon, la question ne se pose pas puisque c’est un juge et que la liberté, les droits de l’homme ont été respectés. Essentiel ça, les droits de l’homme, une caution imparable. Et si les juge vérifient tout le temps que tout est conforme, on aura une psychiatrie…conforme. Donc les locaux des années 60, les gros médicaments et les chambres d’isolements pourront tourner sur elles-mêmes avec des soignants en sous effectifs qui travaillent 15 heures d’affilées au milieux de patients bien protégés par la justice et les droits de l’homme. Hourra ! Victoire !

 

Conclusion sur une «possibilité probable» de l’utilisation du juge comme garantie imparable (aux soins ambulatoires contraints).

 

J’ai ouï dire qu’au printemps une belle loi sur la santé serait votée par la majorité du président de tous les Français. Dans celle-ci seront inscrites quelques petites choses «amusantes» pour garantir la sécurité des malades mentaux et de la société qui entoure les malade mentaux. Oui, on protège les deux, c’est mieux. Il y aura, par exemple, l’obligation de soins. C’est à dire que le patient schizophrène rentré en HDT pourra sortir de l’hôpital avec la garantie qu’un juge aura bien vérifié son dossier. Mais une fois dehors il sera sommé d’aller prendre des médicaments. Mais attention,  avec la justice qui aura bien vérifié que tout est conforme, que les droits de l’homme auront bien été respectés. Le bracelet électronique sera utilisé dans le cas où le schizophrène aura été violent ou aura donné des «signes de dangerosité». Cela aussi aura été validé par un juge. Et cette mesure de bracelet sera encadrée par le droit, pour le bien de la personne et de la société. Personne ne pourra dire que forcer des malades mentaux à prendre des médicaments, sans être enfermés à l’hôpital, avec la possibilité de sortir d’une hospitalisation sous contrainte grâce à un juge est une mauvaise chose. Puisque tout aura été vérifié, mis en conformité avec les droits de l’Homme ! Quant à les obliger à prendre des médicaments, puisque la justice sera passée par là et que les patients ne seront plus enfermés abusivement, où est le problème ? 

 

Pour finir sur une note plus optimiste et moins ironique : la question de l’accueil des patients en HDT ou HO semble beaucoup plus centrale que l’apparition d’une justice entourée d’un vernis «droit de l’hommiste». De l’accueil de ces patients, mais aussi des soins réels apportés au delà du traitement de crise (on ne parle plus de psychothérapie institutionnelle, c’est impossible en HP ?)

 

Qu’en est-il de la formation du personnel ? De la qualité relationnelle entre ces personnels et les patients ? A quand une réelle volonté de moyens pour permettre que les patients sortent le plus tôt possible de ces moments difficiles de mise à l’écart ?

 

Patients qui pourraient effectuer un «séjour contraint» mais respectueux, humain, thérapeutique et accueillis simplement comme des personnes en souffrance par des personnels soignants bien formés et en nombre suffisant ?

 

 

P.H

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>Décision du conseil constitutionnel sur l'hospitalisation sous contrainte : les soignants réfléchissent…(Interview Vidéo)

Le Conseil constitutionnel a censuré vendredi 26 novembre un article du code de la santé publique, estimant que l'hospitalisation sans consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux ne pouvait être prolongée au-delà de quinze jours sans l'intervention d'un juge. Cette décision doit être appliquée avant le 1er juillet 2011.

Cette décision fait débat dans le monde de la psychiatrie : la crainte d'une "judiciarisation des soins en psychiatrie" se confronte à une forme de victoire du droit pour les patients, sachant que la loi de 1990 ne laisse actuellement qu'au seul tiers et au psychiatre le droit de déterminer la sortie d'un patient hospitalisé en HDT. 

Ce sont donc les soins sous contraintes qui sont peut-être au cœur de cette décision du conseil constitutionnel, et à termes, les nouvelles procédures d'obligations de soins psychiatriques en ambulatoire poussées par le chef de l'état depuis son discours du 2 décembre 2008.

A question complexe, réponse complexe : nous sommes allés demander à Paul Machto, Médecin Psychiatre, responsable du centre de jour de Montfermeil (Unité d'accueil de jour du 15ème secteur de Seine Saint Denis) et membre du collectif des 39 ce qu'il pensait de cette décision.

Interview de 14 minutes, le 01/12/2010 :

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>De la République compassionnelle

Longtemps je me suis couché…en me disant qu’il faudrait bien qu’un jour, je me décide à mettre un terme, un point final, à cette chronique qui m’asservit. Je ne dirai pas qu’elle m’assomme, même si je viens de l’écrire : c’est bien là le piège de l’écriture. Il serait plus juste d’écrire qu’elle me pompe. Vous pouvez  déjà vous douter que j’ai quelques raisons de me trouver de méchante humeur. En fait, je voudrais déroger au style habituel de mon exercice mensuel, mais je ne sais pas comment m’y prendre. C’est  l’indice d’un embarras, le même que j’ai éprouvé en entendant le Président de la République, le 2 décembre dernier , à l’EPS Erasme d’Antony , Hauts-de-Seine, département dont il avait auparavant présidé le Conseil Général.

Il faut  préciser que ma chronique doit être impérativement livrée la dernière semaine du mois précédant la parution du Mensuel et que je ne serai peut-être plus dans le même état d’esprit lorsque vous la lirez. Aujourd’hui, je suis blessé de m’être senti obligé d’écouter ce discours, au milieu de ceux qui avaient été conviés, du fait de leurs responsabilités institutionnelles, à venir entendre de leurs oreilles qualifiées, les propos du Président de la République sur l’hospitalisation psychiatrique.

Pris dans cette nasse, mes collègues et moi-même avons commencé par échanger des regards incrédules, tandis qu’en face de nous, du haut d’une tribune au fond de laquelle on avait pris soin d’aligner une brochette de figurants, un petit homme en costume d’ordonnateur, s’agitait avec force mimiques et un mouvement singulier du bras droit qui l’aidait à scander certaines de ses paroles les plus fortes : c’est un développement saccadé du bras, qu’il étend au fur et à mesure que la phrase se déroule, à la façon de certains professionnels du prétoire, bien que sans doute moins ample que  chez ceux qu’on appelle « ténors du barreau ». Il manifestait sa compassion pour les proches d’un disparu et interpellait la communauté : « J’ai été choqué de ne pas entendre beaucoup de mots pour la famille de la victime ! ». Il faut dire que la victime « avait eu le malheur de croiser le chemin de l’assassin », et que l’assassin en question était « une personne éminemment dangereuse (…) qui avait déjà commis plusieurs agressions très graves… ». L’homme en noir demandait qu’on se mît à sa place : « Je dois répondre à l’interrogation des familles des victimes que je reçois . » Je comprenais pourquoi il semblait si sérieux, si préoccupé : il devait sans doute repartir très vite, dès la fin de sa longue  homélie, pour aller recevoir d’autres familles d’autres victimes. C’est sans doute aussi pourquoi il annonçait, l’air irrité, qu’il allait mettre un terme au laxisme qui avait préludé à ce drame. Cela suffisait ! Continuer la lecture de >De la République compassionnelle

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>La splendeur perdue des asiles

Article de la revue Books – N°18 – Décembre 2010

Les hôpitaux psychiatriques ne sont pas seulement des lieux de souffrance. Ce sont aussi des refuges où les malades trouvent une reconnaissance, un respect, une communauté. Leur fermeture massive, à partir des années 1960, a souvent aggravé la situation des aliénés. Saisissant aujourd’hui leurs bâtiments à l’abandon, le photographe Christopher Payne montre à quel point les asiles américains étaient des lieux de vie, où la détresse le disputait au grandiose.

L’aile des patients, à l’hôpital de Buffalo. L’asile offrait une vie étriquée, sans doute, mais protégeait les patients des agressions que leur réservait habituellement le monde extérieur.

Dans notre imaginaire, les hôpitaux psychiatriques sont des lieux de cauchemar, synonymes de sordide, de chaos, de détresse et de brutalité. À l’abandon, la plupart affichent désormais porte close. Mais nous continuons de penser avec effroi aux êtres naguère enfermés entre leurs murs. Il est donc tout à fait salutaire d’entendre le témoignage d’une internée, une certaine Anna Agnew, jugée folle en 1878 (époque où ce type de décision était prise par un juge, non par un médecin) et « mise à l’écart » à l’hôpital psychiatrique de l’Indiana. Elle avait fait des tentatives de suicide de plus en plus désespérées et essayé d’empoisonner l’un de ses enfants avec du laudanum.

Lorsque l’institution se referma sur elle, Anna ressentit un profond soulagement. Le soulagement, surtout, de voir sa folie enfin reconnue. « Avant même la fin de ma première semaine à l’asile, écrivit-elle plus tard, j’éprouvais plus de contentement que je n’en avais ressenti jusqu’alors en une année entière. Non que je fusse réconciliée avec la vie, mais mon triste état mental était enfin compris, et j’étais traitée en conséquence. En outre, j’étais entourée de personnes qui connaissaient le même type de malaise et d’égarements, et je m’intéressais de plus en plus à leurs souffrances, avec une compassion croissante. En même temps, j’étais moi aussi traitée comme une aliénée, bienveillance dont on ne m’avait jamais gratifiée auparavant (1). » Continuer la lecture de >La splendeur perdue des asiles

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