lundi 27 avril 2009
Archives de catégorie : Rencontres
>Uzès : La création du collectif 17/89
Dimanche 26 avril 2009
« C’était le 17, nous étions 89 * »
Une assemblée-forum (concoctée sans mollir, en l’espace d’un mois), pensée comme une rencontre inaugurale, associée à la formation continue, avec, sans sous-entendu, le lancement d’un collectif local à la fin de la journée : Se rassembler (fait devenu trop rare entre les personnels) et prendre le temps de penser face aux réformes menées au pas de charge.
5 interventions d’un quart d’heure ont déroulé le fil de l’actualité et des mesures en cours, analysé les conséquences sur les pratiques et redéployé, chacun sa manière, les valeurs qui nous sont chères, de celles qui fondent le travail dans la rencontre avec la folie : Etats des lieux/Etats d’esprits. Merci aux intervenants : Yves Gigou, Serge Klopp, Simone Molina, Hervé Bokobza, du collectif « Nuit sécuritaire », ainsi qu’à Madeleine Convent, infirmière au Mas Careiron. 5 interventions suivies de débats et scandées par une lecture à voix haute de lettres choisies, adressées aux président de la république. Les lire, c’est une chose, les entendre, c’en est une autre. Merci à Bernard Babkine (écrivain, critique littéraire, président du festival Uzès-Danse) qui les a mise en voix ainsi qu’à Emmanuel Natali (infirmier) qui a aussi prêté la sienne. Interroger le politique, garder le lien avec la clinique, tel fut l’angle d’attaque de cette après-midi et le point commun de ces approches.
Interventions et débats :
De « comment en est-on arrivé là ? » à « comment résister ? », nous vous passons les détails (nous vous invitons à lire d’ici peu, le compte rendu plus détaillé sur le blog en projet du collectif 17/89 d’Uzès).
L’accent fut mis sur la nécessité au quotidien, de se tenir, coûte que coûte, auprès des patients, de rester des cliniciens. Oser dire « je »(S.Klopp), oser dire « non » face aux dérives (du langage gestionnaire « désincarnant » par exemple, face aux temps de parole, de réunion « confisqués »etc…) « La fonction soignante n’est pas une technique mais implique une éthique et la nécessité de faire appel à sa propre créativité dans le travail. »(S.Molina) Seule garantie pour rester sujet et le garantir de même, à celui qu’on accueille.
Pour cela : s’appuyer sur le collectif dont la création fut proposé à l’issue des débats, être à plusieurs, se sentir soutenu dans cette reprise de parole.
La création du collectif 17/89 :
Si le coup pouce « formation continue » était là pour facilité la reconnaissance (d’une réflexion nécessaire) et la venue des personnels, la suite, c’est bien évidemment de tenir ce collectif hors des sentiers balisés de la formation – liberté oblige – celle notamment de l’ouvrir à tout citoyen, qui se sent concerné par les questions de santé mentale, de près ou de loin, patients compris. Projet de blog (d’ici 15 jours) avec lien réciproque – site Nuit sécuritaire.
A suivre donc.
Au final :
Une journée conçue, donc, pour que chacun puisse entendre et cueillir « ce que bon lui parle ». Une belle bibliographie de textes et livres cités à l’appui de la réflexion, pour approfondir. Un succès local, enfin, en ce vendredi après-midi, de vacances. Une salle comble et attentive, qui l’est restée jusqu’à 19h30. Et le passage tout aussi attentif du directeur. Des retours positifs en provenance des personnels, bien décidé à poursuivre les échanges.
* Le compte est bon : vé-ri-di-que ! L’inconscient révolutionnaire tout de même.. !
Plus d’infos sur le blog : Uzes Psy Blog
>A Ville-Evrard (IDF) : Les 39 du 9-3
Mercredi 22 avril 2009
Des nouvelles du 9-3
Ce fut une vraie surprise de nous retrouver si nombreux pour une première rencontre. Diversité catégorielle, diversité des secteurs, des lieux d’exercice, intra et extra-hospitaliers
Prise de paroles, désir de paroles et de faire quelque chose, tant pour relayer sur un plan local l’initiative des 39 ( démarches auprès d’élus pour soutenir la revendication du moratoire ) que refuser des budgets pour le sécuritaire, recenser les entraves aux levées de HO, participer à la mobilisation contre la loi HPST, etc.
Le débat a été riche et a témoigné que les soignants ont envie de parler et de se parler, et d’agir …
On a rappelé que dans ce mouvement, chacun y est en son nom, qu’il n’est en rien opposé aux syndicats, que les syndicats et le collectif peuvent se nourrir mutuellement et s’articuler.
Beaucoup de thèmes ont fusé : • concernant nos pratiques, la clinique est notre socle commun, comment les transmettre ? • sur l’évaluation ? comment se la réapproprier, plutôt que de se la laisser imposer par l’extérieur ? • la certification comme entreprise abêtissante … • Le RIMPsy est nominé pour le Big Brother award !!! • sur l’alliance avec le champ culturel, les espaces de création ….. • la violence, l’agressivité, les chambres d’isolement, • la bureaucratie qui envahit et entrave les pratiques soignantes, . quelles modalités d’action avec les patients et les familles ? Comment aborder ces thèmes ? par le théâtre, par ex ?? Il faut dire aussi que la Direction de Ville Evrard a bien contribué à nous mobiliser : « Avalanches » récentes de notes de service, – pour supprimer les bouteilles d’eau pour les patients ( dans un pavillon les patients ont écrit une pétition et le Directeur a été interpellé par une patiente lors du rassemblement organisé par les syndicats pour le C.T.E. Il faut dire que l’eau qui coule des robinets est marron … « mais elle est bonne à boire, des tests ont été fait ! » dixit le directeur. – pour supprimer les lingettes et les limiter le nombre des couches culottes, – pour supprimer la possibilité pour les patients hospitalisés de faire laver leur linge à la blanchisserie centrale, – pour faire payer dès avril, les soignants qui déjeunent avec les patients dans le cadre des repas thérapeutiques dans les H.d.J.
Devant tant d’énergie, une deuxième réunion a été décidée … pour la semaine suivante, le 8 avril.
Lors de cette deuxième réunion : Rapidement, il émerge de nos discussions la nécessité de se centrer sur les « détails », d’axer les actions des 39 du 93 sur les dits-détails de la vie quotidienne. Faire de la micro politique et du grand bruit à partir de là, de notre quotidien et de ce qui crée l’usure, c’est à dire finalement, partir de la clinique et des pratiques. C’est à partir de là que l’on peut défendre une éthique des métiers, en disant ce que nous ne pouvons pas admettre, de relayer et par là même, ce que nous continuons à penser comme étant notre métier. ( a été évoqué le livre d’Armand Gatti, sur les arbres de Ville Évrard, et du coup dans une belle envolée poétique « parler des détails qui empêchent les cigognes de se poser sur les arbres de Ville Evrard » !!!). Chacun, dès lors, se trouve à avoir des choses à dire et à partager :
Question de la pénurie de médicaments suite au fonctionnement en « flux tendus » imposé par la pharmacie (plus de médicaments quand on a besoin de dépannage, les infirmiers doivent courir vers d’autres pavillons en cas d’agitation et de traitement manquants !!), – aberrations diverses, travaux invraisemblables et hors de prix quand il n’y a plus d’argent pour remplacer des postes ou employer des gens, des ordinateurs dans tous les bureaux et plus de soignants, Mais aussi, tout ce qui parle de l’envahissement administratif dans nos pratiques soignantes. Au sein même de cette question est discutée la place complexe des cadres, en première ligne, à qui l’on demande d’être des courroies pour faire fonctionner cette machine administrative sans plus se préoccuper du soin ou de questions cliniques. (cf les déclarations de Bachelot, le projet de l’implication de cadres dans le « collège » pour décider des sorties de H.O.) Dès lors, l’idée force qui se dégage serait de faire un état des lieux, dans chacun de nos services, de l’intrusion de la demande administrative dans les pratiques de soin, à travers tout ce qui semble être des détails mais qui empêchent de travailler. Ce sera donc le pivot de l’organisation d’un forum public : sorte de lecture à plusieurs voix, où chacun pourrait, un par un, prendre la parole, au sein et à partir du collectif, afin que nous puissions inventer des formes d’actions concrètes et de résistance dans nos pratiques. Mercredi 24 avril prochaine réunion pour préparer ce forum qui se tiendra
LE MERCREDI 3 JUIN A VILLE EVRARD, AUX ANCIENNES CUISINES de 18 H A 21H.
>Laxou (54) quiz : qui sommes-nous ?
Dimanche 29 mars 2009 :
Nous ne sommes pas des régisseurs du trésor public
Nous ne sommes pas des distributeurs automatiques de médicaments
NOUS SOMMES , NOUS SOMMES ……. DES INFIRMIERES DE SECTEUR PSYCHIATRIQUES QUI AIMENT LEUR TRAVAIL MAIS QUI DETESTENT CE QUOI VERS QUOI ON NOUS AMENE
Sandrine Leinen
Infirmiére de scteur psychiatrique , CPN LAXOU (54)
sandrine.leinen@orange.fr
>Où allons-nous en psychiatrie ?
Il faudrait que l’ensemble du monde psychiatrique arrive à se mettre d’accord sur la question suivante : Qu’est-ce qu’on fait, qu’est-ce qu’on devrait faire en psychiatrie ?
Il est évident que cette question en soulève bien d’autres et même, tellement, que cela produit une inhibition patente, particulièrement au moment où nous sommes confrontés à une véritable charge contre les malades et le service public de psychiatrie de secteur.
Je vais essayer de vous dire quelque chose et, pour ce faire, je vais vous poser cinq questions. J’ai écrit l’essentiel de ce petit texte en revenant de Paris samedi dernier d’une journée organisée par UTOPSY et où est intervenu le collectif de « la nuit sécuritaire ».
Ce serait vous mentir si je vous disais que je n’avais pas quelques réponses à ces cinq questions. Mais se poser quelques questions peut donner une direction aux réponses.
Iére QUESTION
Pensez-vous qu’il puisse y avoir une clinique sans politique ? Pensez-vous que la clinique, c’est à dire la façon, le chemin qu’on emprunte pour poser un diagnostic, même à titre d’hypothèse, et pour réfléchir à la façon dont on va soigner le patient, pensez- vous que tout cela n’a rien à voir avec le politique, c’est-à-dire la façon dont on envisage le rapport de chacun avec la chose publique ? Cette chose publique, c’est celle qui organise le fonctionnement économique et touche donc aux grands secteurs de la chose publique dont nous connaissons la triade : santé, éducation, justice. Mais on peut y ajouter la culture, etc…
2ème QUESTION
Pensez-vous qu’il soit possible de passer d’un système public de soins dont les coûts sont répartis sur l’ensemble des couches sociales à un système où l’organisation des soins, du diagnostic à la guérison ou à la stabilisation, ne soit réglée que par l’objectif de produire de l’argent et donc de soumettre l’ensemble du système de soins à une logique de production financière ?
3ème QUESTION
Pensez-vous qu’on puisse fonder un système de soins, donc des pratiques de soins, articulé autour d’objectifs de rentabilité, de profits financiers et parvenir ainsi, un jour, à trier les patients en fonction de ce qu’on pourrait appeler leur coefficient de rentabilité ?
4ème QUESTION
Pensez-vous que la maladie mentale puisse être abordée exclusivement à partir d’une clinique dite objective, quantifiée, standardisée, statistisée ? Pensez-vous que les soins des maladies mentale puissent subir le même traitement évaluatif et être organisés à partir de ces seuls critères d’objectivité dite scientifique, avec interchangeabilité des personnels, discontinuité des soins, multiplications des intervenants ? Pensez-vous que les soins des maladies mentales puissent être encore des soins dans la logique des produits financiers et dans le repérage et la surveillance continue de la dangerosité potentielle des malades.
5ème QUESTION
Si vous répondez oui à ces trois questions, pourriez-vous préciser
votre choix de société ?
votre conception de la maladie mentale ?
les actions que vous comptez entreprendre pour réaliser ces objectifs ?
Avant de vous laissez répondre à ces questions, je vais vous faire part de mes propres réponses ;
A la première, je réponds : Pas de clinique, pas de soins, en dehors du politique. Les malades en prison, les malades à la rue, les malades renvoyés chez eux, les malades dont on ne s’occupe pas, les enfants qu’on veut désignés dès leur petite enfance comme potentiellement dangereux ou potentiellement malades, je pourrais continuer la liste, tout cela se soutient d’une clinique qui ne va pas sans le politique. De la clinique et du politique, je me sens responsable à la place où je travaille. Je ne peux pas m’en laver les mains ou me contenter de dire que je dois me faire à tout cela !
A la deuxième et troisième question, je réponds : Rentabilité financière dans le domaine de la santé signifie que chacun doit faire face individuellement à ses problèmes de santé et non collectivement. Baisse des remboursements, franchises, augmentation des mutuelles et des assurances, dépassements d’honoraires, forfaits, dessous de table, sont les moyens politiques de nous faire accepter un système de soin à plusieurs vitesses avec de graves conséquences sur la santé et la vie même des individus. 25% des cancers, des personnes atteintes d’un cancer, ne reçoivent pas les soins qu’ils devraient recevoir soit à cause des durée d’attente pour un diagnostic soit parce qu’ils ne bénéficient pas des soins qu’ils devraient recevoir. Et, on nous parle de qualité des soins ! Il y a aujourd’hui un tri explicite (malades sans papiers ou ayant la CMU, malades à la rue, malades en prisons etc…malades ayant besoin de soins psychiatriques). Et, nous savons qu’il va s’accentuer du fait de la mise en place de la T2A à 100%.Lorsque qu’on parle de repérage, de détection à la place de prévention ou avant la prévention, dans le rapport COUTY , c’est le TRI qu’on a comme objectif. Lorsqu’on parle dans le document sur les indicateurs en psychiatrie des malades consommateurs de soins, il s’agit toujours du tri qui implique bien sûr exclusion des soins. Les vieux et les malades mentaux ont peu de chance d’être sélectionnés comme une matière première propre au plus grand profit. Ceux qui ne rentrent pas dans le système normatif, même enfant, doivent être séparés des normés et punis plutôt qu’éduqués ou soignés. Tout ceci est inacceptable. Mettre en danger la logique du profit financier dans le domaine de la santé, du fait même de notre mauvais état de santé, finira bien par nous faire tous, un jour, être considérés comme potentiellement dangereux pour le système.
A la quatrième question, je répons : Pas de clinique, pas de diagnostic, pas de soins sans l’engagement du soignant qui va de l’accueil à la prise en charge, comme on dit. On s’engage avec notre formation, notre culture, avec ce que nous sommes, avec nos résistances, nos défenses, nos désirs, nos angoisses…Pas de thérapeutique sans cette prise relationnelle sous transfert. Clinique, diagnostic et soins ne peuvent se soutenir que du transfert qui est à notre charge. C’est à cette condition qu’il n’y a pas les fous d’un côté et nous, les soignants, de l’autre. De même, il n’y a pas le politique d’un côté et notre pratique de l’autre. Je crois que la folie est propre à ne pas nous le faire oublier.
A la cinquième question, je réponds :
Mon choix de société est le suivant : Une société où la parole puisse aller le plus loin possible au cœur même de son impossibilité à dire. Et, là encore, la folie nous enseigne. C’est pour cela que ce que ce qu’on dit de la folie engage l’ensemble de la société, engage la façon dont on envisage constituer une société. Désigner les fous comme potentiellement dangereux, ou l’enfant au début de sa vie ou un peu plus tard, c’est affirmer qu’on ne croit pas à la parole, à ce qu’elle nous permet de construire. Répondons leur que la folie que nous fréquentons nous a appris que c’était pourtant le seul chemin, que la parole est notre seule possibilité d’être libre. Ce qu’on nous propose n’est qu’enfermement stérile et lâche.
Il m’est difficile de concevoir un modèle de société sans avoir une conception de la maladie mentale. La maladie mentale n’est pas une limite à la créativité, elle nous pousse à l’inventivité, à l’ouverture, à la construction.
Alors, pour conclure :
Sommes-nous prêts à demander le retrait du rapport COUTY et à imposer notre façon de concevoir l’avenir de la psychiatrie ?
Sommes nous prêts à demander le retrait de la circulaire du 21 février 2009 ?
Sommes nous prêts à rejeter la tarification à l’activité et à désobéir à toute injonction de produire des éléments qui y contribuent ?
Sommes nous prêts à rejeter les procédures d’accréditation et d’évaluation de l’HAS qui méprisent autant les patients que le travail des soignants ?
Sommes nous prêts à informer tous les élus nationaux de ces positions et à rencontrer le Préfet pour lui faire connaître ces mêmes positions ?
Qu’avons-nous à exiger pour le service public de psychiatrie de secteur ?
D’abord le maintien du secteur et d’une équipe formée, stable, en nombre, capable d’assurer la continuité des soins, si essentielle en psychiatrie, et les liens avec toutes les structures sociales et médico-sociales qui ont leur missions propres, différentes du soin que nous voulons réinscrire dans nos pratiques, en psychiatrie, de la prévention à une réinsertion quelqu’elle soit. Le soin et l’accompagnement sont tout un en psychiatrie et relève de l’équipe de secteur même si des soignants extérieurs à l’équipe vont y participer ou des structures sociales ou médico-sociale qui doivent disposer de personnels suffisamment formés pour accueillir certains patients.
Le maintien du lien étroit entre lieux d’hospitalisation et l’extra-hospitalier.
La nécessité de reconsidérer autant la formation des infirmiers que celle des médecins et celle des psychologues.
La réaffirmation que les hospitalisations sous contraintes n’ont pour finalité que de permettre le soin et non répondre au dictat de l’ordre public. Les patients doivent pouvoir avoir la possibilité d’un recours rapide lorsqu’ils sont placés sous contrainte et avoir recours, si nécessaire à un avocat. Des limites doivent être fixées à la durée de la sortie d’essai. La mise sous tutelle ne devrait priver du droit de vote qu’à titre exceptionnel. Les mesures de tutelles devraient être périodiquement réexaminées.
L’ALLOCATION d’Adulte Handicapé pourrait être renommée Allocation d’Aide à la Vie Quotidienne et faire que les patients ne soient plus sous le seuil de pauvreté.
Il y aurait tant de choses à dire, que je m’arrête là.
R. LEBRET