>Au nom d'une « doctrine de la liberté et de l'autonomie »

En tant que psychologue, notre travail auprès des patients nécessite du temps, le temps de la relation, qui se construit dans des moments qui ne se décrètent pas par un protocole ni sur ordonnance.

Ce temps de la rencontre se nourrit de surprises, d'inattendu, d'imprévu.


Il fait la part belle à la créativité de chacun, si nécessaire aux soins.


Ce temps se nourrit aussi des échanges entre les différents professionnels et de leurs regards croisés sur les difficultés qui ont amenées des personnes à être hospitalisées en service de psychiatrie.


La loi votée le 15 mars à l'Assemblée nationale impose à l'entrée du patient à l'hôpital, une période d'évaluation de 72h. La maladie psychique se voit ainsi traitée au mieux comme un état grippal, au pire comme un acte délictueux.


Il n'y a pas de place pour des soignants dans un tel dispositif car ce n'est plus un temps d'accueil du patient qui est institué mais un temps d'observation, comme le précise la loi.


Nous ne sommes pas des entomologistes, observer, évaluer, épingler, quelle place pour les soignants dans ce temps contraint et figé de 72h, censé apporter une réponse rapide à « la crise » ?


Dans un article récent intitulé, « Ne refusons pas la loi sur la psychiatrie », des psychiatres affirment que c'est au nom d'une « doctrine de la liberté et de l'autonomie » que le soin sans consentement doit être appliqué aux patients.


Selon les auteurs de cet article, il s'agit de lutter contre la maladie et pour la norme.

 

Lutter contre la maladie, c'est lutter contre les patients, alors que nous travaillons justement avec la maladie mais aussi et surtout contre la norme qui écrase le rapport singulier que chacun entretient avec ce qui le tourmente.


La loi impose un protocole de soin fixé par décret en Conseil d'Etat. Ce protocole est censé garantir la liberté des patients qui auront la chance, selon ses promoteurs, de vivre chez eux à la condition de se conformer au protocole.


Curieuse conception de la liberté et de l'autonomie !


Curieuse conception du consentement qui se résume à un acte d'obéissance.


Curieuse conception des équipes chargées de prendre soin des patients…


Anonymes et interchangeables, elles n'auront plus alors vocation à être en relation avec une autre personne mais seulement à lui demander des comptes.


Pour les auteurs de l'article, il faut défendre cette loi car elle existe, même si précisent-t-ils, nous ne saurons vraiment si cette loi était bonne ou mauvaise qu'à l'usage.


Nous refusons cette loi car nous refusons que les patients soient des cobayesnous refusons que les soignants soient les otages des protocoles,

nous refusons cette loi car avec nos patients, nous désirons peindre, écrire, chanter, créer, inventer,

 

Soigner quoi !


Marie Cathelineau

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Une réflexion sur « >Au nom d'une « doctrine de la liberté et de l'autonomie » »

  1. Bravo Marie Cathelineau, j'applaudis des quatre mains et des deux nageoiresà votre texte. On ne saurait mieux dire, les soignants n'ont pas vocation à devenir entomologiste ou garde -chiourme, et les patients n'ont pas à être considérés comme des cobayes, comme des souris de la boratoires sur lesquelles ont pratiqueraient la vivisection.
    La santé psychique et le soin ne sont pas des expériences scientifiques sur des objets inanimés et dépourvus de cosncience et de douleur, les malades sont des êtres humains à part entière, qui, même lorsque, et surtout lorsque, ils ne sont plus en capacité de veiller à leurs besoins essentiels et à leur bien être, matériel et psychique, doivent toujours être considérés comme des êtres pensants, accessibles à la peine comme à la joie.Les personnes souffrant de troubles psychiques ne sont pas des infra-humains, une sous-éspèce d'être humains, propres à toutes les expérimentations et à toutes les avanies.
    Une personne souffrant d'un handicap ou d'une infirmité n'est pas un monstre, dont on devrait avoir nécessairement peur et duquel on devrait obligatoirement se protéger, à grands coups de lois sécuritaires. L'autre, celui qui est différent de nous, qu'il s'agisse du rom, de l'immigré ou du fou, n'est pas un danger pour notre civilisation, mais bien une possibilité d'ouverture et une richesse, ouverture sur la diversité de l'espèce humaine et conscience de notre fragilité.
    Car qui peut dire en son âme et conscience qu'il ne sera pas un jour, le rom, l'immigré ou le fou de demain ?

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