>Loi pour la désaliénation et limitation des internements abusifs en Argentine !

  • Argentine-

Viernes, 26 de noviembre de 2010

 

Le projet de désaliénation 

et de limitation des internements abusifs 

est désormais une loi.

 

Un changement de paradigme en santé mentale.

 

Le Sénat a sanctionné la nouvelle Loi de Santé Mentale qui interdit la création de nouveaux asiles et promeut des lieux alternatifs de soin. Les internements se feront désormais dans des hôpitaux généraux qui devront comporter des services spécifiques.

Par Pedro Lipcovitch

 

La nouvelle Loi de Santé Mentale selon laquelle « est interdite la création de nouveaux asiles ou institutions d’internement monovalents, publics ou privés » a été sanctionnée. Elle promeut des dispositifs alternatifs comme les « maisons de vie en commun et les hôpitaux de jour ». Elle modifie le Code civil pour empêcher les internements de personnes en raison de leur « dangerosité ». Les internements sous contrainte sont limités et soumises à un contrôle par un organisme de révision auquel participeront des associations de défense des droits de l’homme. La loi exige que les internements, toujours de courtes durées, sont effectués dans les hôpitaux généraux : ceux-ci – si la loi s’applique – ne pourront refuser de recevoir ces patients, ce qui serait « considéré comme un acte discriminatoire ». De la même façon, le système des incapacités est modifié : jusqu’à présent, une personne qui était déclarée incapable d’administrer ses biens, en situation de crise, pouvait être privée de ses droits pour toujours. De plus, les professionnels et les employés d’institutions psychiatriques auront « la responsabilité d’informer le juge et l’organisme de révision de tout « traitement indigne ou inhumain ».

 

Les institutions monovalentes qui existent déjà « devront s’adapter aux objectifs et aux principes de la loi, « jusqu’à leur remplacement définitif par des dispositifs alternatifs ». A la différence des autres lois dans le monde, celle-ci ne conduit pas à interdire purement et simplement l’internement dans ces institutions.

Pour faciliter les sorties, la loi requiert de « promouvoir les services d’inclusion sociale et professionnelle après la permission de sortie institutionnelle : elle exige une « attention particulière aux problèmes de logement, avec l’appui des organisations familiales et communautaires, les maisons de vie en commun, les hôpitaux de jour, les coopératives de travail, les centres de formation et les familles tutrices ».

 

Les hospitalisations sous contrainte requièrent désormais une évaluation interdisciplinaire alors que sous le régime antérieur la décision de la psychiatrie était suffisante. Le juge doit désormais autoriser chaque hospitalisation, mais il perd le pouvoir d’ordonner celles-ci. De la même façon, l’autorisation du juge pour les sorties, est supprimée. « Dans beaucoup de province, les sorties des patients se font avec retard parce que le juge ne l’autorise pas » explique Leonardo Gorbaez, qui, en tant que député, a présenté le projet original et qui est aujourd’hui assesseur à la direction du Cabinet de la Nation.

 

Conceptuellement, le Code civil a été modifié pour remplacer le critère d’internement qui obéissait à la notion de « dangerosité pour soi-même et pour les autres », par le concept de « risque sûr et imminent ». Cette disposition a été requise par deux fois par la Cour Suprême de Justice.

 

Au-delà de 90 jours d’hospitalisation sous contrainte, si l’institution persiste à maintenir la personne enfermée, la loi exige un second avis, à la charge de l’organisme de révision qu’elle a créé. Si cet organisme se prononce contre cette décision, l’institution devra laisser le patient en liberté. De plus, les patients, leurs avocats ou leurs familles ont le droit d’accéder au dossier clinique et de prendre toutes décisions en accord avec le traitement.

 

La loi exige que les internements se fassent en hôpital général. « Le refus de celui-ci d’hospitaliser des patients pour le seul fait de problème de santé mentale sera considéré comme un acte discriminatoire ».

La loi ordonne également de réaliser un recensement national des personnes internées en institutions publiques ou privées. « Les cliniques privées sont les moins contrôlées, du fait que les inspections se limitent aux conditions de celles-ci : le recensement déterminera s’il y a des personnes séquestrées de fait.

 

L’organe de révision inclura des représentants des associations d’usagers et des familles, des professionnels et des travailleurs de la santé mentale, des organisations de défense des droits de l’homme, des défenses officielles et du pouvoir exécutif. Ses fonctions incluront de « superviser d’office ou à partir de plaintes de particuliers les conditions d’internement dans la sphère publique et privée ».

De plus, « les membres, professionnels ou non, de l’équipe de santé, ont la responsabilité d’informer l’organe de révision et le juge de tout traitement indigne ou inhumain de patients. Cette procédure pourra se faire avec la garantie de protection de l’identité.

 

Le régime des incapacités est également modifié : « jusqu’alors, remarque Gorbaez, une personne en crise, n’étant pas en mesure d’administrer ses biens immobiliers, pouvait être déclarée dans l’incapacité de jouir de tous ses droits personnels, comme par exemple ceux de se marier ou de voter, généralement à vie. La nouvelle loi stipule que l’incapacité ne pourra s’étendre au-delà de trois ans, que l’on devra justifier les fonctions et les actes en question, et veiller à ce que la déclaration d’incapacité personnelle soit la plus courte possible ».

 

La loi est « d’ordre public », ce qui implique qu’elle devra être appliquée à toutes les juridictions du pays, sans requérir une adhésion spécifique. Elle avait reçu la sanction des députés depuis l’an dernier et elle a été adoptée par la Sénat hier avec une seule abstention, celle du radical Nito Artaza. La loi a été explicitement appuyée par l’Organisation panaméricaine pour la santé » (OPS)  et par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

 

(Traduction : Patrick Coupechoux)

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2 réflexions sur « >Loi pour la désaliénation et limitation des internements abusifs en Argentine ! »

  1. En France, le 15 Juin 2000 , la Loi 2000-516 signée notamment par Mme Guigou, garde des Sceaux, Ministre de la Justice a été intitulée :
    "Loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes"
    Elle crée le Juge des Libertés et de la détention
    Il y aurait des libertés et une détention…
    "Libertés,Egalités, Fraternités"
    Cette loi limite la détention provisoire ; on y parle beaucoup aussi de garde à vue….
    Et toc , hors procédure pénale, on offre à la personne "internée" la possibilité de saisir sur simple requête le dit juge.
    Ne nous étonnons pas que dans un certain schématisme implicite à la structure du texte même  de la Loi certains hurlent : " internement = garde à vue sanitaire= détention(arbitraire)"
    Confusion permanente : Il faudrait une Loi de santé mentale qui se démarque du sécuritaire
     
    Lien vers la Loi 2000-516 :
    http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000765204
     

  2. La nouvelle loi argentine semble comporter une étrangeté : l’article de Página|12 http://goo.gl/uVnMd indique « Conceptualmente, se modificó el Código Civil para reemplazar el criterio de internación, que obedecía a la noción de “peligrosidad para sí o para terceros”, por la constatación de “riesgo cierto e inminente”. Esto ha sido requerido en dos oportunidades por la Corte Suprema de Justicia. » – la traduction par Patrick Coupechoux est la suivante : « Conceptuellement, le Code civil a été modifié pour remplacer le critère d’internement qui obéissait à la notion de ‹ dangerosité pour soi-même et pour les autres ›, par le concept de ‹ risque sûr et imminent ›. Cette disposition a été requise par deux fois par la Cour Suprême de Justice. ». – Il s’agit de la notion de « riesgo cierto e inminente », traduite par P. Coupechoux par « risque sûr et imminent » ; faudrait-il préférer une traduction par « risque certain et imminent » ? Dans tous les cas, le lecteur n’aura-t-il pas sursauté à la vision de l’assemblage de termes « riesgo cierto (risque sûr / risque certain) » ? Ceci semble n’avoir aucun sens, pas plus que de parler d’eau concentrée ou de vide expansé. (Et risque de quoi d’ailleurs, cela n’est pas précisé.)

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