Autisme et psychanalyse

La réponse de la Cippa, à un article du Figaro du 1° avril 2013. La réponse que Dominique Amy, présidente de la Cippa , a adressé à la journaliste Delphine Chayet et à la responsable des pages santé, Martine Pérez.

L’article :
Des thérapies validées dans le plan contre l’autisme

Par Delphine Chayet – le 01/04/2013

Contre l’approche psychanalytique, le gouvernement entend enfin promouvoir des stratégies éducatives et comportementales.

Face à l’approche psychanalytique, qui demeure privilégiée dans la prise en charge de l’autisme en France, le gouvernement entend dorénavant promouvoir les thérapies validées scientifiquement. C’est tout l’objet du troisième plan autisme, dont les grandes lignes doivent être présentées ce mardi soir par la ministre déléguée aux Personnes handicapées. Marie -Arlette Carlotti s’appuie sur le rapport publié en mars 2012 par la Haute Autorité de santé (HAS), qui recommande une prise en charge fondée sur une approche éducative et comportementale. Si elles sont précoces, des interventions de ce type permettent d’améliorer le langage et les facultés cognitives des enfants, mais aussi de faire régresser les symptômes de l’autisme.
Troisième du genre, le plan interministériel porte sur la période 2013 à 2017. Il vise à remodeler l’ensemble de la prise en charge des enfants autistes: repérage dès l’âge de 18 mois, diagnostic, éducation renforcée et aide à la scolarisation. «Aujourd’hui, la situation est catastrophique dans notre pays, s’indigne Florent Chapel, délégué général du collectif autisme. Seuls 10 % des enfants bénéficient d’une prise en charge adaptée et vont à l’école. Les adultes sont, quant à eux, enfermés dans des hôpitaux psychiatriques et des centres, ou bien rendus à leurs parents sans aucun accompagnement.» Environ 100 000 jeunes de moins de 20 ans sont concernés en France.
Le plan vise tout d’abord à améliorer la détection des enfants autistes dès l’expression des premiers signes d’alerte, alors que le diagnostic n’intervient pour l’heure qu’à l’âge de 6 ans en moyenne. «Or on sait que plus la prise en charge est précoce, plus l’enfant a de chances de voir sa situation s’améliorer», observe Florent Chapel. Un vaste programme de formation des personnels de la petite enfance (puéricultrices, assistantes maternelles, médecins, éducateurs, enseignants…) doit donc être mis sur pied. Des informations sur l’autisme seront introduites dans les carnets de santé.
Le ministère veut par ailleurs constituer un réseau de diagnostic de premier niveau, en étoffant les équipes des centres d’action médico-social précoce et en les dotant du matériel de dépistage adapté. «Aujourd’hui, ces pôles se consacrent au dépistage de la surdité, mais ne sont pas suffisamment mobilisés pour repérer les enfants autistes», observe-t-on dans l’entourage de Marie-Arlette Carlotti. Les missions des centres de ressources autisme, qui pratiquent dans chaque région les diagnostics complexes, seront redéfinies sur la base des recommandations formulées par la HAS afin d’y limiter l’influence de la psychanalyse. Cette discipline qui, en France, se trouve au cœur de la prise en charge des autistes, décrit leur trouble comme une «psychose infantile» liée à un trouble de la relation entre l’enfant et ses parents. Au plan international, il existe au contraire un large consensus scientifique pour définir l’autisme comme un trouble neuro-développemental assimilable à un handicap, qui requiert une intervention spécifique. En 2010, la HAS a choisi de privilégier cette seconde approche. «Mais encore aujourd’hui, on continue à employer et à enseigner des méthodes inefficaces», s’indigne Daniel Fasquelle, député UMP du Pas-de-Calais, qui va jusqu’à demander l’interdiction de la psychanalyse dans le traitement de l’autisme.
Le gouvernement espère créer une dynamique vertueuse. D’ici à 2017, l’ensemble des structures agréées de prise en charge feront l’objet d’une évaluation portant sur le taux d’encadrement, comme sur le type de thérapie pratiquée. Celles qui accepteront de promouvoir les approches comportementales et éducatives verront leurs équipes formées et renforcées. Les autres s’exposeront à un retrait d’agrément.


Par Delphine Chayet

La réponse :

Madame,
En tant que présidente de la CIPPA (Coordination Internationale de Psychothérapeutes Psychanalystes et membres associés s’occupant de personnes avec Autisme) je ne peux qu’être consternée par les propos que vous tenez dans le figaro santé du mardi 2 avril. Propos qui relèvent d’une véritable désinformation et d’une vision de l’autisme pour le moins erronée.
Lorsque vous écrivez que le gouvernement entend « contre le pouvoir psychanalytique promouvoir des stratégies éducatives et comportementales » on peut se demander comment ces informations vous sont parvenues dans la mesure ou le 3eme plan n’est pas encore paru et ou, par ailleurs il serait étonnant que ce plan ne tienne pas compte des recommandations de l’HAS comme madame Carlotti le souligne. Or, ces recommandations pour lesquelles j’ai été sollicitée comme lectrice et commentatrice privilégient constamment les approches intégratives et pluri-dimensionnelles. Elles insistent beaucoup sur la nécessité des psychothérapies et ne mentionnent la psychanalyse que pour en dire qu’elle est « non consensuelle » ce qui tout simplement signifie qu’elle n’a pas fait l’unanimité des experts.
Par ailleurs vous dites que le diagnostic n’intervient « pour l’heure qu’à l’âge de 6ans en moyenne ». J’ai moi-même ouvert en 1997 au sein de mon hôpital de jour une Unité à temps partiel qui accueillait des enfants dès l’âge de 24 mois, à condition qu’ils aient été diagnostiqués et que ce diagnostic ait été discuté avec les parents. Dans cette unité l’on articulait les approches Teacch, Pecs, l’orthophonie, la psychomotricité et la psychothérapie.
Par ailleurs Je dois vous préciser qu’au sein de notre Association la CIPPA, la majorité de nos membres psychanalystes sont formés aux approches éducatives, aux approches de communication alternative au langage et aux évaluations cognitives. C’est pourquoi les formations que nous demandent un grand nombre d’institutions médico-sociales, sanitaires ou scolaires visent à approfondir les différents aspects de la pathologie autistique et à savoir en tenir compte. Cette pathologie condamne les personnes autistes à être en permanence dans des disjonctions entre le corporel le cognitif, le psychique et le sensoriel, disjonctions qui les condamnent à ne pas comprendre grand-chose à leur environnement.
L’encombrement actuel des CRA et centres d’évaluation retarde hélas le temps du diagnostic mais néanmoins, grâce à la sensibilisation que beaucoup de CMP ( centres médico-psychologiques) pratiquent auprès des PMI (protection maternelle infantile), crèches et autres lieux d’accueil des tout petits, les diagnostics précoces sont beaucoup plus largement proposés.
Enfin, et là encore vous vous fourvoyez car vous écrivez évoquant encore la psychanalyse « cette discipline qui, en France, se trouve au cœur de la prise en charge des autistes, décrit leur trouble comme une « psychose infantile » liée à un trouble de la relation entre l’enfant et ses parents » .
Même les critères français de la symptomatologie autistique (ceux de la CFTEMA) différencient depuis l’année 2000 psychose et autisme. Je ne connais plus un seul psychiatre ou psychanalyste qui considère que l’autisme plutôt que de faire partie des Troubles Envahissants du Développement relève de la Psychose.
Certes l’absence de formation suffisante des intervenants reste cruciale, certes les parents continuent d’avoir à entreprendre le parcours du combattant pour intégrer leur enfant ou leur adulte dans une institution car le nombre de place est ridiculement insuffisant. Certes il y a encore des équipes qui ne travaillent pas suffisamment bien et ceci reste à souligner. Mais plutôt, comme vous le faites dans votre article, de cliver l’éducatif et la psychanalyse, il serait bien nécessaire que vous contribuiez à ce que soit proposées aux personnes autistes des approches qui se conjuguent autour de leurs difficultés cognitives et émotionnelles. Tout ceci est for développé sur notre site : CIPPAUTISME .org
Je vous signale également que notre récent congrès Autisme(s) et Psychanalyse(s) a attiré 1500 personnes qu’hélas en raison de la taille de la salle nous n’avons pas toutes pû accueillir.
Je suis également toute disposée à dialoguer avec vous si vous le souhaitez car il me semble que notre approche de la psychanalyse telle qu’elle est proposée aux personnes autistes souffre hélas de beaucoup de méconnaissance.
Avec mes salutations distinguées

Marie Dominique Amy, présidente de la CIPPA

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