>Appliquer une loi antithérapeutique ?

 

La loi du 5 juillet 2011 réformant les soins psychiatriques entrera en vigueur le 1er août 2011. Dans les hôpitaux, son application va engendrer des pratiques toujours plus inquiétantes : mise en place de vidéo-audiences dans de nombreux départements, transports collectifs de patients en crise etc.

Le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire appelle à refuser de cautionner et de mettre en pratique de telles mesures anti-thérapeutiques qui seront délétères pour des soins psychiques de qualité.

Libertés à distance… plutôt caméras ou plutôt fourgon collectif ?

La loi introduit le juge des libertés et de la détention dans les deux premières semaines de l’hospitalisation sans consentement. Pour respecter cette obligation légale, deux possibilités sont envisagées pour cette audience : le transport des patients dans les Tribunal de Grande Instance (TGI) ou la mise en place de la vidéo-audience.

Devant la pénurie de juges et de greffes, de nombreux TGI ont fait savoir qu’il n’y aurait pas d’audience systématique dans les hôpitaux psychiatriques (les audiences « foraines »), reportant la gestion du manque de moyens sur les équipes psychiatriques déjà fort démunies pour assurer leur mission de base, soigner.

Comment les équipes pourront-elles faire face à cette nouvelle pénurie des personnels vacants des services qui impliquerait une aggravation de la dégradation des soins ?

Comment les patients insuffisamment stabilisés par douze jours d’hospitalisation réagiront-ils à un transport parfois de plusieurs dizaines de kilomètres ainsi qu’à l’attente au tribunal ? Faudra-t-il camisoler chimiquement et physiquement les patients pour les emmener devant le juge ?! 

Si les directions d’hôpitaux ont obligation d’assurer l’audience devant le juge, nous devons rappeler à nos administrations et aux juridictions que les soignants ne peuvent éthiquement cautionner des mesures allant à l’encontre de la clinique, des soins, de leur éthique et de leur indépendance professionnelle. 

et de s’organiser en conséquence (audiences foraines etc.). L’impératif premier pour tout soignant est, d’abord et avant tout, de ne pas nuire à la santé du patient.

Secret médical : un secret de polichinelle

Le juge des libertés et de la détention rendra sa décision lors d’audiences publiques. 

Alors que les certificats médicaux étayeront sa décision du juge, qu’adviendra-t-il du secret professionnel lors de telles audiences? Nous appelons les rédacteurs de certificats à mettre le strict minimum pour ne pas violer intégralement ce secret qui est l’un des garants de la relation thérapeutique.

Par ailleurs, les « soins » sans consentement en ambulatoire voient le jour. Alors que la contrainte se généralise et n’a pas de limite spatiale ou temporelle, le législateur a choisi de ne pas faire intervenir le juge pour garantir les libertés. Pourtant, les psychiatres devront rédiger un programme de soins qui, s’il n’est pas appliqué à la lettre par le patient, pourra conduire à sa ré-hospitalisation. Ce programme devra être visé et accepté par le préfet qui pourra le récuser ainsi que ses modifications ultérieures ; ce qui ouvre la porte à des imbroglios juridiques où les enjeux soignants sont mis sous tutelle sécuritaire !

Par principe, nous appelons autant que faire se peut, à ne pas prescrire de tels « soins » contraints et nous appelons les prescripteurs de ces programmes à rédiger leur certificat en sachant qu’il servira d’instrument de contrôle social. 

Une loi contre indiquée pour les soins

 

Le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire rappelle son combat depuis deux ans pour refuser cette loi de défiance qui, centrée sur la seule contrainte, dévoile ses incohérences, ses lourdeurs paralysantes et l’aggravation qu’elle va provoquer pour  les soignants, les patients et leurs familles.  

Nous appelons l’ensemble des professionnels à ne pas faire de zèle pour l’application de cette loi, à contrer le climat de défiance qu’elle instaure entre les patients et les équipes de soins et à mettre en place les conditions de sa marginalisation puis de son échec.

La campagne pour l’abrogation de cette loi ne fait que commencer !

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>Soyons au rendez-vous du métier

Intervention  place de la République le 25 Mai 2011.

 

Yves CLOT.

 

 

Drôle de société. La maladie mentale est bientôt un délit avec l’obligation de soin ambulatoire sans consentement, décidée par la justice se subordonnant la psychiatrie.

C’est sûrement l’indice d’un grave retournement social : alors que le racisme qui est encore un délit tend à devenir le signe d’une transgression tolérée et finalement « normale », la folie — cette transgression normale propre à l’humain — tend à devenir un délit. Ce qui est légalement condamnable est de moins en moins condamné et ce qui n’est pas condamnable, la folie, est de plus en plus condamné.

Ce faisant, pendant que la vie sociale devient monologique et atone, refoulant ce qui divise, déniant les conflits qui l’empoisonne et qui la fragilise, la chasse aux fragiles a commencé. Ils sont devenu le virus à dépister, la toxine à éliminer. Le déni des conflits politiques qui rongent une société cassante réveille les recettes hygiénistes de l’ancien Virchow : « La politique n’est jamais que de la médecine à grande échelle ». Mais voilà, à grande échelle, la médecine est vite le contraire de la médecine, un retraitement des déchets subjectifs du travail et du social, une police sanitaire, une nouvelle technologie de protection rapprochée fondée sur la compliance du « protégé ».

Mais, comme toujours, le danger — le vrai — n’est pas dans ce qu’on nous fait. Il est dans ce que nous n’arrivons pas à faire de ce qu’on nous fait. Il est dans le métier empoisonné par l’impuissance. Car l’impuissance est active. Elle tend à faire disparaître de la conscience professionnelle le contenu déplaisant, inopportun et intrusif contre lequel on ne réussit pas à se défendre. Le vrai danger est là, dans le risque du renoncement à faire son métier correctement au moment même où il le demande le plus.

Pensons à l’Estragon et au Vladimir de Beckett hésitant tous les deux devant Pozzo qui appelle au secours : «  Vladimir : Le mieux serait de profiter de ce qu’il appelle au secours pour le secourir en tablant sur sa reconnaissance. Faisons quelque chose pendant que l’occasion se présente ! Ce n’est pas tous es jours qu’on a besoin de nous. D’autres feraient aussi bien l’affaire sinon mieux. L’appel que nous venons d’entendre c’est plutôt à l’humanité toute entière qu’il s’adresse. Mais à cet endroit, en ce moment, l’humanité c’est nous, que ça nous plaise ou non. Profitons en avant qu’il soit trop tard. Nous sommes au rendez-vous . Un point c’est tout. Nous ne sommes pas des saints mais nous sommes au rendez-vous. Combien de gens pourraient en dire autant ». 

Ainsi parlait Vladimir. 

Oui, il y a bien une contrainte au soin à imposer. Mais pas où on le dit ! Il faut contraindre l’Etat à prendre soin de la folie. Et c’est le développement de vos métiers qui le permet. C’est ce développement qui protège les citoyens. Pas la police, sanitaire ou non.

Soyons au rendez-vous du métier. Un point c’est tout. On verra alors qu’on peut le défendre. A condition de s’y attaquer.

 

 

 

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>Invitation le 7 juillet à 19h : lancement de la revue Etats d'Arts sur le thème de la faille

 
Le GEM "Les Amis de l'Atelier du Non-Faire", en collaboration avec l'Association "Etat d'Art – Art et Psyché", vous invitent au lancement de la revue Etats d'Arts sur le thème de la faille.
 
Musique, danse et improvisation seront au rendez-vous!
 
Vous trouverez l'invitation officielle, ainsi que l'adresse en pièce jointe.
 
Amicalement,

GEM « Les Amis de l’Atelier du Non-Faire »
91 bis rue Truffaut, 75017 Paris (M° Brochant)

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