Christian Lamotte Membre du Fil conducteur
Mesdames, messieurs les sénateurs, Mesdames messieurs du collectif des 39
Je vous remercie de m’avoir invité à m’exprimer au cours de cette table ronde sur les mesures de contention et d’isolement en psychiatrie.
Je suis membre du groupe ‘’le fil conducteur ‘’ collectif de parents patients et soignants qui se sont réunis depuis deux ans pour réfléchir à ce qui pourrait être une approche plus humaine en psychiatrie et dans le médico-social.
Je suis par ailleurs moi-même père d’un enfant malade
Les échanges du groupe ont rapportés qu’à côté de rares pratiques pleines d’humanité la prise en charge est le plus souvent vécue comme inadaptée, « inhospitalière ou absente notamment pour la famille et les fratries
La maladie psychique est un traumatisme du fait même du caractère spécifique de la maladie mais aussi souvent des pratiques des équipes.
Que ce soit aux urgences, du fait de la demande signer une HDT ou de l’absence de parole, la prise en charge est très souvent vécue comme violente et agressive. C’est pourquoi la réflexion actuelle sur les pratiques de contention interpelle sur ce qui est une pratique d’une violence plus radicale encore.
Je peux comprendre le désir de nos élus de vouloir protéger les malades des mauvaises pratiques des soignants mais c’est aussi prendre le risque de banaliser une pratique qui semble malheureusement l’être déjà.
La contention est-elle thérapeutique ?
Le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradantes considère dans sa norme de 2012 :
« La littérature scientifique s’intéressant aux expériences des patients sous contention rapporte à l’unanimité que la majorité des patients se sentent avilis, impuissants et humiliés. »
- Attacher quelqu’un, est vraiment un acte thérapeutique ?.
- Peut-on considérer qu’en attachant un malade à son lit, on le soigne, ?
Certains ont même considéré cela comme ‘’anti thérapeutique et des professionnels qualifient cette pratique de barbare
Par ailleurs la CPE précédemment citée rapporte aussi
« Il n’y a pas de preuve scientifique d’un bénéfice thérapeutique quelconque découlant du recours à la contention. »
« le recours aux moyens de contention se limite à la prévention du danger et d’un préjudice physique et n’a aucune justification thérapeutique quelle qu’elle soit. »
Selon la résolution 46/119. 1991 des Nations Unies concernant la protection des personnes atteintes de maladie mentale et amélioration des soins de santé mentale, « la contrainte physique ou l’isolement d’office du patient doivent être utilisés uniquement si ce sont les seuls moyens de prévenir un dommage immédiat ou imminent au patient ou à autrui »
On est loin d’un projet thérapeutique c’est à dire qui soigne
En conclusion, je voudrais exprimer que toutes les limitations de liberté qui semblent très fréquentes, créent des souffrances d’autant plus qu’elles soumises à l’arbitraire et au pouvoir discrétionnaire des soignants.
Le problème posé est donc beaucoup plus largement le respect de la citoyenneté en psychiatrie et les dérives rapportés par Adeline Hazan, Controleure générale des lieux de privation de libertés, comme la privation de visites ou de téléphone, le port de pyjama obligatoire par exemple, sont là aussi des pratiques humiliantes ou très restrictives qui échappent elles à toute traçabilité.
La réflexion sur l’extension aux établissements sociaux et médico sociaux de l’amendement sur la contention renforce de manière aigüe ce sentiment de banalisation d’une pratique que de nombreux professionnels y compris outre atlantique considèrent qu’elle est à proscrire (et non à prescrire) et en aucun cas thérapeutique.