Communiquė de presse – plan autisme 2013

Plan Autisme 2013
8 mai 2013

L’autisme laissé en plan ?

Que penser des dernières déclarations au sujet de l’autisme de la Ministre déléguée aux personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion, Mme Marie-Arlette Carlotti, dans le journal « Le Monde » daté du 2 mai 2013 :

– « En France depuis quarante ans, l’approche psychanalytique est partout, et aujourd’hui elle concentre tous les moyens. Il est temps de laisser la place à d’autres méthodes pour une raison simple: ce sont celles qui marchent, et qui sont recommandées par la Haute Autorité de Santé. »

– « N’auront les moyens pour agir que les établissements qui travailleront dans le sens où nous leur demanderons de travailler »

Ainsi, il ne s’agit même plus de faire reconnaître d’autres approches que la psychanalyse mais carrément de remplacer une prétendue hégémonie par une autre.

Le lecture du plan autisme est édifiante et excède même les déclarations de la Ministre. En effet, s’il comporte des points intéressants, notamment le fait de favoriser le diagnostic précoce, de créer des places en institution, d’améliorer l’accueil des enfants à l’école et l’accès aux soins somatiques des personnes autistes, ce plan constitue une application aveugle de la dernière recommandation de la Haute Autorité de Santé (HAS), en conditionnant le financement des établissements recevant des personnes autistes à leur obéissance à ces nouvelles normes officielles, obéissance dont il est prévu qu’elle soit mesurée par des évaluations internes et externes et autres certifications. On peut donc penser qu’il s’agira en pratique, pour un établissement, de prouver qu’il se forme et met en application la méthode de « l’analyse appliquée des comportements » (ABA) pour recevoir un soutien financier. Par ailleurs la formation des professionnels sera également infléchie dans cet unique sens. Mais au-delà, ce plan réalise une étape supplémentaire d’un processus de normalisation mis en place par une logique bureaucratique, d’un dispositif de contrôle des théories et des pratiques véhiculant une vision adaptative de l’être humain dont on ne peut douter qu’elle est amenée à s’étendre. On peut déjà imaginer le contenu d’un prochain plan schizophrénie, ou trouble bipolaire, hyperactivité, anorexie mentale…

Il est important de rappeler que l’illégitimité de la recommandation de la HAS, qui donne sa caution scientifique à l’ensemble, a pourtant été démontrée:

– D’une part, en ce qui concerne son contenu : ainsi la revue Prescrire dans son numéro d’avril 2013 démontre la non consensualité des méthodes recommandées et indique que, contrairement à ce qui est affirmé, aucune approche ne fait consensus sur le plan scientifique dans le domaine de l’autisme.

– D’autre part, du fait des modalités de sa rédaction : le lobbying de certaines associations minoritaires mais très actives étant affiché, comme en témoigne d’ailleurs la stigmatisation d’un certain nombre de professionnels et de parents d’autistes ne prônant pas exclusivement les approches qui conviennent à ces associations.

On pourrait penser qu’il s’agit seulement d’un manque de courage du gouvernement et d’un électoralisme à courte vue. Mais quel serait l’intérêt de répondre à l’agitation de quelques associations et collectifs, s’aliénant ainsi la grande majorité des professionnels et des familles ? On peut aussi penser qu’il s’agit là d’autre chose, et que les revendications rééducatives et réadaptatives de ces groupes ont trouvé un écho dans un processus étatique déjà présent visant à une normalisation et un contrôle des pratiques, sous couvert de gestion et d’économie.

Concrètement, l’hyper promotion d’une approche plutôt qu’une autre dans les lieux déjà existants ne changera rien à la situation déjà explosive dans le champ de l’autisme, sera contre-productive et n’endiguera pas les souffrances qui y sont attachées. Nombreux sont les familles et les professionnels écœurés par ce parti pris sans nuance.
Il est au contraire crucial de permettre une diversité d’approches pour respecter la singularité des personnes autistes. Aucune méthode ne « marche » sur tout le monde et que deviendront ceux à qui l’unique approche proposée ne conviendra pas voire pour qui elle sera nocive ?

Les personnes autistes et toute personne en souffrance psychique ainsi que leurs familles devraient pouvoir rencontrer plusieurs types de professionnels, d’institutions, de manière de travailler, y compris celles qui sont inspirées par la psychanalyse.
Il est honteux de diaboliser la psychanalyse dans son ensemble au prétexte de propos stupides tenus par certaines personnes s’en réclamant, qui ont blessé des mères et des familles. Il est bien évident que la tendance à culpabiliser les familles existe dans tous les corps de métier en lien notamment avec la santé et l’éducation et doit absolument être combattue. Cependant, il est inacceptable que toute la richesse d’un champ de pensée, de recherche et de pratique consacré à la souffrance humaine soit balayée dans sa totalité, et irrespectueux vis-à-vis des personnes autistes et de leur proches qui ont pu y trouver du réconfort. Il est permis de penser que tout être humain a un inconscient et peut bénéficier de sa prise en compte s’il y trouve un intérêt.

Refusons ce dispositif normalisant qui, en débutant avec l’autisme, ne fera que s’étendre aux autres « troubles ».

Travaillons ensemble, notamment pendant les Assises pour l’hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social, pour que tous les citoyens – personnes avec autisme comprises – trouvent leur place dans la société. Place qui ne se résume pas aux seuls lieux de prise en charge mais doit se déployer dans tous les espaces du quotidien, de culture et de convivialité, où chacun peut apporter sa richesse humaine et en faire bénéficier la démocratie.

Le collectif des 39
www.collectifpsychiatrie.fr

Le collectif des 39 et les CEMEA organisent les Assises pour l’Hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social les 31 mai et 1er juin prochain à Villejuif
Lien : https://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=5793

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