Table 2: Les droits de l’homme ne peuvent pas s’arrêter à la porte de l’Hôpital.

Sébastien    Association HumaPsy

Je suis membre de l’association HumaPsy, des patients qui militent pour une psychiatrie humaniste, pour tous ! Nous savons qu’elle existe, car nous recevons au centre Artaud, des soins humains, alors que de très nombreux patients et leurs familles, témoignent de méthodes qui nous semblent barbares.

Le soin que nous avons rencontré, la psychothérapie institutionnelle, est aujourd’hui attaqué, par ce que ce serait un soin trop long, difficilement quantifiable. Comme si on avait appris récemment à guérir – et vite ! – les maladies psychiques qui sont pourtant toujours qualifiées de maladies chroniques.
La folie ou la psychose, a toujours existé et elle a été décrite depuis la naissance de la psychiatrie, par des professionnels qui rencontraient des personnes atteintes de ce mal mystérieux. Aujourd’hui un discours exclusivement médical prend le relai pour la définir, comme si on venait de la découvrir ou de la comprendre ; il a envahi les médias comme pour éduquer les français à la considérer comme une maladie organique du cerveau, et renforcer la croyance que tout peut se régler avec les bons médicaments, ou l’électro-convulsivo-thérapie, ou la stimulation intra-craniène profonde.
Mais face aux échecs que rencontre cette façon d’exercer la psychiatrie, ce sont les malades qu’on a désignés comme « difficiles ». Le discours du président de la république en 2008, assimilant malades psychiques à des personnes dangereuses, avait entre autre annoncé des mesures de sécurisation du personnel. La folie a toujours fait peur aux gens, mais maintenant même les infirmiers ont peur des malades. Aurions-nous changé ?
Quand la psychiatrie ne sait que prescrire des médicaments, tous les soignants de l’hôpital se transforment en gardiens, et si les patients ne deviennent pas assez rapidement raisonnables, soumis, la seule réponse c’est la punition, l’infantilisation, l’intimidation, la menace, l’injection de plus, et bien sûr la contention.
A partir de ce discours en 2008, patients et soignants du centre Artaud, ont partagé leurs inquiétudes pour l’avenir. Ensemble nous avons inventé dans les réunions du club thérapeutique, la « semaine de la folie ordinaire » que nous organisons depuis chaque année lors des SISM (semaine d’information sur la santé mentale). Nous y présentons des concerts, des spectacles, des expositions, et des débats, pour montrer qu’une personne suivie en psychiatrie a des talents, et qu’elle peut avoir découvert ou retrouvé, l’envie de s’adresser aux autres. C’est peu de temps après le vote de la loi du 5 juillet 2011, qui a concrétisé d’autres promesses du discours du Président, que nous avons créée l’association HumaPsy, pour pouvoir prendre part au débat public plus facilement, comme le font d’autres associations d’usagers, plus puissantes. Nous sommes allés débattre à Paris, Amiens, Blois, Angers, Le Mans, pour prouver que si on ne fait pas des fous des parias, s’ils peuvent s’exprimer, ils peuvent apporter beaucoup à la société.
De toutes les façons possibles nous continuerons à réclamer que les patients soient accueillis sans être réduits à leur diagnostic. A informer les citoyens que le pouvoir de contraindre de la psychiatrie n’a jamais été aussi étendu, qu’elle peut décider pour eux d’un programme de soin standardisé, sans les connaître, sans les entendre.
Derrière chaque souffrance ou maladie, il y a une histoire, des drames passés, des échecs, des sentiments d’injustice, il y a des interrogations ou des croyances qui ont besoin d’être partagées. Il ne faudrait pas oublier que l’autre, le fou, le malade, est un homme ou une femme, un être de chair et d’os, un être humain, comme chacun d’entre nous ici. Les droits de l’homme ne peuvent pas s’arrêter à la porte de l’Hôpital.

Share