LA CONTENTION N’EST PAS UN SOIN – Lettre ouverte à Madame Buzyn et Monsieur Bellivier

LA CONTENTION N’EST PAS UN SOIN – Fil conducteur

Lors d’un colloque organisé au sénat, en septembre 2015, en présence de plusieurs parlementaires des deux assemblées nous avons initié une pétition NON À LA CONTENTION.
Nous affirmions entre autre dans ce texte que la contention n’est pas un soin comme le précisera ensuite l’Article 72 Isolement et Contention de la loi de santé du 26 janvier 2016.
Le psychiatre décide de céder sur sa fonction soignante et de mettre un patient en contention quand l’équipe soignante est débordée par l’agitation de patients en crise, dans un contexte de tensions relationnelles, avec un sentiment d’insécurité face à des manifestations bruyantes et parfois inquiétantes.

Mais d’ou vient ce débordement des professionnels par les manifestations paroxysmales de certains patients ? De leur manque d’organisation comme vous le répétez souvent ? De leur manque de formation à des pratiques dites innovantes ? De leur incompétence parce que leurs outils conceptuels ne seraient plus opérants ?
Vous ne comprenez-pas bien la situation comme vous l’a si bien dit une infirmière lors du récent débat télévisé sur « le naufrage de la psychiatrie ».
Vous n’entendez pas tous ces mouvements de grève dans les hôpitaux psychiatriques. Le cri des infirmières et infirmiers qui vont jusqu’à mettre leur vie en danger ( grève de la faim à Rouen, perchés du Havre) pour réclamer plus de moyens et moins de contraintes bureaucratiques, sécuritaires et normatives.
Ils en ont assez, par manque de moyens humains, par manque d’espace d’élaboration des enjeux psychiques, par manque de formation à la relation, d’être amenés à n’avoir d’autre choix que la contention et l’isolement. Ils souffrent de maltraiter les patients et d’être empêchés de faire leur métier. Ils sont transformés en gardiens acculés à des pratiques indignes qui ruinent le lien entre les patients et leurs familles et les soignants.
Peut être convient-il de vous rappeler les propos d’Adeline Hazan,(CGLPL)  « Le manque de moyens est évident. Les praticiens nous expliquent souvent que s’ils disposaient d’une heure pour faire baisser la pression lors d’un moment d’agitation d’un patient, cela permettait d’éviter l’isolement ou la contention physique »
Comment restaurer une confiance quand les personnes censées soigner vous attachent les 4 membres, voire vous sanglent le torse pendant plusieurs heures, jours, semaines, mois ? Les équipes sont de plus en plus démunies face aux injonctions qui pèsent sur elles et qui leur font violence.
La maladie mentale est une maladie du lien à l’autre. La contention et l’isolement, pratiques régressives d’un autre temps, signent l’échec du soin dans un moment crucial où les patients ont besoin d’apaisement et de réassurance. Dans un moment où ils ont besoin d’une parole et de gestes témoignant d’une réelle empathie pour contenir leur souffrance, ils subissent une vraie violence qui se referme tant sur les patients que sur les soignants. 
Voilà pourquoi les professionnels doivent être formés à la relation clinique, à la pycho-pathologie, à une réflexion sur le sens des symptômes qui se manifestent, et pas seulement sur les thérapeutiques médicamenteuses, ni sur des protocoles standardisés. 
Nous sommes très inquiets sur le devenir de la prise en charge des patients quand le premier délégué ministériel à la psychiatrie que vous venez tout juste de nommer affirme qu’une pratique dégradante, irrespectueuse des droits des patients, est un soin. Cela confirme nos doutes quant à sa conception de l’homme et de la folie et quant aux soins qui seront apportés aux patients.
Collectif des 39

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