Les enfants et adolescents souffrant des dits Troubles du Neurodeveloppement ne sont-ils que « des processus » sans sujet ? – Severine Ouaki

Les approches envisagées par l’Arrêté du 10 mars 2021 relatif à la définition de l’expertise spécifique des psychologues mentionnée à l’article R.2135-2 du code de la santé publique sont les thérapies cognitivo-comportementales, la remédiation neuropsychologique et cognitive et la psycho-éducation désignées consensuelles par la HAS. L’arrêté passe sous silence d’autres types d’approches, qui font pourtant partie des recommandations de la HAS dans la catégorie « non-consensuelles » notamment l’approche psychodynamique sous tendue par des théories psychanalytiques. Elles sont ici censurées dans un texte qui s’autorise à outrepasser les recommandations de la HAS, comme un pas de plus vers la révocation de la vie psychique de l’enfant et de l’adolescent.

Le référentiel unique neurodeveloppemental imposé par cet arrêté fait l’aveu de sa méconnaissance de tout un champ de la psychopathologie clinique des troubles des apprentissages et autres problématiques instrumentales ou plus globalement dites aujourd’hui neurodéveloppementales.

Lorsqu’on y regarde de plus près, lorsqu’on a l’habitude de la clinique infantile, on ne peut pas ignorer que dans certaines circonstances et non des moindres les approches mentionnées ici peuvent ne pas suffire, voire même ne pas fonctionner malgré toute l’énergie qui y est mise.
Combien de rééducateurs, d’orthophonistes, de neuropsychologues après quelques séances témoignent de leur difficulté de prise en charge face à un enfant qui ne s’approprie pas les aides qu’on lui fournit, qui détourne encore et toujours sa relation aux apprentissages et à tout ce qui de près ou de loin concerne les enjeux symboliques (parler, lire, écrire, compter, raisonner, mémoriser, se repérer…..)?

Combien de praticiens démunis se confrontent à des refus comportementaux, des blocages massifs, véritables stratégies anti-apprentissages mises en place par des enfants entravés et angoissés?

Quoi faire quand la pensée ne s’ouvre pas aux dimensions fondamentales du désir d’apprendre?
Comment rééduquer une dyslexie quand l’enfant refuse les étayages proposés? Comment apaiser un enfant instable et inattentif quand la remédiation est rejetée et annulée ?
Que faire si les évaluations recommandées à grand renfort de tests et d’échelles ne sont pas possibles car l’enfant ou l’adolescent est indisponible ?
Comment rendre intelligible, tout simplement parce que l’être humain est parfois inaccessible, les possibles impasses des rééducations, remédiations cognitives, neuro-psychologiques, psycho-éducatives?

Face à la complexité de la psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, restreindre les tentatives de compréhension et d’intervention est tout simplement irresponsable.

Il existe des approches complémentaires à ne surtout pas négliger, elles sont savamment documentées et scientifiquement étayées par une littérature et des recherches historiques et denses (apparemment méconnues?).

Certaines se proposent d’envisager les enjeux intrapsychiques et intersubjectifs rencontrés par les enfants dans leurs relations aux apprentissages et dans leurs possibilités de symbolisation qui sont les approches psychodynamiques.
L’hypothèse issue de la psychanalyse  est d’offrir un cadre pluriel (individuel, groupal, familial, institutionnel….) aux côtés d’autres interventions qui permettent de revenir sur la manière dont le sujet a rencontré l’autre, le monde et les tout premiers apprentissages. Retraverser avec lui les étapes de son développement qui lui ont permis ou pas de s’approprier le monde et de le symboliser.
Pour ce faire, il faut supporter de se dégager quelques temps du trouble immédiat pour envisager une globalité du fonctionnement psychique en centrant son attention sur une dimension essentielle qui ne peut pas être contournée et qui concerne la relation que l’enfant entretient avec l’environnement qui l’ouvre au monde et aux apprentissages.
Retisser les ères transitionnelles et les nouages relationnels dans le rapport aux apprentissages ne se décrète pas, il se vit.

Encore faut-il envisager que la dimension affective parfois douloureuse puisse influer le développement cognitif comme d’autres dimensions l’impactent?
Encore faut-il connaître le développement psycho-cognitivo-affectif pour envisager que des références manquent au programme d’intervention auprès des enfants et des familles ?
Il reste bien une case vide « Autres »  dans l’annexe, elle permettrait d’y inscrire ce que cet Arrêté n’a pas réussi à nommer. Dans un souci de pluralité des approches, indispensable, nous allons occuper cet espace vide et y faire figurer les approches psychodynamiques d’inspiration psychanalytique.

Severine Ouaki
Paris le 11.04.2021

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