Pour une pluralité ouverte des recherches, des langues et des formations en Psychologie

Pour une pluralité ouverte des recherches, des langues et des formations en Psychologie

POUR SIGNER ICI
La CPPLF s’est constituée afin de

« Promouvoir des concertations, en vue de définir les meilleures conditions de garantie d’existence et de qualité scientifique des publications, dans le respect des règles déontologiques et des principes éthiques. À cette fin, elle rassemble des acteurs et instances qui concourent à la publication, à la diffusion, à la conservation et à la valorisation des travaux de psychologie, par l’édition de revues, d’ouvrages, imprimés ou numériques. »

Pour une pluralité ouverte dans les recherches, les langues et les formations en psychologie.

Le  29 décembre 2016

à Madame Najat VALAUD-BELKACEM, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

et à Monsieur Thierry MANDON, Secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État

Nous venons vers vous pour vous alerter et vous demander de recevoir dès que possible la Conférence des publications de psychologie de langue française, eu égard à la situation créée par les orientations que semble s’apprêter à confirmer la seizième section du CNU pour la psychologie.

Les collègues soussignés

– demandent que les critères de qualification aux fonctions de professeur et de maître de conférences des universités — par le CNU 16e section — garantissent tant l’indépendance des enseignants-chercheurs que la pluralité des spécialités et paradigmes en psychologie ;

– refusent des critères réducteurs et non scientifiques, sous couvert précisément de scientificité ;

– n’admettent pas des critères ignorant la dimension internationale et scientifique de la langue française pour la psychologie.

En mai 2016, le CNU a voulu créer de nouveaux critères de qualification, invoquant l’ouverture internationale et l’élargissement de l’audience de nos travaux, comme s’ils en manquaient. Ainsi, pour la qualification aux fonctions de professeur, il pourrait être exigé au moins deux publications dans des revues bien classées par Elsevier (« SJR Q1-Q2 »). Sans elles, et sans aucune attention aux différentes dimensions et qualités des dossiers de candidature, le candidat ne serait pas qualifié.

De même, n’obtiendraient pas non plus leur inscription sur la liste de qualification aux fonctions de maître de conférences, et quelles que soient les qualités de leurs dossiers, les candidats qui n’auraient pas au moins une publication dans ce type de revue (« SJR Q1-Q2-Q3 ») sur les deux publications minimum attendues.

Les critères que veut imposer le CNU 16e section sont contraires aux libertés fondamentales de l’Université. Ils détournent l’usage de la bibliométrie en ignorant les motifs de leur création et de leur utilité.

La quête d’indicateurs bibliométriques va à l’encontre de toute ambition d’ouverture intellectuelle et d’une valorisation à l’échelle internationale des travaux et recherches en psychologie. Il s’agit seulement par là de promouvoir un classement d’éditeur et de réduire le périmètre de la psychologie à un courant anglo-américain entraînant à terme une homogénéisation stérilisante de notre discipline.

En effet :

— « SCImago » est un outil commercial d’Elsevier[1], il n’a aucune vocation à déterminer la qualité des contenus. Instaurant la mise en dépendance de la qualification à des indicateurs bibliométriques, dont la construction n’a rien de scientifique, l’usage de cet outil revient à promouvoir le conformisme et à nous demander de renoncer à l’esprit qui anime toute ambition de recherche.

— Les limites des indicateurs bibliométriques sont notoires ; des instances scientifiques reconnues, notamment l’Académie des Sciences[2], la Déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche[3] et le Comité d’Ethique du CNRS[4], recommandent de ne pas les utiliser à des fins de recrutement, de promotion et d’évaluation des chercheurs.

— Le poids donné à ces indicateurs de l’éditeur Elsevier violerait notre neutralité (statut général du fonctionnaire de juillet 1983) et notre indépendance (article L. 952-2 du Code de l’Education).

— La course aux indicateurs bibliométriques peut inciter à une forme de corruption intellectuelle et à la fraude scientifique : des chercheurs adaptent leurs résultats aux attentes d’une revue ; des revues labellisées « Q1-Q2 », brandissant leur IF par courriel, facturent à prix fort la publication alors qu’elles sont peu soucieuses de la qualité scientifique des articles. Feraient désormais carrière des chercheurs achetant leur quartile ou leur IF ? Sommes nous sur le seuil d’une valorisation par l’argent et non par l’apport d’une recherche ?

— Ce type de classement « SCImago » porte plus fortement préjudice à plusieurs spécialités, par exemple, la psychologie clinique et la psychopathologie d’orientation psychanalytique et la psychologie du travail et des organisations. En conséquence, l’accès futur à la qualification privilégierait certaines spécialités aux dépens des autres. Or, toutes les approches sont nécessaires à la formation des futurs psychologues. Dès lors, c’est la Psychologie dans son ensemble qui serait invitée à s’amputer. La mission du CNU est de fédérer les spécialités et de promouvoir la discipline dans sa diversité (article 12-1 du décret n°92-70 du 16 janvier 1992), non de la rétrécir.

— Non seulement la liberté de la recherche scientifique serait compromise, mais les psychologues praticiens, dans les domaines de la santé, du travail, de l’éducation, de la formation, seraient à terme privés de l’échange entre recherche et pratique, échange fondamental pour le progrès des connaissances.

Promouvoir l’hégémonie d’une seule langue dans le monde et disqualifier les travaux publiés dans d’autres langues n’est pas acceptable. Encourager le plurilinguisme serait une toute autre démarche. Nous tenons à ce que le français soit une langue de référence privilégiée (loi Toubon n° 94-665 du 4 août 1994). C’est nécessaire pour garantir la transmission des avancées scientifiques pour les étudiants et les professionnels, ainsi que pour entretenir le rayonnement international de notre langue et de notre Université.

Nous vous prions d’agréer, madame la ministre et monsieur le secrétaire d’État, l’expression de notre haute considération.

Pour la CPPLF : Jean-Pierre Pétard et André Sirota

Nous, co-signataires de cette lettre ouverte, demandons qu’aucun indicateur bibliométrique ne soit imposé et que, bien entendu, dans tout dossier de candidature figure un minimum de publications en langue française, dont le candidat est premier auteur.

[1] https://www.elsevier.com/solutions/scopus et https://www.elsevier.com/about/press-releases/science-and-technology/elseviers-scopus-partners-with-cwts-and-scimago-to-offer-multidimensional-evaluation-of-research-journals (“Metrics to be Powered by Scopus and Freely Available Online”)

[2] http://www.academie-sciences.fr/fr/Rapports-ouvrages-avis-et-recommandations-de-l-Academie/du-bon-usage-de-la-bibliometrie-pour-l-evaluation-individuelle-des-chercheurs.html

[3] http://www.ascb.org/dora/

[4] http://www.cnrs.fr/dist/z-outils/documents/indicateurs%20bibliometriques%20Innovation_8sept2014.pdf

Cette pétition sera remise à:

  • CPPLF
  • Jean-Pierre PÉTARD et André SIROTA
  • ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la recherche
  • Madame Najat VALAUD-BELKACEM,
  • secrétaire d »État auprès de ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la
  •  et Monsieur Thierry MANDON
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