Tous les articles par FERRISI marie therese

>Quand l'incompétence politique devient synonyme de victimisation…

Depuis 2007 les ministres de la santé à la solde de Nicolas Sarkozy se succèdent et se ressemblent conformes à une politique du "tout sécuritaire" sans aucune volonté de différencier les missions des institutions représentant notre pays, d'estimer à leur juste valeur les catégories de professionnels spécifiques, de respecter les usagers dans leur singularité.

On ne privatise pas "les soins aux malades mentaux" comme on privatise France Telecom ou la Poste me diriez-vous ? !

Par conséquent ne nous plaignons pas : "Circulez y'a rien à voir !" , "Enfermez-moi ces fous que je ne saurais voir !" ; j'appelle le patient  "tel numéro de telle chambre.." et maintenant  "L'affaire numéro tant (patient en HSDT ou HO) du JLD de tel TGI".

La politique de "rabotage budgétaire" connue de tous, touchant essentiellement les domaines de la fonction publique, ici les professions "de contact", "de prévention", "de continuité des soins"nous ramène à une simplification, à une causalité linéaire qui fait abstraction des causes multifactorielles d'une pathologie récurrente, anéantissant ainsi l'histoire, la singularité de la personne souffrant de troubles mentaux.

Nous devenons de facto des acteurs compétents sur le clavier de l'ordinateur, rentrant des données informatiques afin de mieux répertorier sur le catalogue DSM IV tous comportements "non conformes" à la société dite "bienveillante" au regard de la sécurité de ses citoyens.

Nous sommes 60 millions de consommateurs et c'est là l'essentiel d'une politique aux intérêts mercantiles ! Performance et rentabilité signent la condamnation de l'Etat providence et le démantèlement des structures qui font l'ouverture pour les usagers de la psychiatrie dans la cité ! Je suis indignée vous n'en doutez pas !

Plutôt que de reprendre d'une manière pédagogique pour toutes les parties intéressées par la maladie mentale tels que usagers, familles d'usagers, associations, professionnels de santé, les dernières enquêtes menées par "les missions nationales d'appui en santé mentale" dans les secteurs médico-sociaux (prévention en amont et en aval) et sanitaire (évaluer et traiter), les politiques s'en tiennent à la rubrique "faits divers" et font de "l'empirisme pavlovien" !

Par conséquent, vidons de son sens la qualité des soins auprès des personnes souffrant de troubles mentaux en supprimant les postes de psychologues, en diminuant le ratio "infirmiers pour un malade", en disqualifiant le travail relationnel des médecins psychiatres au profit  d'une rentabilité aux actes, en raccourcissant la durée d'hospitalisation au moment où l'alliance thérapeutique prend le pas sur la camisole chimique.

La question de l'autonomie du patient est une période transitoire qui demande beaucoup de temps. Le travail de lien dans la cité avec les différents partenaires médicaux sociaux permet la prévention des rechutes par le choix du lieu proposé de rencontre et la relation de confiance qui se tisse entre les personnes. Ce langage non conventionnel ou politiquement incorrect (puisque le temps c'est de l'argent) n'interesse pas la sphère politique. Sous couvert d'une jurisprudence, ils condamnent par là même toute l'originalité des organisations de secteur psychiatrique. La baisse des moyens humains et structurels mettent à mal le respect à la dignité de la personne souffrante.

L'obligation de soin n'a jamais permis d'avancer dans la relation soignant/soigné car il n'y a pas de place pour le désir du sujet. La sécurité et la liberté n'est pas là où Xavier Bertrand veut nous la laisser croire.

Cette réforme de la loi de 1990 fera obstruction au projet individualisé du patient. Il y aura malheureusement "un catalogue/statistique" d'inadaptés, une liste noire en somme. Je n'ose pas imaginer que le dépistage en santé mentale fera office de "casier judiciaire" au même titre que le dépistage de la délinquance des enfants proposé dés la maternelle.

Le JLD contrôlera au quinzième jour de l'admission sous contrainte le HO ou l'HSDT, la validité de leurs documents et la décision du JLD dépendra des fluctuations de l'actualité gênant l'ordre public ou des émotions élyséennes desquelles son leader nous a si bien habituées.

Lors de son discours d'investiture, Nicolas Sarkozy, s'adressant à la foule sympathisante fit allusion aux plus démunis : "Ne les laissez pas sur le trottoir !"  Cette phrase m'a frappée car elle se veut victimisante et humiliante pour ceux qui sont usés par l'exclusion sociale. La ligne de défense des familles et usagers en santé mentale est la juridicisation parce qu'elle leur apparaît comme une garantie de liberté. J'ai bien peur que ce ne soit tout le contraire sans compter que la qualité des soins en pâtira.

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>Pour une politique en santé mentale non hygièniste…

 

Avoir fait mes premiers pas dans le monde de la folie dans un établissement géré par les « Sœurs de St Joseph de Cluny » à Limoux (11) a failli stopper mes études d’infirmière psychiatrique. Les rites judéo-chrétiens agissent insidieusement en dogme bien orchestré, cherchant la victime et son bourreau. Je veux dire par-là que l’autorité engendrée par le port du vêtement et de la cornette en imposait aux malades et aux soignants. Dire que je vivais à la « même enseigne » que les hospitalisés n’est pas exagéré.

 

 L’entretien des locaux duraient trois semaines sur quatre, une éternité ! Pendant la semaine d’infirmerie, la méthode, la science enseignée, l’observation clinique et  la collaboration directe avec le médecin devenaient un privilège. Tout ceci se passait en 1970/1974. La politique de secteur existait dans un ailleurs, Paris 13e.

 

L’information ne circulait pas, les évènements de mai 68 amélioraient nos conditions de travail sur un plan national. Les malades touchaient le « pécule » une rémunération dont ils ne pouvaient pas pour la plupart profiter car les sœurs ne concevaient pas l’ « autonomie » du patient comme un objectif à atteindre. Pour les soignants, la pensée contradictoire signée une atteinte à la hiérarchie instituée.

 

Les dortoirs accueillaient 60 à 90 patients. Les mesures d’hygiène primaient sur la relation soignant/soigné perçue alors comme une perte de temps. Le post-taylorisme c’était mieux !

 

            La loi de 1838 liée aux internements psychiatriques ne faisait pas grand bruit. Les malades chroniques issus dans leur majorité d'un milieu rural, étaient placés par leur famille qui elles-mêmes versaient une « pension » à la congrégation et un peu plus pour remercier le seigneur.

 

Tout ceci sans un encadrement infirmier critique de son environnement, mais plutôt à la recherche d’un bâton de maréchal. Certaines infirmières dont l'ami avait connu les horreurs de la guerre d’Algérie me rappelaient non sans animosité mes origines d'immigrantes.

 

La peur me serrait le ventre si une patiente traitée pour épilepsie testait à juste titre mes faiblesses d'une distance dans le trop ou le pas assez. La difficulté première résultait d’une impossibilité à trouver les mots apaisants car le monde autour de moi n’était qu’agitation, contention, enfermement, électrochocs sans curarisation, chocs humides par injection d’insuline pour les jeunes schizophrènes, et cocktails de sédatifs puissants en camisole chimique. Vingt ans après la découverte des NRL, les troubles bipolaires et l’épilepsie comme symptôme des déficients mentaux constituaient le plus grand nombre des pathologies mise à part les démences séniles comme nous les appelions autrefois.

 

 La psychothérapie en était à ses balbutiements.. Pourtant la nécessité d’apporter un réconfort par la parole qui accompagne le geste technique s’avérait nécessaire. Fallait-il encore se connaître, avoir dépasser ses problèmes existentiels et ne rien dire plutôt que de dire n’importe quoi !

 

Quand certains professionnels de la santé font référence aux trente glorieuses, c’est un tollé général ! Peut-être ressentent-ils une nostalgie des moyens,  le besoin d'une reconnaissance en tant que soignant ? Ou peut-être adoptent-ils une attitude de renoncement ?

 

Si j’ai choisi cet épisode alors que d’autres non moins plus simples m'ont permis la rencontre avec l’autre, l’expérience "d’une réalité partagée" , du discours contenant qui ne s’improvise pas, du soutien moral et  souvent de situations de "violence physique" comme expression de l'angoisse du soigné nécessitant chez le soignant une supervision psychanalytique, c’est parce que je ne souhaite pas que notre société nous mette à la poubelle !

 

Je désire que les structures de transition et le personnel qui les fait exister,  puissent « continuer » sans que la direction/entreprise oblige ces mêmes soignants à  pourvoir des  postes supprimés, au pied levé, vers d’autres spécialités. L’hôpital psychiatrique ne doit pas disparaître, appelons le : « refuge », « asile » en tout cas un lieu de soins de psychothérapie institutionnelle où peut s'exprimer la folie, un dedans sécurisant pour que la frontière avec un dehors devienne possible tout aussi accueillant. Le patient devrait pouvoir se situer sur un entre deux pour re-tisser un lien social. Cela me paraît indispensable (CMP)

 

Les traitements médicamenteux ne peuvent faire l’économie de la parole, de la relation. Il faut du temps et encore du temps pour que les personnes en souffrance se reconstruisent…

 

 "Ce qui ne vient pas à temps dans le symbolique arrive plus tard dans le réel" (J. Lacan)

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>Quand la machine "judiciaire" prend le pas sur l'évaluation psychiatrique…

Une plaignante, Danielle S, a fait valoir auprès du Conseil constitutionnel que ses droits de liberté (téléphoner, recevoir du courrier, refuser un traitement) au vu de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation, ces droits n’ont pas été respectés.

« Les sages » saisis par le Conseil d’Etat ont décidé la suppression de l’article L.337 inscrit au Code de la Santé Publique selon lequel :

– « Dans les trois jours précédant l'expiration des quinze premiers jours de l'hospitalisation, le malade est examiné par un psychiatre de l'établissement d'accueil.

– « Ce dernier établit un certificat médical circonstancié précisant notamment la nature et l'évolution des troubles et indiquant clairement si les conditions de l'hospitalisation sont ou non toujours réunies. Au vu de ce certificat, l'hospitalisation peut être maintenue pour une durée maximale d'un mois.

– « Au-delà de cette durée, l'hospitalisation peut être maintenue pour des périodes maximales d'un mois, renouvelables selon les mêmes modalités.

– « Le certificat médical est adressé aux autorités visées au deuxième alinéa de l'article L. 338 ainsi qu'à la commission mentionnée à l'article L. 332-3 et selon les modalités prévues à ce même alinéa.

– « Faute de production du certificat susvisé, la levée de l'hospitalisation est acquise » – A partir du 1er août 2011, les malades mentaux hospitalisés à la demande d’un tiers (HSDT) feront l’objet au terme du quinzième jour d’hospitalisation non plus du seul certificat médical circonstancié qui affirme ou infirme la nécessité de poursuivre ce mode d’hospitalisation sous contrainte parce que leurs troubles ne leur permettent pas d’accepter les soins, mais ce sera au juge d’en décider. La réforme annoncée de la loi de 1990 en attente d’examen par les parlementaires (évènements tragiques de Pau, Grenoble) devront d’ici là choisir soit un JLD (juge de la liberté et de la détention) ou une juridiction ad hoc qui fera le contrôle de l’HSDT.

Aujourd’hui, ce même contrôle est appliqué pour les gardes à vue et la rétention des étrangers. Il ne manquait que les personnes hospitalisées sans leur consentement. L’avocate Corinne Vaillant a donné comme argument de défense de la plaignante que le simple fait de demander un stylo pour écrire à un juge était parfois considéré comme un motif suffisant pour prolonger l’internement.

D’abord le mot « internement » fait référence à la psychiatrie asilaire d’avant François Tosquelles précurseur de la psychiatrie institutionnelle. Ensuite, j’essaie d’imaginer le contexte où le patient qui est ou n’est pas conscient de ses troubles et au vu de ses droits qui lui ont été énoncés à son admission demande un stylo pour écrire à l’autorité judiciaire. Les soignants (médecins, infirmiers) sont habilités à faire la différence entre le délire procédurier de la personne paranoïaque et le discours névrotique de celui qui demande une écoute disponible et bienveillante.

Dans les deux cas, un entretien s’ensuit. La tournure judiciaire de ceci m’inquiète car ce qui pourrait être perçu comme étant un signal clinique sur le chemin de la guérison par une prise de conscience des troubles ou l’acceptation du traitement est disqualifié par le simple fait que nous répondrons au malade : « C’est le juge qui décidera si vous continuer le traitement ou si vous sortez demain » car c’est de cela qu’il va s’agir plus que la demande du coup de fil à passer ou du courrier à envoyer en toute urgence.

Nous savons par expérience que « l'alliance thérapeutique » est difficile à mettre en place avec une personne qui n’en a pas fait la demande parce que déni des troubles. La CDHP (commission des hospitalisations psychiatriques) a vocation consultative pour ce mode d’hospitalisation sous contrainte. A-t-elle appliqué ses missions ? Est-ce que cette affaire n’est pas un prétexte d’un amenuisement du pouvoir médical transférer au ministère de la justice comme pour l’intérieur ?

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