COMMUNIQUE DES 39 SUR LA MISE EN PLACE DES GHT

NON A LA LIQUIDATION DE LA PSYCHIATRIE DE SECTEUR !

Le Collectif des 39 a pris connaissance des nouvelles dispositions de la loi de Santé votée le 17 Décembre 2015 et en particulier de l’article 69 précisant la mise en place des Groupements Hospitaliers de Territoire. Cet article 69 non spécifique de la psychiatrie, vient pulvériser les illusions que le ministère avait pu semer pour faire croire qu’il préserverait la politique de secteur. Il va de fait restructurer sous prétexte de modernisation l’ensemble du tissu hospitalier (psychiatrie et MCO) dans un but évident de coupes budgétaires drastiques.

Nous rappelons que notre Collectif soutient le projet d’une psychiatrie fondée sur des valeurs d’hospitalité pour la folie. Nous avons tenu avec les CEMEA dans cette intention des Assises de la psychiatrie et du médicosocial en 2013, et nous avons participé à toutes les discussions initiées par le député Denys Robiliard chargé de mission pour la psychiatrie par Marisol Touraine. Nous avions lors d’un meeting réunissant 600 personnes le 1° Novembre 2014 à Montreuil, rappelé que le projet de loi était très loin des attentes exprimées lors des Assises par les professionnels, les patients et les familles. Nous aurions souhaité une loi-cadre en psychiatrie rappelant les spécificités de ce champ qui ne saurait se réduire à une approche biologique, mais suppose une ouverture vers les sciences sociales, la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle. Et plus généralement toute approche qui permette de penser et de prendre soin de la complexité de la vie psychique.

Le ministère a prétendu qu’une loi spécifique participerait de la stigmatisation des malades mentaux ! Alors que la loi du 5 juillet 2011 a seulement été toilettée au lieu d’être abrogée,  et garde bien une spécificité pour la contrainte aux soins…

Aujourd’hui c’est l’Association des Directeurs en Santé Mentale qui tire la sonnette d’alarme à propos de la loi et du projet de décret qui devrait s’appliquer avant même d’être promulgué !! Le mot de secteur s’y trouve totalement vidé de son sens de psychiatrie de proximité, les établissements psychiatriques ne peuvent constituer un GHT indépendant sauf dérogation en Conseil d’Etat ! Ces dispositions vont considérablement transformer et aggraver la situation de la psychiatrie : pour ceux qui y travaillent mais aussi pour ceux qui s’y trouvent pris en charge. L’abandon d’un travail de proximité, délaissé au profit de filières de soins par pathologies, ou par durée moyenne de séjour, laissera la place à un tri des patients selon une politique de gestion des populations, avec l’attente de solutions magiques du côté des progrès prétendus dans le diagnostic précoce, et la panacée biologique que l’on nous annonce mensongèrement depuis des décennies. De plus les budgets de la psychiatrie risquent fort d’être absorbés par les autres hôpitaux pour la plupart en déficit financier. Enfin la perte d’indépendance dans la gestion risque fort de la faire passer après les autres disciplines médicales, d’autant que les CHU se retrouvent au cœur de ce nouveau dispositif avec une place prépondérante.

Nous alertons donc les professionnels, les patients et les familles, contre cette transformation qui se fait en catimini et veut s’imposer partout en France  dès le 1° juillet dans une urgence bureaucratique qui ne laisse pas le temps d’une élaboration démocratique. Nous exigeons donc le respect de la démocratie et qu’aucun projet de décret ne s’applique avant sa promulgation au Journal Officiel. Il est impératif que dans sa formulation le décret ne détruise pas la possibilité de poursuivre une psychiatrie à visage humain. 

Et nous rappelons notre opposition à cet article 69, et notre attente d’une loi-cadre en psychiatrie, refondant la politique de Secteur, en associant tous les acteurs de la Psychiatrie dans son élaboration. Une loi qui rappellerait les valeurs de fraternité et d’hospitalité fondatrices d’une approche humaine et ouverte, rejetant les logiques de tri qui rejettent déjà un grand nombre de patients à la rue ou en prison. Si nous laissions faire, il y aurait forcément une aggravation de tout ce que nous dénonçons depuis des années : paupérisation de la psychiatrie, délaissement des équipes, des patients et des familles, avec un très grand risque d’augmentation des mesures d’isolement et de contention, fausses solutions pour un vrai désespoir des soignants confrontés démunis et sans formation à des situations déjà très tendues.

Nous appelons donc à la mobilisation l’ensemble des professionnels, des patients et des familles, et  tous ceux qui se sentent concernés par l’accueil de la folie au cœur de notre commune humanité.

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