A.G. du printemps de la psychiatrie – 30/11/2019. Théâtre de Gennevilliers

Intervention de Sandrine Deloche

Chers amis,

Nous sommes réunis ici pour faire vivre une zone à défendre : le soin humaniste en psychiatrie. Celui qui soutient l’accueil du sujet. Sujet considéré et reconnu dans sa parole, qu’il soit enfant adolescent ou adulte, patient ou soignant. 

Mais « être sujet » ensemble, permet aussi de lutter contre la brutalité ambiante en refusant d’être laminé par des manœuvres politiques outrancières.

Nous, équipes de pédopsychiatrie, dénonçons le délaissement et la pénurie actuelle des lieux de soins pour les enfants et leurs familles sur tout le territoire.

Nous dénonçons une fausse politique de santé activement ignorante d’une causalité évidente entre la souffrance psychique des petits et le dénigrement de notre socle social. 

À savoir une réduction drastique des politiques sociales et solidaires. Celles qui coûtent soit disant « un pognon de dingue ». 

Ce sabotage laisse s’installer chaque jour une misère des familles et du lien social, mais aussi une impossibilité d’exercer nos missions locales de soin, de prévention et de protection. Au final de plus en plus d’enfants n’arrivent pas à se construire et se brisent.

Alors oui il y a de plus en plus d’enfants diagnostiqués autistes ou supposés l’être. 

Mesdames messieurs les politiques, sachez que la mort psychique ça existe en réaction au vide, et avant qu’elle n’arrive il y a urgence à intervenir, sans délais, avec les moyens et le savoir faire qui l’en coûtent. 

A l’opposé, nous subissons une attaque programmée de nos praxies via une politique managériale ultra violente appliquée aux soignants comme aux patients, considérés comme de vulgaires objets d’évaluation et de gestion. Uniformisation, flexibilité, rentabilité, traçabilité sont des mots d’ordre qui tuent. 

Nous dénonçons l’école inclusive, les compensations humaines ou financières allouées par les MDPH, le scandaleux virage ambulatoire ou le fameux panier de soins de la ménagère. Cette fausse démocratie d’aide est loin de faire face à ce qui explose  sur le terrain, pire elle l’entretient. 

Chaque jour, ce qui explose à la figure c’est la rébellion d’enfants petits ou grands, mais aussi c’est l’expansion d’un profond mal-être des équipes au sein des écoles, des PMI, des services sociaux, des services de soin ou de protection des mineurs. Il s’agit là de l’expression subie d’une violence sociale orchestrée par une politique de mépris sous couvert d’austérité.

N’oublions pas que ce qui n’est pas entendu chez un enfant en souffrance, ce qui n’est pas accueilli comme il se doit, file et devient blessure à vif et à vie.

Ni la pilule de l’obéissance, la Ritaline, donnée larga manu dès la maternelle, ni les plates-formes d’expertise coinçant les enfants devenus cerveaux robots dans des filières bétail,  ne pourront faire face à l’attente vitale, chez eux, d’une mise en sens pour aller mieux. C’est-à-dire être soutenu à devenir un sujet pensant, parlant, donc politique.

Ce matin, nous pourrions chacun clamer un « j’accuse » sans précédent mais c’est évidemment collectivement que nous devons défendre une solidarité créatrice luttant contre la fabrique d’enfants malades étiquetés « handicap » pour laquelle seule l’approche neuro-scientiste serait effective, jetant la psychanalyse aux orties. Continuons à défendre comme primauté du « prendre soin » de nous engager pour de vrai auprès d’enfants singuliers. De leur trouver des réponses désaliénantes, chaque fois uniques dans  l’inattendu de la rencontre, dans un accompagnement qui dure, ce temps nécessaire pour changer le factum,  quoiqu’il en coûte en tout cas.

Sandrine Deloche

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