>Grenoble : Hôpital de St Egrève

lundi 27 avril 2009

Ici nous avons crée un collectif de réflexion sur nos pratiques soignantes. Face aux mutations en prévision de la psychiatrie, qui ont déjà commencées ici avec une idéologie très sécuritaire, ainsi qu’à la logique économique qui nous est imposée…, nous avons comme objectif de remettre le soin au coeur de nos préoccupations, et, par l’échange pluri-professionnel, redevenir acteurs de nos pratiques auprès des personnes soignées, retrouver un sens au soin et une logique qui respecte les patients. Ensuite nous proposerons les actions qui découlent de ces réflexions. Ces réflexions prennent la forment de rencontres au sein de l’établissement. Nous sommes pour le moment 26, d’autres personnes devraient bientôt nous rejoindre. Nous sommes psychiatres, infirmier(e)s, psychologues, certains avec 20 ou 30 ans d’expérience, d’autres récemment diplômés. Ce mouvement de résistance, au fonctionnement qui nous est imposé, est né d’un malaise partagé de professionnels de santé, qui refusent l’avenir sécuritaire qui se profile pour la psychiatrie. Notre groupe envisage d’organiser différents évènements sur l’hôpital, afin de sensibiliser le plus de professionnels possible, comme des soirées de réflexions, forums ou colloques. Nous relayerons localement les actions proposées par d’autres mouvements, comme le moratoire exigé par le groupe des 39. Nous sommes indépendants des organisations pré-établies par le CH de st Egrève, ainsi que des syndicats.
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>Uzès : La création du collectif 17/89

Dimanche 26 avril 2009

« Psychiatrie, le malentendu ? » Vend 17 avril au Mas Careiron (CH Uzès 30) : un ptit compte-rendu.

« C’était le 17, nous étions 89 * »

Une assemblée-forum (concoctée sans mollir, en l’espace d’un mois), pensée comme une rencontre inaugurale, associée à la formation continue, avec, sans sous-entendu, le lancement d’un collectif local à la fin de la journée : Se rassembler (fait devenu trop rare entre les personnels) et prendre le temps de penser face aux réformes menées au pas de charge.

5 interventions d’un quart d’heure ont déroulé le fil de l’actualité et des mesures en cours, analysé les conséquences sur les pratiques et redéployé, chacun sa manière, les valeurs qui nous sont chères, de celles qui fondent le travail dans la rencontre avec la folie : Etats des lieux/Etats d’esprits. Merci aux intervenants : Yves Gigou, Serge Klopp, Simone Molina, Hervé Bokobza, du collectif « Nuit sécuritaire », ainsi qu’à Madeleine Convent, infirmière au Mas Careiron. 5 interventions suivies de débats et scandées par une lecture à voix haute de lettres choisies, adressées aux président de la république. Les lire, c’est une chose, les entendre, c’en est une autre. Merci à Bernard Babkine (écrivain, critique littéraire, président du festival Uzès-Danse) qui les a mise en voix ainsi qu’à Emmanuel Natali (infirmier) qui a aussi prêté la sienne. Interroger le politique, garder le lien avec la clinique, tel fut l’angle d’attaque de cette après-midi et le point commun de ces approches.

Interventions et débats :

De « comment en est-on arrivé là ? » à « comment résister ? », nous vous passons les détails (nous vous invitons à lire d’ici peu, le compte rendu plus détaillé sur le blog en projet du collectif 17/89 d’Uzès).

L’accent fut mis sur la nécessité au quotidien, de se tenir, coûte que coûte, auprès des patients, de rester des cliniciens. Oser dire « je »(S.Klopp), oser dire « non » face aux dérives (du langage gestionnaire « désincarnant » par exemple, face aux temps de parole, de réunion « confisqués »etc…) « La fonction soignante n’est pas une technique mais implique une éthique et la nécessité de faire appel à sa propre créativité dans le travail. »(S.Molina) Seule garantie pour rester sujet et le garantir de même, à celui qu’on accueille.

Pour cela : s’appuyer sur le collectif dont la création fut proposé à l’issue des débats, être à plusieurs, se sentir soutenu dans cette reprise de parole.

La création du collectif 17/89 :

Si le coup pouce « formation continue » était là pour facilité la reconnaissance (d’une réflexion nécessaire) et la venue des personnels, la suite, c’est bien évidemment de tenir ce collectif hors des sentiers balisés de la formation – liberté oblige – celle notamment de l’ouvrir à tout citoyen, qui se sent concerné par les questions de santé mentale, de près ou de loin, patients compris. Projet de blog (d’ici 15 jours) avec lien réciproque – site Nuit sécuritaire.

A suivre donc.

Au final :

Une journée conçue, donc, pour que chacun puisse entendre et cueillir « ce que bon lui parle ». Une belle bibliographie de textes et livres cités à l’appui de la réflexion, pour approfondir. Un succès local, enfin, en ce vendredi après-midi, de vacances. Une salle comble et attentive, qui l’est restée jusqu’à 19h30. Et le passage tout aussi attentif du directeur. Des retours positifs en provenance des personnels, bien décidé à poursuivre les échanges.

* Le compte est bon : vé-ri-di-que ! L’inconscient révolutionnaire tout de même.. !

Plus d’infos sur le blog : Uzes Psy Blog

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>A Ville-Evrard (IDF) : Les 39 du 9-3

Mercredi 22 avril 2009
Des nouvelles du 9-3

Le mercredi 1er avril 2009, trente neuf soignants, (si ! si !, ce n’est pas une blague ni de la propagande ) des secteurs du 9-3 rattachés à l’E.P.S. de Ville Evrard se sont réunis dans un pavillon de Ville Evrard répondant à l’invitation de quelques uns de l’appel des 39. Ils ont voté à l’unanimité la création d’un collectif des 39 du 9-3 !

Ce fut une vraie surprise de nous retrouver si nombreux pour une première rencontre. Diversité catégorielle, diversité des secteurs, des lieux d’exercice, intra et extra-hospitaliers

Prise de paroles, désir de paroles et de faire quelque chose, tant pour relayer sur un plan local l’initiative des 39 ( démarches auprès d’élus pour soutenir la revendication du moratoire ) que refuser des budgets pour le sécuritaire, recenser les entraves aux levées de HO, participer à la mobilisation contre la loi HPST, etc.

Le débat a été riche et a témoigné que les soignants ont envie de parler et de se parler, et d’agir …

On a rappelé que dans ce mouvement, chacun y est en son nom, qu’il n’est en rien opposé aux syndicats, que les syndicats et le collectif peuvent se nourrir mutuellement et s’articuler.

Beaucoup de thèmes ont fusé : • concernant nos pratiques, la clinique est notre socle commun, comment les transmettre ? • sur l’évaluation ? comment se la réapproprier, plutôt que de se la laisser imposer par l’extérieur ? • la certification comme entreprise abêtissante … • Le RIMPsy est nominé pour le Big Brother award !!! • sur l’alliance avec le champ culturel, les espaces de création ….. • la violence, l’agressivité, les chambres d’isolement, • la bureaucratie qui envahit et entrave les pratiques soignantes, . quelles modalités d’action avec les patients et les familles ? Comment aborder ces thèmes ? par le théâtre, par ex ?? Il faut dire aussi que la Direction de Ville Evrard a bien contribué à nous mobiliser : « Avalanches » récentes de notes de service, – pour supprimer les bouteilles d’eau pour les patients ( dans un pavillon les patients ont écrit une pétition et le Directeur a été interpellé par une patiente lors du rassemblement organisé par les syndicats pour le C.T.E. Il faut dire que l’eau qui coule des robinets est marron … « mais elle est bonne à boire, des tests ont été fait ! » dixit le directeur. – pour supprimer les lingettes et les limiter le nombre des couches culottes, – pour supprimer la possibilité pour les patients hospitalisés de faire laver leur linge à la blanchisserie centrale, – pour faire payer dès avril, les soignants qui déjeunent avec les patients dans le cadre des repas thérapeutiques dans les H.d.J.

Devant tant d’énergie, une deuxième réunion a été décidée … pour la semaine suivante, le 8 avril.

Lors de cette deuxième réunion : Rapidement, il émerge de nos discussions la nécessité de se centrer sur les « détails », d’axer les actions des 39 du 93 sur les dits-détails de la vie quotidienne. Faire de la micro politique et du grand bruit à partir de là, de notre quotidien et de ce qui crée l’usure, c’est à dire finalement, partir de la clinique et des pratiques. C’est à partir de là que l’on peut défendre une éthique des métiers, en disant ce que nous ne pouvons pas admettre, de relayer et par là même, ce que nous continuons à penser comme étant notre métier. ( a été évoqué le livre d’Armand Gatti, sur les arbres de Ville Évrard, et du coup dans une belle envolée poétique « parler des détails qui empêchent les cigognes de se poser sur les arbres de Ville Evrard » !!!). Chacun, dès lors, se trouve à avoir des choses à dire et à partager :
Question de la pénurie de médicaments suite au fonctionnement en « flux tendus » imposé par la pharmacie (plus de médicaments quand on a besoin de dépannage, les infirmiers doivent courir vers d’autres pavillons en cas d’agitation et de traitement manquants !!), – aberrations diverses, travaux invraisemblables et hors de prix quand il n’y a plus d’argent pour remplacer des postes ou employer des gens, des ordinateurs dans tous les bureaux et plus de soignants, Mais aussi, tout ce qui parle de l’envahissement administratif dans nos pratiques soignantes. Au sein même de cette question est discutée la place complexe des cadres, en première ligne, à qui l’on demande d’être des courroies pour faire fonctionner cette machine administrative sans plus se préoccuper du soin ou de questions cliniques. (cf les déclarations de Bachelot, le projet de l’implication de cadres dans le « collège » pour décider des sorties de H.O.) Dès lors, l’idée force qui se dégage serait de faire un état des lieux, dans chacun de nos services, de l’intrusion de la demande administrative dans les pratiques de soin, à travers tout ce qui semble être des détails mais qui empêchent de travailler. Ce sera donc le pivot de l’organisation d’un forum public : sorte de lecture à plusieurs voix, où chacun pourrait, un par un, prendre la parole, au sein et à partir du collectif, afin que nous puissions inventer des formes d’actions concrètes et de résistance dans nos pratiques. Mercredi 24 avril prochaine réunion pour préparer ce forum qui se tiendra

LE MERCREDI 3 JUIN A VILLE EVRARD, AUX ANCIENNES CUISINES de 18 H A 21H.

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>Allons nous continuer à courber l’échine ?

Si le premier temps de l’accréditation avait soulevé quelques débats, le deuxième temps , la V2, nécessite de nouvelles réflexions tant les problèmes posés sont différents qualitativement.

Ils posent, en effet, la question sensible de l’évaluation des pratiques.

Les équipes se sont engagées dans ce nouveau passage, développant des ressources considérables…

Et pourtant, cette somme inouïe de travail qui nous paraît bien souvent insensé (au niveau de la forme tout comme au niveau du fond) est une perte de temps – celui là non passé auprès de nos patients – à patauger dans les méandres de l’évaluation, l’auto évaluation, la formalisation, la réduction…

Le soin, désormais à la charge de l’administratif relève d’une parfaite signalétique, parcours, circuit … Au moins nous ne risquons plus de nous perdre. Bientôt un GPS du soin en vente dans nos centres commerciaux les plus proches ?

Mais si la signalétique semble mieux fléchée, je ne vois pas pour autant une quelconque destination à l’horizon…

Quand l’intention de soin se protocolise, l’autre, le patient devient un ON indifférencié bien loin d’une relation constituante puisque singulière d’une rencontre. L’autre déshumanisé, au mieux un chiffre, un déchet.

Fascisante, l’accréditation peut invalider toute subjectivation dans la relation, terrifiant anéantissement de notre être –humain le plus élémentaire.

Et pourtant les protocoles rassurent en référence cette fois au discours religieux du dogme accrédité .

Face à la V2, exit les grands référentiels théoriques, les grands mouvements de pensée, ils ne valent plus face aux Références administratives.

La culture de la transparence, virtuelle (faut-il encore le dire ?) , rejette le réel. L’effet est immédiat, si tout est possible alors plus rien ne l’est. Les climats dépressiogènes actuels en attestent.

Finalement, rien n’est vraiment grave, c’est peut-être ça le pire, la V2 ne demande rien qu’un tas de petites choses.

La contrainte de devenir bons élèves malgré nous nous conduit à nous arranger pour répondre au mieux, au plus économique, pour pouvoir continuer à fonctionner, pour être tranquille pendant quatre années.

Pouvons nous coopérer pour la survie des institutions telle que la loi l’exige sans nous compromettre ?

Nous compromissons, une coopération même à minima reste une coopération.

Cette accumulation d’un tas de petites choses, dont nous pouvons nous arranger dans un soupir d’agacement, à moins d’en rire s’il nous reste un peu d’humour, sera t’elle le charnier de la psychiatrie à venir ?

Chaque institution passe son épreuve, s’auto évaluant en louchant sur la copie voisine. Y a t’il de la place pour tous ?

La conflictualisation due à la division de nos relations (inter institutionnelle et/voir intra) n’est plus conceptuelle. Terminée les guerres d’école, c’est chacun pour sa peau dans la menace permanente de la bureaucratie post moderne, nouvelle dérive disciplinaire.

En croyant faire de l’économie, en voulant nous faire croire que nous faisons de l’économie, nous faisons de la finance. La finance dans sa centralité dominante, dans son aberration virtuelle.

Le prix de l’accréditation en lui-même nous en donne un parfait exemple.

C’est le jeu du furet, « il est passé par ici, il repassera par là », la bureaucratie revendique la savoir, le pouvoir sur les autres, dés lors naturellement considérés comme incompétents et à soumettre. La démarche même de l’accréditation et de la V2 n’est-elle pas une nouvelle forme de colonisation ? Le monde du plus fort devient insidieusement propriétaire du monde de l’autre…

Ne rentrons pas dans la protocolisation du soin et ne nous laissons pas imposer dans la thérapeutique des normes sans rapport avec ce dont la parole est l’expression.

Eviter le pire, en l’occurrence la mort d’une institution, risque de nous conduire à une prudente passivité doublée d’une abnégation de soi insupportable.

L’impuissance, le non agir ont pour effet la tristesse, la peur, l’insécurité, maîtres mots de la post modernité.

Pour voir survivre nos institutions, devons-nous y renoncer au nom du savoir bureaucratique ?

Alors, nous voilà, face à ce qui se construit comme de l’inévitable et nous conduit à l’acceptation. Comment dépasser les constats accablants, politiquement corrects, reflets d’une pensée abrasée ?

Comment modifier la situation en y introduisant de nouvelles potentialités ?

L’accréditation, pour conclure, c’est le risque de la dispersion dans une série de pratiques flottantes entre ce qui n’existe plus et ce qui n’existe pas encore, c’est le danger d’un mode imaginaire de dépendance à une totalité abstraite qui rend virtuel le réel et nous métamorphose en spectateurs de ce que nous sommes en train de faire.

Toute évaluation, nous le savons tous est toujours très relative.

Les pratiques cliniques, cela nous regarde, le nous pour un développement d’une myriade de relations « non utiles » nous pouvons ici prôner l’inutile avec le monde, avec les autres, avec nous-même. Assumer nos fragilités, nos incertitudes comme éléments indissociables à la situation clinique.

Les pratiques cliniques, plurielles, peuvent venir prendre le contre pied des contraintes de l’accréditation et d’autres instances du même acabit.

Pour reprendre l’acception de Deleuze, « résister c’est créer », titre aussi d’un live de Miguel Benasayag, et pour éviter les appauvrissements normalisateurs, il nous paraissait indispensable de témoigner à propos de cette chose qu’est la V2 et l’accréditation, de créer, entre nous un lien, une relation et de refuser d’être des monades isolées.

Cette lettre ouverte à vos remarques, vos suggestions, vos idées, votre soutien est une façon de pouvoir se rendre présent au présent que nous vivons, l’essence même de ce qui serait une éthique de vie.

S’absenter du présent, ne rien en dire, ce serait se sentir spectateur, ce serait dire avoir obéit totalement aux ordres .

Corinne Gal. Psychologue.

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>Laxou (54) quiz : qui sommes-nous ?

Dimanche 29 mars 2009 :

Nous ne sommes pas des agents de sécurité

Nous ne sommes pas des régisseurs du trésor public

Nous ne sommes pas des distributeurs automatiques de médicaments

NOUS SOMMES , NOUS SOMMES ……. DES INFIRMIERES DE SECTEUR PSYCHIATRIQUES QUI AIMENT LEUR TRAVAIL MAIS QUI DETESTENT CE QUOI VERS QUOI ON NOUS AMENE

Sandrine Leinen

Infirmiére de scteur psychiatrique , CPN LAXOU (54)

sandrine.leinen@orange.fr

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>Réaction de I. Souchu Infirmière à St Martin de Vignegoul : Vous n’aurez pas nos rêves !

Vous n’aurez pas nos rêves !

Une psychologue m’a fait lire son texte « nouvelle de la V2 », entendez visite N°2 des accréditeurs et j’en partage radicalement la critique. J’ai eu envie à mon tour de m’exprimer à ce sujet.

Depuis le début, ma position quant à l’accréditation a été de lui tourner le dos, obstinément. Je ne fais volontairement partie d’aucune commission de travail. Ces vérités imposées me font souffrir et je ne voulais pas m’y trouver associée. Après la lecture du texte de ma collègue, mon attitude m’a fait l’effet d’une défense inutile car trop solitaire, comme si finallement je me protégeais personnellement de l’avancée de ce rouleau compresseur.

Car cette accréditation n’est pour moi qu’un chapître de plus à un processus déjà bien engagé d’une dégradation des rapports de l’homme avec son humanité. Elle est l’irruption d’une volonté extérieure violemment contraire à mon être vivant. Elle se heurte à mon désir d’un autre monde possible. Les mots sont forts ? La tyrannie bureaucratique aussi ! Elle se fait même payer ! comble de l’absurde ! Et notre horizon pourrait bien ressembler à un désert, désert du réel. Je vous livre cette phrase de Giorgio Cesarano dans Manuel de Survie

« La séparation monde réel/monde idéal a interdit à quiconque de vérifier activement la parfaite irréalité du monde réel en la confrontant à son désir ».

Cela dit…Que faire ? Comment ne pas céder ? Comment ne pas se résigner ? Quel geste inscrire ? Quel dessin à dessiner, quelle banderolle à imaginer nous permettant d’être un peu fiers, un peu consistants moins désespérés ! Entre tous, nous pouvons être pris dans les filets du discours qui nous fait croire que nous partageons la même vision sans cesser de ressentir que nous nous éloignons toujours plus de nous-mêmes.

J’ai choisi de travailler avec et dans la folie. Je ne veux ni ne peux intérioriser celle de l ’accréditation. Ce texte est mon refus. J’ai eu l’outrecuidance de croire que je pouvais le dire et qu’il y avait une place pour ce dire à Saint Martin de Vigngoul. Le courant de psychothérapie institutionnelle n’est pas né dans n’importe quel contexte historique. Nous y puisons nos racines et si nous ne voulons pas que l’histoire se fasse sans nous, ces questions se posent et dépassent largement le cadre de l’accréditation.

I. Souchu Infirmière à St Martin de Vignegoul

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>Où allons-nous en psychiatrie ?

(Texte prononcé le 21 mars 2009 lors d’un débat public à TOURS)

Il faudrait que l’ensemble du monde psychiatrique arrive à se mettre d’accord sur la question suivante : Qu’est-ce qu’on fait, qu’est-ce qu’on devrait faire en psychiatrie ?

Il est évident que cette question en soulève bien d’autres et même, tellement, que cela produit une inhibition patente, particulièrement au moment où nous sommes confrontés à une véritable charge contre les malades et le service public de psychiatrie de secteur.

Je vais essayer de vous dire quelque chose et, pour ce faire, je vais vous poser cinq questions. J’ai écrit l’essentiel de ce petit texte en revenant de Paris samedi dernier d’une journée organisée par UTOPSY et où est intervenu le collectif de « la nuit sécuritaire ».

Ce serait vous mentir si je vous disais que je n’avais pas quelques réponses à ces cinq questions. Mais se poser quelques questions peut donner une direction aux réponses.

Iére QUESTION

Pensez-vous qu’il puisse y avoir une clinique sans politique ? Pensez-vous que la clinique, c’est à dire la façon, le chemin qu’on emprunte pour poser un diagnostic, même à titre d’hypothèse, et pour réfléchir à la façon dont on va soigner le patient, pensez- vous que tout cela n’a rien à voir avec le politique, c’est-à-dire la façon dont on envisage le rapport de chacun avec la chose publique ? Cette chose publique, c’est celle qui organise le fonctionnement économique et touche donc aux grands secteurs de la chose publique dont nous connaissons la triade : santé, éducation, justice. Mais on peut y ajouter la culture, etc…

2ème QUESTION

Pensez-vous qu’il soit possible de passer d’un système public de soins dont les coûts sont répartis sur l’ensemble des couches sociales à un système où l’organisation des soins, du diagnostic à la guérison ou à la stabilisation, ne soit réglée que par l’objectif de produire de l’argent et donc de soumettre l’ensemble du système de soins à une logique de production financière ?

3ème QUESTION

Pensez-vous qu’on puisse fonder un système de soins, donc des pratiques de soins, articulé autour d’objectifs de rentabilité, de profits financiers et parvenir ainsi, un jour, à trier les patients en fonction de ce qu’on pourrait appeler leur coefficient de rentabilité ?

4ème QUESTION

Pensez-vous que la maladie mentale puisse être abordée exclusivement à partir d’une clinique dite objective, quantifiée, standardisée, statistisée ? Pensez-vous que les soins des maladies mentale puissent subir le même traitement évaluatif et être organisés à partir de ces seuls critères d’objectivité dite scientifique, avec interchangeabilité des personnels, discontinuité des soins, multiplications des intervenants ? Pensez-vous que les soins des maladies mentales puissent être encore des soins dans la logique des produits financiers et dans le repérage et la surveillance continue de la dangerosité potentielle des malades.

5ème QUESTION

Si vous répondez oui à ces trois questions, pourriez-vous préciser
votre choix de société ?
votre conception de la maladie mentale ?
les actions que vous comptez entreprendre pour réaliser ces objectifs ?

Avant de vous laissez répondre à ces questions, je vais vous faire part de mes propres réponses ;

A la première, je réponds : Pas de clinique, pas de soins, en dehors du politique. Les malades en prison, les malades à la rue, les malades renvoyés chez eux, les malades dont on ne s’occupe pas, les enfants qu’on veut désignés dès leur petite enfance comme potentiellement dangereux ou potentiellement malades, je pourrais continuer la liste, tout cela se soutient d’une clinique qui ne va pas sans le politique. De la clinique et du politique, je me sens responsable à la place où je travaille. Je ne peux pas m’en laver les mains ou me contenter de dire que je dois me faire à tout cela !

A la deuxième et troisième question, je réponds : Rentabilité financière dans le domaine de la santé signifie que chacun doit faire face individuellement à ses problèmes de santé et non collectivement. Baisse des remboursements, franchises, augmentation des mutuelles et des assurances, dépassements d’honoraires, forfaits, dessous de table, sont les moyens politiques de nous faire accepter un système de soin à plusieurs vitesses avec de graves conséquences sur la santé et la vie même des individus. 25% des cancers, des personnes atteintes d’un cancer, ne reçoivent pas les soins qu’ils devraient recevoir soit à cause des durée d’attente pour un diagnostic soit parce qu’ils ne bénéficient pas des soins qu’ils devraient recevoir. Et, on nous parle de qualité des soins ! Il y a aujourd’hui un tri explicite (malades sans papiers ou ayant la CMU, malades à la rue, malades en prisons etc…malades ayant besoin de soins psychiatriques). Et, nous savons qu’il va s’accentuer du fait de la mise en place de la T2A à 100%.Lorsque qu’on parle de repérage, de détection à la place de prévention ou avant la prévention, dans le rapport COUTY , c’est le TRI qu’on a comme objectif. Lorsqu’on parle dans le document sur les indicateurs en psychiatrie des malades consommateurs de soins, il s’agit toujours du tri qui implique bien sûr exclusion des soins. Les vieux et les malades mentaux ont peu de chance d’être sélectionnés comme une matière première propre au plus grand profit. Ceux qui ne rentrent pas dans le système normatif, même enfant, doivent être séparés des normés et punis plutôt qu’éduqués ou soignés. Tout ceci est inacceptable. Mettre en danger la logique du profit financier dans le domaine de la santé, du fait même de notre mauvais état de santé, finira bien par nous faire tous, un jour, être considérés comme potentiellement dangereux pour le système.

A la quatrième question, je répons : Pas de clinique, pas de diagnostic, pas de soins sans l’engagement du soignant qui va de l’accueil à la prise en charge, comme on dit. On s’engage avec notre formation, notre culture, avec ce que nous sommes, avec nos résistances, nos défenses, nos désirs, nos angoisses…Pas de thérapeutique sans cette prise relationnelle sous transfert. Clinique, diagnostic et soins ne peuvent se soutenir que du transfert qui est à notre charge. C’est à cette condition qu’il n’y a pas les fous d’un côté et nous, les soignants, de l’autre. De même, il n’y a pas le politique d’un côté et notre pratique de l’autre. Je crois que la folie est propre à ne pas nous le faire oublier.

A la cinquième question, je réponds :

Mon choix de société est le suivant : Une société où la parole puisse aller le plus loin possible au cœur même de son impossibilité à dire. Et, là encore, la folie nous enseigne. C’est pour cela que ce que ce qu’on dit de la folie engage l’ensemble de la société, engage la façon dont on envisage constituer une société. Désigner les fous comme potentiellement dangereux, ou l’enfant au début de sa vie ou un peu plus tard, c’est affirmer qu’on ne croit pas à la parole, à ce qu’elle nous permet de construire. Répondons leur que la folie que nous fréquentons nous a appris que c’était pourtant le seul chemin, que la parole est notre seule possibilité d’être libre. Ce qu’on nous propose n’est qu’enfermement stérile et lâche.

Il m’est difficile de concevoir un modèle de société sans avoir une conception de la maladie mentale. La maladie mentale n’est pas une limite à la créativité, elle nous pousse à l’inventivité, à l’ouverture, à la construction.

Alors, pour conclure :

Sommes-nous prêts à demander le retrait du rapport COUTY et à imposer notre façon de concevoir l’avenir de la psychiatrie ?
Sommes nous prêts à demander le retrait de la circulaire du 21 février 2009 ?
Sommes nous prêts à rejeter la tarification à l’activité et à désobéir à toute injonction de produire des éléments qui y contribuent ?
Sommes nous prêts à rejeter les procédures d’accréditation et d’évaluation de l’HAS qui méprisent autant les patients que le travail des soignants ?
Sommes nous prêts à informer tous les élus nationaux de ces positions et à rencontrer le Préfet pour lui faire connaître ces mêmes positions ?

Qu’avons-nous à exiger pour le service public de psychiatrie de secteur ?
D’abord le maintien du secteur et d’une équipe formée, stable, en nombre, capable d’assurer la continuité des soins, si essentielle en psychiatrie, et les liens avec toutes les structures sociales et médico-sociales qui ont leur missions propres, différentes du soin que nous voulons réinscrire dans nos pratiques, en psychiatrie, de la prévention à une réinsertion quelqu’elle soit. Le soin et l’accompagnement sont tout un en psychiatrie et relève de l’équipe de secteur même si des soignants extérieurs à l’équipe vont y participer ou des structures sociales ou médico-sociale qui doivent disposer de personnels suffisamment formés pour accueillir certains patients.
Le maintien du lien étroit entre lieux d’hospitalisation et l’extra-hospitalier.
La nécessité de reconsidérer autant la formation des infirmiers que celle des médecins et celle des psychologues.
La réaffirmation que les hospitalisations sous contraintes n’ont pour finalité que de permettre le soin et non répondre au dictat de l’ordre public. Les patients doivent pouvoir avoir la possibilité d’un recours rapide lorsqu’ils sont placés sous contrainte et avoir recours, si nécessaire à un avocat. Des limites doivent être fixées à la durée de la sortie d’essai. La mise sous tutelle ne devrait priver du droit de vote qu’à titre exceptionnel. Les mesures de tutelles devraient être périodiquement réexaminées.
L’ALLOCATION d’Adulte Handicapé pourrait être renommée Allocation d’Aide à la Vie Quotidienne et faire que les patients ne soient plus sous le seuil de pauvreté.

Il y aurait tant de choses à dire, que je m’arrête là.

R. LEBRET

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>Commentaire sur une visite d’accréditation d’un HDJ

Notre HdJ de pédopsychiatrie est une petite institution associative du secteur sanitaire, qui accueille 28 enfants de 3 à 16 ans, autistes, déficients sensoriels (surdité ou cécité), avec handicaps associés. Comme tous les hôpitaux, quelque soit leur taille, après l’accréditation, nous nous sommes attelés à la certification, la V2007. Nous avons dû, durant toute une année, déprogrammer nombre de synthèses cliniques et temps d’élaboration d’équipe, pour satisfaire à la démarche « qualité » ! Le témoignage ci-dessous est un commentaire « à chaud » de la visite en elle-même des agents de la HAS dans notre établissement. Durant les 4 jours de « l’enquête » des 2 experts visiteurs, nous avons ressenti une disqualification quasi constante de notre travail. C’était particulièrement déstabilisant. Comme si rien de ce qu’on avait pu mettre en place ne correspondait. J’avais l’impression étrange de ne pas parler la même langue, de me trouver dans un autre monde, « le meilleur des mondes »…

Je comprends mieux les équipes des grands hôpitaux psy qui expliquent que les infirmiers passent leur temps à renseigner leur activité sur ordinateur pendant que les patients ont un « repas thérapeutique » avec les ASH car bien sûr, le personnel soignant n’a plus le temps de s’occuper des patients, ils s’occupent du programme qualité…

Les 2 « expertes visiteuses » de la Haute Autorité de Santé n’avaient jusqu’à présent jamais visité de petits établissements. L’une était directrice d’une clinique privée de médecine, chirurgie, obstétrique et l’autre, cadre de santé dans un grand hôpital psychiatrique (+ de 300 lits) et on aurait cru les deux premiers jours qu’elles étaient arrivées chez les martiens…pour un contrôle d’identité ! Ce qui nous donnait également un sentiment d’inquiétante étrangeté… De plus, l’une d’entre elles (l’infirmière chef) a eu dès la présentation de leur démarche des jugements de valeur très déplacés, au sujet de la composition de notre équipe : « Comment pouvez-vous prétendre avoir un projet thérapeutique avec une équipe composée essentiellement d’éducateurs ? ou concernant notre projet d’établissement : « Complètement obsolète, c’est de la littérature, vous feriez tout aussi bien de le publier en roman »… ça ne commençait pas bien du tout… Le deuxième jour, elles étaient tellement disqualifiantes que j’en étais écoeurée ! Tout ce travail merdique, bureaucratique, enfermée à double tour dans mon bureau 10 heures par jour (sans voir ni les enfants ni l’équipe. C’est ça la qualité !) pour s’entendre dire que les précédents experts visiteurs nous avaient fait un rapport bien trop gentil, qu’elles ne comprenaient pas car ça n’allait pas du tout :
Une politique qualité embryonnaire (je n’ai toujours pas compris ce que c’était moi, leur « politique qualité » à la con !)
Pas de politique formalisée, de programme d’actions annualisé, d’objectifs hiérarchisés, de critères d’évaluation traçables et quantifiables… Que des actions au coup par coup disaient-elles
Elles expliquaient aux éducateurs que chaque fois qu’un enfant fait « une crise », ils doivent l’inscrire dans le dossier du patient et s’ils n’ont pas assez de temps… qu’ils se plaignent à la directrice…
Les rééducateurs doivent noter dans le dossier à chaque fois qu’ils prennent en charge un enfant (alors que c’est un emploi du temps annuel, donc pareil chaque semaine, les enfants restant 6 ans en moyenne…)
Notre « C8 » doit non pas être lavé quand il est sale mais « à périodicité définie » avec planning de nettoyage et de plus décontaminé régulièrement. Vous êtes un hôpital oui ou non, disaient-elles ?
Elles se fichaient pas mal de l’ensemble des réunions que nous avons avec les parents de nos jeunes patients, la vraie qualité c’est d’envoyer annuellement un questionnaire de satisfaction du client…
Elles me posaient des questions du genre : « montrez moi votre bilan annuel du schéma directeur de l’information ? »
Où sont les preuves écrites, montrez nous les preuves, etc. L’équipe était atterrée, et moi aussi… Ce n’était vraiment pas la peine d’y passer tant d’énergie pour en arriver là ! C’est vraiment la bureaucratie folle, la technocratie totalitaire. Quand elles croisaient un enfant, elles détournaient la tête. L’infirmière chef en psychiatrie, (la plus rigide des deux, bizarrement) expliquait à nouveau à une éducatrice qu’il fallait noter tous les événements qui posent problème dans le dossier du patient. Non, disait-elle, pas si ils se mordent entre eux (ce n’est pas ça le problème !) mais par exemple : « si un enfant arrive pendant 3 jours avec des chaussures abîmées, il faut le noter dans son dossier »…On ne sait jamais, il faut toujours se protéger de la moindre plainte possible des parents…

Au fou !

Cependant, au fil des 4 jours, on voyait quand même qu’elles prenaient la mesure du côté surréaliste des exigences de traçabilité tous azimuts. Elles nous disaient par exemple qu’il nous faudrait un qualiticien à temps plein ! C’est vraiment une bonne idée lorsqu’on est 30 salariés et qu’on n’est déjà pas assez pour prendre en charge les enfants. Je pense que la DDASS appréciera…Déjà que ni les consultants, ni le coût de la certification (3500 euros pour nous) n’est financé…Bonjour le double lien de « la démarche volontaire obligatoire » (c’est comme ça qu’il la nomme à la HAS). Elles ont malgré tout fait un effort d’adaptation mais étaient bien embarrassées pour réussir à faire rentrer la dentelle d’un travail institutionnel au cas par cas, réactif et adapté au plus prés des besoins des patients, dans les rouages de la grosse machine à certifier ! On va certainement avoir un rapport « avec suivi » à 3 ou 6 mois. Ils n’en ont pas encore terminé avec nous et nous non plus malheureusement. Heureusement, d’aller au meeting de la nuit sécuritaire, samedi, m’a un peu remonté le moral. Avez-vous déjà été à la HAS ? Les locaux débordent de luxe et de haute technologie ! La représentante des parents de la « CRUCQ » nous disait après son « interview » qu’elle était écoeurée en pensant à toute cette débauche de moyen dépensé pour cette démarche et combien de places pour les patients on pourrait créer avec ça… Qu’on en finisse avec ce broyage de cerveaux et cet empêchement de travailler ! Ça suffit la maltraitance…Comment peut-on imaginer une seconde que le patient soit au centre de cette démarche ?

Isabelle Huttmann Directrice

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>Un mouvement pour la psychiatrie

Un mouvement pour la psychiatrie

Il y a quelques décennies Tosquelles disait : « sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, c’est l’homme même qui disparaît ». Pourtant, peu après le tournant du siècle, l’Etat, mettant en pièce le fondement démocratique de son assise, fit tomber sur le pays une lourde nuit sécuritaire laissant l’épaisseur de l’histoire ensevelir le travail de ceux, Bonnafé, Le Guillant, Daumézon, Tosquelles, Lacan, Paumelle, Lainé et d’autres, dont nos générations ont hérité du travail magnifique. Ils avaient fait de leur pratique œuvre de libération des fécondités dont la folie est porteuse, œuvre de libération aussi de la pensée de tous, rendant au peuple son honneur perdu à maltraiter les plus vulnérables d’entre nous. Aujourd’hui cet obscurantisme affecte nos pratiques d’aide, de soin et de prendre soin dans les champs médicaux, médico-sociaux et sociaux et concerne aussi bien la pratique privée que publique.

Il porte gravement atteinte à la dignité des patients, réduits à n’être plus considérés que pour leur supposée dangerosité et voués en tant que tels à des contraintes humiliantes. Le gouvernement s’attaque à l’enseignement, à la recherche et à la question de la formation, visant à effacer toute référence aux méthodes psycho dynamiques de soin et de compréhension du psychisme s’attelant à nier sans cesse la pensée, la parole et le sujet dans toute la dimension inconsciente qu’il comporte.

Il s’appuie pour mener son obscure entreprise sur un certain nombre d’ universitaires engagés dans une démarche d’épuration vis-à-vis de ceux qui se réfèrent à la leçon freudienne et sur certains organismes de recherche dévoyés dans une approche plus scientiste que véritablement scientifique, réduisant, en particulier les humains à leur comportement et leur souffrance à une collection de symptômes dont il faudrait, selon eux, venir à bout au plus vite sans jamais se questionner sur un sens du symptôme mais en abrasant tout délire, toute déviance à l’aide de puissants psychotropes. C’est ainsi que dans une cascade de décrets et propositions, après avoir vu la psychanalyse gravement mise en cause dans un rapport scandaleux, il a été proposé l’inquisition d’éventuels signes de déviance chez les enfants de trois ans et moins, prédictifs de leur éventuelle délinquance à venir. Puis il a été décidé de mettre en œuvre une « perpétuité sur ordonnance » chez les criminels condamnés à plus de 15 ans de réclusion en fin de peine du fait de leur « particulière dangerosité » et pour prévenir les récidives potentielles.

Enfin le 2 décembre 2008 le président de la République visitant un hôpital psychiatrique dont les malades étaient retenus dans leurs chambres (comme les manifestants de Saint Lô et de Nîmes furent exclus de l’accès du centre ville !) a annoncé la mise en place de réformes dramatiques. Celles-ci impliquent la mutation des professionnels du soin en gardiens, plus grave encore, elles induisent une évolution du statut de patient sujet de sa parole à celui de « schizophrène dangereux » juste bon à enfermer. Le préfet devient l’ordonnateur des soins « Les experts donnent leur avis mais la décision, ce doit être l’Etat » a déclaré N.Sarkozy à Antony. Dans le même esprit la création d’une obligation de soins en ambulatoire est annoncée. C’est ainsi que la plus haute autorité de l’Etat devant les soignants les représentants des patients et leurs familles a imposé cinq mesures liberticides, au prétexte de la réduction des risques non sans l’assentiment de certains. L’enfermement est ainsi posé comme l’arme définitive contre une folie forcément dangereuse et « géo localisable » Pas un mot n’est dit sur la souffrance des patients, véritable enfermement intérieur, qui subissent au quotidien l’indifférence d’une société cherchant à se protéger ainsi de sa propre folie. S’ajoute à ces mesures l’affirmation de la primauté du directeur de l’hôpital, véritable « patron », qui aurait seul le pouvoir d’orienter de décider de la politique de soins et de « sécurité ». Enfin, nous avons aujourd’hui à déplorer les propositions du rapport Couty dans lequel nous voyons l’annonce de la destruction de la politique de secteur, nous laissant dans la position d’instruments d’un triple forfait auquel nous serions assignés : évaluer, expertiser et enfermer. Il est particulièrement instructif pour notre mouvement de remarquer que ce rapport ne tient aucun compte des vingt deux propositions issues des Etats Généraux de la Psychiatrie des 5, 6 et 7 juin 2003.

Trente neuf professionnels de plusieurs horizons, ont alors lancé un appel soutenu par plus de 19000 signataires, visant à restituer aux patients leur dignité, leur honneur à l’enseignement et à la recherche, leur éthique à nos pratique. Miguel de Unamuno cité par L. Bonnafé prête à Don Quichotte d’être descendu aux enfers et d’y avoir enlevé l’inscription laissée par Dante : « vous qui entrez ici perdez tout espoir » pour la remplacer par une sur laquelle on pouvait lire : « vive l’Espérance ! » Nous avons décidé de ne pas laisser l’air du temps saccager l’Espérance et considérant que ni les idées ni les lois ne sont forcément respectables ou légitimes nous nous donnerons tous les moyens de faire supprimer ou modifier ces dispositions sécuritaires ou d’en annuler l’effet sur la vie des patients comme sur l’expropriation progressive du droit de soigner dont nous refusons d’être les objets. Face à la violence de l’Etat, il ne reste, chacun à sa place, et particulièrement dans nos métiers qu’à résister autant que possible. Nous affirmons donc ici notre ardente obligation à ne pas mettre en œuvre les propositions dégradantes d’exclure du paysage social les plus vulnérables. On observe aujourd’hui un recul des limites de l’Etat de droit (Juge Portelli, Appel des appels du 31 janvier), permis par le développement de l’idéologie sécuritaire par exemple, avec le projet de rétention de sûreté, « abjection philosophique et juridique » (Juge De Pas, Appel des appels ibid) ou avec le dépistage, dès l’enfance, des futurs délinquants, ou encore la prétention de « juger les fous », en mettant en avant une intention compassionnelle envers les victimes.   Refusant la résignation devant cette mutation idéologique, ne pouvant accepter de rester impuissants lorsque seront en jeu l’honneur et le bien-fondé de nos pratiques, considérant que « Ce qui fait l’injustice, ce n’est pas tant la loi injuste que l’obéissance à la loi injuste »,  nous proposons à ceux qui nous ont rejoints et à ceux qui le feront plus tard :

  • d’interpeller les préfets représentants de l’Etat chaque fois qu’une de leurs décisions concernant nos patients nous paraîtrait arbitraire.
  • d’appeler à la création d’un collectif d’avocats pour défendre les droits des patients.
  • de refuser toute participation au processus de rétention administrative (de l’expertise à la création de centres).
  • de refuser les modalités actuelles de certification ou de les critiquer auprès des enquêteurs. La certification, menée sous l’exclusive d’une évaluation telle qu’elle est pratiquée dans l’industrie et donc sans rapport avec nos pratiques, s’emploie à mettre celles-ci à la norme selon des critères où la complexité et la singularité de chacun n’auraient plus leur place et où la dimension relationnelle ne serait pas prise en compte.
  • de refuser, chacun dans le champ de sa pratique, de participer aux diverses instances auxquelles nous participons aujourd’hui (action à laquelle appellent aussi la CPH et l’INPH)
  • d’instituer un nouveau dialogue avec les familles et avec les associations d’usagers.
  • de lutter contre le projet de loi « Hôpital, Patient, Santé,Territoire »et de considérer l’intérêt des synergies avec « l’Appel des Appels », « la Politique de la Peur » et de participer donc activement aux Etats Généraux des Droits et des Libertés.
  • tirant les leçons d’années où nous nous sommes montrés trop soumis à un discours sur la psychiatrie dans lequel nous ne nous reconnaissions pas, nous proposons enfin que se crée partout un vaste mouvement de mise en lien de nos références théoriques, de nos orientations, de notre expérience, grâce à un Forum Itinérant dont la réunion du 26 janvier à Reims a constitué les prémisses, traitant thème par thème des grandes questions qui traversent nos métiers. Des collèges locaux de réflexion tels que ceux proposés par J. Oury pourraient permettre d’en préparer le déroulement.

Nous vous convions aujourd’hui à créer ce mouvement pour tenter de refonder une psychiatrie où il ne serait pas interdit de penser, au sens où, comme le dit Jean Luc Nancy « entrer dans cette pensée, c’est agir déjà. C’est être dans la praxis par laquelle se produit un sujet transformé plutôt qu’un produit conformé, un sujet infini plutôt qu’un objet fini »

Votre réponse massive à l’appel des 39 comme le nombre d’inscrit au meeting du 7 février laissent bien augurer de notre capacité à créer ce mouvement qui devra devenir un interlocuteur majeur dans les rudes combats qui nous attendent.

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Le discours sécuritaire de Sarkozy le 2 décembre 2008

DISCOURS DE M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

L’HOSPITALISATION EN MILIEU PSYCHIATRIQUE

Antony – Mardi 2 décembre 2008

Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, Monsieur le Président du conseil général, Mesdames, Messieurs,

C’est la première fois, je crois, qu’un Président de la République rend visite au personnel d’un hôpital psychiatrique. Je n’en tire aucune fierté personnelle. Je ne fais que mon devoir.

Pourquoi ? Parce que vous accomplissez chaque jour une œuvre remarquable au service de la société. Parce que vous travaillez dans un environnement rude pour prendre en charge des patients qui peuvent ne pas accepter les soins. Parce que votre rôle est de guérir les maux de l’âme, les souffrances mentales qui sont sans doute les plus mystérieuses et les plus difficiles à traiter. Parce que vos moyens d’agir, ce ne sont pas les IRM, les blocs opératoires, les prothèses : ce sont vos paroles d’abord, votre savoir faire dans la relation avec le patient, les médicaments aussi.

Votre exercice professionnel et votre pratique sont riches et complexes. Votre métier comporte des risques. Votre travail vous apporte, je le sais, de grandes satisfactions, quand un malade va mieux. Mais il y aussi l’agressivité, voire la violence, de certains patients. Il y a aussi les réadmissions fréquentes de ces patients dont vous vous demandez si la place est bien ici, à l’hôpital. Je comprends fort bien que, certains jours, votre métier, ou plutôt les difficultés de votre métier, vous pèsent. Ces jours-là, quand vous ressentez ce poids, vous savez toujours puiser dans les ressources que vous donnent l’amour de votre travail, la solidarité entre collègues et la satisfaction de voir vos efforts récompensés par le mieux-être des malades.

Continuer la lecture de Le discours sécuritaire de Sarkozy le 2 décembre 2008

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>CHARTE DU COLLECTIF DES 39 contre la Nuit Sécuritaire

La folie n’est concevable qu’irréductiblement liée à la condition humaine.

Contrairement à la maladie somatique, il existe une modalité particulière de souffrance psychique liée à certains modes de structuration subjective. Elle ne relève pas d’une causalité linéaire mais d’un déterminisme pluri factoriel marqué du sceau de la complexité.

Détachés des idéologies marquées du pragmatisme, l’art et les techniques psychiatriques prennent en compte la personne dans son ensemble : il s’agit de soigner quelqu’un et non une maladie.

Engagée dans la réalité sociale, la psychiatrie se doit éthiquement de préserver la singularité et l’originalité des personnes qui se confient à elles ou lui sont confiées ; elle ne se conçoit qu’en relation avec les patients, leurs familles mais aussi avec les acteurs du social et du champ médico-social et prône par conséquent une politique psychiatrique inscrite dans la communauté.

Nous, soignants en psychiatrie affirmons que :

• Notre engagement thérapeutique tient d’abord à la considération de la vulnérabilité et de la créativité des patients ; il doit par ailleurs nous conduire à promouvoir tous les lieux nécessaires à une hospitalité pour la folie qui constitue l’enjeu de notre travail : dans l’hospitalisation, comme dans les lieux ambulatoires qui doivent mettre l’accueil au cœur de leur projet.

• La dimension relationnelle est au cœur de tout processus de prévention et de soins

• Les valeurs républicaines de liberté, égalité et de fraternité sont le socle constitutif de toute pratique.

Aussi refusons-nous avec force :

• L’abandon des patients renvoyés à la rue ou à la prison

• L’idéologie sécuritaire qui stigmatise, contient, isole et maltraite les plus démunis des citoyens

• Toute modification ou interprétation des lois qui confirmerait la ségrégation et la stigmatisation des patients en les assujettissant à des lois spécifiques et aggraverait la tendance à l’enfermement.

• L’idéologie falsificatrice qui ferait croire que soigner sous la contrainte dans la cité serait une avancée pour les patients ou leur famille.

• L’imposture des protocoles standardisés pseudo scientifiques déniant la singularité de chaque acte, de chaque projet soignant, de chaque patient.

• La mainmise de l’appareil technico gestionnaire tentant d’annihiler, de nier et d’écraser la dimension créative et inventive de tout processus de soin.

Aussi soutenons nous toute pratique qu’elle soit publique en accord avec les acquis du secteur, libérale conventionnée ou associative, garantissant en particulier la continuité des soins et prônant l’attachement à des valeurs fondamentales telles que : respect du secret professionnel, engagement relationnel, indépendance professionnelle, respect de l’intimité du patient.

Nous défendrons un enseignement reposant en particulier sur la psychopathologie, et nécessitant la réintroduction de formations spécifiques désarrimées de la logique, du cadre théorique et des intérêts hospitalo-universitaires actuels autant que de l’emprise des laboratoires pharmaceutiques et ceci pour tous les professionnels de la psychiatrie.

Avec et pour ces valeurs nous continuerons à dénoncer toutes les dérives politiques, techniques, gestionnaires et sociales qui enfermeraient peu à peu les patients dans un carcan déshumanisant.

Nous affirmons que ce combat est essentiel pour que la psychiatrie ne bascule pas dans la barbarie où rejeter et punir ferait disparaître les pratiques accueillantes de soins désaliénistes.

Le collectif des 39 – Contre la Nuit Sécuritaire

(suite à la réunion fondatrice du 12 décembre 2008)

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Communiqué de la Fédération Santé Mentales de CROIX-MARINE – 2/12/2008

LE CHEF DE L’ETAT TROUVE DES MOYENS POUR RENFORCER LA COMPOSANTE SÉCURITAIRE DE LA PSYCHIATRIE

Dès le lendemain du drame récent du 12 novembre dernier à Grenoble, où un patient en permission a poignardé un jeune passant dans la rue, le chef de l’état, comme à son habitude, avait immédiatement réagi au plus fort de l’émotion suscitée par ce drame en sanctionnant de manière expéditive le directeur de l’hôpital de Saint-Egrève et en annonçant une réforme des règles encadrant l’hospitalisation d’office et la constitution d’un fichier national des malades hospitalisés d’office.

Dans le droit fil de ces premières déclarations, le Président de la République est venu préciser ses projets à l’occasion d’une visite de l’hôpital Erasme à Antony le 2 décembre 2008. 

Si la Fédération d’Aide à la Santé mentale donne acte au Président Sarkozy que c’est effectivement la première fois qu’un Président de la République rend visite au personnel d’un établissement psychiatrique, elle regrette que cette visite ait fait l’impasse sur les problèmes majeurs de la psychiatrie : avenir de la pratique communautaire de secteur à l’aune de la nouvelle territorialisation prévue par la loi  « Hôpital, patients, santé et territoires », inégalité de la répartition des professionnels sur le territoire de la République qui se traduit déjà par une moindre accessibilité aux soins pour les plus démunis, articulations entre les dispositifs de soins et le secteur médico-social, recrutement et formation des personnels soignants.

Le président a rendu hommage au travail et à l’engagement des professionnels de la psychiatrie et fait allusion aux avancées apportées par le Plan Psychiatrie et santé mentale 2005/2008, mais il n’a ensuite traité que de la sécurité face à la dangerosité de certains patients à l’origine de faits divers qu’il n’est pas possible « d’imputer à la fatalité, mais à l’insuffisance de l’organisation de la prise en charge ». 

Il n’a été alors question que de « l’hôpital psychiatrique » (qui n’existe d’ailleurs plus sur le plan juridique) et des moyens à mettre en œuvre pour le rendre plus sécurisé pour les soignants et plus sécuritaire pour les patients. Si l’on ne peut qu’être d’accord avec le président pour affirmer avec lui que la place des patients n’est pas en prison et la nécessité de rechercher un équilibre entre la protection de la société et la réinsertion des patients, la FASM n’est pas convaincue que les moyens annoncés suffiront à apaiser les pulsions agressives des patients. A qui fera–t-on croire, lorsqu’on a travaillé avec des malades mentaux, qu’un dispositif de géolocalisation (certes utiles pour les alternatives à l’incarcération des condamnés et qui assimile une nouvelle fois les malades mentaux à des délinquants) diminuera la dangerosité effective des patients potentiellement dangereux ! Le Président a annoncé également l’installation d’une unité fermée par établissement (sous entendu psychiatrique), faisant totalement l’impasse sur les unités de soins implantées dans des hôpitaux généraux, ainsi que la création de 200 chambres d’isolement.

 Force est de constater pourtant que plus on dispose de chambres d’isolement, plus elles apparaissent “nécessaires et utiles” et plus l’on voit se renforcer les mesures administratives de contrainte de soins et les pratiques de contention physique qui avaient disparu des dispositifs de soins. C’est bien la recherche obsessionnelle de l’impossible risque zéro dont il est question, la réforme des procédures d’hospitalisation devant compléter ce dispositif afin de mieux encadrer la sortie des patients hospitalisés d’office, dont la décision serait aujourd’hui « prise à la légère par des préfets qui décident de manière aveugle ». 

La FASM souligne que le nombre de patients réellement dangereux est infime : sur 50 crimes, un seul est commis par un malade mental et un citoyen ordinaire a beaucoup plus de risques de voir sa vie mise en danger par un chauffard que par un schizophrène… Une grande part des comportements de violence et d’agitation, rencontrés actuellement dans les unités de soins ou dans la Cité, est liée à l’insuffisance en nombre du personnel, par ailleurs souvent jeune et peu formé à la discipline psychiatrique. Multiplier le nombre d’unités fermées et de chambres d’isolement, avec protocoles à l’appui pour contenir les patients agités, sera insuffisant et ne remplacera pas l’efficacité du savoir être de soignants capables d’apporter contenance et apaisement par des bras sachant entourer un patient, un sourire qui soulage ou un mot qui rassure, un traitement compris et accepté dans une véritable alliance thérapeutique, expérience qui ne s’apprend ni dans les salles de cours des IFSI, ni dans les livres et qui apporte pourtant une autre sécurité que la menace de l’injection, de la camisole ou de la chambre d’isolement. 

La FASM constate que la psychiatrie est présentée une fois de plus sous son seul versant sécuritaire, malgré les dénégations du Président qui déplore que seuls les faits divers soient l’occasion d’en parler. 

La FASM regrette que le Président n’ait pas voulu aborder de manière plus globale les problèmes et les besoins de la psychiatrie et de la santé mentale et constate ainsi qu’il n’a été aucunement fait état de la mission confié à Edouard COUTY sur l’avenir de la psychiatrie, alors même que, d’un autre côté, des efforts sont faits pour déstigmatiser ces maladies avec, par exemple, la création des Groupes d’entraide mutuelle qui constituent une avancée majeure.

La FASM est prête, pour sa part, à participer à la réflexion sur ces questions fondamentales et à apporter son expérience pour concourir à la réforme de la Loi qui est attendue par les usagers, leurs familles et les professionnels concernés par son application.

Contacts presse : 

Dr Bernard DURAND Président Email : b.j.durand@free.fr  Tel : 06 85 21 38 79Dr Patrick ALARYVice-Président          Email : patrick.alary@wanadoo.frTel : 06 80 21 16 28 
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>A Propos des 39

Le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, site du collectif en psychiatrie, est le point de rendez-vous de tous ceux qui souhaitent contribuer a la promotion du soin psychique, de l’accueil de la folie et refusent les projets sécuritaires qui font du malade une personne qu’il faut enfermer…

Pour toute information : information@collectifpsychiatrie.fr

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Le Collectif des 39