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> La psychiatrie en contrebande

Pourparlers en Picardie et l’ICSMP vous invitent à une rencontre avec

Patrick Chemla

Psychiatre, Psychanalyste, Chef de service au Centre Antonin Artaud à Reims, Membre du Collectif des 39,
Auteur de Expériences de la folie, Erès 2010, La fabrique du soin, Erès 2012, etc

La psychiatrie en contrebande

Le mercredi 25 septembre 2013 à 20 h 30
Amphi Jean Cavaillès, 3 place Dewailly, 80000 Amiens

Il sera ici question d’une certaine psychiatrie, qui, prenant appui sur la psychanalyse, a inventé depuis la 2°
guerre mondiale la Psychothérapie Institutionnelle et le Secteur.
Cette psychiatrie recouvre un ensemble hétérogène qu’il est difficile de nommer, en tout cas pour le
moment. Entre la destruction de l’ordre asilaire ancien produisant le mouvement du Secteur et le lent déclin
des pratiques respectueuses de l’humain, nous avons traversé le plus souvent à notre insu une période
politique qu’il nous faudra caractériser : régression ? Ou marche en avant d’un néolibéralisme articulé avec
toutes les techniques d’instrumentalisation de l’humain ?
Dans cette situation la psychiatrie est redevenue un enjeu politique crucial, mettant en évidence et
condensant tous les processus de destruction des collectifs, de ravalement de l’éthique et de formatage des
subjectivités.
La question peut se poser en termes de résistance, qu’il faudrait articuler avec la construction de lieux de
production d’une contre-culture, où d’autres rapports sociaux s’inventent entre patients et soignants, où une
autre langue se dégage des enjeux de la production marchande et de la démarche qualité.
Nous avons besoin dans ce contexte d’un incessant mouvement de rassemblement de tous ceux qui se
refusent à cette « Nouvelle raison du Monde » (cf Dardot et Laval). Il est également certain que sur le
terrain, dans les institutions, la praxis politique et clinique en passe déjà par l’usage de la ruse (la metis
d’Ulysse) pour tenir bon et transmettre l’essentiel : l’ambiance, le souci de l’autre, l’humour, l’hospitalité au
tout autre et à l’énigme du désir inconscient.

Soirée co-organisée par l’Association Pourparlers en Picardie, 93 rue Vulfran Warmé,80000 Amiens et l’Institut Collégial pour la santé mentale en Picardie (ICSMP), hôpital de jour la Marelle, 18 boulevard Carnot, 80000 AMIENS.

Contact et infos :
jeanwattiau@gmail.com
contact@icsmp.fr
http://pourparlersenpicardie.jimdo.com/
http://www.icsmp.fr/
Entrée gratuite pour les adhérents Pourparlers en Picardie et ICSMP
Non adhérents : entrée 5 euros (tarif plein) /ou 3 euros (étudiants ou demandeurs d’emploi).

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Le collectif est à Jazz in Marciac

AVEC LA LIGUE DE L’ENSEIGNEMENT DU GERS ET LES 39
Dimanche 4 août 2013
à 14h30

Salle des arènes
(Chemin de ronde, à proximité des arènes)

Projection-débat

organisé par le Collectif des 39

« Création artistique et soins psychique, est-ce encore possible ? »

Projection du film

« Le dernier voyage de l’Arbre Rose »

de Philippe Borel et Suzanne Allant

24 min

* * *

Ce film est un témoignage de l’atelier d’expression libre « l’Arbre Rose » qui après 35 ans d’existence a du fermer ses portes en décembre dernier.

A l’heure où la santé mentale est médicalisée et où les hôpitaux ont d’autres priorité, comment réagir quant eu devenir incertain des ateliers d’expression intra-hospitaliers, qui ferment les uns après les autres au départ en retraite de leurs animateurs .

Débat en présence de Jean-Bernard Couzinet, plasticien ; animé par Simone Molina, psychanalyste et Sylvie Prieur, psychologue clinicienne, membre du collectif des 39.

Lundi 5 août 2013
à 14h30

Au Cinéma
(place du Chevalier d’Antras)

Projection-débat

organisé par le Collectif des 39

« Où en est l’accueil en psychiatrie ?»

« 15 jours ailleurs »

Réalisation Didier BIVEL, Productrice Elisabeth ARNAC

Acteurs : Didier BOURDON, Judith CHEMLA, Agathe DRONN, Bernard VERLEY

Laurent BATEAU, Camille PANONACLE

90 min

* * *

Vincent fait un burn out au bureau. Il est hospitalisé « sous contrainte » par sa femme en unité psychiatrique. Lors de ce séjour, Vincent se lie d’amitié avec une jeune psychotique, Hélène, qui veut absolument sortir pour revoir son enfant. Elle convainc Vincent de fuguer avec elle.

Ce court voyage va les amener au delà de leur destination.

Débat en présence de la productrice, Elisabeth Arnac, animé par Paul Machto, psychiatre, membre du collectif des 39 et un représentant de l’UNAFAM

Mardi 6 août 2013
à 14h30

Salle des arènes
(Chemin de ronde, à proximité des arènes)

Projection-débat

organisé par le Collectif des 39

« Un parcours singulier en psychiatrie, un exemple africain »

Projection du film

« Les enchaînés»

réalisé par Alexis Duclos

* * *

En Afrique, une réalité existe à propos des malades mentaux : trop nombreux d’entre eux sont « condamnés » à l’errance ou à être enchaînés parfois pendant longtemps faute de lieux de soins et de soignants.

Ce film retrace le parcours d’un homme qui, après avoir lui même traversé une période de désarroi, s’est révolté contre cette situation et s’est engagé pour développer un accueil humain et des soins dignes. Sans aucune formation il a œuvré avec d’autres pour créer des centres de soins en Côte d’Ivoire et au Benin.

Cela pose des questions très actuelles qui concernent aussi la situation française où l’on assiste au retour des pratiques de contention. Quel accueil pour la folie ? Quelle implication et quelles alliances possible entre professionnels, les usagers et leurs familles ? C’est aussi une question centrale qui concerne une société dans son ensemble : quelle place pour l’humain, dans notre monde actuel ?

Débat animé par Bénédicte Maurin, éducatrice et Philippe Bichon, psychiatre, membre du collectif des 39

Notez aussi que le mardi 6 août à 18 h -la pièce de Rosemonde Cathala à la salle des fêtes, Gerschwin, l’esprit du Jazz, à propos de Thélonious Monk. Il y aura un quartet qui jouera la musique créée par Emile Parisien.

« L’ESPRIT DU JAZZ – GERSHWIN » 3 au 10 AOUT

Une rencontre inédite entre Thelonious Monk et Louis Armstrong autour d’un enregistrement devenu célèbre : « The man I love » dans la chanson de Gershwin avec Miles Davis. Pour Monk, ce jour là Miles a tué le plus grand moment du Jazz en brisant son solo. Il n’a pas compris que Monk allait atteindre le son pur juste après le silence… Créé en 2008 à Jazz In Marciac, ce spectacle revient cette année dans une ultime version ! (conseillé à partir de 12 ans) Spectacle théâtral et musical (publié aux ed. E.T.G.S.O. vol.13 : www.etgso.com/)

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> Audition MISMAP Collectif des 39 – 9 juillet 2013

Audition MISMAP Collectif des 39 9 juillet 2013

1) Dr Mathieu Bellahsen

Le collectif des 39 travaille depuis plus de cinq ans pour une psychiatrie promouvant des soins psychiques fondés sur l’accueil et l’hospitalité. Il regroupe des soignants de toutes catégories professionnelles, des usagers, des familles et des gens du monde de la culture.
Nous prenons acte de la volonté d’apaisement dans la rédaction de la proposition de loi et considérons comme des avancées positives:

1- la suppression du statut spécial des patients passés en UMD

2- la mise en place de sorties de courte durée non accompagnées (ce qui ne modifie pas le mode de l’hospitalisation temps complet). Mais le délai maximal de ces sorties non accompagnées est de 48h, ce qui semble trop court. Pourquoi d’ailleurs les limiter ?

 Nous demandons un allongement de ce délai. 3- La suppression du certificat de J5-J8 4- L’intervention du JLD à 10J en audience foraine+++
Pour autant, le problème central est celui du cadre de discussion comme va l’abordera après moi Patrick Chemla, et notamment l’existence de soins sans consentement en ambulatoire. Nous le répétons, la garantie que ces soi disant « soins » soient de véritables soins est maigre voire nulle.
Rappelons qu’avant l’avis du conseil constitutionnel, la loi de juillet 2011 était fondée sur un postulat erroné qui, pour aller vite, qui confondait « soins » et « prise des médicaments ». Dans cette optique réductrice les soins se limitaient à être certain que les patients psychotiques aient une « injection mensuelle de neuroleptique retard » puisque des nouveaux médicaments étaient supposés mieux soigner les troubles psychiques (ce qui est faux, aucune avancée réelle depuis 50 ans dans la chimiothérapie).
Lors des Assises de la psychiatrie et du médico-social les 31 mai et 1er juin derniers, qui ont été un franc succès avec plus d’un millier de personnes présentes, nous avons consolidés notre engagement commun contre la bascule de paradigme opérés par la création de ces « soins sans consentement en ambulatoire ». La malaise était d’ailleurs perceptible par le législateur dans la loi de juillet 2011, puisque ces soit disant « soins » n’apparaissent que sous la paraphrase de « soins selon l’article… »
Malgré les critiques du pré-rapport de la mission parlementaire, deux points importants n’ont pas été modifiés :
– l’expression « soin » n’est pas remplacée par le mot « placement »
– les soins sans consentement en ambulatoire et les programmes de soins ne sont pas remis en question malgré le déplacement de la contrainte centré sur un lieu, l’hôpital, vers une contrainte centré directement sur la personne.
C’est une bascule puisque l’extension du champ de la contrainte est devenue illimitée, tant sur le nombre de personnes qui sont concernées, que sur son temps d’application. Par ailleurs cette contrainte peut défausser les professionnels de travailler à un lien thérapeutique avec patients et famille fondé sur la confiance.
En conclusion le point négatif central est la perpétuation des « soins ambulatoires » et « soins à domicile ». Soyons clairs, ce ne sont pas d’autres « modalités de soins » mais d’autres modalités de contrainte aux soins en ambulatoire.
Après cette remise en question du cadre général de la loi, les autres points à modifier sont :

1- Il n’y a pas de délai clairement donné à l’administration pour modifier une prise en charge d’hospitalisation complète en SSCA, ce qui dans la pratique laisse latitude à l’administration de nous faire mariner et de refuser cette modification parce qu’on est pas dans les délais, « qu’il aurait fallu s’y prendre plus tôt » etc.

 l’inscription dans la loi d’un délai de la décision du directeur pour la transformation du mode contraint de prise en charge est une mesure importante

2- la vidéoaudience est certes encadrée mais n’est pas supprimée. Nous plaidons pour sa suppression pure et simple, là aussi le principe en lui-même ne peut subir d’adaptation

3- La primauté de la confidentialité de l’audition et non sa publicité sont indispensables pour des raisons compréhensibles cliniquement : la levée partielle du secret médical (certificats), audition devant d’autres patients de l’hôpital

4- Enfin, dans le cas des SPDRE, pour une permission, le psychiatre doit faire la demande 48h avant. Le préfet peut s’y opposer jusqu’à 12h avant la permission, ça semble très court et cliniquement ça peut créer des tensions inutiles avec les patients

 Un temps entre le délai d’opposition du préfet et la sortie du patient plus long (24h par exemple au lieu de 12h) nous semble préférable

2) DrPatrickChemla

Notes pour l’audition du 9 juillet par la commission en charge de l’avenir de la Psychiatrie
Une fois l’exposé de Mathieu Bellahsen effectué, je ne rajouterai rien sur le projet de loi lui- même, sinon qu’il est manifestement le fruit d’un compromis, et qu’il voudrait en quelque
sorte adoucir le sécuritaire par la médicalisation. Ce qui nous fait aboutir à des paradoxes logiques et très concrets comme les soins sous contrainte en ambulatoire, rebaptisés entre temps programmes de soins. Et qui sont le cœur de la loi du 5 Juillet. C’est en généralisant l’espace de la contrainte que cette loi nous a paru scandaleuse quand elle fut promulguée et cet aspect demeure dans l’actuel projet.
Il eut mieux valu procéder à une abrogation préalable comme promis, pour repenser une nouvelle loi sur la psychiatrie qui aurait commencé par affirmer la primauté des soins libres.
Et même dans le projet actuel, il ne semble pas suffisant d’affirmer que le reste des enjeux de la psychiatrie sera envisagé plus tard ! Il faudrait insister d’emblée sur une politique incitative qui fasse de la contrainte une exception, alors que nous savons que les mesures d’internement n’ont cessé d’augmenter avant même la loi du 5 Juillet !
Il s’agirait d’inverser cette tendance lourde et rétrograde pour promouvoir une psychiatrie fondée sur l’accueil, recherchant la confiance entre patients, soignants et familles.
A quoi servent ces soins sous contrainte en ambulatoire, qui ne peuvent désormais plus s’exercer sous la contrainte, et qui nécessitent une relance complète de l’hospitalisation sous contrainte en cas de refus ? A rassurer de façon illusoire les familles qui vont croire que leur proche sera ainsi soigné par des équipes placées sous contrainte de la loi ?
A rassurer des équipes qui voudraient faire l’économie d’un travail de construction d’un espace de confiance préalable à toute possibilité de thérapeutique ?
A continuer à faire peur à des patients récalcitrants qui refuseraient de prendre leur traitement ?
Nous le réaffirmons avec insistance : ce sont là de très mauvaises raisons, et il vaudrait mieux purement et simplement abolir ces mesures : un internement peut se faire sous la contrainte, pas un soin psychique !
Il eut mieux valu maintenir les termes de « placement » comme Denys Robillard l’avait préalablement envisagé « pour appeler un chat un chat », et réserver le terme de soin à un registre contractuel, négocié et renégocié autant que de besoin tout au long d’une prise en charge.
Cela constitue le quotidien de nombreuses équipes qui se passent de tout « programme de soins », ou qui ne les utilisent que dans les très rares situations cliniques que la loi de 90 encadrait déjà en terme de sorties à l’essai. Pourquoi réintroduire ces sorties à l’essai pour les limiter à 48 H ?
Nous pourrions évoquer les longs week-ends et tenter de négocier leur durée, mais surtout imaginer qu’elles pourraient venir en lieu et place des programmes de soins.
Ainsi l’hôpital retrouverait une fonction contenante dans le bon sens de ce terme , à charge pour des équipes relancées par le législateur de faire que ces lieux d’hospitalisation retrouvent
ou réinventent leur fonction thérapeutique, sans laisser croire à une pseudo accélération de la « guérison » par la mise en isolement, la contention et l’administration de traitements à forte doses sans cesse présentés comme des panacées ou pire des avancées de la science !
Le tout à marche forcée aboutissant à rejeter de l’hôpital et souvent sans concertation avec les proches des patients gavés de traitements qu’ils s’empressent de rejeter.
Nous vous l’avons déjà dit : ces pratiques barbares ne cessent de progresser dans les établissements et leur protocolisation contrôlée ne fait malheureusement que les cautionner !
Il s’agit de l’exact contraire d’un temps fort quelquefois nécessaire pour qu’un patient puisse se rassembler, réduire les excès de son délire quand celui-ci l’empêche de vivre et se préparer à la sortie avec le soutien d’une équipe ambulatoire. Puisque c’est dans l’ambulatoire et l’espace de la cité que des soins peuvent être prodigués lorsqu’ils sont nécessaires et négociés entre les uns et les autres.
Et qu’ils devraient constituer la base même d’une politique de secteur à refonder dans un contexte difficile.
En conséquence, à défaut d’une abrogation pure et simple de la loi du 5 juillet, nous demandons la suppression pure et simple des soins sans consentement en ambulatoire pour les remplacer par des sorties à l’essai qui devraient rester marginales et permettre la réinsertion dans la cité.
Un tel changement ne prendrait de valeur qu’à la faveur d’une relance politique d’une psychiatrie fondée sur l’accueil et des valeurs de solidarité.
Cette politique pourrait aussi se fonder sur les nouvelles convergences qui ont pu apparaitre entre des collectifs d’usagers, de familles et de soignants qui ont trouvé récemment l’expression de leur rassemblement dans les Assises citoyennes pour l’hospitalité en psychiatrie et dans le médicosocial, appelées par le Collectif des 39.

3) MatthieuDissert

L’hospitalisation sous contrainte qu’il s’agisse de son ancienne ou sa nouvelle dénomination est un acte d’une violence extrême, bien sûr elle est parfois nécessaire même quand le patient adhère à ses soins, il peut arriver qu’une crise le conduise à refuser une hospitalisation.

1- une hospitalisation sous contrainte commence souvent par l’intervention de la force publique et des pompiers avec, parfois, une violation du domicile du patient.

2- lors de l’arrivée à l’hôpital, on vous dépouille de vos vêtements et effets personnels. 3- parfois on vous enferme, voire même on vous attache.
La nécessité de cette procédure n’en atténue pas moins la violence et cette violence ne peut être considérée comme un soin.
Dans le meilleur des cas la crise passe et le délire diminue, et la contrainte cesse, c’est là que commence le soin.
Certaines équipes, refusent d’admettre que si le patient n’adhère pas au soin, il s’agit bien de leur échec, le patient n’étant en aucun cas responsable de ce qui lui arrive.
Les soins sous contrainte en ambulatoire sont la perpétuation de cette violence initiale, qui devient une menace, l’hospitalisation faisant office de sanction de type carcérale.
Il est inadmissible que sous prétexte de l’incompétence de certaines équipes de « soins » soit renforcée par une loi qui leur permet de se passer de faire leur travail, établir le contact et instaurer la confiance.
Un traitement médicamenteux non accepté aura des effets qui augmenteront son rejet.
Les soins sous contrainte en ambulatoire, loin d’améliorer la prise en charge, ont et auront pour effet de maintenir les mauvaises pratiques violentes des mauvaises équipes.

4) Dr Thierry Najman

Juste quelques mots de conclusion, afin de préciser encore trois points, dans la lignée et la philosophie de ce qui vient d’être évoqué :
Il est étonnant que le rapport d’étape ne dise rien au sujet de cette nouvelle mesure d’hospitalisation, introduite par la loi du 5 juillet 2011, appelé « péril imminent sans tiers » mais que l’on pourrait paradoxalement et logiquement qualifié « d’HDT sans tiers ». Ce nouveau mode de placement est source de confusion et d’ambiguïté sur plusieurs points. Sur le terrain, il est possible de constater son utilisation dévoyée dans un certain nombre d’hôpitaux. Dans différents SAU, par exemple, des médecins adoptent cette mesure par commodité, face à une surcharge de travail, afin de ne pas avoir à rechercher un tiers qui pourtant existe et pourrait venir signer un certificat en se déplaçant jusqu’au SAU. Cette SPDT sans tiers reflète, au même titre que d’autres aspects de cette loi, l’idéologie sécuritaire qui la sous-tend et dans laquelle elle prend son origine. Sur le terrain, de nombreux acteurs hésitent quant à la façon d’interpréter et de mettre en pratique la loi à son sujet. Lorsqu’un membre de la famille ou un ami se manifeste dans un second temps, et que la mesure avait été prise faute de tiers, est-il possible, ou même est-il souhaitable, de la transformer en SPDT ? Il ne serait pas inutile que le projet de loi clarifie ce qu’il en est cette modalité d’hospitalisation ambiguë et source de dérives potentielles que l’on observe déjà dans la pratique sur certains secteurs.
Par ailleurs, il faut reconnaître les avancées de ce projet de loi en matière d’allègement bureaucratique, avec en particulier la disparition du certificat du 8ème jour. Cependant, il serait probablement possible d’aller un peu plus loin dans ce domaine afin de favoriser le développement du temps soignant relativement au temps purement administratif. D’autres certificats ne sont bien souvent que des copies inutiles des précédents et mobilisent des médecins dans des services sous dotés en temps médical. Il nous faut créer les conditions d’un meilleur accueil de nos patients et élaborer un cadre de travail mettant l’accent vers un soucis clinique plus qu’un souci bureaucratique. De surcroît, dans beaucoup de services, tous les médecins ne disposent pas de la signature concernant les certificats. En des temps de pénurie, et après les diminutions d’effectifs de ces dernières années dont nous n’avons peut-être pas encore vu le bout, il nous faut ménager ce qui reste de moyens humains et employer ces moyens humains sur le terrain de la relation au patient, de l’échange clinique, et des activités thérapeutiques. Nous savons que la déflation du temps passé auprès des patients et la diminution du temps soignant sont des facteurs d’accroissement de la contrainte, de l’enfermement, voir de la contention. Or, il est clair que depuis un certain nombre d’années le mouvement général est celui de l’addition des protocoles, à l’utilisation des ordinateurs (y compris en matière de soins sans consentement) et à l’accumulation contre productive de formulaires en tout genre.
Un dernier point, pour appeler à la prudence en matière de systématisation de l’intervention des avocats, tel que le prévoit le projet de loi. Une meilleure information des patients est indéniablement souhaitable, concernant le droit des malades, et la possibilité de se faire assister d’un avocat au moment où le patient le souhaite. Le matériel doit être fourni pour rédiger un éventuel courrier, ainsi peut-être, qu’une liste d’avocat, avec les démarches précises pour être mis en relation avec un avocat commis d’office. Un livret d’accueil clair à ce sujet est nécessaire. Mais une systématisation trop poussée dans ce domaine comme dans d’autres, un défaut d’adaptation, par conséquent, à la singularité du cas, une logique trop purement juridique, ne prenant pas suffisamment en compte la dimension clinique de cette question, pourrait parfois produire des résultats contraires à l’intérêt du patient et au but rechercher. Cela suppose une discussion au cas par cas avec le patient et ses proches. Enfin, comme cela avait noté lors des précédentes auditions, il serait véritablement important que le juge, en cette circonstance particulière, puisse être requalifié de «juge des libertés» et que soit officiellement écarté le terme de « détention » qui renforce malheureusement l’amalgame trop souvent relevé, entre maladie mentale et dangerosité. La très grande majorité des patients ayant des soins sans leur consentement n’ont commis aucun délit, aucun crime, et le terme de « juge des libertés et de la détention » n’aide pas les patients à penser que le juge est présent pour les protéger, ce qui est pourtant la réalité.

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> Quelques réflexions à partir du troisième plan autisme

Le troisième plan autisme paru ce mois de Mai 2013 est un pur produit de la pensée novlangue, dicté par des opposants farouches à la psychanalyse et à la pédopsychiatrie de service public. Son contenu est rempli de « non surprises » et aurait très bien pu être annoncé par Valérie Létard dans le gouvernement précédent. Là, c’est pire encore que ce que l’on aurait pu imaginer, puisque les politiques que nous avons élus se comportent en porte paroles d’un seul point de vue, sans compter les commentaires indignes que madame la ministre des handicapés a tenu à l’occasion de sa sortie, entourant cet événement d’une nouvelle atmosphère de chasse aux sorcières dont nous n’avions absolument pas besoin.
Ne pouvant évidemment reprendre l’ensemble de ce document, je souhaite évoquer quelques points particuliers qui m’ont parus révélateurs d’un climat de vil règlement de compte plutôt qu’annonciateurs d’une nouvelle alliance des différents praticiens, nécessaire à la prise en charge des enfants concernés et au soutien de leurs parents.

La pédopsychiatrie de service public, en charge des problèmes sanitaires des enfants autistes n’existe tout simplement plus dans le rapport, et la psychiatrie de secteur, invention dont la France peut s’enorgueillir à juste titre n’est citée qu’une seule fois, et encore, en tant qu’ « équipe hospitalière de pédopsychiatrie ». Les enfants autistes et leurs parents iront dans les CAMSP et les CMPP, parfois dans les établissements médicosociaux, mais n’iront pas voir le pédopsychiatre de secteur dans son CMP, alors que la psychiatrie de secteur est toujours la modalité légale d’organisation de la psychiatrie française, et que cette pathologie infantile est encore, pour combien de temps, du ressort de cette spécialité médicale, et enseignée dans les facultés de médecine par les professeurs de pédopsychiatrie.

Sous le couvert d’un libéralisme de bon aloi, la recherche, qui semble un axe essentiel pour nous tous, suit une ligne en contradiction avec tout projet scientifique : il est déjà précisé à l’avance ce que les chercheurs doivent trouver, des étiologies génétiques et des marqueurs biologiques, avant même d’avoir envisagé l’ensemble des pistes à suivre, notamment épigénétiques, voire évoqué leur complémentarité avec les premières. Certaines de ces hypothèses sont purement et simplement niées et passées sous silence, ce qui est une autre manière de définitivement condamner leur existence même, tandis que d’autres sont déjà présentées comme des résultats scientifiques avérés, alors qu’ils ne le sont pas.

La prévention à dix huit mois est présentée comme un scoop qui devrait enfin venir réparer les dégâts faits par « les pédopsychiatres, infiltrés par la psychanalyse depuis quarante ans » (commentaires de la ministre des handicapés), qui en ont empêché la mise en place. Tous les travaux en langue française parus à ce sujet sont tout simplement passés sous silence une fois encore, alors qu’ils contiennent de nombreuses recherches, pratiques et résultats précieux à ce propos. De plus, la question n’est pas si simple que le plan nous l’annonce, car plusieurs diagnostics sont possibles lorsque le pédopsychiatre se trouve devant un tableau de syndrome autistique survenant chez un bébé, et il est alors difficile d’annoncer un diagnostic d’autisme à des parents quand, quelques mois plus tard, il s’avère qu’il s’agissait en réalité d’une dépression grave, d’un trouble sensoriel ou d’une déficience. Ceux qui n’ont pas rencontré dans leur pratique ces problématiques peuvent facilement donner des leçons de prévention générale !

Les TED/TSA doivent tous emprunter le chemin de l’école. Soit ! La loi de 2005 est certes généreuse, mais le gouvernement qui l’a fait voter a simplement oublié de fournir les moyens ad hoc pour faire vivre ce bel effort d’inclusion. La psychiatrie de secteur a toujours joué l’intégration scolaire lorsqu’elle était possible, et a soutenu les enseignants et les parents pour la réussir. Mais où sont les moyens pour inclure à l’école tous les enfants concernés ? Les enseignants ont-ils été invités à donner leur avis sur cette politique intéressante mais nécessitant d’autres aménagements que les seules injonctions parentales en appui sur une loi sans moyen de l’appliquer ? Pour ma part, j’enseigne depuis de nombreuses années à mes étudiants en médecine et à tous les professionnels concernés par l’autisme que le trépied sur lequel repose la prise en charge des enfants TED/TSA est : « l’éducatif toujours, le pédagogique si possible et le thérapeutique si nécessaire ». Mais la formulation « le pédagogique si possible » ne vaut que si d’autres formules sont trouvées pour les enfants qui ne peuvent en bénéficier, et notamment les établissements du médicosocial (IME), ainsi que les hôpitaux de jour qui doivent apporter à l’enfant une possibilité pédagogique en rapport avec leur niveau cognitif.

Autre inconvénient majeur : l’extension du modèle TED/TSA à toutes les pathologies développementales des enfants, et notamment aux enfants appelés « dysharmoniques » par Misès, qui sont désormais recouvertes par la catégorie TED Non Spécifiés (TEDNOS). Si la prise en charge des premiers peut être améliorée par les recommandations HAS ANESM (et encore faudrait-il se mettre d’accord sur les dérapages interprétatifs des résultats statistiques exposés, et épinglés par l’éditorial de la revue Prescrire d’avril 2013), il n’en est rien des seconds, alors que leur prévalence est nettement supérieure à celle des premiers. Il s’agit, ni plus ni moins d’une OPA sur l’ensemble des enfants présentant un trouble envahissant du développement et sur leurs parents, pour augmenter le rapport de force en faveur d’une position manichéenne d’exclusion des points de vue différents et des pratiques institutionnelles portées par les équipes de pédopsychiatrie.

Enfin, la référence constante aux recommandations de l’HAS/ANESM est affligeante lorsque l’on sait l’écart qui existe entre les prétentions scientifiques qu’elles affichent et la réalité de leurs résultats objectifs.

Voilà déjà quelques éléments que je peux livrer à votre réflexion pour montrer en quoi les troisième plan autisme est en fait une injonction destinée à détourner les moyens d’une pédopsychiatrie de service public jetée aux orties par ses propres ministres de tutelle, vers des pratiques prônées comme efficaces, sans prendre en compte la plus élémentaires des réalités : si certains enfants autistes n’ont besoin que de pratiques éducatives et pédagogiques, d’autres ont également besoin de soutiens thérapeutiques du fait de leurs comportements et si le service public n’existe plus ce ne sont pas les quelques places de « répit » qui sont créées qui vont répondre aux problèmes posés par les psychopathologies autistique et psychotique, notamment en cas de « comportements-problèmes ».

Mais je souhaite reprendre rapidement quelques étapes de l’histoire récente des enfants autistes pour mieux éclairer les positions scandaleuses exposées par la ministre des handicapés à l’occasion de la sortie du troisième plan, qui montrent à l’envi sa méconnaissance du problème qu’elle prétend traiter.

L’autisme décrit en 1943 par Kanner constituera le point de départ d’une prise en considération scientifique médicale des enfants concernés. Les secteurs de pédopsychiatrie créés en 1972, et la pédopsychiatrie universitaire en 1973, permettront de développer des structures de soins adaptés à ces pathologies infantiles, notamment par la création du concept d’hôpital de jour. Ce dispositif permet à l’enfant de venir se soigner et d’apprendre dans la journée sur des horaires comparables à ceux de l’école et ensuite à rentrer chez ses parents. A l’époque, seules les équipes de pédopsychiatrie se mobilisent pour prendre en charge ces enfants. Mais le manque de moyens suffisants et les réticences de certains psychanalystes n’ayant pas pris suffisamment en considération les caractéristiques de ces pathologies archaïques ne donnent pas à ces équipes la possibilité de développer davantage ces prises en charge en intégrant les aspects éducatifs et pédagogiques, autant qu’il aurait fallu. C’est l’époque des orientations de nombreux enfants vers le médicosocial. Les pédopsychiatres plaident pour une plus grande intégration à l’école, mais le temps d’une loi allant dans ce sens n’est pas encore venu. Toutefois, un certain nombre d’équipes ouvertes commencent à articuler les approches éducatives, pédagogiques et thérapeutiques (Jacques Constant en sera un pionnier à Chartres avec Catherine Milcent). Simone Veil va alors déclencher un mouvement à partir du politique et sur la demande de nombreuses familles qui ne trouvent pas de réponses pertinentes pour leur enfant. Un mouvement va ainsi se développer sous le nom de pédopsychiatrie intégrative, et permettre à de nombreuses équipes de pédopsychiatrie de se réformer pour aller dans ce sens des complémentarités nécessaires en fonction de chaque enfant.
Dans la période plus récente, des attaques dirigées vers certaines techniques (packing, pataugeoire, psychothérapie) sont organisées par certaines associations de parents et visent à sensibiliser l’opinion publique en recourant à des méthodes de désinformation très élaborées mais indignes de notre démocratie. Des députés de droite comme de gauche se mettent en tête d’interdire la psychanalyse dans l’autisme. Le sommet sera atteint dans les recommandations de l’HAS parues en mars 2012. Si certaines parties de ce texte sont intéressantes et acceptables de façon consensuelle, la partie concernant les prises en charge est un véritable traquenard intellectuel puisqu’elle prétend s’appuyer sur ces considérations scientifiques, alors que la preuve est faite depuis qu’il n’en est rien. Si la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle sont jugées non consensuelles, et à ce titre disqualifiées de fait, la packing se voit interdit sauf dans le cadre de la recherche que je mène à Lille dans le cadre d’un PHRC accepté sur le plan scientifique par le ministère de la santé et de la recherche et sur le plan éthique par la commission de protection des personnes (CPP).
Le troisième plan autisme paraît alors que la majorité politique a changé et que nous attendions de la nouvelle majorité une capacité à dépasser ces conflits délétères pour enfin partir sur des bases redéfinies dans un esprit d’ouverture et de complémentarité. Il n’en a rien été, et nous voyons se déployer sous nos yeux, les triomphes ordinaires du lobbying des plus forts et des plus organisés alliés à ceux d’une démagogie jamais encore atteinte, surfant sans problème sur la souffrance des familles.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à une problématique complexe qui peut être éclairée par plusieurs niveaux d’analyse.
Tout d’abord, au niveau sociétal, le procès en sorcellerie fait à la psychanalyse devrait être instruit contre des psychanalystes qui n’ont pas su accueillir avec le respect humain que l’on doit dans nos métiers aux personnes qui souffrent psychiquement. Lorsqu’un patient se plaint d’un chirurgien, fait-il un procès à la chirurgie ? Ceux qui payent aujourd’hui injustement cette haine ne font que tenter dans leurs pratiques, chacun à leur manière, non pas de psychanalyser les enfants autistes, mais d’utiliser les conceptions psychanalytiques dans leurs réflexions et leurs pratiques relationnelles autour des enfants autistes, et quand la possibilité se présente, d’adapter les dispositifs de soins en tenant compte de ces avancées dans la prise en charge, et ce, toujours en alliance avec les parents. Si la psychanalyse a été importante dans la formation de nombreux pédopsychiatres, en aucun cas elle n’a été la seule, et beaucoup d’entre nous tentons d’articuler les hypothèses neuroscientifiques avec les hypothèses psychopathologiques dans le cadre des secteurs de pédopsychiatrie.
Ensuite, sur le plan politique, le passage progressif, trop rapide à mes yeux, d’une démocratie participative à une démocratie médiatique, met sur le marché informatif beaucoup d’éléments qui se présentent comme scientifiques alors qu’il n’en est rien. Nous savons que les discussions sur des sujets comme l’autisme deviennent volontiers passionnelles. Et le circuit des pseudo-discussions sur les forums qui sont « occupés » par des groupes bien organisés pour en saturer les contenus n’est pas de nature à favoriser une vraie dispute au sens scientifique du terme. Les attaques « ad hominem » remplacent les arguments scientifiques, et je sors d’un combat sur le packing où j’ai pu mesurer à quel point la passion destructrice tient souvent lieu de pensée. En fait il s’agit probablement d’une défense contre l’angoisse qui consiste à relayer ad libitum, sur le modèle de la publicité, les messages destructeurs pour terrasser l’adversaire intellectuel, ce qui évite d’avoir à penser soi-même.
Enfin, la surdétermination économique ne fait pas de doute dans ce conflit majeur actuel. Il me semble qu’il serait intéressant de la part des politiques de dire qu’ils disposent de telle somme pour résoudre la question des TED/TSA, et qu’il faut se mettre autour d’une table pour répartir la mise après des discussions démocratiquement organisées. Or ils ont choisi de désigner un bouc émissaire, le service public de pédopsychiatrie, de le disqualifier, de le détruire et pour y arriver d’utiliser toutes les armes, mêmes celles qui ne sont pas autorisées, pour lui prendre ses crédits, et les « transférer » à ceux qui se présentent comme les « vrais scientifiques ». Pas de chance pour nous, nous incarnons le bouc émissaire, et cet appel au lynchage que la ministre des handicapés a organisé à l’occasion de la sortie du troisième plan n’est pas digne de nos démocraties.

Nous devons faire savoir qu’il s’agit d’une imposture, et nous devons continuer à suivre notre chemin des complémentarités nécessaires dans ce domaine de l’autisme, comme dans tous ceux des sciences médicales dans lesquelles la souffrance ne se réduit jamais à la solution d’une équation mathématique.

Villejuif, 31 mai et 1er juin 2013
Quelques réflexions à partir du troisième plan autisme
Pierre Delion

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Soutien de Mme A. Hazan Maire de Reims

Mesdames et messieurs,

Retenue à Reims pour l’organisation des Fêtes Johanniques, je ne peux être présente aujourd’hui à vos côtés, à mon grand regret. J’ai néanmoins souhaité vous transmettre ce message par lequel je tiens à renouveler une nouvelle fois mon soutien au « Collectif des 39 » et aux actions qu’il porte.

Cela fait maintenant de nombreuses années que la psychiatrie française est au cœur de la tourmente. Cela fait des années que la possibilité même du soin psychique est malmené, que le personnel soignant est humilié et les patients atteints dans leur dignité.

Aujourd’hui, nous sommes enfin sortis d’une longue période douloureuse, marquée à mes yeux par le terrible et intolérable discours de l’ancien Président de la République, prononcé à Antony en décembre 2008.

Le pacte républicain qui fonde la France est fondé sur une idée simple : que chaque citoyen de ce pays, peu importent ses origines, son handicap, sa situation sociale, sa condition sanitaire, chaque citoyen possède ce droit le plus immédiat qui est celui de la reconnaissance de son humanité.
La valeur qui nous rassemble, la valeur qui fait société : c’est l’égalité.

Or cette égalité est trop souvent remise en cause, précisément dans le domaine où elle devrait être la plus protégée : celui de la santé mentale.

Il n’est pas acceptable que des patients atteints de troubles psychiatriques puissent être stigmatisés parce que notre société s’abandonne et se perd dans une idéologie sécuritaire.
Mais il n’est pas plus acceptable que ces mêmes patients ne puissent plus bénéficier d’une prise en charge relationnelle et humaine décente parce qu’adaptée à la situation singulière de chacun.

Je crois que ces Assises Citoyennes sont l’occasion d’appeler encore et toujours à la refondation de la psychiatrie en France. L’occasion de rappeler inlassablement qu’il en va de la dignité humaine et de la lutte contre l’exclusion.

Le nouveau gouvernement doit entendre ce qui se joue ici et prendre la mesure des menaces qui pèsent aujourd’hui sur la possibilité même du soin psychiatrique. Si nous voulons sauvegarder un système de soin fondé sur la solidarité, l’humanité et l’hospitalité, alors il est plus que jamais nécessaire de changer durablement et profondément avec l’idéologie qui a prévalu jusqu’alors.

Soyez assurés de mon entier soutien à cette démarche que nul autre que vous ne porte aujourd’hui avec autant de force et de vigueur.

Adeline Hazan

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L’État n’a pas plus à définir la «vérité historique» que la «vérité scientifique»

L’État n’a pas plus à définir la «vérité historique» que la «vérité scientifique»

06 juin 2013 | Par Les invités de Mediapart – Mediapart.fr

Pour la chercheuse en histoire Laure Murat, quand une ministre dicte ce qui doit être enseigné en matière de traitement de l’autisme, c’est tout aussi choquant que lorsque l’Etat a voulu obliger les historiens à reconnaître le rôle « positif » de la colonisation.

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Il y a un mois, Patrick Chemla m’a proposé de participer à ces Assises et m’a demandé si, à titre d’historienne (et plus spécialement d’historienne de la psychiatrie), j’aurais été intéressée d’intervenir à propos du Troisième Plan Autisme. Comme beaucoup, j’avais été choquée par les propos de Mme Carlotti condamnant la psychanalyse au profit des « méthodes qui marchent », précisant : « Que les choses soient claires : n’auront les moyens pour agir que les établissements qui travailleront dans le sens où nous leur demanderons de travailler » (Le Monde, 2 mai 2013). Cette phrase, qui a été beaucoup reprise – à juste titre –, est d’autant plus frappante qu’elle dit haut et fort ce que le rapport s’évertue à diffuser mais de façon beaucoup plus perverse, comme l’eau qui dort, sans l’énoncer une seule fois.
N’étant ni médecin, ni psychiatre, je n’ai aucune qualification pour me prononcer sur l’autisme. Mais je suis professeure à l’université et le rapport aborde précisément l’enseignement et la recherche, domaines sur lesquels je me concentrerai, en prenant soin de distinguer le discours implicite du discours explicite – la langue de la bureaucratie requérant d’autant plus d’attention du point de vue rhétorique que sa médiocrité poétique, souvent lénifiante, est, contrairement à ce qu’on pourrait croire, très élaborée et très signifiante politiquement.

On peine en général à juger des textes qui, en apparence, ne se réclament d’aucune théorie. Mais c’est oublier que l’absence de théorie est déjà une théorie. De même, d’un point de vue lexical, l’absence de certains mots est au moins aussi révélatrice que l’emploi répété de certains autres. Que les mots « psychanalyse » ou « psychothérapie », par exemple, ne soient pas prononcés une seule fois sur les 121 pages du Troisième Plan Autisme (2013-2017) me semble plutôt être une revendication idéologique en creux que le fruit d’une étourderie des rédacteurs. Car on sait bien que la réduction au silence est une méthode beaucoup plus efficace qu’une attaque frontale, dont les arguments pourraient être soumis à la discussion et au débat. En parvenant – car c’est une manière de tour de force – à ne citer ni la psychanalyse, ni la psychothérapie institutionnelle, le rapport entérine, comme une évidence, leur disparition de fait dans le paysage intellectuel. Le silence joue ici le même rôle qu’un énoncé performatif, qui « acte » une éradication : ce qui n’est pas nommé n’existe pas – ce que la presse n’aurait peut-être même pas relevé, n’était la déclaration martiale de Mme Carlotti, que j’interprète comme une « gaffe politique », à la limite du lapsus, officialisant ce qu’il fallait stratégiquement continuer à taire.
De même qu’il y a réduction au silence de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle, il y a, dans le rapport, suremploi de certains termes. Le mot « cognitif » (diversement accordé), par exemple, est prononcé vingt-six fois, loin derrière, il est vrai, l’expression « recommandations de la HAS » qui ne compte pas moins de cent huit occurrences.

En gardant ces remarques lexicales en tête, la lecture des passages consacrés à l’enseignement supérieur et à la recherche s’avère d’autant plus éclairante. Je lis par exemple, p. 15 : « (…) les universités ont un rôle important à jouer pour déployer de nouvelles formations respectant les recommandations de la HAS et de l’ANESM. » Et deux phrases plus loin: « Les licences professionnelles permettront aux étudiants de découvrir la diversité des méthodes existantes compatibles avec les recommandations de la HAS et de l’ANESM et de pouvoir ensuite, grâce aux compétences acquises, effectuer les choix adéquats en fonction des besoins spécifiques de chaque situation. Ces licences pourront également favoriser le développement de cursus articulés avec d’autres formations diplômantes, notamment éducateurs spécialisés. » (1)
« Les nouvelles formations respectant les recommandations de la HAS », « la diversité des méthodes existantes compatibles avec les recommandations de la HAS »… Il ne faut pas être grand clerc pour observer que la pluralité affichée des positions (nouvelles formations, diversité des méthodes existantes, besoins spécifiques de chaque situation, développement de cursus) est une pluralité faussée, puisqu’elle est en réalité réduite aux « recommandations de bonne pratique » de la HAS publiées en 2012, qui concluaient à la non-pertinence des interventions fondées sur l’approche psychanalytique et la psychothérapie institutionnelles (2). Prôner la diversité, dans ce cas, c’est donc prôner la diversité dans un seul domaine scientifique, les sciences cognitives et comportementales. C’est un peu comme si je disais vouloir étudier la diversité des couleurs de cheveux… parmi les blonds.

Un même principe préside à la partie consacrée au renforcement de la recherche, mais formulé différemment et, pour tout dire, de façon plus explicite : « Cette action vise à renforcer la recherche sur l’autisme dans le domaine de la biologie, des sciences cognitives, et des sciences humaines et sociales (3). »
Les actions envisagées sont au nombre de quatre :


« 1) Promouvoir la recherche sur les marqueurs précoces et le suivi évolutif de l’autisme (bio-marqueurs, données de l’imagerie cérébrale) en l’articulant à l’analyse clinique, cognitive et comportementale.

2) Promouvoir la recherche sur les mécanismes moléculaires et cellulaires à l’origine de l’autisme.

3) Promouvoir la recherche cognitive sur l’autisme (…) [et, en particulier] développer et affiner divers modèles (theory of mind, etc.)

4) Etudier les dispositifs de remédiation (…) (4) »

Traduction : seules la biologie et les sciences cognitives et comportementales (citées deux fois) peuvent apporter une réponse à l’autisme. Les « divers » modèles étudiés, comme la theory of mind, appartiennent exclusivement à ce même domaine.
Ces deux passages me paraissent exemplaires d’une réflexion à mener sur le rôle et l’intervention de l’Etat dans la formation universitaire et dans la recherche en général, problème qui s’est récemment cristallisé, en Histoire, avec la polémique autour des lois mémorielles. J’en rappellerai rapidement la genèse et les enjeux. Le 12 décembre 2005, Pierre Nora lançait une pétition, « Liberté pour l’histoire », signée entre autres par Pierre Vidal-Naquet, Paul Veyne et Elisabeth Roudinesco. L’appel s’insurgeait contre les procédures judiciaires visant des historiens, dont le travail était entravé par une série de lois (la loi Gayssot, la loi Taubira, la loi du 29 janvier 2001 portant reconnaissance du génocide arménien ou celle du 23 février 2005 demandant au programmes scolaires de reconnaître le « rôle positif de la présence française outre- mer, notamment en Afrique du Nord », etc.), lois qui « ont restreint la liberté de l’historien, lui ont dit, sous peine de sanctions, ce qu’il doit chercher et ce qu’il doit trouver, lui ont prescrit des méthodes et posé des limites. » Le collectif demandait en conséquence « l’abrogation de ces dispositions législatives indignes d’un régime démocratique ». Quelques jours plus tard, un autre collectif, composé entre autres de Serge Klarsfeld et de Claude Lanzmann, lançait une contre-proposition intitulée : « Ne mélangeons pas tout », qui affirmait entre autres, à propos de la loi Gayssot dont le maintien était réclamé : « Le législateur ne s’est pas immiscé sur le territoire de l’historien. Il s’y est adossé pour limiter les dénis afférents à ces sujets historiques très spécifiques, qui comportent une dimension criminelle, et qui font en tant que tels l’objet de tentatives politiques de travestissements. »

Lorsque le pouvoir interdit l’enseignement du négationnisme à l’université, est-ce choquant? Lorsque le pouvoir autorise (dans certaine universités américaines) l’enseignement du créationnisme réfutant Darwin, est-ce choquant ? Y aurait-il une bonne et une mauvaise ingérence ? Ou est-ce l’ingérence qu’il faut condamner par principe ? Ces questions me semblent facilement transposables à l’objet qui nous occupe. Car l’État n’a pas plus à définir la « vérité historique » que la « vérité scientifique ». Que l’Etat donne un certain nombre de grandes orientations ne me paraît pas choquant en soi. Mais qu’il réduise à la source et de facto la formation et la recherche à un seul ensemble de propositions (ici, les sciences cognitives et comportementales, à l’exclusion de toutes les autres, comme l’a bien rappelé Mme Carlotti) me paraît très grave. Car c’est, d’une part, condamner la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle à n’être aussi « valides » que le négationnisme ou aussi farfelues que le créationnisme. Et c’est, d’autre part, accorder à la HAS un pouvoir d’autant plus exorbitant que son infaillibilité est un peu comme celle du pape : elle n’a toujours pas été prouvée scientifiquement. Je vous rappelle en passant que dans un communiqué du 20 mai 2011, par exemple, la HAS annonçait un retrait « spontané » de ses recommandations pour la maladie d’Alzheimer : sur les 25 experts ayant élaboré lesdites recommandations, 3 n’avaient pas fait de déclaration publique d’intérêt ; plus embêtant, sur les 22 autres, 11 étaient accusés de conflit d’intérêt « compte tenu des liens étroits que les expert(e)s entretenaient avec les laboratoires chargés de la fabrication et de la commercialisation des produits médicamenteux » du traitement de la maladie (lire ici)

Que ce soit cette instance-là précisément qui dicte les orientations de la recherche (puisqu’on a compris grâce à Mme Carlotti que ces recommandations étaient en réalité des sommations) me paraît, oui, tout aussi choquant que lorsque l’Etat a voulu obliger les historiens à reconnaître le rôle « positif » de la colonisation (loi du 23 février 2005). À cette époque, Christiane Taubira s’était exprimée pour juger la loi « désastreuse » car « catégorielle ». En 2001, la loi Taubira, précisément, demandait pourtant à ce que la traite des Noirs soit inscrite dans les programmes mais (et la différence est cruciale) n’imposait en aucune façon la manière dont les enseignants devaient en parler.

Le plébiscite exclusif des sciences cognitives et comportementales du Troisième Plan Autisme me paraît comparable à ces oukazes officiels en ceci qu’il impose une orientation scientifique qualifiée de seule « positive », et limite ainsi la recherche c’est-à-dire l’appauvrit. Après la proposition de loi du député UMP Daniel Fasquelle en janvier 2012 appelant à une interdiction pure et simple de la psychanalyse dans le traitement de l’autisme, il est très regrettable que soit entériné si vite ce qu’il faut bien appeler la victoire d’un lobby, au mépris des règles élémentaires qui président à tout travail intellectuel.

Laure Murat,
chercheuse spécialisée dans l’histoire culturelle,
auteur de La Maison du docteur Blanche (2001) prix Goncourt de la biographie
et de Passage de l’Odéon (2003).
Elle a publié en 2006 un essai consacré au ‘troisième sexe’ intitulé La Loi du genre.
Diplômée de l’EHESS et docteur en histoire, elle est professeur au département d’études françaises et francophones de l’université de Californie-Los Angeles.

Texte écrit pour les Assises citoyennes pour l’hospitalité en psychiatrie,
Villejuif, 31 mai-1er juin 2013

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(1) Troisième Plan Autisme (2013-2017), présenté le jeudi 2 mai 2013 par Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, Ministère de la Santé, p. 15.
(2) Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent. Recommandation de bonne pratique, Mars 2012, p. 27. Téléchargeable sur le site de la HAS : http://www.has- sante.fr/portail/jcms/c_1101438/fr/tableau-des-recommandations-de-bonne-pratique
(3) Troisième Plan Autisme (2013-2017), présenté le jeudi 2 mai 2013 par Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, Ministère de la Santé, p. 100.
(4) Ibid. C’est moi qui souligne.

URL source: http://blogs.mediapart.fr/edition/contes-de-la-folie-ordinaire/article/060613/l-etat-n-pas-plus-definir-la-verite-historique-que-la-verite-scientifiq

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Communiqué de presse du collectif des 39 et des Ceméa

Communiqué de presse du collectif des 39 et des Ceméa

Les assises citoyennes pour l’hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social
L’appel des 1000

Les assises citoyennes pour l’hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social organisées par le collectif des 39 et les CEMEA dans le but d’engager un travail de réflexion clinique et politique ont été un immense succès.

Elles ont été une réussite tant par le nombre des participants (près de mille), que par l’hétérogénéité de ceux-ci. En effet, toutes les catégories socioprofessionnelles du sanitaire et du médicosocial, des mères, des pères, des frères, des enfants de patients, des patients, des élus, des gens de la culture et du spectacle, des citoyens se sentant concernés, se sont retrouvés pour témoigner ensemble de leurs vécus et de leur vision de l’hospitalité pour la folie et de ses impasses dans le sanitaire et le médicosocial.

Ces assises ont commencé, il y a un an, à la suite du meeting de Mars 2012, par un appel à témoignages. Cet appel, largement entendu par tous les usagers (au sens Bonnaféen du terme)
de la psychiatrie et du médicosocial a permis de construire et de donner la forme et le ton de ces assises : un style très vivant et participatif dans une ambiance chaleureuse et engagée.
Un immense laboratoire, découverte de points de vue habituellement inaccessibles, permis par cette ouverture et une qualité d’écoute de tous les participants-acteurs quel que soit leur statut.

Cette transversalité, offerte par la mise en forme de ces assises, a porté ses fruits. Les prises de parole se sont faites dans la justesse et la retenue, décrivant pour certains, des situations parfois dramatiques et terribles d’inhospitalité des services publics, sans basculer dans la déploration. Les hospitalisations sous contraintes, les contentions, les mises en pyjama deviennent de plus en plus systématiques. Mais aussi, les contraintes de plus en plus fortes exercées sur les professionnels par les processus d’évaluation et d’accréditation, par la normalisation des pratiques et des formations soumises aux recommandations réductrices et simplistes extrêmement critiquables de la HAS.
Malgré la pression de plus en plus forte d’une bureaucratie envahissant tous les actes, sous prétexte de traçabilité et de risque zéro, plusieurs collectifs ont présenté leurs expériences créatives de résistance, nous encourageant tous à inventer et ne pas céder à la destruction. Il s’agit de soutenir le désir de construire une autre psychiatrie plus humaine, tenant compte des difficultés et des impasses dans laquelle la psychiatrie et le médicosocial se trouvent.
Il s’agit aussi de dépasser les clivages administrativo-économiques, en reconnaissant la dimension soignante des structures médicosociales et leur nécessaire réarticulation avec la psychiatrie.

Un immense chantier collectif et inédit, à contre-courant des dérives actuelles d’hyperprotocolarisation des pratiques et d’assujettissement des patients et des professionnels à ces diktats vient de s’ouvrir et va se poursuivre. Le travail d’élaboration collective ne fait que commencer, certains ateliers vont continuer à se réunir et une autre rencontre est prévue pour le 16 novembre à la Maison de l’Arbre à Montreuil.

Les assises se sont terminées le samedi après-midi par un meeting, passant du politique, de la vie quotidienne, à un engagement dans la politique.
Un appel des mille, a été voté à l’unanimité. Cet appel demande le retrait de la recommandation sur l’autisme faite par la HAS et donc le retrait de ce troisième plan autisme qui s’appuie sur cette recommandation. Les participants aux assises, rejoints par de nombreuses organisations et d’autres militants sont venus dire non à cette HAS de plus en plus discréditée et appeler le gouvernement à plus de discernement dans ces décisions.
En cas de maintien de ces mesures discriminatoires et inacceptables, les 1000 participants du meeting ont décidé d’organiser une manifestation à la rentrée.

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Une politique « fondée sur l’évidence scientifique » ?

Une politique « fondée sur l’évidence scientifique » ?
Pierre Dardot

Je reprends à mon compte ce qui vient d’être dit par Jean Oury sur la « bureaucratie exacerbée » :
le Troisième Plan Autisme présenté par Madame Carlotti nous fait respirer d’un bout à l’autre ce que Marx appelait à juste titre en 1843 dans sa Critique du droit politique hégélien, « l’esprit de la bureaucratie ».
« L’esprit de la bureaucratie » : l’expression sonne tout de même étrangement, fera-t-on remarquer, car l’absence d’esprit n’est-elle pas la caractéristique même de la bureaucratie, de toute bureaucratie ? Il y a malgré tout un « esprit de la bureaucratie » : en disant cela, Marx pensait à l’esprit de secret et de mystère de la vieille bureaucratie d’Etat qui se protège à l’intérieur par sa hiérarchie et à l’extérieur par son caractère de société fermée, protégée de la société réelle par ses rites, sa langue, ses procédures de cooptation, bref par tout un « formalisme ». C’est pourquoi il définit la bureaucratie comme le « formalisme d’Etat ».

Que le texte du Plan Autisme soit imprégné jusqu’à saturation de ce formalisme dans sa langue et son écriture, voilà qui n’est pas douteux. Il l’est jusque dans ses moindres formulations, jusque dans son goût immodéré pour les subdivisions mécaniquement reproduites d’une partie à l’autre (I. A. B. 1. 2. 3., etc.), jusque dans ses blancs si méticuleusement mesurés, jusque dans la monotonie affligeante de son lexique (en particulier dans les 37 « Fiches Action » qui occupent à elles seules près de 90 pages sur les 121 que compte ce rapport !), jusque dans son abus de l’abréviation (que l’on songe à l’insupportable attente qui est la nôtre en tant que lecteurs puisque c’est seulement à la page 59 que le sigle « RBP » se substitue enfin à notre plus grand soulagement à l’expression « recommandation de bonnes pratiques » et seulement à la page 68 qu’apparaît le sigle « RBP HAS 2011» !). Pourtant, d’un autre point de vue, il pourrait sembler qu’aujourd’hui, à l’inverse de l’époque de la bureaucratie prussienne, tout est étalé, dit de manière directe et transparente : plus de demi-mots ou de formulations allusives, les objectifs sont ouvertement affichés et, en un sens, jamais les choses n’ont été dites aussi clairement et crument. Il suffit de lire le Plan Autisme III pour s’en convaincre. On affirme dans un passage relatif à la formation des acteurs que « l’autisme est un trouble neuro-développemental » et qu’il est essentiel aux professionnels comme aux familles de le savoir (p. 26). On prescrit à la recherche de s’orienter vers la « découverte de marqueurs biologiques » en arguant du fait que leur identification « pourrait ouvrir la voie » à la connaissance des causes de cette pathologie.
A cette fin, on préconise d’ « inclure » la recherche sur l’autisme dans celle qui est développée dans le domaine des neurosciences, de la psychiatrie, des sciences cognitives et des sciences de l’homme et de la société (p. 21). On attend de l’Association nationale des CRA qu’elle facilite par son action le développement de « pratiques de prise en charge homogènes » (p. 14) et qu’elle permette d’« harmoniser » les pratiques des CRA (p.19). On prévoit de confier à la HAS l’organisation d’une audition publique en vue de « l’élaboration de recommandations de bonne pratique » pour les adultes sur le modèle de celles qui ont été faites pour les enfants (p.15). On invite les étudiants des futures licences professionnelles à découvrir la diversité des méthodes existantes « compatible » avec les RBP de la HAS (p. 28 : le lecteur découvre ainsi le charme discrètement bureaucratique de la « diversité compatible » !). Dès décembre 2012, le rapport du sénateur Milon, administrateur de FondaMental, avait donné le ton et enfoncé le clou en réduisant d’entrée de jeu la psychiatrie à une spécialité médicale qui relève des mêmes « critères d’évaluation » (p. 47) que les autres disciplines médicales et appelle à mots couverts à étendre la « validation scientifique » pour faire pièce à l’intérêt pour la psychanalyse (puisque c’est l’absence de validation qui « renforce l’intérêt pour la psychanalyse », comme l’aveu en est fait à la p. 43 du rapport!).

Je voudrais m’arrêter à une phrase de ce Plan qui me paraît mériter toute notre attention. Elle figure à la page 22, c’est la première phrase du 3. de la partie B du IV consacrée aux « axes prioritaires de la recherche ». Elle dit exactement ceci : « Les politiques de santé publique demeurent au plan international, et également en France, insuffisamment « fondées sur l’évidence » scientifique. » Le scrupule le plus élémentaire m’oblige à préciser que les trois mots « fondées sur l’évidence » sont mis entre guillemets par l’auteur de ce Plan. Il faut lire cette phrase remarquable tant elle résume à elle seule « l’esprit de la bureaucratie ». Les mots placés en italiques « fondées sur l’évidence » renvoient manifestement à l’expression anglaise « evidence based medicine » devenue par abréviation « EBM ». On sait que cette expression a été forgée dans les années 1980 au Canada pour baptiser une pratique qui était déjà entrée en vigueur depuis plusieurs années. Le rapport d’information du sénateur Milon de décembre 2012 déplore à cet égard : « La France a par ailleurs un faible taux de suivi des recommandations internationales, notamment parce que certains praticiens contestent l’evidence based medicine qui fonde les études anglo-saxonnes. Elle paraît à certains praticiens trop abstraite face aux pratiques de la psychiatrie française et au cas singulier de chaque patient » (p. 34).
On admirera au passage le « certains » de certains praticiens et le « paraît » de l’expression « elle paraît ». Cependant là n’est pas le plus important. La phrase citée du Plan joue sur l’équivoque du mot anglais « evidence » et sur la difficulté de rendre exactement en français l’expression anglaise : on convient le plus souvent de parler de « médecine factuelle » ou de « médecine fondée sur des preuves ». Le terme anglais « evidence » peut se traduire tout aussi par « données probantes » que par « preuves » : il fait en tant que tel partie du vocabulaire de l’enquête policière, tout particulièrement de celui de la police scientifique à laquelle il incombe précisément au cours de l’enquête de recueillir et de réunir le maximum de preuves (comme on peut l’apprendre en regardant une série policière américaine). De là la double traduction que l’on rencontre souvent : « médecine factuelle » ou « médecine fondée sur les preuves », selon que l’on privilégie les seules données factuelles ou la force des preuves. Et c’est en ce point que le mot français « évidence » est introduit à point nommé pour s’annexer les sens du mot anglais : en français le mot a le sens de ce qui se voit de soi-même, dans une visibilité immédiate qui contraint l’assentiment de l’esprit. Peu importe que cette introduction soit consciente ou non. Ce qui est symptomatique, c’est l’association implicite de la preuve et de l’évidence qui appartient à une épistémologie dépassée. Il n’est en effet aujourd’hui aucun épistémologue sérieux pour soutenir que la preuve scientifique relève de l’évidence.
La preuve suppose tout un montage, patient, laborieux et souvent collectif, qui n’a rien à voir avec la visitation de l’esprit illuminé par l’éclat insoutenable de la vérité. Une politique « suffisamment » fondée sur l’évidence scientifique, vraiment fondée sur cette évidence, est par conséquent, tout au moins dans l’esprit de ses promoteurs, est une politique qui se déduit directement et immédiatement de certaines « données » ou de certains « faits » qui sont censés valoir comme « preuves » en raison de leur « évidence » même. En affirmant que les politiques de santé publique sont « insuffisamment » fondées sur l’évidence scientifique, on élève implicitement l’exigence que ces mêmes politiques soient entièrement et intégralement fondées sur la dite évidence. Du même coup, puisqu’il est avéré qu’on ne saurait résister à l’évidence, on suspecte toute politique « insuffisamment » fondée sur l’évidence de procéder d’une mauvaise volonté, c’est-à-dire d’une volonté, fut-elle inavouée, de ne pas « se rendre » à l’évidence.

Mais que faut-il penser d’une telle exigence adressée à la politique de santé publique ? On a souvent fait valoir, à bon droit, que la médecine, contrairement à la biologie, est irréductible à la science qu’elle s’incorpore et dont elle se nourrit, si bien que l’on peut s’interroger sur la valeur d’une expertise clinique entièrement fondée sur des preuves : l’expertise clinique, celle que fait et qui fait le clinicien, repose sur un jugement singulier rendu sur un sujet singulier par un sujet singulier, et l’on voit mal qu’elle puisse se déduire directement de l’évidence des preuves. Le propre de l’ « évidence » est justement qu’elle dispense de tout véritable jugement parce qu’elle s’impose immédiatement à l’esprit. C’est pourquoi certains adeptes du paradigme EBM ont eux-mêmes mis en garde contre le danger d’une expertise clinique qui succomberait à la tyrannie de la preuve. Ce qui est vrai de la médecine et du jugement du clinicien est encore plus vrai de la politique et du jugement en vertu duquel une politique est déterminée et conduite. Car la politique n’est pas une espèce de médecine, elle n’est pas une médecine à l’usage de la cité, elle est tout autre chose qu’une médecine. Comment peut-on attendre, espérer ou pis exiger qu’une politique soit entièrement fondée sur l’évidence scientifique ? Par définition la détermination d’une politique, au sens d’une certaine orientation de l’action gouvernementale, par exemple en matière de santé publique, procède d’une activité de délibération et de jugement qui se confond avec la politique elle-même : une politique implique en ce sens toujours un choix entre plusieurs possibles dans une situation donnée, une politique n’est jamais dissociable de la politique comme activité, et c’est précisément en quoi une politique n’est jamais la seule politique possible. L’exigence d’une politique fondée sur l’évidence scientifique c’est l’exigence d’une politique unique qui s’imposerait par la seule « force des choses », c’est-à-dire l’exigence d’une politique qui nous affranchirait de la politique. Il suffit d’écouter Madame Carlotti dire et répéter à propos des méthodes de traitement de l’autisme : « je ne choisis pas », « je ne choisis pas », et ce alors même qu’elle choisit d’exclure la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle au profit des seules approches neurologiques et comportementales. Mais ce choix ne doit pas apparaître dans la mesure où une politique qui se soumet d’elle-même à la tyrannie de la preuve ne peut que se nier comme politique.
Une telle exigence n’est pas à vrai dire tout à fait nouvelle : au début du XIXe siècle le saint-simonisme avait formulé la prédiction d’une proche extinction de la politique comme activité distincte dans la société industrielle. Selon lui, la politique, ou le « gouvernement des hommes », consiste en l’exercice arbitraire du commandement par lequel une volonté cherche à s’imposer à une ou d’autres volontés, alors que l’« administration des choses », qui revient aux savants et aux industriels, est rationnelle parce qu’elle est indexée à la vérité de la science.
La supériorité de l’administration des choses vient de ce qu’on ne saurait résister à la vérité parce qu’elle s’impose d’elle-même sans avoir à commander, précisément par son « évidence ». Que se passe-t-il lorsque le gouvernement, qui est et reste quoiqu’il dise un gouvernement des hommes par des hommes, cherche à substituer au nom de la « vérité scientifique » l’administration des choses au gouvernement des hommes ? Ce qui se met alors en place, ce n’est pas l’administration des choses, parce que celle-ci, aussi efficace soit-elle, ne pourra jamais faire qu’il n’y ait plus d’hommes à gouverner, c’est bien plutôt l’administration des hommes, mieux c’est l’administration des hommes qui traite les hommes comme des choses dont on peut disposer à partir de statistiques et de méthodes d’évaluation interchangeables car profondément indifférentes au sens de leur activité. Mais pour administrer les hommes comme des choses, le gouvernement doit s’interdire d’exercer une contrainte directe et massive, il doit dans la mesure du possible déléguer et transférer à différentes instances le soin de s’acquitter de cette tâche de légitimer son activité d’administration. En d’autres termes, le gouvernement se doit d’organiser sa propre défection. C’est exactement ce qui se passe sous nos yeux : FondaMental se charge d’élaborer la « bonne norme scientifique » en faisant pression sur le gouvernement, de droite comme de gauche, pour qu’il reprenne à son compte sa conception de la « validation scientifique » taillée sur mesure pour avantager la neuropsychiatrie. Il suffit de lire la première partie du rapport Milon pour se rendre compte que cette association est prête à certaines concessions nominales pour continuer de défendre l’essentiel : ce texte ne parle plus de la « santé mentale », comme s’il avait entendu notre critique, notamment celle faite par Mathieu dans sa thèse (il reconnaît ainsi à la page 12 que la santé mentale tend à se confondre avec la capacité d’adaptation à la vie sociale et au « comportement social dominant »), mais il parle d’intégrer la psychiatrie dans une « politique de santé publique ». Fort de cette délégation dans la production de la norme, le gouvernement peut alors installer la HAS dans la fonction de police des bonnes pratiques, ce qui lui permet de se retrancher derrière le paravent d’une instance qu’il a lui-même activement promue au rang d’« autorité scientifique ». C’est tout ce dispositif qui produit l’« évidence scientifique » sur laquelle on voudrait fonder la politique de santé publique alors qu’en réalité elle est fabriquée pour dissuader de toute véritable délibération politique.

Revenons maintenant à cet « esprit de la bureaucratie » dont nous parlions au début. Si la vieille bureaucratie d’Etat était une bureaucratie du mystère et du secret, la nouvelle bureaucratie managériale est une bureaucratie de la transparence gestionnaire. Reste qu’il y a bien un esprit de cette bureaucratie, quelque chose comme un « nouvel esprit de la bureaucratie ». Ce nouvel esprit ne peut prospérer que parce que le politique s’évertue à organiser méthodiquement sa propre défection. L’expansion de la bureaucratie ne résulte pas en effet d’un excès de politique, mais tout au contraire d’un renoncement du politique à la politique. Ce nouvel esprit est de protéger l’Etat de la politique en réduisant l’action gouvernementale à la continuité d’une gestion des populations au-delà de toute alternance gouvernementale, ce qui est la version néolibérale de l’« administration des choses », c’est-à-dire de protéger l’Etat de « toute manifestation publique de l’esprit politique » ou de « l’esprit civique », comme dit encore Marx. Il nous revient dans ces conditions de rappeler activement et publiquement que cet esprit politique ou civique ne peut vivre que dans et par l’hétérogénéité des pratiques et que cette hétérogénéité doit être préservée contre la funeste et mortifère homogénéisation de ces mêmes pratiques sous l’effet d’une police exercée au nom de l’évidence scientifique qui est la négation même de la politique. En ouvrant un espace à la confrontation, à la délibération collective, à l’invention de nouvelles relations, l’hétérogénéité des pratiques sauve la possibilité même de la politique.

Pierre Dardot
Pierre Dardot et Christian Laval La nouvelle raison du monde, essai sur la société néolibérale La Découverte.2009

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La Parisienne libérée chante la vertu des méthodes

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Programme des Assises Citoyennes le 31 mai et 1er juin 2013

Devant la gravité des interventions de madame Marie-Arlette Carlotti, ministre chargée des personnes handicapés et de la lutte contre l’exclusion, et la sortie du plan Autisme 2013, nous avons décidé de modifier l’organisation prévue des Assises.
Nous vous transmettons donc le programme actualisé ci dessous en signalant un changement important : les Assises se concluront samedi à 13H, et nous reprendrons à 14H par la tenue d’un Meeting Unitaire pour demander le retrait du plan autisme et montrer les dangers potentiels qu’il recèle pour toute la psychiatrie à laquelle nous aspirons, fondée sur des valeurs de solidarité et d’hospitalité.

Programme des Assises Citoyennes pour l’hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social

Vendredi 31 mai 2013.

8h30 – Accueil des participants

9h – Allocution de Mme le Maire de Villejuif, Mme Claudine Cordillot

9h15 – Ouverture – Philippe Bichon psychiatre clinique de La Borde et Benjamin Royer, psychologue clinicien, association Vice&Versa – université Paris XIII, La nouvelle Forge

9H45 -Simone Molina ( psychologue clinicienne, psychanalyste)
“Les enjeux historiques de la présence des psychologues cliniciens en institution.”
-Leslie Kaplan écrivain: “Folie et Création”
-Frédéric Niquet usager: ”Pourquoi Humapsy?”
Séance modérée par Paul Machto

10h30
Monsieur le Député DENYS ROBILIARD, rapporteur de la mission parlementaire sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie , présentera le pré-rapport parlementaire qui doit être publié ce mercredi 29 Mai
Discutants Mathieu Bellahsen / Olivia Gili / Annick Lair

11h30
– Patrick Landman, co-fondateur du mouvement « stop DSM », autour de la sortie du DSM 5 : Quel impact sur les pratiques ?
Discutants: Mathieu Dissert (Humapsy), Dominique Besnard (CEMEA) , Bénédicte Maurin éducatrice

12h
– Pierre Delion et Elisabeth Roudinesco , au sujet du troisième plan autisme.
Discutants Loriane Brunessaux, Patrick Chemla, Christian Guibert.

13h repas

14h à 17h30 Les Ateliers :
voir la présentation sur le site : https://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=6816

Samedi 1er Juin 2013.

9h à 12h – Les Ateliers 2e temps

12h à 13h – Table ronde conclusive des Assises

avec Sylvie Prieur, Monique Vincent, Hervé Bokobza, Patrick Chemla, Fréderic Niquet, Serge Klopp

14h à 17H– MEETING UNITAIRE CONTRE LE PLAN AUTISME

Modéré par Hervé Bokobza

Avec la présence de nombreuses associations, syndicats et partis politiques dont :
L’AFPEP-SNPP, le SPH, l’USP, la fédération Croix Marine, les Ceméa, Humapsy,le CRPA, Advocacy France, l’intercollège des psychologues d’île de France, Utopsy, SUD SANTE, le Front de Gauche, le NPA, la CGT, et EELV (sous réserve), la fédération des orthophonistes de France, l’association de parents : “la main à l’oreille”, et le soutien d’ associations de psychanalyse : La Fédération des Ateliers de Psychanalyse, le Point de Capiton, le Cercle Freudien, Espace Analytique, le Champ Freudien ,

Interventions de
-Jean Oury médecin directeur de la clinique de La Borde
-Pierre Dardot, philosophe, coauteur de “la nouvelle raison du Monde”
-Mireille Battut, parente, présidente de l’association “la main à l’oreille”
-Laure Murat, historienne auteur de “L’homme qui se prenait pour Napoléon”
-Bernard Odier (SPH)

Présentation d’un appel unitaire

avec comme intervenants
Patrick Chemla (collectif des 39), Jean Vignes (SUD Santé), Jean-Luc Gibelin (Front de Gauche), Dominique Besnard (Ceméa), Matthieu Dissert (Humapsy)

propositions d’actions.

Conclusion du meeting

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Communiqué de presse " Les assises et le meeting "

COMMUNIQUE DE PRESSE

Présentation du pré-rapport sortie mercredi sur la santé mentale par Mr Denys Robiliard

député rapporteur de la mission parlementaire sur la santé mentale

Les Assises Citoyennes pour l’hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social auront lieu vendredi 31 MAI et samedi 1er JUIN prochain à Villejuif, espace de Congrès les Esselières. Nous sommes à ce jour plus de six cents inscrits. Le programme est modifié pour tenir compte de l’actualité :

Vendredi 31 MAI de 9h à 13h : trois tables rondes seront organisées avec :

– Monsieur le Député DENYS ROBILIARD, rapporteur de la mission parlementaire sur la santé mentale, il nous présentera en exclusivité le pré-rapport parlementaire qui devrait être publié mercredi 29 Mai.

– Patrick LANDMAN, co-fondateur du mouvement « stop DSM », autour de la sortie du DSM 5

– Elisabeth ROUDINESCO et Pierre DELION, au sujet du troisième plan autisme.

Samedi 1er JUIN de 14h30 à 17h, un meeting sera organisé avec syndicats, associations et partis politiques (L’AFEPP-SNPP, la fédération Croix Marine, les Ceméa, Humapsy, l’association du champ Freudien, l’intercollège des psychologues d’île de France, Utopsy, la fédération des ateliers de psychanalyse, Dimension de la psychanalyse, le Cercle Freudien, Espace Analytique, La CGT, SUD,le SPH,le Front de Gauche,le NPA,et EELV sous réserve).

Y interviendront notamment :

– Jean OURY, psychiatre directeur de la clinique de Laborde (Cour Cheverny)

– Laure MURAT, historienne et professeure au « Département d’Études françaises et francophones » (Department of French and Francophone Studies) de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), auteur de L’Homme qui se prenait pour Napoléon : Pour une histoire politique de la folie (Gallimard)

– Mireille BATTUT, Présidente de l’association La Main à l’Oreille

– Pierre DARDOT, philosophe et co-auteur de « La nouvelle raison du Monde » (La découverte)

www.collectifpsychiatrie.fr

ceci modifie l’organisation de la matinée de vendredi, les deux moments
Formation, Transmission et Culture.
Ethique, Science et politique.
sont décalés en fin de matinée

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Le cerveau n'est pas un ordinateur

Le cerveau n’est pas un ordinateur

Philippe Bichon, psychiatre à La Borde, fait partie du “ Collectif des 39 ” dénonçant le plan autisme. Il explique pourquoi il défend le libre arbitre des soignants.

La psychiatrie institutionnelle a une longue histoire en Blaisois. Les cliniques de La Borde, La Chesnaie et Saumery sont des lieux ouverts où les patients sont soignés par des équipes pluridisciplinaires.
C’est tout naturellement que nombre de leurs praticiens s’inscrivent dans le courant du « Collectif des 39 » (constitué en 2008), qui se mobilise actuellement contre le plan autisme du gouvernement, mais également contre sa vision globale de la psychiatrie. Philippe Bichon, psychiatre à La Borde, est membre du collectif. Et il nous explique son point de vue.

Que dénoncez-vous dans les directives gouvernementales ?

« L’application aveugle de méthodes évaluatives. On nous impose de plus en plus de normes, nous avons des obligations de résultats et sommes comparés aux services de médecine, chirurgie. C’est pour cela que la clinique Freschines a quitté son château en début d’année. Il y a une véritable attaque de notre culture, on nous délivre un catalogue de symptômes à cocher face à un patient. Pourtant chaque diagnostic est singulier. Par rapport à l’autisme, le gouvernement s’en remet à la Haute Autorité de santé qui dit que les méthodes éducatives sont les plus efficaces. Ce n’est pas prouvé scientifiquement et cela prive les patients d’autres méthodes dont la psychanalyse. On veut sortir l’autisme de la psychiatrie en expliquant qu’il s’agit d’un dysfonctionnement génétique. C’est nier que l’homme et sa maladie sont liés à son histoire, à son environnement. D’autres études que celles mises en avant par la ministre démontrent qu’il y a une interaction entre l’expression des gènes et l’environnement. »

Cela va-t-il avoir des conséquences dans vos pratiques quotidiennes ?

« Il y a menace de ne plus financer les établissements qui n’iront pas dans ce sens. Il y a un glissement général vers le médico-social. Lorsque j’étais étudiant, l’autisme représentait environ 1 cas pour 1.000. Maintenant on est à 2 ou 3 % car on a élargi le spectre de l’autisme à des troubles de l’enfant à communiquer. Comme pour les bipolaires ! Cela sert l’industrie pharmaceutique, car l’efficacité des médicaments est plus probante sur des sujets moins atteints. Or, depuis cinquante ans, il n’y a aucune révolution dans les médicaments au niveau de la pratique clinique. Les lois se construisent à partir de contre-vérités et c’est grave. »

Vous dénoncez le manque de liberté des praticiens ?

« Il y a une crainte permanente de ne pas obéir à la norme qui empêche de penser. Or notre travail est fait d’incertitudes, nous devons être inventifs et prendre des risques. Si un patient me dit qu’il veut sortir à Blois, je vais peut-être prendre un risque. Ou alors on veut des murs autour de La Borde ! On veut gérer et soigner le cerveau comme un ordinateur, or il bouge en permanence. L’histoire d’un patient est aussi importante que ses symptômes. Nous dénonçons la dérive scientiste qui voudrait donner une seule formation pour s’occuper de l’autisme dans des groupes de patients homogènes. C’est l’inverse exact que nous pratiquons à La Borde depuis des années, nous avons une pratique de terrain pluridisciplinaire et nous voulons faire remonter notre expérience au gouvernement. Nous tenons nos assises (*) dans deux semaines et nous avons invité le député Denys Robiliard, rapporteur du rapport de l’Assemblée nationale «  santé mentale et psychiatrie  ». »

Le député à l’écoute

Denys Robiliard, député de Blois, est rapporteur de la commission « santé mentale et psychiatrie » actuellement en cours à l’Assemblée nationale. C’est donc tout naturellement que les praticiens de la psychiatrie institutionnelle blésoise l’ont alerté.
« Dès le départ, nous savions que notre travail ne porterait pas sur l’autisme car il y a assez de travaux par ailleurs sur le sujet », explique le député. « Concernant la psychiatrie, le mouvement institutionnel, comme on le connaît à Blois, vient en contradiction de la Haute Autorité de santé. Nous menons des auditions, organisons des tables rondes pour mettre tout à plat. Nous avons d’ailleurs déjà auditionné un praticien du Collectif des 39. »
Le député se garde bien de dévoiler le moindre avis tant que le rapport ne sera pas officiellement clos et présenté à l’Assemblée, vraisemblablement en septembre. La partie concernant l’hospitalisation sous contrainte devrait, quant à elle, être publique tout prochainement. Le député n’est pas opposé à l’idée de participer aux assises, pour écouter uniquement. « Ma préoccupation première est de ne pas retomber dans l’instrumentalisation des malades mentaux. »

(*) Assises pour l’hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social, les 31 mai et 1er juin à Villejuif, à l’initiative du Collectif des 39 et des Cemea.
la nouvelle république 23 05 2013

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Plan autisme 3 – commentaire sur la lettre de Mme Mireille Battut.

Voici une lettre (https://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=6824) dont le ton est celui qui convient au regard de la violence des attaques du lobby comportementaliste, et des abus de pouvoir répétés des instances gestionnaires. Elle situe le débat non pas en termes de savoirs comme c’est le cas le plus souvent – fut-ce le savoir des autistes « eux-mêmes » ou le savoir des parents – mais en termes de choix de société. La prétention de groupes, quels qu’ils soient, à dire la vérité pour tous est toujours le signe de la haine de la démocratie dont parle Rancière. Ce texte réintroduit la politique dans la prétendue dispute de La science opposée au soi-disant conservatisme de professionnels ringards attachés aux valeurs du passé. La politique, c’est le conflit des argumentations où nul ne peut prétendre parler au nom de tous.
La force de cette lettre, c’est qu’elle prend parti et du coup permet de débattre. Je m’appuie sur sa lecture pour souligner ce qui me semble l’essentiel. Sous couvert d’universalité (« l’autisme », « la » science, « l’intérêt commun ») il y a bien une politique de privatisation générale du champ, soutenue voire organisée par des lobbys puissants. Certaines associations de parents sont ici utilisées, instrumentalisées, en connaissance de cause ou pas, peu importe. Ce sont ces lobbys puissants – aux cotés desquels on rangera certains secteurs intéressés de l’Université et de l’industrie pharmaceutique, qui ont trouvé leur porte voix dans la personne de certains hérauts ministériels. C’est que l’immense marché de « la dépendance » est un secteur prometteur, où s’investissent les services (privatisés) d’aide à la personne et les prescripteurs de psychotropes. La promotion de réponses fragmentaires (par exemple les services des aides à domicile ou à l’école) marche du même pas que la mise en cause des services publics.

Un des aspects de cette politique consiste donc dans la mise en cause et la destruction des professionnalités, ce que l’on a vu sous Sarkozy sous le vocable de l’attaque des « corps intermédiaires ». Contre la complexité des métiers, le pragmatisme qui se déclare athéorique (« ça marche », les chiffres le disent) constitue le cheval de Troie de la domination du marché. Les professionnels pensent se défendre en y opposant leurs savoirs, leurs pratiques, leur histoire, mais leur « bonne volonté » est battue en brèche, car leurs interlocuteurs ne se situent pas du tout dans le même registre. Croire que c’est en montrant la qualité de nos élaborations que nous allons convaincre les artisans d’une telle politique est une illusion que nous risquons de payer cher.
Malheureusement, la complicité de nombreux politiques (ou bien leur cécité) ne contribue pas à placer le débat sur son juste terrain. C’est que très souvent ils sont gestionnaires (purs gestionnaires des collectivités locales, dès lors qu’ils passent à la trappe le concept de service public) et sont assaillis de « réponses techniques » proposées par les marchands de toutes sortes (et ceci jusque dans les antichambres ministériels, certaines affaires récentes ont montré jusqu’où cela pouvait aller). Ainsi un monde bascule, sans que l’on en prenne la mesure. Par exemple « l’aide à la personne » constitue dans ses termes même le programme d’une extraordinaire régression au regard de la notion de solidarité. Le « service », est proposé en kit bon marché ; qui résisterait à une telle simplification de la gestion ? Le management de l’entreprise diffuse dans le social, au titre des politiques dites de « santé mentale ».
Tous les professionnels sont à ce titre nécessairement des emmerdeurs, avec leur habitude de couper les cheveux en quatre (i. e. de réfléchir à leur métier), et de faire valoir leur qualification, c’est à dire leur manière de prendre en compte la complexité du réel. Circulez il n’y a rien à penser, les réponses sont préformées, disponibles pour pas cher. La phase actuelle du libéralisme se caractérise par une attaque frontale des solidarités au profit des attributions d’aides personnalisées. Comme l’ont montré Dardot/Laval et bien d’autres, le néolibéralisme n’est pas la loi du laisser faire du marché mais l’utilisation déterminée de l’Etat pour sa propre destruction. Nous l’avons sous nos yeux: HAS, ARS etc sont des machines gestionnaires visant à détruire les régimes historiques de solidarités qui constituent la sédimentation des luttes du passé.

La démocratie version néolibérale, c’est la destruction de tous les obstacles à l’extension du marché.

C’est à ce titre que les métiers sont des obstacles à la logique de circulation généralisée. Ce qui est vrai et bon c’est ce qui circule plus: cf Google ou le classement des revues selon leur impact factor. Le néolibéralisme, on l’a souvent remarqué, présente d’étranges ressemblances avec la bureaucratie totalitaire. La science d’Etat est ici (dans les propos de Madame Carlotti) incroyablement revendiquée. Du haut de sa position de représentante de l’Etat et de garante de l’interêt commun, cette dame prétend distinguer la vraie science, c’est à dire celle qui convient à sa politique. Qu’elle fasse un choix se conçoit, évidemment, mais qu’elle le fasse non pas au nom d’une politique mais d’une vérité de La science est d’une gravité dont il faut s’étonner qu’elle ne fasse pas réagir, bien au delà de nos cercles professionnels. Ce serait drôle si le passé ne nous avait pas montré que ce pouvait être sinistre. Sans rire : Les pédopsychiatres seraient donc tous fervents de la psychanalyse? pas de problème, supprimez les! Remake de la fameuse formule brechtienne je crois, le peuple ne veut plus du tyran, pas de problème, changez le peuple!

On se souvient qu’il y a peu, les historiens sont montés au créneau car certains sujets devenaient interdits, au nom de la mémoire des victimes. La conflictualité de la recherche et des pratiques est ici virtuellement supprimée, circonscrite. Mais alors, on s’interroge : comment la science avance-t-elle? Sous le jugement de quelle haute autorité du pouvoir? Science d’Etat, art d’état, mémoire d’Etat…

Comme sur les photos, on voudrait effacer les personnages indésirables et réécrire l’histoire de la science (avec ses passions violentes, la guerre des laboratoires etc) et des arts, (les violentes polémiques des écoles de peinture, de poésie, de … psychanalyse).

Normez-moi tout ça, je vous prie, au nom de la lutte contre les charlatans. Le petit problème, voyez-vous, c’est que ça ne marche pas comme ça. Le problème, c’est que le fait humain comme tel est conflictuel. Supprimez le conflit, vous vous supprimez la pensée, vous supprimez la vie.

Nous sentons bien que la culture politique elle-même est ici profondément menacée, et que dans cette spirale morbide, ceux là même qui sont mis en position de l’incarner (les « élus ») peuvent être fascinés par le soulagement que procure le discours d’experts et de tous ceux qui disent détenir les solutions qu’ils prétendent « d’évidence ».

Là où les élus se trouvaient confrontés à la complexité et à la conflictualité, voici la certitude des expertises, prétendument authentifiées par la vox populi (les fameux « usagers »). Plutôt que faire face par exemple à l’extrême complexité de situations d’enfants dits autistes et devoir interroger concrètement la manière dont la collectivité comme telle et au delà la culture lui fait une place, il est tentant de croire à la solution autoproclamée de pratiques standardisées et labellisées. Quitte à ce que la « collectivité » mette sérieusement la main à la poche !

Le problème c’est dans une telle logique c’est la mort du politique comme tel qui est ainsi programmée. Le paradoxe, c’est que les politiques peuvent s’y précipiter. Certes, nous savons que l’on peut se vouer à sa propre mort, selon la pulsion du même nom. Mais nous savons aussi que la servitude pour être parfois volontaire, n’est pas obligatoire ; le livre de La Boétie en témoigne, dans sa lucidité.

La seule voie est donc, avec d’autres, de mettre en cause cette gangrène du discours expert, c’est à dire de restaurer la conflictualité politique. « Vivre ensemble », est affaire de choix. Tout ne se vaut pas, au delà des « solutions techniques ». Vivre ensemble, avec des personnes dites autistes, est une question pour tous, et sans garantie de réponse, en vérité.

Franck Chaumon

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Les psychiatres et la gauche

Les psychiatres et la gauche

Caroline Eliacheff – France Culture

logoLes médecins n'attendent généralement pas grand-chose de la gauche à une exception près: les psychiatres surtout depuis l'orientation impulsée par Nicolas Sarkozy vers le tout sécuritaire. Ne voyant rien venir concernant la refondation de la psychiatrie plus conforme à l'éthique soignante, ils commencent à s'impatienter.
C'est dire que le plan autisme présenté par Mme Carlotti, ministre déléguée aux personnes handicapées, était attendu avec espoir. Eh bien, ce plan renforce plutôt le camp des déçus.
Pour comprendre la déception -le mot est faible- il faut rappeler que nous en étions restés, en matière de prise en charge de l'autisme, aux recommandations de Haute Autorité de Santé classant les approches psychanalytiques et la psychothérapie institutionnelle dans les interventions "non consensuelles" au seul profit des approches éducatives comportementales. Au grand dam des psychiatres et psychanalystes qui pratiquent depuis des années, pour autant qu'ils en aient les moyens, une approche variée, adaptée à chaque cas et aux souhaits des parents, contestant qu'une seule méthode, la leur ou une autre, puisse avoir le monopole de la prise en charge des autistes.
Leur critique a reçu le renfort inespéré de la revue indépendante Prescrire qui s'est penchée sur le guide issu de ces recommandations. La revue conclut:
"Ce guide privilégie les méthodes cognitivo-comportementales et écarte les autres approches sans argument solide. Ce choix exclusif est non ou mal étayé. Il n'aide pas les soignants de premier recours ni les familles à faire des choix éclairés".
Le plan autisme était l'occasion d'apaiser un conflit largement dépassé en pratique entre psychanalyse et éducatif ainsi qu'en témoignent les livres récemment parus de Bernard Golse, Pierre Delion ou Laurent Danon-Boileau. C'est exactement l'inverse qu'a choisi Mme Carlotti. Elle affirme:
"En France depuis 40 ans, l'approche psychanalytique est partout et aujourd'hui elle concentre tous les moyens. Il est temps de laisser la place à d'autres méthodes pour une raison simple: ce sont celles qui marchent et qui sont recommandées par la HAS".
On ne s'attendait pas à retrouver des propos aussi tranchés qu'inexacts dans la bouche de la Ministre. Si l'on veut rattraper notre retard, est-ce bien le moment de s'engager dans le tout-éducatif au moment où ce choix, appliqué depuis longtemps aux Etats-Unis, est fortement remis en question. Dans quelques années, le bilan risque d'être accablant. Au moins les psychiatres ne pourront pas être désignés comme bouc émissaire!
Mais la ministre ne va-t-elle pas trop loin en déclarant:
"N'auront les moyens pour agir que les établissements qui travailleront dans le sens où nous leur demandons de travailler".
Depuis quand un ministre impose-t-il un mode unique de prise en charge qui ne fait pas consensus? On attendait de la gauche qu'elle résiste à imposer une réponse univoque à la plus complexe des affections, tant par son origine multifactorielle que par ses expressions cliniques. Hélas, à tort.

à écouter: http://www.franceculture.fr/emission-les-idees-claires-de-caroline-eliacheff-les-psychiatres-et-la-gauche-2013-05-15

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PLAN AUTISME 2013 « QUAND L’ETAT SAIT LES BONNES PRATIQUES EN MATIERE DE SOIN ET DE FORMATION ! » par Ceméa

COMMUNIQUE DE PRESSE

PLAN AUTISME 2013 « QUAND L’ETAT SAIT LES BONNES PRATIQUES EN MATIERE DE SOIN ET DE FORMATION ! »

Le plan Autisme 2013 a été présenté très récemment par Madame CARLOTTI, Ministre Déléguée aux personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion, accompagné de déclarations citées par le journal Le Monde du 2 mai 2013 :
 « En France depuis quarante ans, l’approche psychanalytique est partout et aujourd’hui elle concentre tous les moyens. Il est temps de laisser la place à d’autres méthodes pour une raison simple : ce sont celles qui marchent et qui sont recommandées par la Haute Autorité à la Santé. »
 « N’auront les moyens pour agir que les établissements qui travailleront dans le sens où nous leur demanderons de travailler. »
Nous comprenons les pressions d’associations familiales pour aller vers plus de travail éducatif, en réaction à certains excès de pratiques psychanalytiques. Pour autant le plan Autisme tout en annonçant un certain nombre de mesures qui sont attendues (dépistage précoce, accueil des enfants à l’école, création de places en institution), exprime clairement la nécessité de la mise en oeuvre des recommandations de la Haute Autorité à la Santé (HAS) qui préconisent les approches neurocognitives, éducatives et comportementales et les méthodes de « l’analyse appliquée des comportements » et elles seules !
Exit les approches qui réfèrent à la psychopathologie, aux courants de la psychanalyse et non reconnues les professionnels et les équipes qui construisent le soin ou le travail social du point de vue de la psychothérapie institutionnelle. L’obtention des moyens sera conditionnée à l’application de ces recommandations. De même la formation des professionnels devra en tenir compte et le justifier pour être validée !
C’est une première, l’Etat sait et affirme ce que sont les bonnes pratiques professionnelles, y conditionne les moyens et oriente les formations des cursus initiaux et des contenus de la formation professionnelle continue. Et pourtant ces recommandations de la HAS conclues dans un climat de pression du lobbying de quelques associations actives mais minoritaires, que nous dénoncions déjà dans un précédent communiqué en avril 2012, sont des recommandations dont la pertinence a été questionnée très précisément par la revue Prescrire dans son numéro d’avril 2013. En effet, contrairement à ce qui est affirmé, aucune approche ne fait accord sur le plan scientifique dans le domaine de l’autisme et les travaux de la HAS n’ont pas non plus fait consensus.
Ces recommandations deviennent alors partisanes sans plus. Les travaux les plus concluants s’accordent pour énoncer la complexité de l’autisme, des autismes devrait-on dire ; ce sont les approches pluri dimensionnelles qui apportent les meilleures évolutions, les approches qui combinent les réponses éducatives, comportementales et thérapeutiques. En cela les pratiques inspirées de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle sont à considérer au même titre que les autres et non à rejeter, ni à opposer systématiquement et à valoriser en terme de complémentarités.
Que penser de l’imposition d’une seule méthode à tous ? Que penser d’un seul enseignement et d’une seule formation dans le registre de la souffrance psychique et des handicaps, au mépris des acquis de tous les travaux cliniques et des enseignements universitaires ; en jetant l’anathème sur la psychanalyse sans aucun discernement et en faisant croire que trop de professionnels du soin et du travail social s’y réfèreraient ! C’est bien mal connaître les réalités des équipes et des structures. Aucune nuance, aucune différence avec les options et les préconisations de la Droite précédemment au pouvoir, au contraire une continuité et un volontarisme affiché. Alors il faut se rendre à l’évidence et reconnaître l’adhésion du ministère aux pressions des lobbys puissants des quelques associations et des laboratoires, et une lecture idéologique des résolutions des souffrances. En un mot la mise en place d’une thérapie d’Etat en vue du contrôle et de l’adaptation par ce biais de l’être humain à la logique gestionnaire au service de l’économie de marchés.
Ainsi, il est prévu dans la partie consacrée à la formation initiale de repenser les contenus des formations des professionnels du soin, médecins et psychologues, des travailleurs sociaux concernant les TED (Trouble Envahissant du Développement) de ce seul point de vue. De même pour les futurs enseignants, dans les ESPE (Ecoles Supérieures du Professorat et de l’Education). La formation continue n’est pas épargnée et il est prévu que les organismes agréés soient en demeure de proposer ces approches au risque de se voir supprimer leurs agréments et leurs financements. Chaque année, par nos actions de formation dans le champ de la psychiatrie et de la santé mentale, ce sont près d’un millier de professionnels que nous rencontrons ; chaque année, dans nos trois centres de formation aux métiers du travail social ce sont près de huit cents étudiants qui se préparent à l’exercice difficile et passionnant des métiers de l’éducation spécialisée. Notre engagement et nos options dans le champ de la formation en psychiatrie et dans l’éducation spécialisée depuis plus de soixante ans n’ont jamais obéi à quelque imposition que ce soit ; nous sommes même fiers de contribuer par nos conceptions pédagogiques et nos valeurs au maintien des approches de la complexité quand il s’agit de prendre en considération la souffrance de l’autre.
En avril 2012, dans le communiqué qui énonçait la position des CEMEA sur l’autisme, nous écrivions : « L’être humain ne peut se réduire à une collection de comportements qu’il faudrait rééduquer pour une meilleure adaptation. La question de la relation aux autres et au monde est assujettie à la question du désir, des émotions et des intelligences partagées et à l’inscription de chacun dans une histoire et une culture dont les aspects inconscients sont une composante et fondent l’humanité. Nos pratiques de formation depuis leur origine dans le champ de la psychiatrie et de l’éducation spécialisée ont toujours récusé les réponses univoques. » Nous ne pouvons imaginer former les professionnels dans nos sessions de formation continue et les étudiants de nos trois centres de formation aux métiers de l’éducation spécialisée dans cette vision imposée et faussement scientifique.
LES CEMEA
Contact : Dominique Besnard, Directeur des Activités du Développement et de la Prospective.
dominique.besnard@cemea.asso.fr – Tel : 01 53 26 24 53 – 06 89 86 11 17
ASSOCIATION NATIONALE – RECONNUE D’UTILITE PUBLIQUE
24, rue Marc-Seguin – 75883 Paris cedex 18 – Tél. 01.53.26.24.24 – Fax 01.53.26.24.19 – www.cemea.asso.fr

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Lettre ouverte de Mireille Battut, présidente de l’association La main à l’oreille

Lettre ouverte de Mireille Battut,
présidente de l’association La main à l’oreille
à Marie Arlette Carlotti, au sujet de la présentation
du 3ème plan autisme

Madame la ministre,
Je viens de recevoir votre appel à soutenir votre candidature à la mairie de Marseille, sur la boite mail de l’association que j’ai créée, La main à l’oreille.
La main à l’oreille est née en 2012, année consacrée à l’autisme Grande cause nationale, pour porter une parole autre : nous refusons de réduire l’autisme à la seule dimension déficitaire et sa prise en charge à la seule approche rééducative, nous voulons promouvoir la place des personnes autistes dans la Cité, sans nous référer à une norme sociale ou comportementale.
C’est en 2012 que vous avez découvert l’autisme. Vous repartez maintenant vers d’autres aventures, mais vous nous laissez un 3ème Plan Autisme rapidement ficelé, accompagné de déclarations martiales : « En ouvrant ce dossier, j’ai trouvé une situation conflictuelle, un climat tendu, je n’en veux plus. » Vous avez, en effet, vécu des moments très chahutés. J’en ai été témoin lors d’un colloque au Sénat dédié à l’autisme, où un groupe de parents bien déterminés vous empêchait de parler. Le député Gwendal Rouillard, votre collègue, qui a choisi de soutenir les plus virulents, était à la tribune, les yeux mi-clos et le sourire aux lèvres. Comme vous étiez toujours coincée sur le premier paragraphe de votre discours, il a levé un bras et a demandé silence aux parents en les mettant en garde « ne prenez pas la ministre pour cible, n’oubliez pas que votre véritable ennemi, c’est la psychanalyse ». La salle s’est calmée et vous avez pu poursuivre votre propos, après avoir jeté un regard de remerciement à celui qui vous sauvait ostensiblement la mise. Vous avez retenu la leçon : vous ne voulez plus de parents chahuteurs dans vos meetings. Aussi, en partant, vous donnez des gages : « En France, depuis quarante ans, l’approche psychanalytique est partout, et aujourd’hui elle concentre tous les moyens ». Vous savez pourtant, en tant que Ministre, que depuis trente ans la psychanalyse n’est plus dominante en psychiatrie, que les établissements médico-sociaux ainsi que les hôpitaux de jour ont intégré des méthodes comportementales ou développementales dans leurs pratiques et que le problème majeur, c’est le manque de place et de moyens. Est-ce à cause de la psychanalyse que les enfants autistes restent à la porte de l’Ecole républicaine ? C’est donc en toute connaissance de cause que vous vous faites le relai d’une fable grossière, dictée à la puissance publique par quelques associations extrémistes.
Dès votre arrivée, vous avez annoncé que vous seriez très à l’écoute des parents. Il eut été plus conforme à la démocratie d’être à l’écoute des différents mouvements de pensée. « Les » parents, ce n’est ni une catégorie, ni une classe sociale. Il y a abus de généralisation dans la prétention du « collectif autisme » à s’arroger la parole de tous « les » parents. Vous ne pouvez pas ignorer qu’il y a d’autres associations représentant d’autres courants de pensée puisque nous avons été reçus par votre cabinet où nos propositions ouvertes et constructives ont été appréciées, et où l’on nous a assurés que le ministère n’avait pas vocation à prendre parti quant aux choix des méthodes. C’était le moins que nous demandions. Nous ne cherchons à interdire ou à bannir quiconque, et surtout pas qui pense différemment. Nous sommes trop attachés à la singularité, qui est l’agalma de ce que nous enseignent nos enfants.
« Il est temps de laisser la place à d’autres méthodes pour une raison simple : ce sont celles qui marchent,… Permettez-moi de m’étonner que vous n’ayez pas attendu pour affirmer cela que les 27 projets expérimentaux, tous attribués unilatéralement à des tenants de l’ABA par le précédent gouvernement, et jugés sévèrement par vos services comme trop chers, aient été évalués. La diversité et la complexité du spectre autistique peuvent justifier différentes approches, en tout cas, vous n’avez rien de concret permettant d’étayer le slogan de l’efficacité-à-moindres-couts-d’une-méthode-scientifique-reconnue-dans-le-monde-entier- sauf-en-France. En Amérique, le conditionnement comportementaliste est fortement critiqué, notamment par des personnes se revendiquant autistes, aussi bien pour son manque d’éthique, que pour ses résultats en fin de compte peu probants, conduisant parfois à de graves impasses thérapeutiques.
…et qui sont recommandées par la Haute Autorité de Santé. ». Si, en privé, vos services reconnaissent que le ministère a choisi de s’appuyer sur ces recommandations, en l’absence d’autres bases, encore faut-il ne pas en faire une lecture outrageusement simpliste se résumant à « une méthode ». La HAS s’efforçait tout de même de maintenir l’intégration des différentes dimensions de l’être humain, sous la forme d’un triptyque « Thérapeutique/pédagogique/éducatif ». Dans le 3ème plan autisme que vous venez de présenter, seul l’éducatif est maintenu. Le mot « thérapeutique » est employé une seule fois, de façon surprenante pour qualifier « la » classe de maternelle spécialisée pour les autistes, une par académie !
« Que les choses soient claires, n’auront les moyens pour agir que les établissements qui travailleront dans le sens où nous leur demanderons de travailler ». L’écrasante majorité des établissements a déjà prudemment annoncé être en conformité avec les recommandations de la HAS. Il faut donc entendre que vous souhaitez aller au-delà ? Votre volonté est clairement d’intimider tous ceux qui s’efforcent de mener une démarche au un-par-un et qui ne calent pas leur pratique exclusivement sur des protocoles dépersonnalisés. En faisant cela, vous transformez les intervenants en exécutants serviles, vous réduisez à néant l’apport pacificateur de la dimension thérapeutique face à la violence potentielle de la sur-stimulation, du dressage et de la volonté de toute-puissance. En procédant ainsi vous menacez directement tout le secteur médico-social au profit d’un système de services à la personne et de privatisation du soin, avec formation minimale des intervenants. D’autant que vous n’annoncez pas la création de nouvelles structures avant 2016.
La fédération ABA France revendique sans ambages « une approche scientifique qui a pour objectif la modification du comportement par la manipulation » destinée à tous les domaines, bien au-delà de l’autisme, de la psychiatrie à l’éducation en passant par la communication. On trouve dans leur programme les ingrédients du traitement qui vous a été réservé : définition externe d’un objectif cible, mise sous situation de contrainte du sujet, au cours de laquelle il sera exposé à la demande de l’autre de façon intensive et répétitive, la seule échappatoire étant de consentir à ce qui est exigé de lui. On comprend que vous soyez soulagée d’en finir. Si je tiens personnellement à éviter que mon enfant subisse ce type de traitement, j’attends aussi d’un ministre de la République qu’il sache y résister.
Madame la Ministre, si vous voulez mettre vos actes en accord avec les annonces de votre candidature à la mairie de Marseille « pouvoir rassembler les forces de progrès … et tourner la page du clientélisme… », il est encore temps pour vous de le faire, j’y serai attentive.
Mireille Battut
Présidente de La main à l’oreille

http://lamainaloreille.wordpress.com/2013/05/14/lettre-ouverte-de-mireille-battut-presidente-de-lassociation-la-main-a-loreille-a-marie-arlette-carlotti-au-sujet-de-la-presentation-du-3eme-plan-autisme/

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Les Ateliers aux Assises Citoyennes

Ateliers

ATELIER 1
Pratiques de soins et d’accompagnement : entre résistances et inventions
avec la participation de Pierre DARDOT, philosophe
Modérateurs : Dr Yacine Amhis, psychiatre, la CRIEE, Reims – Françoise Nielsen, psychanalyste, Utopsy,
Paris Benjamin Royer, psychologue clinicien, association Vice&Verça – université Paris XIII, La nouvelle Forge
Dominique Damour, Psychologue clinicienne, membre de la coordination Inter-collèges des psychologues
hospitaliers IDF, Pontoise – Dr Mathieu Bellahsen, psychiatre, Utopsy, Etampes

 » L’atelier sera l’occasion d’une discussion citoyenne pratique et politique. Nous tenterons d’ouvrir ensemble les contradictions qui animent le champ du soin et de l’accompagnement. Comment penser différentes possibilités d’accueil et de relation de soins ? Comment œuvrer à une hétérogénéité de pratiques qui dessineraient des perspectives émancipatrices singulières et collectives ?

Pour nourrir la discussion seront notamment présents à l’atelier : Loïc Andrien, Marie José Cinq Mars, Marie José Villain, Collectif Artaud de Reims, les Psycausent, Pierre Dardot. »

ATELIER 2
Espaces partagés : vie quotidienne et citoyenneté
Les clubs thérapeutiques, les associations de secteur, les groupes d’entraide mutuelle, sont des espaces où se rencontrent, débattent, se construisent des projets en partage entre patients, soignants, voire des citoyens concernés par le champ psychiatrique, les questions qui touchent à la culture, l’être ensemble, le « vivre ensemble », matrice du politique. A ce titre ce sont aussi des lieux d’expérimentation de la citoyenneté. Ce sont aussi des espaces qui permettent des ouvertures des institutions vers la cité, le champ social, et permettent ainsi une circulation « entre le dedans et le dehors ».
Nous envisagerons de partager différentes expériences, de nombreuses pratiques, qui même si elles ne sont pas répandues dans la plupart des lieux de soins, ou dans la cité, devraient se développer avec l’émergence d’une parole collective des patients, à laquelle se risquent à la confrontation des professionnels et des acteurs de la culture ( arts plastiques, théâtre, etc).

Atelier animé par Aurore Le Nail, Monique Vincent, Paul Machto et Fredéric Niquet, auxquels se joindront notamment Laure Wolmark, psychologue au COMEDE – accueil des exilés-, Nausica Zaballos,doctorante en histoire de la médecine et en anthropologie, Agnès Faulcon, directrice du centre social intercommunal de Montfermeil-Clichy sous bois, Guy Bénisty, metteur en scène directeur du Groupe d’Intervention Théâtrale et Cinématographique, et d’autres …

ATELIER 3
Les familles et les proches comme partenaires pour les soins et l’accompagnement
Crise du patient , Crise de la famille, Crise de la psychiatrie : qui est envahi par les troubles ?
Comment le “système de soins “ se doit-il de soutenir la famille pour qu’elle puisse rester “ aidante “dans ses relations avec la personne touchée par “des troubles psychiques “ ? Quel accueil pour la partie silencieuse de la famille, la fratrie, les enfants, les grands parents ? Quelle place pour les familles et pour les patients?
L’atelier sera un moment de discussion et d’échanges autour du rôle et de la place de chacun par rapport à celui ou celle qui a besoin de soins .
Avec la participation d’ Annick Ernoult, Héléne Davtian, Lise Gaignard, Pascale Molinié, Christine Chaise, Barbara Wallian, Mireille Battut, Victoire Mabit…

ATELIER 4
Articulation du sanitaire et du médico-social
Avec la participation de Marjolaine Rauze, Maire de Morsang sur Orge, vice présidente du Conseil
Général de l’Essonne chargée de la Santé et des Solidarités et du Dr Pascal Crété, psychiatre, Fédération
Inter Associations Culturelles (FIAC), Caen
Modérateurs : Dr Pedro Serra, psychiatre, Utopsy, Bondy – Brigitte Voyard, psychanalyste, Paris – Serge
Klopp, cadre infirmier, Ceméa, Paris

Depuis le rapport Cléry Mélin en 2003, le ministère ne cesse de vouloir limiter la mission sanitaire du Secteur au traitement de la crise, l’hospitalisation ne releverait plus de la sectorisation (rapport Couty 2009). On passerait de la continuité des soins (qui serait dorénavant assurée par le généraliste) à la continuité de la prise en charge « segmentée », assurée alternativement par le Secteur ou le médicosocial. Ce qui remet en cause toute conception psychodynamique du soin intégrant l’histoire de la maladie et du sujet. Ce qui met en concurence le sanitaire et le médicosocial. Le « plan autisme » qui vient d’être publié va-t-il être le levier pour mettre en oeuvre concrètement ces projets? Peut-on sortir de cette impasse? Le Secteur a-t-il encore un avenir? Comment inventer de nouvelles coopération entre ces champs respectant l’approche psychodynamique et articulant continuité des soins avec continuité des prises en charge?

ATELIER 5
Enjeux actuels des soins psychiques pour les enfants
La notion de soin psychique fait elle toujours partie de notre univers quotidien (parent,soignant,pedagogue,directeur)? Les souffrances psychiques des enfants deviennent progressivement de simples troubles neuro-développementaux excluant inexorablement la pédopsychiatrie (cf 3ème plan autisme) tandis que le médico-social sera doté à condition d’utiliser des techniques comportementales. La pédopsychiatrie a t-elle donc toujours un avenir? Comment dans ce contexte, penser une coopération et une continuité des soins entre pédopsychiatrie et médico-social pour préserver l´hospitalité dues aux enfants, en développant des pratiques plurielles et pluridisciplinaires orientées par la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle.?

Avec la participation de Dominique Amy, Pierre Suesser, Dominique Bertin, Moïse Assouline, Pierre Delion et d’Agnès Bachelet et Patrick Sadoun.

ATELIER 6
Justice et Psychiatrie : le Droit, l’Ethique et le soin. Jeunesse, médico-social et sanitaire
La psychiatrie se trouve à la croisée de nombreuses disciplines et les professionnels de la psychiatrie travaillent à la frontière de plusieurs institutions. La justice est de celles-là. Pour autant, les relations entre justice et psychiatrie se situent au cœur de plusieurs contradictions. Ces liens remontent à l’origine même de la psychiatrie comme discipline médicale. Ils constituent par là le pêché originel de la psychiatrie. Les rapports qu’entretiennent l’une et l’autre, peuvent-ils exister dans un climat serein ? Psychiatrie et justice ne peuvent évoluer l’une sans l’autre. On assiste en ce point à une alternance entre recherche d’alliance et clivage institutionnel. Entre altérité et affinité, les paramètres propices à un mariage heureux de ces deux champs d’exercice peuvent-ils être décrits ?

Un grand nombre de questions peuvent être abordées. La loi du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement occupe de nombreux débats actuels. Mais le droit évolue bien vite, dans tous les domaines. Ainsi des lois sur la protection des biens, des lois sur l’irresponsabilité pénale ou de celles touchant au secret médicale, pour ne citer qu’elles. La justice des mineurs également, n’est pas indemne d’évolutions nombreuses, dont certaines inquiètent les professionnels de l’enfance et de l’adolescence. Comment ne pas perdre son âme de soignant, d’éducateur, ou d’accompagnant, tout en gardant la préoccupation d’un partenariat avec la justice, et pourquoi pas, la police ? Est-il possible de maintenir une hospitalité pour la folie en se moulant dans les nouveaux cadres législatifs ? Telles sont quelques une des questions difficiles qui se posent quotidiennement à ceux qui travaillent dans le médico-social ou pour les hôpitaux psychiatriques.

Avec la participation de Serge PORTELLI, magistrat, vice président au tribunal de Paris
Modérateurs :
Dr Thierry Najman, psychiatre des hôpitaux, chef de pôle, Moisselles – Lysia Edelstein, psychologue clinicienne
à la PJJ, Seine Saint Denis – Selma Benchellah, psychologue, association culturelle de Maison
Blanche, Paris – Antoine Machto, psychologue clinicien, Gentilly

ATELIER 7
Évaluation, Qualité… Comment nous réapproprier les mots occupés ?
Avec la participation du Pr Yves Clot, chaire de psychologie du travail, CNAM, Paris et du Professeur
François Gonon, directeur de recherche au CNRS, neurobiologiste, Bordeaux
Dr Bernard Odier, psychiatre, psychanalyste, chef de service, ASM 13, Paris.
Modérateurs :
Émile Lumbroso, psychologue clinicien, association Europsy, Reims – Dr Patrice Charbit, psychiatre
et psychanalyste, Montpellier – Dr Guy Dana, psychiatre chef de service, psychanalyste, Longjumeau –
Dr Bruno Tournaire Bacchini, psychiatre, Utopsy, Clermont de l’Oise

ATELIER 8
Folie, Culture et Sociéte
Dans un monde où domine l’obsession de la norme, de la conduite conforme, toute recherche de façons de penser nouvelles, de façons d’agir différentes, d’un ailleurs, d’un inconnu, provoque des violentes résistances.
La « folie » est toujours la tentative de trouver au-delà de la brutalité du conformisme une voie singulière, inédite. La « culture » sous toutes ses formes s’enracine dans cette exigence, ce risque et ce courage, d’ou la nécessite cruciale d’espaces sociaux qui permettent d’accueillir la transgression, et la relance incessante de la créativité.

Modérateurs: Heitor de Macedo, Alexandra de Seguin , sylvie Prieur, Jacques Mairesse et Patrick Chemla
Pour nourrir la discussion seront notamment présents à l’atelier : Sophie Sirere, Régis Sauder, Lutia Erati, Marie-France Negrel, Lancelot Hamelin, Laure Murat, Adrien Beorchia, Patrick Franquet, Dina Joubrel, Pierre Smet, Charles Burquel

Les modérateurs de l’atelier 8

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LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Il est des mots, des discours prononcés, des dérives, en face desquels le devoir d’une prise de parole exigeante s’impose.
Notre collectif composé de professionnels -psychiatres, infirmiers, éducateurs, psychologues, psychanalystes…- de patients et de familles, d’acteurs du monde de la culture, est né en 2008 en réaction aux prises de position de votre prédécesseur considérant les malades mentaux comme des êtres potentiellement dangereux. Il s’agissait d’utiliser un fait divers pour alimenter une idéologie politique « sécuritaire », en prenant la personne souffrante pour cible.
Cette position, éminemment stigmatisante a provoqué un émoi justifié parmi les citoyens de notre pays : 40 000 personnes signèrent alors un texte dénonçant vivement cet incroyable recul culturel.

Faire des malades mentaux un enjeu idéologique n’est hélas pas nouveau et la peur ou le rejet de la folie sont toujours présents dans nos sociétés. Or, seul un état républicain et démocratique permet d’accueillir les plus démunis d’entre nous et nous sommes fiers d’appartenir à un pays qui prône les valeurs d’égalité, de fraternité et de liberté.
C’est autour de ces acquis que s’est progressivement institué un exceptionnel système de soins solidaires permettant de réelles avancées. Un système qui nous a permis de nous confronter à la complexité inhérente à toute pratique relationnelle : comment éduquer, soigner, être soigné ou comment accueillir la souffrance de l’autre.
Cette complexité se nourrit de l’engagement, du doute, de la prise de risques. Elle exige des citoyens libres, créatifs, cultivés. La possibilité de penser est au cœur de ce processus. Une pensée ouverte et partagée, à la croisée des savoirs. Elle est alors porteuse des plus grands espoirs car elle laisse place à la singularité de chacun, à l’expression de la subjectivité et à la création collective. Elle demande une formation de haute exigence, une remise en question permanente, une appropriation par chacun et par le collectif, des projets de soin et d’accompagnements.
Mais hélas, depuis une vingtaine d’années, des méthodes évaluatives issues de l’industrie doivent être appliquées à toutes les professions qui traitent des rapports humains, s’opposant ainsi frontalement à notre histoire et à notre culture.

Il a été décidé que nous devrions nous plier à des protocoles imposés par «des experts» bien souvent étrangers aux réalités plurielles de la pratique.
Monsieur le Président, pouvez-vous accepter l’embolisation de ces pratiques par des tâches administratives aussi stériles qu’ubuesques ? Croyez-vous qu’il soit possible de coter avec des petites croix la valeur d’une relation, d’un comportement, d’un sentiment ?

Pouvez-vous tolérer que l’on ait confisqué aux citoyens leur possibilité de construire les outils éthiques d’appréciation de leur travail, de leur façon de soigner, d’enseigner, d’éduquer, de faire de la recherche? De leur imposer des normes opposables et opposées à tout travail de créativité ?
Pouvez-vous cautionner la victoire de la hiérarchie qui écrase, de la bureaucratie qui règne, de la soumission imposée qui s’étend?
Enfin, élément le plus préoccupant, ces protocoles qui excluent la dimension relationnelle de la pratique prétendent s’appuyer sur des bases scientifiques, contestées au sein même de la communauté ! Comme s’il fallait s’exproprier du terrain de la rencontre à l’autre.

Et ces directives s’imposent partout, dans tous les domaines, dans toutes les institutions : cela va des gestes répétitifs et codifiés des infirmiers, au SBAM (Sourire, Bonjour, Au revoir, Merci) pour les caissières en passant par l’interdit de converser avec les patients pour les « techniciens de surface ». Tous les personnels se voient contraints de donner de leur temps à cette bureaucratie chronophage.

Combien d’heures de travail abêtissant, perdu, gaspillé, activités en apparence inutiles, mais qui dans les faits, ont pour objet de nous entraîner dans des rituels de soumission sociale, indignes de la République à laquelle nous sommes attachés.
Comment pouvons-nous accepter cela, Monsieur le Président? Comment pouvez-vous l’accepter?
Le réductionnisme est à son apogée : tentative de nous réduire à une technique, à un geste, à une parole désincarnée, à une posture figée.
Nous tenons à nos valeurs fondatrices, celles qui font de nos pratiques, un art, oui, un art qui allie les connaissances, le savoir-faire et l’humanité accueillante des hommes qui construisent leur propre histoire.

Ouverte à toutes les sciences humaines et médicales, la psychiatrie se doit de lutter en permanence contre cette tentation réductionniste des évaluations-certifications soutenues par la Haute Autorité de Santé (HAS) qui, sous l’impact de l’idéologie ou de puissants lobby financiers, tendent à anéantir l’extraordinaire potentiel soignant des relations subjectives entre les personnes.

Ainsi par exemple, à propos de l’autisme, de quel droit la HAS peut-elle affirmer que ce qui n’entre pas dans ses codes d’évaluation est non scientifique donc non valable, alors que des milliers de professionnels, loin des caricatures et des polémiques, travaillent en bonne intelligence avec les familles et des intervenants divers, que cela soit sur le plan éducatif, pédagogique ou thérapeutique ? De quel droit la HAS dénie t-elle la validité de pratiques reconnues, que des associations de patients, de soignants, de familles, défendent pourtant humblement ? Au nom de quels intérêts surtout, la HAS a-t -elle imposé une « recommandation » dont la revue Prescrire, reconnue pour son indépendance, vient tout récemment de démontrer les conditions totalement partiales et a-scientifiques de son élaboration ?
Comment enfin, lors de la parution du dernier plan Autisme, Madame Carlotti, Ministre aux personnes handicapées, ose t-elle menacer sans réserve aucune, les établissements qui ne se plieraient pas à la méthode préconisée par la HAS, de ne plus obtenir leur subvention de fonctionnement ? Comment un ministre de la République peut-il imposer aux professionnels et par voie de conséquence, aux parents et aux enfants, sans plus de précaution, de travailler comme elle l’ordonne ?
C’est une grande première, porte d’entrée à toutes les dérives futures.

L’Histoire, la philosophie, les sciences en général nous le rappellent : l’être humain se construit dans le lien avec ses contemporains, son environnement, dans les échanges. Une alchimie complexe, unique à chaque fois, qu’une pluralité d’outils aident à penser. Quelque soit le handicap, l’âge, la maladie, les « troubles » comme on dit, de quel droit priver certains de cet accompagnement pluridimensionnel (et de tous les éclairages dont il se nourrit) ? Toute réponse univoque et protocolaire, qui dénie la singularité de chacun, est à cet égard indigne et au final stigmatisante.
Or, cette logique techniciste n’est-elle pas déjà en route dans les autres domaines du soin psychique ? Ce même principe d’uniformisation par voie d’« ordonnance modélisée » ne peut que s’étendre à d’autres catégories de troubles (cernés par le DSM, manuel diagnostique lui aussi éminemment contesté) : à quand une méthode systématisée puis dictée, pour « les dépressifs », pour « les bipolaires », « les schizophrènes », les troubles dus à la souffrance au travail » etc.?

Ne pensez-vous pas Monsieur le Président que cette pression inadmissible procède d’une idéologie normative, véritable fléau pour la capacité de débattre, d’élaborer des idées ?
Monsieur le président, entendez-vous qu’il s’agit d’une vaste entreprise d’assèchement du lien relationnel, de mise en route d’une inquiétante machine à broyer la pensée, d’un système qui risque d’amener toutes les parties concernées à l’indifférence et à la résignation?
Monsieur le Président, vous avez les pouvoirs, de la place qui est la vötre, d’agir immédiatement pour que soient remis en cause ces systèmes qui produisent les monstres bureaucratiques de protocolarisation présents dans tous les domaines de la vie publique, notamment en psychiatrie et dans le médico-social.

Il est des mots, des discours prononcés, des dérives, en face desquels le devoir d’une action exigeante s’impose…

Monsieur le Président, nous vous demandons solennellement d’intervenir.
Permettez nous de garder l’espoir.

LE 8 MAI 2013

LE COLLECTIF DES 39 CONTRE LA NUIT SECURITAIRE

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Communiquė de presse – plan autisme 2013

Plan Autisme 2013
8 mai 2013

L’autisme laissé en plan ?

Que penser des dernières déclarations au sujet de l’autisme de la Ministre déléguée aux personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion, Mme Marie-Arlette Carlotti, dans le journal « Le Monde » daté du 2 mai 2013 :

– « En France depuis quarante ans, l’approche psychanalytique est partout, et aujourd’hui elle concentre tous les moyens. Il est temps de laisser la place à d’autres méthodes pour une raison simple: ce sont celles qui marchent, et qui sont recommandées par la Haute Autorité de Santé. »

– « N’auront les moyens pour agir que les établissements qui travailleront dans le sens où nous leur demanderons de travailler »

Ainsi, il ne s’agit même plus de faire reconnaître d’autres approches que la psychanalyse mais carrément de remplacer une prétendue hégémonie par une autre.

Le lecture du plan autisme est édifiante et excède même les déclarations de la Ministre. En effet, s’il comporte des points intéressants, notamment le fait de favoriser le diagnostic précoce, de créer des places en institution, d’améliorer l’accueil des enfants à l’école et l’accès aux soins somatiques des personnes autistes, ce plan constitue une application aveugle de la dernière recommandation de la Haute Autorité de Santé (HAS), en conditionnant le financement des établissements recevant des personnes autistes à leur obéissance à ces nouvelles normes officielles, obéissance dont il est prévu qu’elle soit mesurée par des évaluations internes et externes et autres certifications. On peut donc penser qu’il s’agira en pratique, pour un établissement, de prouver qu’il se forme et met en application la méthode de « l’analyse appliquée des comportements » (ABA) pour recevoir un soutien financier. Par ailleurs la formation des professionnels sera également infléchie dans cet unique sens. Mais au-delà, ce plan réalise une étape supplémentaire d’un processus de normalisation mis en place par une logique bureaucratique, d’un dispositif de contrôle des théories et des pratiques véhiculant une vision adaptative de l’être humain dont on ne peut douter qu’elle est amenée à s’étendre. On peut déjà imaginer le contenu d’un prochain plan schizophrénie, ou trouble bipolaire, hyperactivité, anorexie mentale…

Il est important de rappeler que l’illégitimité de la recommandation de la HAS, qui donne sa caution scientifique à l’ensemble, a pourtant été démontrée:

– D’une part, en ce qui concerne son contenu : ainsi la revue Prescrire dans son numéro d’avril 2013 démontre la non consensualité des méthodes recommandées et indique que, contrairement à ce qui est affirmé, aucune approche ne fait consensus sur le plan scientifique dans le domaine de l’autisme.

– D’autre part, du fait des modalités de sa rédaction : le lobbying de certaines associations minoritaires mais très actives étant affiché, comme en témoigne d’ailleurs la stigmatisation d’un certain nombre de professionnels et de parents d’autistes ne prônant pas exclusivement les approches qui conviennent à ces associations.

On pourrait penser qu’il s’agit seulement d’un manque de courage du gouvernement et d’un électoralisme à courte vue. Mais quel serait l’intérêt de répondre à l’agitation de quelques associations et collectifs, s’aliénant ainsi la grande majorité des professionnels et des familles ? On peut aussi penser qu’il s’agit là d’autre chose, et que les revendications rééducatives et réadaptatives de ces groupes ont trouvé un écho dans un processus étatique déjà présent visant à une normalisation et un contrôle des pratiques, sous couvert de gestion et d’économie.

Concrètement, l’hyper promotion d’une approche plutôt qu’une autre dans les lieux déjà existants ne changera rien à la situation déjà explosive dans le champ de l’autisme, sera contre-productive et n’endiguera pas les souffrances qui y sont attachées. Nombreux sont les familles et les professionnels écœurés par ce parti pris sans nuance.
Il est au contraire crucial de permettre une diversité d’approches pour respecter la singularité des personnes autistes. Aucune méthode ne « marche » sur tout le monde et que deviendront ceux à qui l’unique approche proposée ne conviendra pas voire pour qui elle sera nocive ?

Les personnes autistes et toute personne en souffrance psychique ainsi que leurs familles devraient pouvoir rencontrer plusieurs types de professionnels, d’institutions, de manière de travailler, y compris celles qui sont inspirées par la psychanalyse.
Il est honteux de diaboliser la psychanalyse dans son ensemble au prétexte de propos stupides tenus par certaines personnes s’en réclamant, qui ont blessé des mères et des familles. Il est bien évident que la tendance à culpabiliser les familles existe dans tous les corps de métier en lien notamment avec la santé et l’éducation et doit absolument être combattue. Cependant, il est inacceptable que toute la richesse d’un champ de pensée, de recherche et de pratique consacré à la souffrance humaine soit balayée dans sa totalité, et irrespectueux vis-à-vis des personnes autistes et de leur proches qui ont pu y trouver du réconfort. Il est permis de penser que tout être humain a un inconscient et peut bénéficier de sa prise en compte s’il y trouve un intérêt.

Refusons ce dispositif normalisant qui, en débutant avec l’autisme, ne fera que s’étendre aux autres « troubles ».

Travaillons ensemble, notamment pendant les Assises pour l’hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social, pour que tous les citoyens – personnes avec autisme comprises – trouvent leur place dans la société. Place qui ne se résume pas aux seuls lieux de prise en charge mais doit se déployer dans tous les espaces du quotidien, de culture et de convivialité, où chacun peut apporter sa richesse humaine et en faire bénéficier la démocratie.

Le collectif des 39
www.collectifpsychiatrie.fr

Le collectif des 39 et les CEMEA organisent les Assises pour l’Hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social les 31 mai et 1er juin prochain à Villejuif
Lien : https://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=5793

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Appel à mobilisation

Nous venons de prendre connaissance du plan Autisme présenté par madame Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, ainsi que des déclarations qui ont accompagné ce lancement dans le Monde:
« En France depuis quarante ans, l’approche psychanalytique est partout, et aujourd’hui elle concentre tous les moyens. Il est temps de laisser la place à d’autres méthodes pour une raison simple: ce sont celles qui marchent, et qui sont recommandées par la Haute autorité de santé. »
« Que les choses soient claires », ajoute-t-elle en forme d’avertissement, « n’auront les moyens pour agir que les établissements qui travailleront dans le sens où nous leur demanderons de travailler ». La prise en charge de l’autisme fait l’objet d’une vive opposition entre les partisans d’une méthode de soin psychiatrique d’une part, et éducative et comportementale d’autre part. »
Il nous faut entendre cet « avertissement », et la lecture du plan en question ne laisse aucun doute sur les intentions de mise au pas des équipes dans le champ de la psychiatrie et du médicosocial.
On pourrait croire à une simple réponse démagogique à la demande des familles se plaignant à juste titre bien souvent de l’absence de places d’accueil pour leurs enfants, ou revendiquant une autre approche que celle prônée jusque-là. Mais ce plan va bien au-delà en mettant en avant une démarche systématique et construite visant à une approche unidimensionnelle « des personnes avec autisme », et excluant explicitement toute autre approche. La mise en place de programmes de formation obligatoires, contrôlés par les certifications ne laisse aucun doute sur l’absence totale de marge de manœuvre qui resterait aux équipes ayant une pratique plus ouverte et pluridimensionnelle.
Se trouve ainsi mise en place une machine bureaucratique nationale, régionale et locale, avec la volonté explicite de supprimer la diversité des approches, et la promotion de programmes de recherche centrés uniquement sur des objectifs moléculaires et biologiques, une recherche qui connaitrait à l’avance ses résultats déjà annoncés dans le plan !!
« L’évidence scientifique » se trouve mise à l’honneur à chaque page ainsi que les recommandations pourtant fort contestées de la HAS (cf entre autres le très bon article de la revue Prescrire), avec le projet d’un passage en force de ces critères pour toutes les équipes concernées.
Il ne faut donc pas considérer comme un écart de langage que ne soient pas financées les structures qui n’obéiraient pas puisque tout ce plan vise à cette mise au pas.
La référence à l’association Fondamental comme lieu fédératif de ce projet nous indique aussi qu’il serait illusoire de croire à une réponse limitée aux enjeux de l’autisme. Cette ingérence de l’Etat par le biais des universitaires et des contrôles par les certifications constitue une véritable machine de guerre contre la psychiatrie. Car on ne voit pas comment on pourrait réduire cette obéissance à « l’évidence scientifique » et au lobby de Fondamental, à une seule problématique.
Si nous tolérons cette ingérence aujourd’hui, il n’y a aucune raison qu’elle ne s’impose pas à nous pour l’ensemble du champ psychiatrique : il suffira de récuser au fur et à mesure chaque pathologie en la transformant en anomalie génétique pour la faire sortir du champ psychiatrique et de la psychopathologie ! En excluant ainsi de fait toute approche pluridimensionnelle et psychodynamique considérée comme « non scientifique » car non fondée sur des preuves expérimentales.
Ainsi au-delà ce plan, ce qui nous parait vraiment révoltant c’est ce projet d’uniformisation et de de mise au pas des professionnels de toutes catégories.
Allons-nous accepter que l’Etat nous dicte totalement notre élaboration clinique, et nous interdise toute autre approche que réglementaire ?
Les familles et les patients qui souhaiteraient une autre approche devraient-ils accepter de se soumettre à de tels diktats pseudoscientifiques, où les résultats sont donnés avant même que la recherche soit effectuée et au mépris de toute histoire personnelle et clinique ?
Il en va de notre indépendance professionnelle mais aussi des libertés dans un régime républicain où on ne saurait accepter la suppression par l’Etat de pans entiers de la connaissance au nom de l’idéologie !
Nous allons en effet tenir les Assises citoyennes pour l’hospitalité en psychiatrie et dans le médicosocial les 31 mai et 1° juin à Villejuif et nous savons déjà que nous serons plus de 600, et il nous parait crucial de saisir cette occasion de rassemblement pour prendre acte de cette machine bureaucratique.
Il nous apparaît fondamental que l’unité la plus large se réalise pour s’opposer à ces mesures extrêmement dangereuses.

AUSSI AVONS NOUS PENSE QUE NOUS POUVONS TERMINER LES ASSISES PLUS TÔT ET ORGANISER DANS LA FOULEE UN GRAND MEETING UNITAIRE DE TOUTES LES FORCES SCIENTIFIQUES,SYNDICALES ET PROFESSIONNELLES PROGRESSISTES, A TOUS CEUX QUI SE SOUCIENT DES LIBERTES OU CHACUN POURRAIT EXPRIMER SA POSITION ET POURQUOI PAS ENGAGER UNE ACTION COMMUNE AUPRÈS DES POUVOIRS PUBLICS.

Pour cela nous vous proposons une réunion préparatoire le vendredi 24 Mai à 17h, au local de l’AFPEP, 141 rue de Charenton à Paris 75012

POUR CE MEETING QUI AURAIT DONC LIEU LE SAMEDI 1ER JUIN À PARTIR DE 15H à Villejuif.

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De la Disqualification à la Prise de Parole

De la Disqualification à la Prise de Parole

L’inclusion et la pleine citoyenneté pour en finir avec le paradigme du soin sans consentement

Samedi 25 Mai de 9h à 18h

AGECA 177 rue de Charonne 75019 Paris

Organisé par le Collectif Alternatif en Psychiatrie
Advocacy France, le Cercle de Réflexion et de Propositions d’Action et Humapsy
Argumentaire: La revendication des usagers de la psychiatrie à la dignité est-elle une gageure? Ce colloque a pour but de faire entendre et reconnaître la parole des usagers en santé mentale comme personnes à part entière et non plus comme personnes à part. Au lendemain du vote de la loi du 5 Juillet 2011, instituant le soin sans consentement en dehors de l’hôpital, ce qui ouvre la porte à de nouveaux abus de droit, au détriment des droits fondamentaux, à la veille du vote d’une nouvelle loi cadre en santé mentale, il paraissait intéressant, voire déterminant pour l’avenir d’ouvrir un débat sur la question. Il revenait aux usagers en santé mentale de s’interroger sur les conditions d’émergence , de reconnaissance et de prise en compte de leur(s) parole(s). En décidant de mettre les usagers, non pas formellement « au centre du dispositif », mais réellement en position d’acteurs déterminants de leur propre vie, d’élaborateurs des concepts de leur émancipation, le Collectif Alternatif en Psychiatrie n’a pas voulu que ceux-ci travaillent en vase clos. Leur démarche, n’est pas une problématique relevant de la psychologie, ni du droit, en tant que disciplines. Il s’agit d’un problème de société. Aussi les usagers en santé mentale auront-ils à répondre aux interrogations de la société portées par le législateur et le juge. Les usagers croiseront leur expérience avec celle d’autres acteurs: psychiatres, infirmiers, avocats, chercheurs. Les interventions seront limitées à 10 à 15″ maximum pour laisser la place à des débats avec la salle. Outre les usagers, des décideurs, des professionnels, des parents et des chercheurs seront également appelés à débattre.
PROGRAMME
9h-9h30 :Accueil des Participants
9h30 -10h: Ouverture des travaux.
-Mr Philippe Guérard (Advocacy France), Mr André Bitton (CRPA) et Mr Matthieu Dissert (Humapsy):Rien à notre sujet sans nous. (Accueil et Présentation du projet des travaux de la journée par les trois présidents)
– Mr Denys Robiliard, Député : Le législateur interroge les usagers sur leur capacité citoyenne. Peut-on être « fou » et citoyen? Les élus et les pouvoirs publics ont intérêt à prendre en compte la parole des usagers en santé mentale pour l’élaboration de leur politique en la matière. Cependant cette parole peut-elle se formuler en termes compréhensibles et utilisables?
-Mr Xavier Gadrat, Juge: Le juge interroge les usagers sur leur capacité juridique. Peut-on être en capacité juridique quand on est une personne vulnérable? Ya-t-il des limites au droit, dans la capacité de l’exercer?
10h30 -11h30 :Table Ronde n°1 : Comment la psychiatrie peut respecter les droits des patients
Mr André Bitton, Usager Une loi liberticide
Iuliana, Usagère. Témoignage sur un internement abusif.
Dr Philippe de Labriolle, Psychiatre Fleury les Aubrais. Le soin et les droits ne sont pas incompatibles
Mme Nelly Derabours , Infirmière. Prendre en compte le patient
11h30-12h : Débat avec la salle
13h30 – 14h30 – Table ronde n°2: Comment la vie indépendante pour tous est un droit de l’homme fondamental.
Bruno Gaurier, Comité d’éthique et scientifique de la FIRAH. Le vote de la Convention des Droits des Personnes handicapées à l’ONU
Fred , Usager, Prendre ses affaires en main. Témoignage.
Mme Florence Leroy. Usagère. Après l’hopital: Trouver un travail et l’exercer, bâtir une famille, élever son enfant
Sébastien Usager. Témoignage
14h30-15h : Débat avec la salle
15h30-16h30: Table ronde n°3: Comment la prise de parole en santé mentale est l’expression de la dignité pour l’usager
Mr Renan Budet, Avocat. Défendre les usagers, comme tout le monde
Mme Christelle Rosar. Usagère, auteure de l’ouvrage » J’ai survécu à la psychiatrie ». Editions Max Milo
Mme Annick Derobert, Usagère. Folle un jour, folle toujours.
Mme Camille, Usagère . Le respect de la parole/liberté de conscience de l’usager, à l’intérieur du dispositif de soin
16h-17h: Débat avec la salle
17- 17 h30: C. Deutsch, Past-président de Santé Mentale Europe, Doctorant en philosophie, Docteur en psychologie : Quelles conclusions pouvons- nous tirer de cette journée?
17h30-18h30: Projection du film « Hygiène raciale » présenté par son réalisateur, G. Dreyfus.

Participation aux frais: 10 euros, avec possibilité d’exonération pour les usagers de la psychiatrie
avec le soutien de l’Ecole Doctorale Lettres, Langues, Spectacle » Université Paris Ouest

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Déclaration de L' AFPEP-SNPP

Le collectif des 39 s’associe pleinement à ce texte émanant de l’AFPEP-SNPP dont il partage entièrement le point de vue à propos du “Collectif pour le progrès de la psychiatrie”.
Nous continuerons à œuvrer avec tous les professionnels privés et publics, les familles et les patients, pour un progrès de la psychiatrie qui s’écarte d’un réductionnisme étroit autour d’une idéologie scientiste, mais se fonde au contraire la complexité et l’ouverture à tous les champs du savoir et de l’expérience humaine.

Nous assistons depuis quelques semaines à la collecte de signatures pour un manifeste s’intitulant :
« Collectif pour le Progrès de la Psychiatrie »

Le signe du progrès serait que la psychiatrie soit définie comme une spécialité médicale comme une autre.

Ce serait aussi de ne plus tenir compte de l’environnement. Lors de notre séminaire de Printemps sur le diagnostic, ce sont les neuroscientifiques qui sont venus nous rappeler que un gène ne code pas un destin mais s’exprime en fonction de l’environnement

« Les membres du collectif soussignés pensent que le moment est venu de refonder les pratiques de la psychiatrie, de redéfinir son rôle dans la société, dans l’esprit d’un progrès nécessaire et attendu. »
Le champ sémantique est éclairant : Il est question de « techniques de réhabilitation », de « processus d’évaluation », d’ « outils de compensation », d’ « indicateurs avancés du diagnostic », pour déboucher sur « la mise au point de pratiques recommandables » : vocabulaire technico-commercial, bilans statistiques à l’horizon, ainsi que dressage comportemental et DSM à l’appui, bien sûr. Depuis les années 1970, les politiques de maîtrise des dépenses de santé ont eu un succès limité jusqu’à présent car elles avançaient à visage découvert. Les citoyens et les médecins pouvaient mieux se défendre. Aujourd’hui la maîtrise comptable prend le masque de la rigueur de la science pour mettre en place une organisation scientifique du travail médical et psychiatrique. Cette définition se retrouve dans ce manifeste, et aussi dans le livre blanc de la psychiatrie, c’est à dire au service de l’économie et de la rentabilité.

Cet argumentaire trace bien la ligne de partage entre la logique du besoin, très fortement revendiquée par ces signataires, et celle du désir, qui est sans doute le marqueur le plus solide d’une pratique inspirée par la psychanalyse

Á la question: « quel est votre désir? » vient se substituer l’affirmation: je connais vos besoins
.En filigrane, suffisamment subtilement pour qu’on puisse s’égarer en première lecture, apparaît que ce qui s’oppose au « progrès » est exactement ce qui constitue nos fondamentaux : ce « progrès » se ferait contre notre histoire, contre l’affirmation de la subjectivité, contre l’idée même de l’existence de l’inconscient, contre l’indépendance professionnelle, tout simplement contre l’activité de penser.

Victor Klemperer dans « LTI » ou plus récemment Eric Hazan avec « LQR » ont démontré comment la langue pouvait être occupée.

Ne nous laissons pas intimider par l’idée de progrès qui nous laisserait au rang de conservateurs, de réactionnaires. Le progrès de notre discipline c’est ce à quoi nous travaillons jour après jour avec nos patients. C’est cette recherche clinique incessante que nous menons, appuyée sur notre référence théorique que doit rester la psychopathologie, et sur notre engagement.

Le collectif au travail de l’AFPEP-SNPP

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Nouveaux Cahiers pour la folie n°4 – Avril 2013

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Le numéro 4 des Nouveaux Cahiers pour la folie est paru! 

Sommaire du numéro 4
Editorial
Ombres
Hypersensibilité
Jeunons ensemble
Vivre avec Valentin*
Dessins (de Prosper)
C’est la guerre
éternels étudiants
écoute doc !
Les secrets d’une sculpture
Incohérence
Comment dire ?
Autoportrait
Sauvons un patrimoine exceptionnel
Mon cousin Maxime
Kassanga – violence d’un individu / violence d’un Etat
Paroles de femmes à Mayotte
Humapsy
Je te cause
Bande dessinée
Enfer et damnation
Le poète et le fou
Amies
Emotionnel inconscient
Ricovery
Soyez réalistes, exigez l’impossible !
Témoignage, 18 ans de schizophrénie vus par la mère*
Le Ballet lexical
Témoignage, Un pas, je suis malade… un pas, je suis soignante*
Témoignage d’un père, parcours d’Hélène*

* Ces quatre témoignages seront présentés aux Assises citoyennes pour l’hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social, 31 mai et 1er juin 2013,

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Rappelons que tout lecteur est invité à devenir contributeur, il suffit d’envoyer vos propositions à: http://lesnouveauxcahierspourlafolie.unblog.fr

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Patricia Janody, Sophie Dufau, Thomas Gabison,
avec Anne-Lise Caprile et Frédéric Mauvisseau

– – – – – – – – –

OFFRE D’ABONNEMENT pour 3 NUMEROS: 20 euros  (frais de port inclus)

Prénom: – –  – –

NOM: – – – – – –

Adresse postale – – – – – – 

                             – – – – – – – –

E mail: – – — – – – – –

Tel: – – – – – 

Chèque à établir à l’ordre de Champ Social Editions

Adresser à : Champ Social Editions

34 bis rue Clérisseau

30000 Nîmes

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TELECHARGER les Cahiers pour la folie N°4 : Nouveaux Cahiers pour la Folie n°4 – Avril 2013

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Autisme et psychanalyse

La réponse de la Cippa, à un article du Figaro du 1° avril 2013. La réponse que Dominique Amy, présidente de la Cippa , a adressé à la journaliste Delphine Chayet et à la responsable des pages santé, Martine Pérez.

L’article :
Des thérapies validées dans le plan contre l’autisme

Par Delphine Chayet – le 01/04/2013

Contre l’approche psychanalytique, le gouvernement entend enfin promouvoir des stratégies éducatives et comportementales.

Face à l’approche psychanalytique, qui demeure privilégiée dans la prise en charge de l’autisme en France, le gouvernement entend dorénavant promouvoir les thérapies validées scientifiquement. C’est tout l’objet du troisième plan autisme, dont les grandes lignes doivent être présentées ce mardi soir par la ministre déléguée aux Personnes handicapées. Marie -Arlette Carlotti s’appuie sur le rapport publié en mars 2012 par la Haute Autorité de santé (HAS), qui recommande une prise en charge fondée sur une approche éducative et comportementale. Si elles sont précoces, des interventions de ce type permettent d’améliorer le langage et les facultés cognitives des enfants, mais aussi de faire régresser les symptômes de l’autisme.
Troisième du genre, le plan interministériel porte sur la période 2013 à 2017. Il vise à remodeler l’ensemble de la prise en charge des enfants autistes: repérage dès l’âge de 18 mois, diagnostic, éducation renforcée et aide à la scolarisation. «Aujourd’hui, la situation est catastrophique dans notre pays, s’indigne Florent Chapel, délégué général du collectif autisme. Seuls 10 % des enfants bénéficient d’une prise en charge adaptée et vont à l’école. Les adultes sont, quant à eux, enfermés dans des hôpitaux psychiatriques et des centres, ou bien rendus à leurs parents sans aucun accompagnement.» Environ 100 000 jeunes de moins de 20 ans sont concernés en France.
Le plan vise tout d’abord à améliorer la détection des enfants autistes dès l’expression des premiers signes d’alerte, alors que le diagnostic n’intervient pour l’heure qu’à l’âge de 6 ans en moyenne. «Or on sait que plus la prise en charge est précoce, plus l’enfant a de chances de voir sa situation s’améliorer», observe Florent Chapel. Un vaste programme de formation des personnels de la petite enfance (puéricultrices, assistantes maternelles, médecins, éducateurs, enseignants…) doit donc être mis sur pied. Des informations sur l’autisme seront introduites dans les carnets de santé.
Le ministère veut par ailleurs constituer un réseau de diagnostic de premier niveau, en étoffant les équipes des centres d’action médico-social précoce et en les dotant du matériel de dépistage adapté. «Aujourd’hui, ces pôles se consacrent au dépistage de la surdité, mais ne sont pas suffisamment mobilisés pour repérer les enfants autistes», observe-t-on dans l’entourage de Marie-Arlette Carlotti. Les missions des centres de ressources autisme, qui pratiquent dans chaque région les diagnostics complexes, seront redéfinies sur la base des recommandations formulées par la HAS afin d’y limiter l’influence de la psychanalyse. Cette discipline qui, en France, se trouve au cœur de la prise en charge des autistes, décrit leur trouble comme une «psychose infantile» liée à un trouble de la relation entre l’enfant et ses parents. Au plan international, il existe au contraire un large consensus scientifique pour définir l’autisme comme un trouble neuro-développemental assimilable à un handicap, qui requiert une intervention spécifique. En 2010, la HAS a choisi de privilégier cette seconde approche. «Mais encore aujourd’hui, on continue à employer et à enseigner des méthodes inefficaces», s’indigne Daniel Fasquelle, député UMP du Pas-de-Calais, qui va jusqu’à demander l’interdiction de la psychanalyse dans le traitement de l’autisme.
Le gouvernement espère créer une dynamique vertueuse. D’ici à 2017, l’ensemble des structures agréées de prise en charge feront l’objet d’une évaluation portant sur le taux d’encadrement, comme sur le type de thérapie pratiquée. Celles qui accepteront de promouvoir les approches comportementales et éducatives verront leurs équipes formées et renforcées. Les autres s’exposeront à un retrait d’agrément.


Par Delphine Chayet

La réponse :

Madame,
En tant que présidente de la CIPPA (Coordination Internationale de Psychothérapeutes Psychanalystes et membres associés s’occupant de personnes avec Autisme) je ne peux qu’être consternée par les propos que vous tenez dans le figaro santé du mardi 2 avril. Propos qui relèvent d’une véritable désinformation et d’une vision de l’autisme pour le moins erronée.
Lorsque vous écrivez que le gouvernement entend « contre le pouvoir psychanalytique promouvoir des stratégies éducatives et comportementales » on peut se demander comment ces informations vous sont parvenues dans la mesure ou le 3eme plan n’est pas encore paru et ou, par ailleurs il serait étonnant que ce plan ne tienne pas compte des recommandations de l’HAS comme madame Carlotti le souligne. Or, ces recommandations pour lesquelles j’ai été sollicitée comme lectrice et commentatrice privilégient constamment les approches intégratives et pluri-dimensionnelles. Elles insistent beaucoup sur la nécessité des psychothérapies et ne mentionnent la psychanalyse que pour en dire qu’elle est « non consensuelle » ce qui tout simplement signifie qu’elle n’a pas fait l’unanimité des experts.
Par ailleurs vous dites que le diagnostic n’intervient « pour l’heure qu’à l’âge de 6ans en moyenne ». J’ai moi-même ouvert en 1997 au sein de mon hôpital de jour une Unité à temps partiel qui accueillait des enfants dès l’âge de 24 mois, à condition qu’ils aient été diagnostiqués et que ce diagnostic ait été discuté avec les parents. Dans cette unité l’on articulait les approches Teacch, Pecs, l’orthophonie, la psychomotricité et la psychothérapie.
Par ailleurs Je dois vous préciser qu’au sein de notre Association la CIPPA, la majorité de nos membres psychanalystes sont formés aux approches éducatives, aux approches de communication alternative au langage et aux évaluations cognitives. C’est pourquoi les formations que nous demandent un grand nombre d’institutions médico-sociales, sanitaires ou scolaires visent à approfondir les différents aspects de la pathologie autistique et à savoir en tenir compte. Cette pathologie condamne les personnes autistes à être en permanence dans des disjonctions entre le corporel le cognitif, le psychique et le sensoriel, disjonctions qui les condamnent à ne pas comprendre grand-chose à leur environnement.
L’encombrement actuel des CRA et centres d’évaluation retarde hélas le temps du diagnostic mais néanmoins, grâce à la sensibilisation que beaucoup de CMP ( centres médico-psychologiques) pratiquent auprès des PMI (protection maternelle infantile), crèches et autres lieux d’accueil des tout petits, les diagnostics précoces sont beaucoup plus largement proposés.
Enfin, et là encore vous vous fourvoyez car vous écrivez évoquant encore la psychanalyse « cette discipline qui, en France, se trouve au cœur de la prise en charge des autistes, décrit leur trouble comme une « psychose infantile » liée à un trouble de la relation entre l’enfant et ses parents » .
Même les critères français de la symptomatologie autistique (ceux de la CFTEMA) différencient depuis l’année 2000 psychose et autisme. Je ne connais plus un seul psychiatre ou psychanalyste qui considère que l’autisme plutôt que de faire partie des Troubles Envahissants du Développement relève de la Psychose.
Certes l’absence de formation suffisante des intervenants reste cruciale, certes les parents continuent d’avoir à entreprendre le parcours du combattant pour intégrer leur enfant ou leur adulte dans une institution car le nombre de place est ridiculement insuffisant. Certes il y a encore des équipes qui ne travaillent pas suffisamment bien et ceci reste à souligner. Mais plutôt, comme vous le faites dans votre article, de cliver l’éducatif et la psychanalyse, il serait bien nécessaire que vous contribuiez à ce que soit proposées aux personnes autistes des approches qui se conjuguent autour de leurs difficultés cognitives et émotionnelles. Tout ceci est for développé sur notre site : CIPPAUTISME .org
Je vous signale également que notre récent congrès Autisme(s) et Psychanalyse(s) a attiré 1500 personnes qu’hélas en raison de la taille de la salle nous n’avons pas toutes pû accueillir.
Je suis également toute disposée à dialoguer avec vous si vous le souhaitez car il me semble que notre approche de la psychanalyse telle qu’elle est proposée aux personnes autistes souffre hélas de beaucoup de méconnaissance.
Avec mes salutations distinguées

Marie Dominique Amy, présidente de la CIPPA

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Portraits de psychiatrie :: Hervé Bokobza

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Entretien avec Hervé Bakobza par Thierry Najman

Le lien suivant vous permettra d’accéder à un entretien filmé, réalisé tout récemment avec le Dr Hervé Bokobza. Au cours de cet entretien, le Dr Bokobza fait le récit de son arrivée à l’hôpital psychiatrique de Moisselles en 1972, de sa rencontre avec le Dr Jean Ayme, de sa pratique de la psychothérapie institutionnelle à la clinique de Saint Martin de Vignogoul, et de la naissance du Collectif des 39 :

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> Rencontre avec Sophie Mendelsohn autour de Robert Castel

Pour la prochaine séance d’Utopsy nous aurons le plaisir de recevoir Sophie Mendelsohn, psychanalyste, le lundi 8 avril à 20H30 au 27 rue des bluets 75020 (Metro Menilmontant) autour de l’œuvre de Robert Castel.

Auteur de nombreux articles dans plusieurs revues de psychanalyse( http://www.cairn.info/publications-de-Mendelsohn-Sophie–3060.htm) Sophie Mendelsohn travaille notamment à l’hôpital Sainte-Anne auprès d’enfants et d’adolescents. Une de ses orientations de recherche porte sur les rapports de la clinique et du politique, tant sur la question du genre, que sur la lecture de Foucault et ses rapports à Lacan, ou sur une critique de la réorientation récente de la justice des mineurs (cf ci-joint son article de la revue Chimères 72 ).
Suite au récent décès de R. Castel, cette soirée autour de son œuvre (prévue depuis plusieurs mois) sera l’occasion de s’intéresser à l’actualité de ses vues pour notre champ de la clinique. Manière pour Utopsy de rendre hommage à la fécondité de ses perspectives et de saluer le courage et la pertinence de sa critique des pouvoirs (de la psychiatrie au psychanalysme).
On se reportera utilement à sa toute dernière interview dans la Revue des livres qu’il a justement accordée à Sophie Mendelsohn avec Franck Chaumon (cf lien bibliographie), ainsi qu’à son article paru dans la Revue française de sociologie (doc ci-joint).
Argument :« La réédition récente de La gestion des risques (Paris, Minuit, 2012) a bien mis en évidence la manière dont la sociologie critique de la psychiatrie et de la psychanalyse développée par Robert Castel dans le sillage de Foucault et de Bourdieu, a traversé plus de trente ans de bouleversements dans ce champ en gardant toute sa pertinence. Initialement paru en 1981, cet ouvrage marque la fin des travaux que le sociologue a consacré à l’exploration des lignes de tension qui ont traversé ce champ, mais il représente aussi sans doute son acmé : Castel est en effet parvenu à y montrer (et sans doute même à y démontrer) le paradoxe qui fonde ce champ qui n’en est pas tout à fait un. Sans cesse en quête d’une définition stable des limites de leurs pratiques et des modèles théoriques qui les justifient, la psychiatrie et la psychanalyse ne s’assurent d’elles-mêmes qu’en ne rencontrant jamais un tel point de fixation – c’est d’ailleurs une des raisons de leur alliance. Il faut distinguer la spécificité de chacune, psychiatrie et psychanalyse, dans cette impossible coïncidence avec elles-mêmes et dans ses conséquences politiques, mais elles sont toutes les deux concernées par cette hétéronomie et ses conséquences ambigües : largement en butte à des contestations plus ou moins puissantes, elles y prêtent le flanc sans savoir toujours très bien qu’en faire ; mais elles font pourtant montre d’une persistance certaine qui ne peut que nous amener à interroger les forces sans doute mal évaluées, et mal utilisées, d’un tel paradoxe. »
Bibliographie :
-R. Castel, « Des marges de la psychiatrie aux marges du social », Revue des livres,Paris, 2013, interview de Sophie Mendelsohn et Franck Chaumon (http://www.revuedeslivres.fr/des-marges-de-la-psychiatrie-aux-marges-du-%C2%AB-social-%C2%BB-entretien-avec-robert-castel/)
-R. Castel, Le psychanalysme, Paris, Maspéro, 1973.
-R. Castel, La gestion des risques, Paris, Editions de minuit, 1981 (2012)
-R. Castel, « L’institution psychiatrique en question », in Revue française de sociologie, Paris, 1971
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_0035-2969_1971_num_12_1_1949
-Sophie Mendelsohn, « Ligne de conduite ou lignes d’erre », Chimères 72, Paris, Eres, 2009 .
http://lesilencequiparle.unblog.fr/2010/06/25/ligne-de-conduite-ou-lignes-derre-2-sophie-mendelsohn-chimeres-n72-clinique-et-politique/

– Le lien vers la dispute sur la question de l’autonomie entre Robert Castel et Alain Ehrenberg :http://www.laviedesidees.fr/L-autonomie-aspiration-ou.html

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Les 39 auditionnés à l'Assemblée Nationale

Un bout de phrase de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge a été annulé par le Conseil d'état le 6 octobre 2011. En conséquence le parlement doit s'en saisir pour raccommoder le trou produit par le Conseil d'Etat. L'Assemblée Nationale organise donc une audition pour imaginer comment ré-écrire ce petit morceau de loi, un peu mieux que ne l'avait rédigée la précédente assemblée. A cette occasion le Collectif des 39 a été auditionné le 21 février 2013. Ce sont Patrick Chemla, Thierry Najman, Serge Klopp et Matthieu Belhasen qui sont allés exposer notre point de vue et nos expériences. On peut regarder l'ensemble de l'audition sur le site de l'Assemblée Nationale en cliquant là. Et les bonnes feuilles, les voici !

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> « Résister par l’engagement dans la clinique ou la sollicitude tempérée »

« Résister par l’engagement dans la clinique ou la sollicitude tempérée »

 

 

 

Résumé : Le management néo-libéral et les protocoles qui l’accompagnent traitent les institutions de soins, selon un registre du « tout économique » et imposent des principes de sécurité et de précaution. Cela voudrait fonctionner comme une emprise, qui transformerait le sujet en usager, individu normé et « délié », réduit à la succession de ses symptômes. Face à cela, il est important de garder dans la clinique, « l’esprit du risque », à condition cependant d’en connaître les capacités et les limites.

Francis Maqueda [1]

Le journal des psychologues. Juillet/Août 2011 N°289  pp 51.55.

Mots-clés : emprise libérale- usager- bricolage-liens- risque- institutions- communauté humaine.

Dans l’ensemble des pratiques sociales, médico-sociales, médico-psychologiques, les désignations, catégories et autres classifications posent de délicats problèmes conceptuels, cliniques et éthiques…Nombre de praticiens se montrent très réticents, sinon franchement hostiles à toute désignation en arguant qu’on ne saurait réduire la personne qui vient consulter ou qui demande une aide à son statut d’usager voire de patient. Le souci de la globalité de la personne devrait l’emporter sur tout autre considération, comme celui de ne pas la réduire comme certains le diraient à « un appareil psychique ». Ce point de vue holistique est d’autant plus important que dans l’évolution de nos sociétés hypermodernes, l’accent est mis sur l’individualisme ; place paradoxale où le sujet est en mal de subjectivation et en difficulté avec ses liens autant intra qu’inter subjectifs. Nous avons souvent affaire à des individus qui oscillent entre l’expérience du vide interne et l’excès de sollicitations. Les inflexions pathologiques du narcissisme et de l’identité qui en découlent font que sur un autre registre, la préoccupation citoyenne devient très partielle. Cette désaffection de l’implication citoyenne est un problème central de notre époque, elle souligne la dérégulation des liens sociaux ; aussi le clinicien doit-il en conserver la vigilance, pour entendre l’atomisation de l’individu quand il se retire ainsi du monde et de lui-même. Cette forme de destructivité renvoie à ce qu’Olivier Douville développe dans de nombreux écrits comme « la mélancolisation du lien social »[2]

Plus généralement encore, nous vivons dans une société qui adhère dans sa majorité à un consensus valorisant le succès et la consommation, aussi la notion d’usager en particulier,     s’est-elle imposée peu à peu au rythme de l’emprise libérale sur les institutions et les pratiques, elle tire la personne qui vient consulter vers une position de consommateur. De plus en plus, certaines personnes viennent consommer du soin comme elles viendraient consommer autre chose, et du coup les offres de pseudo pratiques soignantes se font jour, faisant miroiter des rémissions des symptômes à court terme, sans chercher à savoir ce que le symptôme vient répéter dans la problématique globale de la personne. Un symptôme a cette particularité d’insister…Sur un autre plan, l’espoir ou le mythe « du zéro-souffrance » vient polluer la part nécessaire de la dimension tragique qui procède de toute existence. Le deuil et le travail psychique qui l’accompagne, n’est parfois plus vécu comme un processus normal, certes douloureux, mais peut faire l’objet d’interventions clôturantes qui dérobent au sujet, l’expérience de la confrontation au réel douloureux et aux affects que cela entraîne. (le deuil ne suffit plus, on se voit affubler d’un trouble de dépression majeure ou d’un PTSD : post-traumatic-stress-disorder). La notion de victime s’impose et fait coïncider alors le sujet, individu transformé en objet, avec un ensemble global soignable par la victimologie. Dans ces conditions on confond allègrement un événement traumatique avec le trauma, qui est un événement psychique, c’est-à-dire la manière dont un individu réagit selon son histoire à une situation éventuellement traumatique. En fait, on n’entend pas ce que les gens ont à  dire sur eux-mêmes. Cela revient encore une fois, à nier leur subjectivité.

Enfin, nous sommes de plus en plus confrontés à des usagers donc, qui forts des renseignements trouvés sur Internet sur les comportements et les symptômes qui les dérangent mais qu’ils entretiennent , viennent consulter en exhibant la documentation qu’ils ont choisie. Ils se présentent alors comme hyperactifs, bipolaires, sujets de TOC (troubles obsessionnels compulsifs) voire pré schizophrènes, coupant par la même dans un premier temps, la nécessaire confrontation de deux subjectivités, hors d’une organisation psychique modélisée ou pré-établie. Il nous faut veiller ainsi à entrer en relation avec une personne plutôt qu’avec sa pathologie ; l’objectif serait de mettre en valeur autant l’estime de soi du patient que sa volonté d’être révélé à lui-même. Plus tard, lorsqu’une thérapie sera engagée cela peut permettre au patient de signaler les bonnes choses qui lui arrivent. Si au contraire ; la thérapie n’est orientée que vers la pathologie, alors le patient pourrait croire que le clinicien ne veut entendre que des problèmes. Cependant, ce qu’il va falloir expérimenter dans les entrelacs des subjectivités, ce sont des zones de gris (ni noires, ni blanches) de flous partagés, de savoirs mis à l’épreuve, une praxis qui cherche à psycho dynamiser la clinique, c’est-à-dire à créer du lien et à vivre l’altérité.

Cette clinique-là implique une créativité sociale et institutionnelle, une inventivité relationnelle, des professionnels qui sachent se renouveler. Cela suppose toutefois de laisser à sa juste petite place, les lubies obsessionnelles de l’idéologie managériale (l’ex PMSI, programme médicalisé des systèmes d’information,et les nouvelles fredaines accréditeuses et certificatrices) qui chercheraient à protocoliser nos pratiques en les vidant de leurs assises relationnelles. Cette psychiatrie industrielle transforme le patient en objet et propose aux institutions de soins de fonctionner à flux tendu. Elle emprunte au monde industriel, à celui de la grande surface sa logique de régulation, de dérégulation en fait, en s’appuyant sur le tout économique (le tout financier précisément) et sur les nouvelles technologies appréhendées sans beaucoup de préoccupations éthiques, notamment dans ce qu’elles imposent de logique binaire. On pourrait nous faire croire que les individus et les rapports humains fonctionnent sur le modèle d’une machine animée qu’on pourrait programmer à loisir : il suffirait de connaître le bon code d’utilisation pour la faire agir comme on l’entend. C’est une manière de se défendre contre l’éventuelle prise de conscience des contenus psychiques sous-jacents aux conduites sociales. Il y aurait comme une nécessité de se défaire de la transmission psychique pour objectiver une sorte de transmission biologico cybernétique. Du coup on recourt au cerveau pour décrire les phénomènes observés. C’est un refus ou une opposition à la métapsychologie, sous-tendue par la psychanalyse. Tout devient intégré dans un schéma comportementaliste où les mots d’ordre seraient : inclusion, uniformisation, homogénéisation. C’est une position de pouvoir où « la technique » s’impose comme « un prêt à penser » pour dominer les représentations psychiques, c’est-à-dire l’affect et ses figurations, la création de l’inconnu et sa mise en formes nouvelles, suscitant éventuellement le conflit. Le principe de précaution qui a été introduit dans les protocoles de soins tente de plonger les soignants dans une défiance de principe face à l’inconnu et à la nouveauté. La notion « d’événement indésirable » nourrit le rêve de la maîtrise absolue tapie sous l’illusion du risque zéro. De ce fait, le pouvoir managérial instaure « un collectivement correct », totalisant, décontextualisé qui obère le travail de la culture en fonctionnant comme emprise et en mobilisant la suspicion à l’égard des cliniciens.  Remarquons que cette logique  s’appuie sur le noyau le plus archaïque de l’être humain, celui ou par crainte de la séparation, il s’agglutine pour ne pas se différencier, à un monde maternel tout puissant.

On l’aura compris, je pense, je revendique une pratique artisanale sinon bricolée, dans laquelle la pensée peut continuer à vagabonder, à errer. Il est intéressant à ce sujet de s’interroger sur la définition du mot bricolage, non pas tant  celle courante qui fait état d’un travail d’amateur peu soigné, ce qui nous éloignerait du professionnel, mais plutôt dans son acception anthropologique à la manière de Lévi-Strauss, qui évoque un travail dont la technique est improvisée, adaptée aux matériaux et aux circonstances. Je pourrai ce faisant rajouter une troisième définition, celle d’une expérimentation qui entraîne un résultat incertain et aléatoire, pour m’éloigner du sérieux et du scientifique chers aux professionnels qu’on voudrait instituer de nos jours.

En ce sens,    je suis plus à l’aise pour parler de ces lieux interstitiels, non institués ou peu institués, que j’anime ou je fréquente au même titre que d’autres collègues (psy et travailleurs sociaux) et où l’on entend immanquablement récriminations, inquiétudes, doutes sur la pertinence des actions menées ; un peu comme si, face à notre  surmoi pétri d’orthodoxie, ces lieux-là, représentaient une frange, une marge, une forme de dérive, d’illégitimité. Ce sont des lieux précaires mais précieux à la fois qui cherchent à accueillir les errances, les instabilités, les abandonismes, les vulnérabilités et leurs traumatismes éternellement irrésolus. Ce sont en fait des lieux de dépôt de la souffrance psychique et sociale. Leur modèle tient plus à la marginalité qu’à l’institutionnalisation d’un cadre précis et strict, encore faut-il alors que le cadre soit dans notre tête, pour tenter de promouvoir ce que Jacques Hochman  appelait «  une institution mentale ».

Sans doute aussi, comme chaque fois, des fragments de nos histoires personnelles sont-ils à l’œuvre dans le choix de ce type de clinique. L’usage que nous en faisons en transporte l’empreinte. Ainsi pour ma part, je porte l’empreinte du métissage,    permettez- moi cependant d’en garder la discrétion. Mais revenons au bricolage, celui dont je vous parle rappelle l’époque héroïque de cette psychiatrie communautaire, la psychiatrie de secteur, cette invention qui empruntait à Racamier « la psychanalyse sans divan »[3]. C’est bien évidemment une référence respectable qui m’a légitimé à la maintenir, parce qu’elle ouvre à une clinique (en grec : au chevet du patient), une clinique qu’on qualifierait rapidement de psychosociale (terme que je n’aime pas beaucoup car il aurait tendance à minimiser le psychisme en fait) mais une clinique en fait, qui s’intéresse à la manière dont l’individu se débat dans le social et la quotidienneté. Dans cette clinique, il est parfois urgent de contenir, d’endiguer le désespoir, le recueillir, ne pas le laisser dévorer le sujet. ; car celui-ci peut en mourir : de déchéance, d’auto exclusion, de participation active à sa destruction (cf. . les SDF…les sans-papiers, les demandeurs d’asile que j’évoquerai à la fin). Le bricolage, c’est d’abord « amarrer » l’individu à une position de sujet, sujet avec une   vie psychique minimale, c’est-à-dire l’aider à retrouver le goût de penser, « amarrer » à un lien social précaire, fragile qui lui servira de contrat narcissique supplétif, qui le reliera à l’ensemble narcissique humain. En d’autres termes « faire société » ensemble.

Cependant, ces situations banales que nous rencontrons dans nos dispositifs d’accueil puis de soins ne sont pas sans soulever des difficultés.Les travailleurs sociaux et les soignants sont en effet confrontés à des individus en état de grande détresse psychique, physique et sociale. Un mouvement spontané nous porte alors au secours de l’autre, c’est la sollicitude qu’il va falloir apprendre à tempérer. L’affect de sollicitude est au cœur de toute démarche soignante, et le processus psychique en œuvre dans son apparition est évidemment l’identification. Par empathie nous voilà donc à la place de l’autre, en train de vivre cette incapacité, ce manque, cette détresse. C’est le même mécanisme qui est à l’œuvre chez la mère attentive à la détresse de son bébé, ce qui la conduit à répondre de façon adéquate aux attentes de son enfant. Je vous passe les aléas de cette relation et le minimum de frustration nécessaire au développement du bébé, mais ce qui est important c’est l’identification à la détresse, à la souffrance de l’autre, c’est l’étape initiale, c’est en quelque sorte ce que nous prêtons à l’autre : notre sollicitude. Racamier avait ces mots tout simples : « un patient psychotique ne s’identifiera qu’à celui qui aura au préalable accepté de s’identifier à lui .  »[4](au-delà du patient psychotique, toute personne d’ailleurs). Toutefois cette attitude n’est pas anodine, car le besoin impérieux de venir en aide à l’autre, risque d’enclencher une succession d’attitudes dommageables pour la suite de la relation. En effet nous prenons le risque d’amener notre interlocuteur à un vécu humiliant d’impuissance qui réveille en lui  le vécu archaïque du nourrisson impotent et envahi par les pulsions envieuses envers la mère. Trop de sollicitude et le sujet se sent envahi, blessé dans son amour-propre, confronté à son incapacité à venir à son propre secours ; il peut alors disqualifier ses propres capacités, tout en se montrant envieux à notre égard et donc attaquant. Il nous faut donc tempérer cette sollicitude, c’est-à-dire  accepter de différer une réponse agie à leur détresse pour leur laisser le temps d’élaborer la leur (que nous soutiendrons). Leur solution peut ne pas nous convenir, mais il est assez remarquable que quand ça marche, les emprunts sont assez partagés, ce qui veut dire que l’identification a fonctionné dans les deux sens. Plus globalement, cela signifie pour le sujet que sa capacité à se venir en aide à lui-même est reconnue et soutenue par un autre être humain, qui accepte d’en payer le prix ; c’est-à-dire, ses affects d’inquiétude, les reproches de son surmoi et éventuellement ceux de ses collègues.

Remarquons cependant que l’impératif de sécurité, doublé de sa référence au droit[5], aujourd’hui dominant dans tous les secteurs de l’activité humaine, et la protocolisation des réponses qui neutralise les affects de sollicitude en les remplaçant par des éléments codifiés de réponse  sont les deux obstacles majeurs qui limitent la liberté intérieure de chaque soignant ou travailleur social, en ne favorisant guerre le libre exercice d’une authentique sollicitude tempérée.(la relation est transformée en procédure éventuelle). Aussi nous faut-il résister à ces nouvelles pratiques institutionnelles et soignantes qu’on voudrait nous imposer ; non pas tant parce qu’elles apportent des réponses codifiées mais surtout parce qu’elles privent le sujet d’exercer envers lui-même ses propres capacités de sollicitude, qui est un des éléments constitutifs de l’estime de soi. Le nouveau « sujet » ainsi promu sera un usager, consommateur de réponses stéréotypées, homogénéisées, typique en fait du talon d’Achille paradoxal du nouveau monde libéral, c’est-à-dire son aspect totalitaire. Voilà le sens actuel de l’histoire institutionnelle : l’institution totale !

Continuons donc à promouvoir des pratiques institutionnelles et soignantes où les processus fondamentaux d’identification à la communauté humaine continue à œuvrer. Quitte encore une fois à ce que le résultat ressemble à un bricolage, aléatoire, improvisé, finalement peu soigné. Ce bricolage est cependant exigeant, puisque à partir du moment où l’on n’est plus retranché derrière les protocoles et codifications, les personnes que nous rencontrons nous ressemblent comme des frères ; c’est-à-dire qu’elles suscitent en nous des identifications singulières ; à ceci près cependant, qu’il faudra aussi, comme Levinas nous y invitera, « à mettre provisoirement en veille la priorité du même »[6]. Il indiquait ainsi que la rencontre avec l’autre, le différent oblige à se donner du temps pour penser la relation, notamment dans ce qu’elle peut rappeler d’altérité à l’intérieur de chacun. Mais c’est bien à partir de notre éprouvé, dont j’ai rappelé les précautions d’usage, que le sujet va capter en lui-même ce que l’autre y a déposé, pour se le traduire, afin d’en restituer quelque chose à l’autre, en lui rendant « détoxiqué », et petit à petit une relation peut s’installer.

Je voudrais finir par une illustration concrète de ce que je viens d’exposer. Je travaille entre autres, dans un dispositif d’accueil et de consultations somatiques et psychologiques pour des personnes en situations très précaires, sans droits pour la plupart.(Médecins du Monde. Lyon).  Il y a là beaucoup de sans-papiers, des demandeurs d’asile qui n’ont que l’A.M.E (aide médicale d’état) voire des titulaires de la C.M.U (couverture médicale universelle) que des médecins récusent. Au même titre que mes collègues somaticiens et psychistes, j’essaye de leurs proposer un cadre régulier d’entretiens et de rencontres, afin d’établir une régularité qui peut permettre à la continuité psychique de s’installer et par la même de recouvrer une certaine estime de soi. Dans ce dispositif, pour des raisons qui tiennent à une partie de mon histoire professionnelle[7], on m’adresse prioritairement des personnes, demandeurs d’asile, victimes  principalement de conflits armés, de violences de guerre extrêmes (et en particulier des jeunes mères ou des futures mères).

À ce titre, je vais accueillir,  une jeune femme bosniaque de 23 ans, réfugiée depuis peu avec son mari et qui viennent de fuir la Bosnie, plus de 10 ans après les accords de Dayton (1996), ceux qui ont scellé une paix précaire en ex-Yougoslavie.Les raisons qu’elle donne à sa fuite sont les suivantes. Quelques mois auparavant, ils ont essayés de récupérer la maison familiale à cheval sur une ligne de séparation du conflit inter communautaire, et à cette occasion, alors que son mari est roué de coups et assommé, elle se fait violer par plusieurs individus dans une violence extrême et intentionnelle. Bien évidemment, elle connaît ses agresseurs, issus d’un voisinage hostile mais intouchable. La plainte qu’ils déposent est insuffisamment reçue ;ils sont menacés de représailles (nous sommes là encore dans les soubresauts de la purification ethnique où le narcissisme des petites différences coule à flots). Terrorisés, ils s’enfuient et rejoignent à Lyon, une sœur et sa famille, ayant obtenu l’asile précédemment. Enceinte de 4 mois à l’époque de l’agression, elle perd son bébé suite aux violences et quand elle vient me rencontrer, elle est de nouveau enceinte de 4 mois, mais sidérée, anéantie, empêchée de penser par la collusion des dates. Elle ne peut se déprendre de l’idée qu’elle va perdre son nouveau bébé, au summum d’une angoisse amplifiée par le rejet d’une première demande d’asile. Elle est menacée d’expulsion dans son pays d’origine. Autant vous dire, que même si j’ai un peu l’expérience de ces situations, elle m’inquiète excessivement. J’en arrive même à penser à une hospitalisation préventive afin de surveiller cette grossesse et prendre soin de son état psychique. Mais prenant en compte, finalement, le fait qu’elle a survécu à toutes ces épreuves et pour ne pas la disqualifier, je vais mettre en place un travail (« d’accouchement ») au plus près, avec l’aide de l’interprète, lui faisant accepter peu à peu des entretiens réguliers, réglés qui font appel à ses capacités de prendre soin d’elle-même. J’ai perçu par ailleurs qu’un transfert de type maternel pouvait s’installer avec l’interprète tout comme un transfert de type paternel avec moi-même. En d’autres termes une alliance thérapeutique était possible. Cependant, elle maintiendra chez moi, une ligne de tension d’inquiétude, alimentée par les fantasmes qu’elle exprime crûment d’une éventuelle pollution après-coup des violeurs sur ce nouveau bébé. En fait, elle est traversée par la pensée folle que le bébé pourrait être celui des agresseurs, pensée alimentée par les photos des échographies, où elle projette une ressemblance avec le visage d’un des agresseurs. Il est clair que les capacités de « détoxication » de cette jeune femme sont abrasées et empêchées. L’accouchement approchant, elle est de plus en plus angoissée ;je découvre à ses questions  qu’elle n’a pas bénéficié de cours d’accouchement, «  parce qu’elle ne les a pas demandés » me répond une sage-femme de la plus grande maternité hospitalière de Lyon, auprès de qui j’interviens relativement en colère. Entre temps, il y aura des séances assez extraordinaires, où l’interprète, femme d’expérience, va mimer, jouer pour sa jeune compatriote, un accouchement, avec un mode d’emploi assez détaillé, comprenant même la manière de respirer entre les contractions. J’avais parfois l’impression d’assister à des séquences de transfusion de compétences ; mais dans le jeu qui s’installera entre les deux femmes, ce qui me semblait s’opérer, était du registre d’une « symbolisation parlante » pour faire surgir « une symbolisation partagée ». Plus globalement, ce lien entre elles mobilisait des processus de « transmission d’humanisation ». Dans les derniers jours, rompant une fois de plus avec toutes mes protections orthodoxes, je vais même lui donner mon numéro de téléphone portable (demandant à l’interprète de faire de même) et nous communiquerons par SMS, dans un sabir mi-français, mi-anglais, parfois bosniaque, qui m’obligera à appeler l’interprète un dimanche. Elle accouchera, finalement en retard (je pensais : « elle le garde au chaud ou elle veut l’asphyxier ») au petit matin du jour d’une séance que nous devions avoir, et me téléphonera à l’heure dite de la séance alors que je l’attends.(nous étions convenu de ne rien dérogé au cadre, ne serait-ce que pour prévenir une éventuelle reconduite aux frontières). Vous conviendrez que c’est remarquable d’un processus thérapeutique, alors que le cadre était éminemment fragile et bricolé. Cependant, cette incidence positive a eu pour effet de désinhiber une fois de plus chez moi, le principe de précaution que certains responsables administratifs actuels tentent de nous faire appliquer.

Je suis donc allé la voir, avec un peu de retard, celui du temps pris pour me rendre à la maternité. Elle me le fit remarquer, comme je le lui reprochais souvent. Mais j’étais à la maternité, bien évidemment dans des conditions non protocolisées (en dehors des heures de visites, assez tôt le matin, et décidé à ne pas faire état de ma position de soignant au cas où je serais arrêté, pour deux raisons :l’une, afin de ne pas alerter faussement le personnel sur ce qu’il interprèterait par ma présence comme une éventuelle pathologie de cette jeune femme, l’autre, de ne pas être reconnu comme celui qui avait râlé pour les cours d’accouchement). Je me surprendrai moi-même à être rassuré par l’extrême ressemblance de cette petite fille avec son père, présent au chevet de sa femme puisque l’accouchement datait de quelques heures. Depuis, elle continue à venir me voir, toujours accompagnée du bébé, au sujet duquel elle me questionne parfois, quant à l’évolution normale de son développement.  Je dois ajouter que c’est le plus souvent dans l’observation de ce bébé, la qualité des échanges qu’il peut installer avec sa mère et moi-même dans les séances, que je peux évaluer le rétablissement psychique de cette jeune femme. Elle va finir par bénéficier d’un titre de séjour provisoire (à renouveler ponctuellement) pour raison médicale, au titre d’étranger malade. C’est évidemment mieux que rien ! Mais est-elle malade à proprement parler, ou de manière complexe est-elle plutôt en mal de « tiers protecteur » ?

C’est une histoire qui ressemble à d’autres que je connais, et que d’autres professionnels rencontrent probablement. Mais je vous l’ai livrée pour finir, parce qu’elle fait partie de nos histoires, de nos héritages, de nos temps institutionnels et soignants ;c’est une histoire comme d’autres où nous sortons de nos cadres institutionnels pour que quelque chose se transforme. En d’autres termes et au-delà des processus institutionnels quand ils sont défaillants, nous oeuvrons, je crois, à créer des conditions favorables au déploiement des capacités de subjectivation nécessaires à une recomposition du sujet gravement affecté. Je rappelle que la subjectivation passe par l’intersubjectivité. Or ce qui est affecté, et plus précisément dans ces situations de demandeurs d’asile, c’est la position constitutive pour chacun d’avoir besoin de l’autre, des autres, et en particulier d’avoir besoin d’un « tiers protecteur ». C’est cela qui va organiser des liens, qui vont produire de la confiance, et confirmer ou re confirmer le narcissisme. Plus précisément, le sujet re constitué trouve ou retrouve une place reconnue dans une société en tant qu’humain digne d’y appartenir. Reste que pour faire cela, il faut avoir un cadre mental, une institution mentale qui nous donne confiance, qui nous permet d’exercer cette sollicitude tempérée faite d’identification à l’autre et qui permet à l’autre de s’identifier à nous ; ce va et vient d’identifications croisées, si on veille à les maintenir, nous protège en fait de l’institution totale. L’héritage, c’est la durée et la transmission ;j’ai essayé de vous dire le mien :la psychiatrie communautaire, celle qui crée des structures d’hébergement et de soins alternatifs, la psychiatrie de secteur, quand elle promeut de vraies hospitalisations à domicile, et la psychanalyse sans divan. Nous nous livrons en fait à un travail de passeur.[8]

Mais enfin quand on s’interroge, comme moi aujourd’hui, somme toute à la fin d’une carrière sur l’histoire institutionnelle, c’est la première fois, je crois, où les institutions tutélaires et leur mode de management, essayent autant de nous imposer un mode de fonctionnement unique basé sur la logique financière de l’économique. Ce mode de fonctionnement se présente, qui plus est, comme anhistorique, en tentant de ne pas tenir compte de ce qui s’est passé auparavant. Je reste optimiste cependant ;car il reste toujours au cœur des hommes cette faculté d’inventer le monde, c’est-à-dire les institutions, celles qui garantissent qu’une vie humaine « suffisamment bonne » puisse durer.Ces institutions articulées entre elles, sont les pièces élémentaires de ce que l’on peut appeler la culture ou l’ordre symbolique. Elles disent tout à la fois, ce qu’est le monde et ce que sont les sujets qui l’habitent. Je crois qu’il est possible de penser, de soutenir, qu’un temps pourrait advenir où les institutions seront jugées à leur capacité de respecter la vie, à construire du « vivre ensemble ».

 

 




[1] Psychologue clinicien. Psychothérapeute à Santé mentale et communautés à Villeurbanne.  Membre de la consultation de Médecins du Monde à Lyon. Membre fondateur de l’association Appartenances. (Ex président). 

[2] Olivier Douville. « Pour introduire l’idée d’une mélancolisation du lien social », Cliniques méditerranéennes 1/2001 (n° 63), Eres

[3] Paul Claude Racamier.1970. La psychanalyse sans divan. Payot.

[4] Paul-Claude Racamier.1980. Les schizophrènes. Payot

[5] Les droits de la personne sont éloignés de la figure du citoyen parce qu’ils isolent l’individu de son groupe d’appartenance, en l’enfermant dans la subjectivité de ses droits égoïstes. Ces droits s’attachent alors plus à la singularité de l’individu qu’à. l’universalité des droits. C’est dans ce registre qu’on entend des usagers dire : « c’est mon droit ! »   L’individu singularisé, atomisé est renvoyé hors du débat politique, dans des droits à consonance privée, qui sont  concédés par des procédures sélectives, induisant des comportements de soumission, d’obéissance et de conformité.

[6] Emmanuel Levinas.1990. Humanisme de l’autre homme. Poche. Coll. »Biblio essais » n° 4058, Fata Morgana

[7] Francis Maqueda.1998. Carnets d’un Psy dans l’humanitaire. Paysages de l’autre. Eres. Prix Psychologie 1998.

[8] Francis Maqueda.2008. Rivages identitaires. Exercices de Passeur. Les éditions du journal des psychologues.

 

            

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> Le Juge des Libertés en Psychiatrie

 

Le Juge des Libertés en Psychiatrie

J'ai déjà publié sur ce blog et ailleurs à propos de l'imposture que constitue l'audience tenue à l'intention de malheureux patients atteints de troubles psychiques et dont l'état peut momentanément conduire à leur admission contre leur gré. Sous pretexte de satisfaire aux exigences du conseil constitutionnel, on a estimé necessaire de mettre en scène un tribunal qui a souvent des allures de "prétoire hospitalier" pour vérifier les conditions de l'admission. En 2011. Il existait déjà depuis 1990 la possibilité pour le patient d'en appeler au juge judiciaire. Maintenant c'est systématique. Et pour quels effets?



S'il s'agissait de vérifier le respect des procédures, le Parquet ou à la rigueur le juge des tutelles pouvait examiner le dossier et pousser des investigations. Sans obliger un déplacement des patients au Tribunal, ce qui se pratique généralement, et sans mobiliser les soignants, et exposer le principal interessé, celui qui souffre, à une stigmatisation. Parce que ne nous leurrons pas, s'il y a procès, s'il y a un avocat, et un juge des libertés, c'est qu'il y a une personne à juger, et une culpabilité à la clé. Même si on la joue sobre sans la tenue réglementaire ni le decorum.



Les mois ont passé. Chaque Tribunal a bricolé dans son coin avec plus ou moins de bonheur et de bonne volonté, avec la coopération plus ou moins complaisante des soignants, un gentleman agreement. 



Généralement les cadres administratifs ou de santé admettent que l'intervention d'un juge a conduit les praticiens a réflechir à leur pratique et à plus d'exigence avant de satisfaire la demande des prefets , des maires et des familles . Il faut reconnaître que les médecins n'ont guère de goût pour l'internement sous la contrainte de leurs concitoyens. S'ils doivent s'y résoudre c'est qu'il n'y a pas d'alernative à la protection du patient ou de ses proches.



Pour le juge donc, la mission de protection des libertés peut paraître louable. Dès lors qu'il n'y va pas contraint lui même et que sa "motivation" est au rendez-vous; il pourra ainsi montrer au patient tout le respect et l'écoute compatissante que celui-ci est en droit d'attendre. Le juge aura soin d'indiquer en préambule qu'il n'est pas là pour le juger, ni contrôler le diagnostic (lequel est d'ailleurs rarement posé). Mais il sera avisé de ne pas trop entrer dans les détails, puisqu'il faut bien le dire, on ne sait pas trop au fond, à quoi peut bien servir le juge. Et si l'intrusion inévitable que cet évenement entraîne n'est pas plus dommageable que profitable.



Pour l'avocat en revanche, la perplexité m'étreint.



Si le juge est obligatoire, le patient peut se soustraire à l'assistance de l'avocat. La loi et les décrets sont très discrets sur le rôle du "défenseur". On se demande d'ailleurs si, là encore, nous ne sommes pas là dedans pour servir d'alibi. 

Qui va informer le patient de son droit à l'assistance de l'avocat? Le soignant dont ce n'est pas la mission et qui devra du même coup expliquer qu'il y a une audience et pourquoi. On n'est pas couché. Alors plutôt que d'être confronté à une situation embarrassante et chronophage, a été imaginé le formulaire avec les cases à cocher: oui ou non.



Le patient qui coche la case "oui" à la question "souhaitez-vous être assisté d'un avocat", ou plus neutre, "acceptez-vous un entretien avec un avocat" ne s'engage pas et en théorie du moins, veille à la protection de ses intérêts.

Mais s'il répond "non"?

D'abord, si le patient est sous mesure de tutelle ou curatelle, ce qui est fréquent, quelle valeur accorder à ce non?

Ensuite, quelle garantie de la clarté de la volonté ainsi exprimée? Le "non" ne signifie-t-il pas "je ne suis pas coupable, et je n'ai nul besoin d'un avocat". Les soignants qui sont chargés de remettre le formulaire et le récupérer dûment complété ont-ils le désir véritable de voir mis en oeuvre un "procès équitable"? Ne préférent-ils pas au fond, éviter d'avoir à accueillir dans leur service un individu extérieur, l'avocat, qui aura peut-être un regard peu gratifiant sur l'environnement? 

Les praticiens du droit qui, peu nombreux, ont l'occasion de travailler avec le monde de la psychiâtrie savent combien il est difficile de fédérer les protocoles. Ce qui vaut pour la psychiâtrie vaut aussi pour le barreau.



Il est indispensable que le barreau qui a accepté sans reflexion une mission improbable, prenne ses responsabilité et comme pour ce qui a été mis en oeuvre pour la défense des enfants, impose une formation préalable et sérieuse.



Il importe que les instances dirigeantes impulsent par des actions de formation, la reflexion sur les bonnes pratiques, mais aussi sur le sens de la mission de l'avocat en psychiâtrie. Et que chaque barreau soit consulté sur les expériences acquises.



A défaut nous allons devenir de simples figurants collecteurs d'indemnités d'aide juridictionnelles, et accélerer notre démonétisation. 





'est-ce qu'une fausse bonne idée que le « débat contradictoire » mis en scène par la Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, loi applicable depuis le 1er août dernier ? 

 

 


 
Cette loi systématise en effet l'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) pour valider les hospitalisations d'office, les hospitalisations sans le consentement du patient.

Le système mis en place (que de précédents textes avaient déjà institué depuis 1990 mais sans les ritualiser selon le mode automatique et sans battage médiatique) a suscité l'opposition de l'immense majorité des soignants. 

Seuls se sont félicités quelques notables du Barreau, saluant « la grandeur d'un métier qui permet de porter la parole dont est privé celui que la maladie a rendu vulnérable »(1)…



Or, dans la pratique, faire intervenir le JLD pour valider une « mise en détention » (privation de liberté) en restaurant « la parole à la défense » revient ni plus ni moins à faire du psychiatre un geolier ( l'hôpital étant perçu comme un lieu de détention) et du patient non plus un citoyen affecté d'une pathologie psychique, mais celui qui a transgressé la règle, la loi, l'ordre, en bref un présumé délinquant qui doit être mis à l'écart ou au moins "adapté".



Pourtant l'hospitalisation est exclusivement un acte de soin, un lieu d'accueil, et d'écoute, alorsquid de la place de l'avocat et du juge?



Il est extraordinaire que la présence et le rôle de l'avocat soient à peine esquissés dans la loi. L'intervention de ce dernier n'est nullement « obligatoire », à la différence de ce qui se passe encore à ce jour, devant le Juge des Enfants ou de ce qui se passait naguère devant le Tribunal Permanent des Forces Armées.

La loi promulguée en juillet 2011, au contraire, a rappelé que la faculté d'être assisté(e) devait être laissée au choix de la personne : elle peut faire appel à « son » avocat, elle peut aussi demander qu'il lui en soit désigné un. Et dans cette dernière hypothèse, le coût de l'intervention peut être à sa charge si ses revenus sont supérieurs au plafond de l'aide juridictionnelle. 

Dans la pratique, l'intervention, si elle est sollicitée, ou si elle est de plein droit, sera prise en charge au titre de l'aide juridictionnelle.

La conséquence est qu'il faut informer le patient "privé de liberté" de ce droit, qui n'est qu'une faculté seulement ; l'informer avec loyauté, et le plus tôt possible, cette formalité étant nécessairement de la responsabilité des soignants qui n'en ont pas forcément le loisir, et encore moins le goût, une telle annonce n'entrant pas du tout dans la mission du psychiatre, ni de l'infirmier. Il faut corrélativement que le patient soit « cliniquement » en mesure de recevoir valablement cette information, et donc de donner sa réponse, afin de pouvoir bénéficier de l'assistance éventuelle d'un conseil. 



Or, dans la majorité des cas, les Barreaux désignent selon une liste de volontaires, des avocats qui vont intervenir sans distinction, et sans formation, au « profit » de chaque patient. Ceux-ci seront le plus souvent « entendus » au sens policier du terme, à la queue leu leu juste avant « l'audience »… Les avocats qui, dans un grand nombre de cas, vont examiner l'ensemble des « dossiers » prévus pour être évoqués (en réalité un mince extrait ne contenant que les deux certificats de psychiatres et la pièce initiale de demande d'hospitalisation par un tiers, ou l'autorité administrative ) n'y auront pas été invités au préalable par le principal intéressé. Il s'agit pourtant d'un dossier particulièrement confidentiel.



La pratique consistant pour l'Avocat de permanence à « visiter » préalablement à l'audience tous les patients programmés n'est pas envisageable. Cette démarche serait transgressive au regard de la prévalence du soin. C'est qu'on le veuille ou non au psychiatre de permettre cet accès. C'est au soignant de délivrer l'information sur les droits au patient.



L'objection facile est « peu importe puisque c'est pour son bien ». Ce type de raisonnement est radicalement contraire à l'éthique, et peut autoriser toutes les interprétations, les projections, et les dérapages. La loi n'ayant pas souhaité trancher la question du lieu de l'audience, dans un grand nombre de cas celle-ci se déroule au siège de la juridiction et non à l'intérieur de l'établissement de soins (2). Aux praticiens de se débrouiller avec le temps passé dans le transport, ou avec la visioconférence, procédé encore soumis au débat, et généralement peu maîtrisé…



Alors admettons que les magistrats et fonctionnaires de justice, d'une part, et le personnel soignant, associés à la direction de l'établissement, d'autre part se soient mis d'accord pour une solution pragmatique ménageant les principes. Reste à définir le rôle de l'avocat . 



Il porte la parole de qui ? D'un « client » qui n'a rien demandé, qui n'est pas en état de consentir à un mandat, et dont les propos sont parfois dans le « hors sens ». 

Alors quelle parole ? Quel respect du sujet si on fantasme cette parole ? La « folie », entendue dans son acception la plus littéraire, est en effet souvent un mode de repli, un refuge pour le sujet qui seul permet d'échapper au « réel » impensable de sa souffrance.



Le JLD, Juge des Libertés et de la Détention, qui n'a pas le choix quant à lui et doit en théorie entendre l'individu concerné, n'est pas chargé de juger l'infortuné patient, ni ses actes. S'il n'y a pas d'accusation quel est le rôle de la défense ? Il est chargé de quoi au juste ? Personne n'en sait rien, au fond. Puisque son intervention n'est pas destinée à vérifier la légalité de « l'internement » (laquelle relève du juge administratif), ni même la voie de fait qui était déjà susceptible avant la loi d'être dénoncée. Admettons l'hypothèse d' un abus, tel que le toujours possible « complot familial ». Cette hypothèse reste toujours plausible mais, par définition, quand il y a complot, il y a mise en scène et dissimulation. Peu de chance de déceler la machination à la faveur d'une procédure expéditive. Le JLD n'a alors pas compétence, du moins aujourd'hui, pour statuer sur une éventuelle réparation. En revanche, il y a fort à parier que par son intervention de validation de « l'internement » il aura "vitrifié" la mesure !



La loi ne prévoit d'ailleurs pas de relâcher automatiquement l'intéréssé; la « levée d'écrou » est en effet le plus souvent différée en sorte de ménager le temps d'une régularisation…

Alors pourquoi avoir cédé si vite aux prétendues exigences du Conseil Constitutionnel ou de la jurisprudence européenne?





Il suffisait de rectifier les dispositions prêtant le flanc à critique. Sans pour autant franchir le pas d'assimiler l'hospitalisation sans consentement à une mise en détention. Le recours au JLD, qui existait déjà, pouvait être facilité par une notification systématique des droits à la personne concernée. Celle-ci avait alors le choix de provoquer ou non le processus de contrôle judiciaire, après avoir dûment préparé son argumentaire.



Le système mis en place peut-il prévenir des abus ? 



On n'est plus au temps de Camille Claudel et les contrôles existent. Si des dérives sont toujours possibles, ce simulacre de justice ne fera que les escamoter.

Ce système qui ignore la notion de sujet et le respect qui s'y attache, ( certaines pratiques visent à faire comparaître indistinctement tous les patients, y compris ceux dont l'état interdit toute expression cohérente) a été conçu pour répondre au besoin sécuritaire d'une politique qui dénature la mission des acteurs du soin psychiatrique. Il est totalement dépourvu de lisibilité et ne fait que compliquer la tâche des soignants, créant des contraintes supplémentaires qui inciteront sans doute les psychiatres à renvoyer « dans leur foyer », de manière prématurée, des patients qui gagneraient à poursuivre leurs soins?



Un système qui, pourquoi n'en pas parler, pèsera également lourdement sur l'emploi du temps d'avocats pas toujours volontaires sans que l'équitable rémunération ne soit envisagée. Les fonctionnaires en charge de le mettre en oeuvre étant quant-à eux, dûment rétribués, même si leur emploi du temps ne s'en accommode pas. 



Il faudrait donc le dénoncer et y mettre fin. Non pas en refusant le recours au juge pour protéger celui qui s'estime atteint dans ses libertés fondamentales , avec un avocat à ses côtés, mais en aménageant ce recours qui ne serait plus systématique, mais envisagé comme une faculté aussi largement offerte que possible.



On m'a objecté un argument de texte : Article R3211-24 – « Devant le juge des libertés et de la détention et le premier président de la cour d'appel, la représentation par avocat ou par avoué n'est pas obligatoire, sous réserve des cas où le juge décide, au vu de l'avis médical prévu au deuxième alinéa de l'article L. 3211-12-2 de ne pas entendre la personne qui fait l'objet de soins » Et alors ? Lorsque la personne ne peut être entendue par le Juge, elle ne peut être représentée que si elle en a exprimé le désir, et dans l'intention de faire passer un message ! Une fois encore, considérer que l'avocat est capable de parler pour quelqu'un qui ne lui a rien demandé, qui est hospitalisé à la suite souvent d'une tentative de suicide, n'est qu'une mystification ! Si le patient est hors d'état d'être entendu par le Juge, il est probablement aussi hors d'état d'être entendu par un avocat. L'avocat ne pouvant pousser l'outrecuidance jusqu'à vérifier le diagnostic du psychiatre en allant rencontrer la personne contre l'avis des soignants ! Ce serait alors du coup pure « folie » .

Mon expérience de plusieurs mois m'a permis de rencontrer une trentaine de patients. Tous ceux qui étaient « en état » de soutenir non pas une conversation, mais un échange verbal de quelques minutes, grâce à la bienveillance de cadres de santé et infirmiers . J'ai souvent entendu la phrase : « un avocat ? Mais je n'ai rien fait » !



A La Rochelle, la recherche d'un protocole grâce à un travail de partenariat entre soignants, magistrats et avocats, a permis de dégager une pratique issue d'un consensus. 



L'audience a lieu sur le site de l'hôpital, dans une salle aménagée et reservée à cet usage, dotée d'une connection internet et d'une installation de visio-conférence. Les participants, constitués du juge et du greffier, d'un membre de la direction, parfois de soignants, et de l'avocat, sont groupés autour d'une table. Le Parquet n'est pas présent mais a examiné les dossiers et parfois fait connaître par écrit ses observations. Le port de l'habit judiciaire a été écarté afin de prévenir toute méprise ou association funèbre . Il s'agit d'éviter que les patients ressentent la désagréable impression d'être jugés pour leur récent « passage à l'acte » (entendu au sens psychanalytique) mais au contraire soient conscients d'être associés en quelque sorte aux travaux d'une commission chargée de vérifier la pertinence légale de leur admission forcée, en recueillant au préalable leurs observations. Il importe que les propos tenus ne viennent pas contrevenir aux nécéssités thérapeutiques, et demeurent compatibles avec l'alliance au soin. 

L'avocat désigné reçoit dès le vendredi la liste des patients susceptibles d'être concernés, et peut consulter le mardi dès 14 heures les dossiers. Il pourra à cette occasion rencontrer ceux qui ont exprimé le souhait correspondant, en se rendant dans l'unité où ils se trouvent. Il faut compter ainsi, outre le temps de déplacement pour se rendre à deux reprises à l'Hôpital, deux à cinq heures de travail, incluant le mardi après-midi et le mercredi matin.

Le travail de reflexion et de formation dans l'inter-disciplinarité est essentiel, et doit être poursuivi. L'avocat désigné me semble devoir être volontaire pour cette mission qui exige un minimum de sensibilisation non pas seulement à la loi ce qui serait insuffisant, mais à la problématique de la santé mentale , et à l'organisation de l'établissement concerné. 



Cependant le barreau doit se garder de toute attitude de conformité servile aux seuls impératifs d'une loi votée à la hâte, qui par ses effets, porterait atteinte aux principes déontologiques essentiels (mandat par exemple) et ne pas hésiter à retirer son concours si l'indemnisation accordée au titre de l'aide juridictionnelle s'avère dérisoire.





(1) Site web du cabinet H.Leclerc et déclaration du Barreau de Paris

(2) Saintes par exemple



 



 
 
Dominique Jourdain

Avocat

 

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> Appel à témoignage

 

APPEL A TEMOIGNAGE
 
Le Collectif des 39 et les CEMEA organisent les Assises Citoyennes pour l’hospitalité en Psychiatrie et dans le médicosocial, les 31 mai et 1 juin 2013 à Villejuif.
 
L’essentiel des échanges aura lieu en atelier pour permettre à chacun de prendre la parole et de témoigner à partir de son expérience. Nous souhaitons en effet partir du point de vue de toutes celles et ceux qui approchent d’une manière ou d’une autre cette réalité sensible pour dégager des pistes de réflexion et des propositions de changement que nous pourrions transmettre aux politiques.
 
Professionnels du soin psychique, patients/usagers, familles et proches, artistes et créateurs, tous citoyens, il est temps que nous prenions la parole pour construire des lieux humains fondés sur l’hospitalité. C’est  en tenant compte de la multiplicité de tous ces points de vue qu’une politique de la psychiatrie et du médicosocial pourrait être repensée.
 
Vous pourrez donc intervenir dans les ateliers, et si vous le souhaitez, nous contacter dès maintenant pour que nous puissions recueillir votre témoignage et vous proposer d’intervenir dans un des ateliers. Vous pouvez aussi nous faire parvenir des témoignages écrits qui seraient lus et publiés avec votre accord.
 
Vous pouvez vous adresser à :
 
Philippe Bichon :                    pbichon41@wanadoo.fr
Humapsy :                              humapsy@mailoo.org
Annick Lair                             annick.lair@wanadoo.fr
Patrick Chemla :                    patrick.chemla2@orange.fr
Patricia Janody :                     cahiers.folie@yahoo.fr
Mathieu Bellahsen :               utopsys@yahoo.fr
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> Entre les maraudes

L'équipe qui présente son travail dans ce texte, sera présente aux assises citoyennes des 31 mai et 1er juin 2013 à Villejuif.

Entre les maraudes,

Réunion clinique à Médecin du Monde-Marseille

 

Entre les Maraudes

Présentation

Lancelot Hamelin

 

C’est au cours d’une enquête sur la ville de Marseille, menée dans le cadre d’un projet journalistique, que j’ai rencontré l’équipe de la « mission mobile sans-abri ».

Pierre-François Pernet de SOS Médecin m’a mis en contact avec Marie-France et Raymond Négrel, qui partaient pour un séjour professionnel à Cuba.

C’est donc Marie-Hélène Vernet qui a assuré les premiers entretiens téléphoniques, au cours desquels, j’ai découvert le travail de Médecin du Monde : les questions qui se posent aux gens qui vivent dans la rue, les questions que « la rue » pose à la ville – et la spécificité de Médecin du Monde-Marseille qui s’appuie sur le travail de la psychothérapie institutionnelle.

Suite à ces échanges, avec Cynthia Charpentreau, la photographe avec qui je travaille, nous avons arpenté les rues dont Marie-Hélène m’avait parlé – et rencontré les personnes qu’elle avait évoquées. Bien sûr, nous n’avons pris aucune photo. Nous avons seulement découvert cette évidence trop facilement oubliée, que les sans-abris sont des êtres humains et que, ancrés dans leur condition, différente de la nôtre, génératrice d’affects de rejets ou de compassion, ils sont prêts à la rencontre. Et qu’ils ont quelque chose à nous dire, sur leur douleur mais pas seulement : sur l’existence, sur les choix de vie, sur le désir.

Il n’est pas exagéré de dire que nous avons rencontré le monsieur qui vit dans le parking du Centre Bourse. Pendant dix jours, nous sommes allés le voir régulièrement, pour échanger quelques mots, apporter un café, un thé ou des cigarettes qu’il n’acceptait pas toujours. La simplicité exemplaire de son refus nous a marqué.

Et même si pour lui nous étions parfois des personnes qui avaient un rôle étrange dans son théâtre intime (« tu retournes à Londres ? » me demande-t-il, comme si nous avions parlé de cette ville, et que c’était là d’où je venais), une reconnaissance était à l’œuvre entre nous.

Marie-Hélène nous a proposé de venir participer à une réunion clinique du mardi soir, au retour de Marie-France et Raymond Négrel. Nous avons rencontré l’équipe de la « mission mobile sans-abri » qui se réunie pour déplier les expériences de la semaine.

Voici le compte-rendu de cette soirée.

 

 

 

 



 

 

« Ainsi l’existence de chaque être appelle l’autre ou une pluralité d’autres (car c’est comme une déflagration en chaîne qui a besoin d’un certain nombre d’éléments pour se produire, mais risquerait, si ce nombre n’était pas déterminé, de se perdre dans l’infini, à la manière de l’univers, lequel lui-même ne se compose qu’en s’illimitant dans une infinité d’univers). Il appelle, par là, une communauté : communauté finie, car elle a, à son tour, son principe dans la finitude des êtres qui la composent et qui ne supporteraient pas que celle-ci (la communauté) oublie de porter à un plus haut degré de tension la finitude qui les constitue. »

Maurice Blanchot, La Communauté inavouable.

 

 

 

Eucharistie aux Mojitos

 

Raymond est assit en bout de table derrière une rangée de verres, une bouteille de rhum et une botte de menthe fraîche. C’est une étrange Cène laïque qui se trouve réunie sous les tubes fluo de la salle de réunion du CASO de Médecin du Monde-Marseille.

Le CASO est le Centre Accueil, de Soin et d’Orientation de Médecins du Monde. Le bâtiment constitue une clinique ouverte, gratuite, qui dispense tous les soins, à tout le monde, sans poser de question.

Dans la salle de réunion, les murs sont couverts d’affiches de prévention.

En décembre, à Marseille, il fait froid. Marie-France nous dit que huit ans après, c’est toujours pareil, on n’est jamais blindé : « Dès que le froid arrive, on ressent un pincement au cœur. »

Raymond complète : « Les médias insistent sur les plans « grand froids », alors que l’été, avec les grandes chaleurs, on compte plus de morts. »

« On ne peut pas éviter de projeter. C’est pour ça qu’on se réunit toutes les semaines, reprend Marie-France : pour parler. Parler de nos impressions, échanger sur nos sentiments. »

Ce soir, l’eucharistie se fera aux mojitos et aux tapas. Raymond et Marie-France Négrel reviennent de Cuba, où ils ont participé à un séminaire avec des psychiatres cubains, comme tous les deux ans. C’est une collaboration qui dure depuis plusieurs années. La psychiatrie à Cuba est très avancée, notamment autour de la psychiatrie institutionnelle.

 

Psychiatrie institutionnelle

 

La psychiatrie institutionnelle est la technique qui donne sa particularité à la « mission mobile sans abri » de Médecin du Monde-Marseille.

Marie-France s’enflamme quand elle évoque cette branche de la psychiatrie. Elle raconte comment la psychothérapie institutionnelle est née après guerre, de travaux conjoints menés par différents psychiatres soucieux d’aborder la folie autrement. Parmi ces explorateurs, on peut citer : François Tosquelles, Jean Oury, Georges Daumezon, voire Félix Guattari…

La psychothérapie institutionnelle repose sur deux principes : la psychanalyse, pour penser l’aliénation mentale, et le marxisme, pour penser l’aliénation sociale. L’idée c’est qu’on n’est pas fou par hasard, et que dans les déterminismes qui mènent à la folie, il y autant de part de fonctionnement psychiques que de conditions socio-économiques, voire politiques.

 

Le chêne et l’olivier

 

Pendant qu’elle parle, Raymond la couve du regard. Il ne perd pas une de ses paroles, et on entend qu’il pense chaque mot que Marie-France prononce, comme s’ils les avaient forgés ensemble, ces mots, contre les maux. Ici, le jeu de mots est un jeu des corps. Ils sont comme ces arbres du mythe, d’espèces différentes mais unis par une vie commune sur un même terrain, au point que branches et racines se sont nouées et s’entraident comme un seul être.

Raymond Négrel a un physique en éclat de chêne, sculpté de rides. Marie-France est comme ces arbres fragiles qui ont dû adapter leur grâce à la violence du terrain, contre vents et marées. Elle a quelque chose de l’olivier. La beauté de son regard vert condense la fragilité d’une existence que son corps aujourd’hui protège de toute atteinte, un corps ancré dans l’air qu’elle occupe, capable d’arrimer les peines et les doutes de toute l’équipe qui constitue la mission. Raymond et Marie-France sont les référents de la « mission sans abri » de Médecin du Monde-Marseille.

Marie-France et Raymond ont une carrière en hôpital psychiatrique. Qu’est-ce qui détermine une telle passion, un tel engagement ? Depuis cinq ans, Marie-France est au Collège Régional. Raymond sera discret lui-aussi sur son parcours et son engagement. Il est responsable de la « mission sans-abri » depuis huit ans.

Il est référent du groupe « santé mentale» à Paris. Dans ce groupe, ils s’interrogent sur ce qu’est la souffrance psychique et la santé mentale par rapport aux préconisations de l’OMS sur la santé psychique. Ils se penchent sur la souffrance, de celle qui frappe au travail en passant par celle qui touche les précaires et les SDF.

Il explique : « En matière de souffrance psychique, on doit toujours réviser où on en est, en fonction des régions. Que ce soit dans le vaste département d’Ile de France ou en Alsace, les profils et les problématiques sont différentes que dans les municipalités « subversives » du sud, comme à Marseille où le maire a fait passer un arrêté anti-mendicité… »

Marie-France ajoute en rebonds, la pensée est incidente, comme la structure d’un discours encore désorienté par le décalage horaire : « Ici, sur la mission des sans-abris, ce qui nous paraît essentiel, pour éviter que les maraudeurs sédimentent de la souffrance psychique… Si on ne se voit pas une fois par semaine ensemble, on se met en danger, et on met en danger les gens dans la rue. »

 

« Si tu fais sans moi, tu fais contre moi »

 

Oui, en maraude, il faut se laisser guider par ses intuitions, ne pas avoir peur de se livrer à l’errance que pratiquent les sans-abris – mais il ne faut pas perdre le fil… Pour la santé psychique des maraudeurs, deux maraudes par semaine sont suffisantes, et requièrent cette séance clinique hebdomadaire, au cours de laquelle chacun se livre à un travail d’écoute, d’observation, de bonne distanciation, de vigilance.

L’essentiel est de ne pas se mettre en position de faire à la place de l’autre.

Raymond glisse un « si tu fais sans moi, tu fais contre moi. » Mais en général, ce soir-là, il laissera parler les autres. Son domaine est l’action. La fabrication des mojitos sera sa façon de théoriser sa pratique de l’échange, et de cette prise de risque permanente qu’est le travail de rue.

 

L’équipe de la « mission sans-abri »

 

Les autres membres de l’équipe sont là, avec leur histoire, leurs questions, leur expérience. Chacun vient ici pour aider, « soigner et témoigner », comme le dit la devise de Médecin du Monde.

Soigner, dans le sens « prendre soin ».

Emilie est une actrice pleine d’énergie, qu’on sent habitée par une tourmente permanente, un Mistral sombre qu’elle doit dompter. Elle découvre Médecin du Monde, et a commencé par faire des collectes de fond comme sa copine :

Amélie est une étudiante en art dramatique. Très jeune, elle ouvre des yeux étonnés de passion sur tout ce qui se présente à elle lors de ses bouleversantes maraudes. Elle connaît Médecin du Monde depuis un an, pour qui elle a fait de la collecte de fond. A présent, elle fait des maraudes de temps en temps. On devine que la spirale va l’entraîner.

Marylise est infirmière à la retraite. Poursuivre sa pratique du soin était une évidence, qui l’a portée vers le bénévolat chez Médecin du Monde.

Sophie est professeur des écoles. Nous n’en saurons pas plus. Avons-nous assez bien écouté, ou n’était-ce pas le moment pour Sophie de livrer ses raisons et secrets ?

Marie-Hélène Vernet est psychologue et psychanalyste. Elle est engagée dans l’aventure de Médecin du Monde-Marseille depuis trois ans, et explique : « Nous ne sommes pas là pour nous soigner, ni pour sauver le monde. L’expérience de la rue est une constante épreuve de ses propres limites, en même temps qu’elle est le théâtre de toutes les projections. C’est une expérience de réel, une traversée du miroir qui a des allures de voyage au cœur des ténèbres. Oui, c’est une véritable expérience de mort, qui nécessite que chaque maraudeur travaille sur les sentiments d’impuissance qui le traversent, impuissance et toute-puissance ne faisant qu’un. »

Marie-France ajoute : « Il faut souligner les effets que la maraude fait sur les gens qui la font. On est embarqués, autant que les SDF qu’on rencontre. La déambulation est psychique et par les méandres de cette cité intime, on arrive souvent au même endroit de souffrance que le psychotique. »

Le travail clinique n’est pas à proprement parler psychothérapeutique (psychothérapique) au sens où nous pourrions l’entendre ou l’imaginer d’une pratique hospitalière ou de cabinet classiques. C’est une posture, qui a des effets psychothérapeutiques. C’est ce qui fait que même des non-soignants ont une fonction soignante. La question est de distinguer la fonction du statut. Mais en aucun cas les maraudeurs ne se prennent pour des psychothérapeutes. Ce travail se vit dans le transfert et a donc des effets contre-transférentiels. C’est la raison pour laquelle, une fois par semaine, tous les mardis soirs, les maraudeurs de Médecin du Monde se retrouvent pour leur supervision.

C’est une « réunion clinique » qui consiste à revenir sur l’expérience des maraudes de la semaine, afin de faire le point sur les expériences vécues dans la rue, les personnes rencontrées ou retrouvées dans la rue, l’évolution des situations, les besoins nouveaux des sans-abris, mais aussi, et peut-être surtout, afin de faire le point sur l’état psychique des maraudeurs eux-mêmes.

 

Sans badge ni dossard

 

A Marseille, la « mission Sans Abris » de Médecin du Monde a un fonctionnement très particulier. Chaque représentation de Médecin du Monde dans chaque ville de France a son autonomie de fonctionnement. Ici, nous sommes dans la seule ville où les bénévoles maraudent à pieds, en binômes, et sans porter de badge ni les gilets bleus et blancs de l’ONG.

« Sinon, ça coupe la relation, explique Raymond, à cause des gens qui s’arrêtent, qui regardent. Ce sont les autres qui coupent la relation. »

Au sein de Médecin du Monde, on trouve différentes missions : « mission prévention des risques toxicomanes », « mission Roms », « mission travailleurs agricoles sans papiers », « mission bidonvilles », « missions fêtes », qui opère sur les lieux des raves, gay prides etc… afin de guider les teuffeurs dans leur consommation de stupéfiant… Pour les missions de rue, le statut de soignant n’est pas obligatoire.

La mission des maraudeurs n’est pas d’apporter de la nourriture, des couvertures ou des médicaments. Ne pas « donner » mais travailler sur le don, notamment mesurer la part d’assujettissement qui peut miner le don.

Les maraudeurs pratiquent une écoute de l’autre – ainsi qu’une veille de l’état psychique de la ville et de ses rues. Une rue qui laisse vivre les sans-abris témoigne d’une ville dont la santé mentale est bonne. Comme si elle laissait respirer les créatures de son subconscient…

 

Soutenir un désir

 

Marie-Hélène Vernet est bénévole depuis trois ans. Elle exprime son engagement ainsi : «  Notre action consiste à témoigner une attention à l’autre, ça peut ne sembler servir à rien. Sauf que nous faisons le pari de soutenir un désir. Quel désir ? Celui peut-être de seulement tenir bon dans l’humain. Quand nous travaillons aux confins de l’humain, nous ne pouvons céder sur ce désir. Il en va de notre éthique ! »

Ca peut être choquant de parler de désir à propos de gens qui sont dans la rue, à qui on prête des « besoins », et qui en plus n’ont pas toute leur tête, reprend Marie-Hélène. Mais c’est le pari que nous faisons. Le désir, ce n’est pas le besoin, comme ce n’est pas l’envie ni le caprice. Le désir, ce n’est pas «  ce à quoi je tiens », mais c’est ce qui me tient. C’est le lieu du sujet de l’inconscient, et il y a de l’inconscient dans la rue, sans parler du fait que la rue est l’inconscient de nos foyers, de notre confort… C’est un engagement politique que de dire : il ne faut pas lâcher sur le désir.»

La présence régulière des maraudeurs est une façon de prouver que celui qui est à terre continue de faire partie de la communauté des humains. Elle permet une inscription dans le temps et l’espace, la régularité donne un rythme, comme une ponctuation donne souffle et sens à la phrase. Parfois, il suffit d’être soi-même, aussi, dans la rue, assis sur des cartons, pour faire pierre avec l’autre : le lester d’un poids qui le rattache à la communauté, autant que de lui offrir un petit caillou blanc qui lui permette de retrouver son orientation.

Les gens qui habitent la rue sont souvent des personnes âgées, avec des profils psychiatriques. Ils vivent dans les parkings, les poubelles, les décharges, les gares, les passerelles d’autoroute, se nichent dans les allées, changent souvent de lieux, parfois tous les soirs. Et nous, il faut alors qu’on les retrouve. Les psychotiques se protègent de la ville en cherchant des odeurs insupportables, des bruits impossibles. « Ils vivent leur folie à bas bruit dès lors qu’on sait respecter leur espace, la bonne distance », dit Marie-Hélène qui nous explique comment la ville est de moins en moins adaptée pour les sans-abris.

 

Entraver la vie dans la rue

 

On sait qu’il existe une politique consciente destinée à entraver la vie dans la rue. Les contraintes sont données explicitement aux designers et aux urbanistes par les promoteurs et les pouvoirs publics. Mais on conçoit la chose autrement lorsqu’on en entend les répercussions de la bouche des personnes qui travaillent dans la rue, auprès de ceux qui y vivent.

Les bancs sont de plus en plus étroits, avec des incurvations et des séparations. On voit apparaître de plus en plus de herses. Près du boulevard de Paris, il y avait, nous dit Marie-Hélène, une alcôve où logeaient deux SDF. Elle a été équipée d’une herse. Les fontaines aussi sont rendues inaccessibles : l’espace entre le bec et l’évier est trop étroit pour y placer une bouteille.

Mais les sans-abris développent des contre-stratégies. Par exemple, autour de la gare Saint Charles, les Roms viennent avec des tuyaux qu’ils adaptent aux robinets. Ainsi peuvent-ils laver leur linge.

Les services de voierie font le nettoyage des rues très tôt. Il s’agit ici aussi de nettoyer le bitume « au karsher ». Les cantonniers ou les agents de police détruisent les matelas. De cette façon, on pousse les sans-abris à s’excentrer dans les quartiers pauvres, déjà stigmatisés, où les habitants supportent mal de voir arriver des gens encore plus pauvres. On assiste à des situations de tension. On sait que la concentration des pauvres est toujours dangereuse.

Les sans-abris âgés sont encore tolérés dans le centre ville, mais les jeunes ou les nouveaux venus, Roms ou Polonais, n’ont pas leur place.

A Marseille, la pauvreté est contenue par le milieu associatif, qui travaille en réseau. La ville se désengage. Elle prétend qu’il y a plus de 400 fontaines dans la ville. Mais Médecin du Monde dément ce chiffre, parce que sur les 400, il n’y en a qu’une seule qui soit accessible.

La seule action du maire envers les sans-abris a été de prononcer un arrêt anti-mendicité.

« Mais les actions des bénévoles et de la charité, dit Marie-Hélène, c’est un emplâtre sur une jambe de bois. A Médecin du Monde, nous sommes trop peu. Nous avons chacun nos rues et un certain nombre de sans-abris que nous suivons. Nous ne pouvons pas couvrir tout le territoire, et il est important que nous privilégions le travail dans la continuité. Nous proposons un travail qui s’inscrit dans l’espace et dans le temps.

Toutes les rénovations de la ville vont dans le même sens : derrière le cours Belsunce, autour de l’église Saint Laurent, du côté des boulevards de Paris et de Strasbourg, le quartier va être rénové. Il va falloir que les pauvres qui y habitent aillent voir ailleurs. Ils veulent en faire un quartier chic. Comme sur la rue de la République, ils construisent des décors de théâtre.

C’est une stratégie d’occupation lente : par exemple, ils ont rénové l’Hôtel Dieu, un hospice magnifique, pour le transformer en palace. Sauf qu’il se trouve en plein quartier du Panier, au milieu des toxicomanes. Ce n’est pas très commercial, pour les clients attendus dans ce genre d’établissement. On voit donc quelle sera la deuxième étape de l’opération : le nettoyage des pauvres… »

 

Le Hameau

 

Raymond reprend la parole : « Je voudrais revenir sur une idée qu’on a évoqué en début de réunion. C’est important de le redire : loger les sans-abris n’est pas une évidence. Car avec la mise à l’abri, on observe souvent un effondrement des mécanismes de défense suivi de décompensation, avec des complications somatiques, cardiaques, ou même de cancéreuses. »

Dans la rue, il est interdit de se plaindre ni de souffrir. Pour se protéger, la personne s’est mise en état de glaciation psychique. Le phénomène est décrit dans La Glaciation de Salomon Reznik. La sortie de la rue équivaut à une décongélation : l’être en sort fragilisé. En outre, les gens qui vivent dans la rue ont souvent eu des vies normales avant de basculer. Revenir dans un foyer leur rappelle un temps déjà vécu. Le traumatisme est insupportable pour l’organisme lui-même. Penser leur histoire équivaut à la revivre. C’est parfois un second traumatisme.

Raymond nous raconte une expérience de relogement qui répond à cette difficulté. Le Hameau est une expérience initiée par la fondation de L’Armée du Salut.

Le Hameau consiste en douze chalets de deux places, construits dans le quartier du 3e arrondissement de Marseille, pas loin du CASO. L’idée est de fournir une habitation à des personnes qui avaient vécu dans la rue depuis longtemps, mais qui sont susceptibles de s’adapter à des conditions de vie dans un logement.

Plutôt que de loger les gens à l’hôtel, il s’agit de leur fournir un véritable petit foyer, afin de les réadapter progressivement à un mode de vie normal.

Des équipes de spécialistes issus de Médecins du Monde, de l’Armée du Salut et d’éducateurs de rue, se sont concertées pour déterminer quelles personnes vivant dans la rue étaient susceptibles de s’adapter à ces endroits. Ensuite, les personnes qui intègrent ces chalets du Hameau sont accompagnées par des éducateurs et des médecins.

Le Hameau, ça marche donc, comme par exemple avec Ben Hur et Cathy.

 

Ben Hur et Cathy

 

« Ben Hur vivait sous le terminus du tramway. Mais c’est comme s’il habitait dans son manteau, qui pèse au moins vingt kilos, car il accumule des outils dans les poches. »

C’est Raymond qui l’a poussé à aller se faire opérer de l’œil pour sa cataracte. Ensuite, pour le deuxième œil, Ben Hur est allé tout seul prendre rendez-vous avec le médecin. « Ici, Ben Hur par son déplacement géographique nous a beaucoup dit sur son déplacement psychique ! », dit Raymond.

C’est à partir de là, comme si Ben Hur y voyait plus clair grâce aux actes qu’il avait effectués, et qui l’avaient décollé du bitume, qu’il a pu intégrer un chalet du Hameau.

Dans cette maison, il a vécu avec Cathy.

Cathy est une petite bonne femme aux épaules frêles. Elle portait des tresses africaines et Ben Hur la vouvoyait. Mais le jour où sa coiffeuse a pris sa retraite, Cathy a pété les plombs et s’est rasée le crâne.

On l’avait abandonnée, elle s’est fait payer elle-même son impuissance à garder les êtres qu’elle aime.

Elle est revenue au chalet le visage en sang : elle s’était lacérée la face avec ses ongles. Il suffisait de peu pour que sa réintégration fonctionne, mais elle est retournée à la rue.

Cathy avait eu un enfant et on le lui avait enlevé.

C’est le cas de la plupart des femmes qui vivent dans la rue.

La rue n’est pas faite pour les femmes. Elles le savent. Il en faut beaucoup pour qu’elles y échouent. Les femmes ont d’autres moyens de vivre leur psychose et de se couper du monde.

Raymond dit : « On n’a pas plus de dix pour cent de femmes dans la rue. »

 

Epopées minuscules

 

Raymond : « La souffrance psychique, c’est comme le nœud borroméen. Il y a une pelote de fil, il suffit de tirer un fil pour tout démêler. Ou pour resserrer les nœuds et ficeler encore plus la psychose. Ou raccrocher l’homme à la communauté… C’est un travail sans fin. Dans la souffrance psychique, il y a des fils de trame. On essaye de tisser un petit morceau. Parfois, on arrive à faire se déplacer le motif. Les SDF, ce qui n’est pas pareil que les sans-logis, ils sont parfois collés à l’asphalte. Notre travail, ce n’est pas de les loger, mais de faire un travail de lien. Si on arrive à créer un déplacement par rapport à l’asphalte, on va créer un déplacement psychique. Ils vont pouvoir commencer à nous parler de leur souffrance psychique, enkystée depuis des années. On devient la prothèse de l’autre, sa navette qui le relie au monde général.»

Marie-Hélène parle de cet homme qu’elle va voir à l’hôpital. Il est à la fin de sa vie. Il souffre beaucoup d’être alité et Marie-Hélène lui masse les mollets pour le soulager. « Il a toujours beaucoup marché dans la ville. Il marchait beaucoup, mais dans sa tête, c’était un immobile. »

Il est musulman et comme il buvait beaucoup, lorsqu’il passait dans le quartier de la porte d’Aix pendant le ramadan, il se faisait lapider par les salafistes du Boulevard National.

Il dit : « J’ai fait de mal à personne, mais j’ai beaucoup bu dans ma vie. »

Il a peur d’aller en enfer. Marie-Hélène a dû faire venir un imam pour le rassurer. Pour lui rendre la paix.

C’est un homme que Marie-Hélène a mis du temps à apprivoiser. Pendant longtemps, il lui faisait peur.

Elle dit en riant, mais dans son rire, reste un frisson de frousse : « Avec son œil de lynx, il me regardait et me disait d’une grosse voix : « Jeune fille de bonne famille ». Ca me terrifiait.  Mais après avoir maraudé avec Raymond, qui était son grand copain, on a tissé une relation. Et aujourd’hui, je lui masse les mollets. »

Raymond raconte : « Il faut accepter la non-maîtrise du transfert. Le mec, il te fait chier, mais il faut être là quand même. »

 

Quelqu’un à cintrer

 

Les récits d’expériences de maraudes se succèdent, se croisent et parfois se rejoignent et se nourrissent les uns les autres, lorsque la parole arrive à un cas que plusieurs maraudeurs ont suivi, dont ils ont partagé le destin. Les témoignages de Raymond et Marie-Hélène continuent de se mêler dans un même récit de vie. Une vie, une autre vie, brisée, une autre encore…

Raymond raconte l’histoire de cet homme qu’ils ont vu pendant plusieurs années. Toujours à leur gueuler après.

Marie-Hélène dit : « Il sentait la pisse au kilomètre. Il vivait sur un matelas au bord des rails. Dans une vraie poubelle, au milieu du bruit et des rats. »

Raymond entre dans le vif du sujet : « J’ai pas vu, c’était en pleine nuit, ses pieds étaient en train de geler. On lui a amputé les pieds. Quand je suis allé à l’hôpital, il m’a cintré : « C’est de sa faute, il m’a donné une tente et puis il m’a laissé crever. » »

Marie-Hélène revient : « Raymond était la seule personne capable de l’approcher. Moi, je restais loin. Donc, aux yeux de cet homme, Raymond était plus coupable que quiconque. »

Elle se tourne vers Raymond : « Mais il a quand même donné ton numéro de téléphone au professeur de l’hôpital, comme ça Raymond a pu être appelé. Tu étais son seul lien avec le monde. »

Raymond rit : « Oui, comme ça, il avait quelqu’un à cintrer. »

 

Pas loin du rivage

 

En fin de réunion, Amélie prend la parole. Elle a des questions à poser quant aux personnes qu’elle suit dans ses maraudes. Amélie est prise par un mouvement de panique. La réunion va s’achever et on n’a pas tout dit. Elle voudrait ne rien oublier. Comme si la parole avait un effet de sauvegarde – et que le silence risquait d’entériner l’oubli.

Elle évoque cet homme qui est à la morgue depuis deux mois, toujours pas enterré, parce qu’on ne connaît pas son identité. La police et les services sociaux cherchent encore sa famille. Un commissaire s’occupe personnellement de cette enquête. On cherche le nom du mort.

Amélie dit : « Maintenant, ils ont une photo. » Elle s’adresse à Marie-France : « Ils attendent tes photos. Ce sera un premier pas. »

Amélie poursuit son mouvement d’emballement, et elle évoque un autre cas.

C’est celui d’un homme qui n’est pas dans la rue depuis longtemps. Il n’est pas loin du rivage mais il ne fait rien pour s’en sortir. On la sent en colère contre cet homme qui ne fait aucun effort pour se reloger, alors qu’il a les papiers qu’il faut. Même son copain de rue le secoue.

Amélie dit : « Son fils est venu le voir. Mais rien n’y fait, il se laisse aller. Parce qu’il a la flemme.»

Amélie met de la colère dans ce dernier mot. Elle aimerait pouvoir faire quelque chose pour cet homme.

Marie-France dit : « Ce n’est pas la flemme, c’est une paralysie psychique. »

Raymond dit : « Tu es prise dans l’emballement. Il te prend dans les rets de sa glaciation. »

Marie-France nuance la remarque de Raymond : « Elle a du désir pour lui. »

Amélie comprend : « Mais comment ça se fait ? Comment ça se passe ? »

Raymond ne lâche pas Amélie : «  Ne cherche pas comment, cherche pourquoi. »

Amélie répond : « J’ose pas. »

Raymond continue, Marie-France dit les mêmes mots en même temps que lui : « Il faut oser. »

Amélie lâche : « Ce monsieur – J’ai dix neuf ans. Ca pourrait être mon grand père… » 

Raymond dit : « Nous, on est des passeurs, pas des donneurs. Je dis que ce qui nous menace toujours, c’est le problème de l’emballement. Dans la rue, il faut maîtriser l’envie de pleurer, l’empathie, la violence, l’agressivité, le sentiment d’échec, les pensées qui surviennent lorsqu’une personne disparaît, lorsqu’elle meurt… »

 

Jamais ressoudé

 

Raymond revient sur ce cas douloureux d’une femme venue de Paris. Elle était un peu déficiente et buvait cinq litres de vin par jour. Un jour, une veine de son nez avait explosé, elle pissait le sang et semblait la première surprise. Il avait fallu la conduire à l’hôpital.

Elle avait vécu quelques temps dans le parking souterrain du Centre Bourse, avec Monsieur Behti qui y a élu domicile depuis au moins vingt ans. Quand ils fermaient le parking, elle se laissait enfermer dans le parking. Monsieur Behti ne la supportait pas. Il lui reprochait de boire et d’attirer les hommes qui venaient rôder autour d’elle.

Elle est morte de froid dans une cabine téléphonique. Elle s’était fait violer quatre ou cinq fois, on lui avait cassé le bras qui ne s’était jamais ressoudé.

Marie-France dit : « Les fragments d’histoires s’accumulent avec le temps, on emmagasine, on archive, sans faire de fiches, sans tenir de comptes, sans chiffre… Dans nos mémoires et parfois dans notre chair. »

 

Le regard dans la rue

 

Raymond conclut : « Le travail de rue, c’est être bien campé sur ses deux jambes et se balancer. On est sur une chaloupe. Il faut juste avoir l’œil. Avoir le regard vif. Le regard qui ouvre la porte et celui qui la ferme. Dans la rue, les gens qui ont une psychose te scannérisent. Le regard de l’œil va plus vite que n’importe quelle optique. Il va très vite et travaille avec l’inconscient. Il y a un regard qui rend vivant et un regard qui tue.»

 

Lancelot Hamelin

 

Cynthia Charpentreau est photographe. Son travail cherche à saisir le silence dans des images « hors temps ». On peut avoir un aperçu de son travail sur son blog :

http://cynthiacharpentreau.tumblr.com/

Elle se frotte parfois à la photographie de reportage, comme dans ce voyage que nous avons fait ensemble aux Etats-Unis pendant les élections présidentielles.

http://www.lesinrocks.com/2012/11/06/actualite/a-la-nouvelle-orleans-le-blues-du-lower-9th-ward-11321045/

Lancelot Hamelin est auteur de théâtre, publié aux éditions Quartett et Théâtre Ouvert. J’ai publié un premier roman chez L’Arpenteur-Gallimard, Le Couvre-feu d’octobre.

 

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ASSISES CITOYENNES pour l’hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social, les 31 mai et 1er juin 2013 à Villejuif

Nous attendons du nouveau Gouvernement, une refondation de la psychiatrie respectueuse des principes républicains et de l’éthique soignante.

Depuis des années, une succession de lois (Plan Juppé, HPST, 5 juillet 2011…) ont attaqué la possibilité du soin psychique, aussi bien en psychiatrie que dans le médico-social. Il en est de même de la relation éducative dans un contexte de cette nature. Ce qui est vécu douloureusement par les soignants, mais aussi par les patients et leurs familles.

La prise en charge relationnelle singulière est remise en cause au profit d’un formatage imposé par l’obligation de se plier à des protocoles élaborés par les « experts » de l’HAS et autres cellules qualités. L’HAS allant jusqu’à vouloir interdire la référence à la Psychothérapie Institutionnelle, alors que c’est de ce mouvement, dans sa diversité, que sont nés le Secteur et les formations de l’éducation spécialisée.

Nous appelons donc à des Assises citoyennes basées sur les témoignages et les expériences de terrain dans les collectifs de soin et les structures médico-sociales pour construire ensemble des propositions de refondation de la psychiatrie et du médico-social inscrites dans une relance et une réinvention de la politique de secteur, dans ses liens avec la psychiatrie privée et l’ensemble des acteurs de la vie sociale.

Ces assises se tiendront les 31 mai et 1er juin 2013.
Espace Congrés les Esselières – 94800 Villejuif
Métro Léo Lagrange (ligne 7)

Demandez le programme : Programme des ASSISES CITOYENNES pour l’hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social

Fiche d’inscription : Fiche d’inscription aux Assises citoyennes

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> « Pourquoi autant de personnes se réunissent-elles ? »

 

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« Pourquoi autant de personnes se réunissent-elles ? »

 
 
      
 
Pour le prochain séminaire d’Utopsy, nous recevons Alfredo Olivera, psychologue, fondateur de la radio La Colifata, la « radio des fous », à l’hôpital psychiatrique du Borda à Buenos Aires qui émet en direct tous les samedis après-midi depuis plus de vingt ans.
« Nous sommes les seuls fous à parler à la radio, si vous en entendez d'autres ce sont des martiens » : nous projetterons le documentaire de Chloé Ouvrard et Pierre Barougier « Radio La Colifata » réalisé en 2001.
 
La Colifata, c’est quelques dizaines de personnes qui se réunissent chaque semaine pendant sept heures dans les jardins de l’hôpital. Elle s’organise autour d’un « Dispositif Radiophonique de Groupe ». La parole surgit et fait évènement. Tout s’articule autour d’elle : la parole circule, spontanée, immédiate, et ces voix qui résonnent c’est comme des pulsations. La parole, au fond, comme prise de pouvoir sur la maladie, l’hôpital : quand le micro devient politique…
« Le travail à fabriquer de l’institutionnel se fait avec des riens, on peut alors parler de fissures de l’espace qui créent une place pour que quelqu'un puisse exister (Oury)» A La Colifata c’est bien de ça qu'il s’agit : exister, ouvrir des possibles. C’est la vie qui est là. On parlera certainement beaucoup durant l’après-midi de folie, de psychiatrie, de désir, de transfert, d’histoire, de mémoire, de collectif aussi- le collectif comme « machine à traiter l’aliénation » (Oury).
La Colifata, comme expérience, avec celles et ceux qui s’y tiennent, patients, soignants; auditeurs, au cœur, à la périphérie, à l’extérieur s’inscrit comme pratique instituante, productrice de subjectivité. Ce qui s’y construit et s’y déploie, c’est (peut-être) en fait, des liens qui créent un lieu pour habiter le monde…
 
Expérience précieuse à découvrir en ces temps où la parole du fou- malade- patient est mise à mal, à mort, où leurs (nos) sensibilités sont écrasées.  Dans ce contexte et face au discours politique, médical, scientifique qui ne vise dans le « soin » psychiatrique qu’à la normalisation des conduites et des populations, face à la loi du 5 juillet 2011 instaurant les soins sous contrainte en ambulatoire (l’asile chez soi), Utopsy prend part et appelle à la participation aux assises citoyennes pour la psychiatrie et le médico-social organisées par les CEMEA et le Collectif des 39 qui auront lieu les 31 mai et 1er juin 2013 à Villejuif :
« Nous appelons donc à des Assises citoyennes basées sur les témoignages et les expériences de terrain dans les collectifs de soin et les structures médico-sociales pour construire ensemble des propositions de refondation de la psychiatrie et du médico-social inscrites dans une relance et une réinvention de la politique de secteur, dans ses liens avec la psychiatrie privée et l’ensemble des acteurs de la vie sociale. » (prochainement l'annonce sur ce site.)
Il s'agit de défendre et de tenir, dans nos pratiques, au quotidien, une position éthique où s'articulent sans cesse la clinique et le politique. Nous pensons fort à cette phrase d’Artaud: « Veut on me condamner au néant sous prétexte que je ne peux offrir au monde que des fragments de moi-même ? »
 
Retrouvons nous.
 
Le Lieu-Dit
Dimanche 24 février
16h30
6 rue Sorbier
75020
métro Ménilmontant, Gambetta 


 


 
 

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> Des malades privés d’office de liberté

 

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Des malades privés d’office de liberté

Il y en a des corrects, d’autres dont on ne sait pas grand-chose. Dans ces unités, les règles sont claires : on y séjourne contre sa volonté. Jusqu’en 2008, il y en avait quatre, maintenant elles sont 10. Ces lieux, appelés unités pour malades difficiles (UMD), accueillent autour de 530 patients dont 40 femmes. Tous sont là par décision de l’Etat, hier nommée hospitalisation d’office. Endroits à part, entourés de murs et de chambres fermées. Parfois, il y a des grands fous, hospitalisés là après avoir commis des crimes insensés, et déclarés depuis irresponsables. Dans d’autres cas, ce sont des patients agités, ou perçus comme tels dans le service de psychiatrie où ils étaient. Exemple : la sœur de Sandrine Bonnaire a séjourné plusieurs mois dans une UMD parce qu’elle résistait aux traitements.

Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, est allé avec ses enquêteurs y jeter un coup d’œil. Son constat est sévère et, surtout, agacé : il rappelle, non sans pertinence, que «le droit fondamental selon lequel nul ne peut être arbitrairement privé de liberté s’applique évidemment aux personnes souffrant de maladie mentale». Celles-ci ne pouvant être privées de liberté qu’à trois conditions cumulatives : la maladie doit être indiscutable, le trouble est tel qu’il nécessite un internement et, enfin, il doit se prolonger pour justifier ce maintien.

Dans la pratique, qu’a-t-il vu ? Le contrôleur ne s’interroge pas sur la pertinence de la décision – ce n’est pas de sa compétence -, mais sur les conditions de sortie. Il a constaté que des patients étaient maintenus en UMD «malgré l’avis de la commission du suivi médical, et nonobstant l’avis du préfet qui a prononcé sa sortie». Il cite le cas d’un homme retenu depuis deux ans et demi dans une unités pour malades difficiles, alors que rien ne le justifie. Les raisons ? Elles sont toutes bêtes : bien souvent, l’établissement d’où vient le malade refuse de le reprendre. D’autres fois, le patient ayant erré d’hôpitaux en hôpitaux, l’UMD ne sait plus où le renvoyer. Ces personnes restent donc emprisonnées des semaines, voire des mois, alors que leur état ne le justifie pas.

Juste un dysfonctionnement temporaire ? Le contrôleur s’en inquiète : en quatre ans, il a été saisi près de 80 fois sur des questions similaires par des patients ou des psychiatres. Il a alerté cinq fois le ministère sur ces problèmes. Aucune réponse. D’où, aujourd’hui, via cet avis publié au Journal officiel, la demande formelle de l’envoi d’une circulaire préfectorale, rappelant l’obligation de trouver une place pour un malade dont le maintien en UMD n’est plus justifié, ni d’un point de vue médical ni pour l’ordre public. L’avis a déjà été adressé à la chancellerie et au ministère de la Santé. Pas de réponse, là non plus.

source: Libération

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>Appel pour des assises citoyennes pour l'hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social

Le collectif des 39 et les Ceméa

Organisent les 

ASSISES CITOYENNES POUR L’HOSPITALITE

EN PSYCHIATRIE ET DANS LE MEDICO SOCIAL

31mai et 1er juin 2013 à VILLEJUIF 94

Programme en cours d’élaboration

Une période politique vient enfin de se clôturer avec le départ de Nicolas Sarkozy qui s’était illustré en décembre 2008 par un discours criminalisant les malades mentaux. Cela s’est traduit par les mesures répressives contenues dans la loi du 5 Juillet 2011. Celle loi indigne – que nous avons ardemment combattue aux côtés notamment de l’ensemble des forces syndicales et des partis de gauche – à introduit la pratique de soins sans consentement au domicile du patient, pervertissant profondément la notion même de relation soignante qui ne peut s’instaurer que sur une confiance réciproque qu’il s’agit de construire. Cette loi met aussi bien souvent les familles dans une position intenable de lieu de soin pour des patients trop rapidement sortis de l’hôpital. 

Cette loi a déjà été remise en cause par le Conseil Constitutionnel, mais il ne suffira pas de l’abroger. Nous attendons du nouveau Gouvernement, une refondation de la psychiatrie respectueuse des principes républicains et de l’éthique soignante. Depuis des années, une succession de lois (Plan Juppé, HPST, 5 juillet 2011…) ont attaqué la possibilité du soin psychique aussi bien en psychiatrie que dans le médicosocial. Ce qui est vécu douloureusement par les soignants, mais aussi par les patients et leurs familles. La prise en charge relationnelle singulière est remise en cause au profit d’un formatage imposé par l’obligation de se plier à des protocoles élaborés par les « experts » de l’HAS et autres cellules qualités. L’HAS allant jusqu'à vouloir interdire la référence à la Psychothérapie Institutionnelle, alors que c’est de ce mouvement, dans sa diversité, qu’est né le Secteur !

Il est important aujourd’hui de reprendre une parole qui nous a été confisquée, ou même qui n’a jamais été donnée aux principaux concernés : ceux qui subissant leur maladie doivent aussi supporter la mise au silence, la privation de leurs droits fondamentaux et la réalité d’une ségrégation sociale. Des témoignages révoltants de cette dégradation nous reviennent de toutes parts. Il nous appartient au contraire d’affirmer qu’aujourd’hui d’autres pratiques sont à l’œuvre qu’elles se réclament de la Psychothérapie Institutionnelle, du Désaliénisme, du Secteur, de la Psychanalyse, ou tout simplement d’une conception humaine de la relation soignante. 

La refondation de la psychiatrie ne peut venir des « experts » de l’HAS, mais d’une prise de parole active de tous ceux qui se sentent concernés  dans leur vie:  soignants, patients et familles ; mais aussi artistes et créateurs qui ont pour beaucoup soutenu notre combat dès les premiers instants, et enfin tous les citoyens qui ne peuvent supporter que des lois s’attaquent aux fondements de la République en bafouant les droits de ceux qui mériteraient  au contraire la  protection de la cité. 

Pour cette refondation de la psychiatrie nous aurons à faire l’inventaire de toutes les lois empêchant le soin pour demander leur abolition. Mais aussi à définir les moyens et les formations spécifiques nécessaires pour une psychiatrie centrée sur le soin de personnes en souffrance psychique et non sur la normalisation des conduites et des populations.

Nous appelons donc à des Assises citoyennes basées sur les témoignages et les expériences de terrain dans les collectifs de soin, pour construire ensemble des propositions de refondation de la psychiatrie et du médicosocial inscrites dans une relance et une réinvention de la politique de secteur, dans ses liens avec la psychiatrie privée et  l’ensemble des acteurs de la vie sociale.

sante.mentale@cemea.asso.fr

 

 

Secteur travail social et santé mentale

Tél. : 01 53 26 24 24

Fax : 01 53 26 24 19

 

Espace Congrès des Esselières 94800 Villejuif (Métro Léo Lagrange- ligne 7)

 

 

3 Blvd Chastenet de Géry Rond-point du Général de Gaulle Appel du 18 Juin 1940

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> Les psychologues, mal aimés, mal traités

Les psychologues, mal aimés, mal traités

Un jeune psychologue de l’hôpital psychiatrique d’Antony, près de Paris s’est donné la mort, la semaine dernière. Il y travaillait depuis deux ans. Y a-t-il un acte plus délicat à comprendre qu’un suicide ? On sait que les raisons peuvent être multiples et si complexes. Se taire, alors ? Préciser simplement : «C’était un jeune homme, dynamique, pondéré, apprécié, très engagé auprès des patients», comme l’a raconté un de ses collègues. Que dire d’autres ? L’hôpital d’Antony n’est pas n’importe quel lieu. Il est malheureusement bien connu, depuis le discours, le 2 décembre 2008, de Nicolas Sarkozy, alors président. Celui-ci avait tenu, là, des propos ahurissants sur la psychiatrie, mettant en avant uniquement des impératifs sécuritaires, promettant des chambres d’isolement et des bracelets électroniques aux patients trop remuants.

Y a-t-il un lien ? Evidemment non. Un psychologue est juste mort, mais voilà depuis quelque temps que, dans les hôpitaux psychiatriques, les psychologues sont attaqués. Dans le monde de la santé mentale, c’est la profession la plus ballottée, la plus mal payée (2 200 euros pour un temps plein avec quinze ans d’ancienneté), sans défense, peu reconnue, coincée entre des psychiatres souvent repliés dans leurs égocentrismes et le personnel soignant qui fait tourner le service vaille que vaille. «Que faire dans des services où les patients sont enfermés et abrutis de médicaments ?» notait il y a peu une psychologue hospitalière sur son blog. «Où est notre place, pour simplement parler et penser ?»

A l’hôpital d’Antony, les tensions sont nombreuses. Au point qu’il y a eu des courriers du Syndicat national des psychologues à la direction de l’hôpital, puis à la direction de l’offre des soins au ministère de la Santé pour dénoncer «des risques extrêmement élevés». Pas de réponse. «On ne peut pas ne pas s’interroger entre ce décès et les attaques répétées contre les psychologues», explique Simone Molina, figure du milieu de la psychologie clinique. «Nous ne voulons en rien instrumentaliser ce décès, mais il s’agit aussi de voir là un signe terrible de ce que produit le harcèlement au travail, comme cela fut le cas à France Télécom, ou encore à l’hôpital de Villejuif, ou dans d’autres hôpitaux.» Un syndicaliste CFDT de préciser plus fortement, encore : «Le problème, c’est que l’institution psychiatrique devient pathogène. Qu’est-ce que l’on fait, nous psychologues ? Partir ? Mais pour aller où ?»

A l’hôpital d’Antony, on se tait. On refuse de commenter un «geste personnel», et on évoque l’impudeur de ceux qui posent des questions. «Si on parle souvent de ce qui empêche les soignants de travailler, on n’aborde rarement ce qui les détruit», lâche un médecin du travail.

source Libération

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> Saint-Alban déprime

 

Saint-Alban déprime

 

Saint-Alban sur Limagnolepetit village de Lozère, bénéficie dans le secteur de la santé mentale d’une réputation exemplaire. Cité dans les hautes sphères de la psychiatrieil a vu naître après-guerre une approche humaniste du soin. Ce lieu insolite a su accueillir la différence et estomper les frontières ; entre la folie et le « normal », entre l’hôpital et le milieu « ordinaire ».
Modèle de tolérance, Saint-Alban est porteur d’une histoire dont ses habitants devraient s’enorgueillir.
Mais depuis peu, un événement vient ébranler ce pourquoi nous sommes fiers d’être saint-Albanais :
Lmajorité des commerçants saint-albanais estimant que "certains sont plus égaux que d'autres" (Coluche)a adressé une pétition au Directeur du centre hospitalier, exprimant le souhait de ne plus subir la présence d’un certain nombre de concitoyens résidant à l'hôpital.
Mais ces revendicateurs n'auraient-ils pas oublié de tout évaluer, peser, doser, comme ils savent si bien le faire d'habitude, avant de nous vendre ce produit fini noirci d'immondices? Ont-ils oublié que la survie de leur boutique dépend de ces "perturbateurs" ?
Ces doléances sonnent comme un glas. Un souffle glacial traverse la Grand'Rue, depuis que leurs mots ont lacéré les flancs de notre colline, peuplée de si belles âmes.
Que nous soyons sous tutelle ou sous curatelle, sous Rivotril ou sous vidéo-surveillance; psychotiques ou névrosésbipolaires ou binoclardsnous sommes tous résidents Saint-albanais et citoyens, parce qu'humains.
Commerçants saint-albanais, lisez cette définition, elle vous concerne :
Tirer sur l'ambulance: " Accabler quelqu'un qui est dans une situation désespérée. S'acharner sur quelqu'un que le sort a déjà beaucoup éprouvé.
L'image de cette expression est très explicite : une ambulance transporte généralement un malade ou un blessé. Alors vouloir tirer sur l'ambulance, ce n'est certainement pas pour en accélérer la guérison du passager, mais plutôt avec l'intention de l'achever complètement. (expressio.fr)
Vous avez tiré sur l'ambulance! Quelle sorte de colère vous assaille pour vous tromper à ce point de cible?
La population Saint-Albanaise étant principalement composée de salariés, retraités et usagers de l'hôpital, puis de commerçants ; tirer sur l'ambulance revient pour vous, à vous tirer une balle dans le pied.

 

Rappel: Les propos et actes discriminatoires sont punis par la loi.
Collectif d’indignés Saint-Albanais


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