> Lettre aux amis de la pédopsychiatrie d'aujourd'hui

Lettre aux amis de la pédopsychiatrie d’aujourd’hui

Pierre Delion, Lille le 20 Mars 2012, jour du printemps

mardi 20 mars 2012, par Michel Balat

Chers amis, nous voilà maintenant dans une situation extrêmement préoccupante au sujet de l’autisme et des recommandations qui viennent de sortir de l’HAS, puisque les soins seront prescrits, pour certains d’entre eux par des forces extérieures à notre corps professionnel. Je ne dis pas que seuls les pédopsychiatres doivent indiquer des soins, puisque l’expérience de la psychothérapie institutionnelle nous a justement appris à partager nos décisions avec l’ensemble de nos équipes, à prendre en compte les avis de nos partenaires, et le tout, sous l’égide bienveillante des parents, quand cela est possible. Mais là, nous faisons une nouvelle expérience, celle d’avoir à assumer des décisions venues de l’extérieur de notre champ de compétences, et qui, selon notre expérience antérieure, semble peu adaptées, sinon inadaptées aux problèmes rencontrés. L’exemple du packing vient immédiatement à l’esprit et va être dans les semaines qui viennent un réel problème lorsqu’il va nous falloir répondre aux parents qui veulent à tout prix continuer ce soin pour leur enfant, alors que, hors de la recherche lilloise, la HAS, instance opposable en droit, s’y oppose formellement, même à titre exceptionnel. Ces parents nous rappellent d’ailleurs qu’ils n’ont pas été consultés dans ces décisions, alors qu’ils étaient les premiers concernés par leurs enfants bénéficiant du packing. Voilà un exemple à partir duquel nous allons devoir réfléchir pour trouver des aménagements, sans nous mettre en danger puisque vous savez que le président de "vaincre l’autisme" a prévenu qu’il intenterait un procès en justice à toute personne dérogeant à ces recommandations. On peut lui faire confiance sur sa détermination à ce sujet. Mais voyons plus globalement comment va se passer la suite. J’ai peur que, concernant les autres soins relationnels, la même procédure soit mise en place assez rapidement : la pataugeoire, l’équithérapie, les ateliers conte et autres activités thérapeutiques des hôpitaux de jour de nos secteurs de pédopsychiatrie. Comment va-t-on précéder ? Allons nous laisser éradiquer ces outils thérapeutiques sur lesquels nous instituions nos soins avec les enfants ? Comment dès lors mettre davantage les parents des enfants que nous soignons dans le coup de ces nouvelles modalités de soins imposées ? Jusqu’alors j’avais toujours eu beaucoup de réticences à le faire. Pour le packing, j’avais vraiment résisté à l’idée de demander aux parents de prendre partie pour défendre le soin de leur enfant, pensant que nos organisations professionnelles le feraient sans réticences. L’histoire récente nous montre qu’il n’en est rien et que nous allons devoir changer de stratégie à ce propos. Il va nous falloir permettre aux parents engagés avec nous dans les soins de leur enfant soit de fonder de nouvelles associations, soit de s’engager dans les associations existantes pour y apporter d’autres points de vue demeurés en retrait jusqu’alors. En effet, lorsque je discute avec des parents, engagés que nous sommes avec eux dans une confiance réciproque nécessaire à tout soin de leur enfant, je suis frappé de voir comment ces parents jugent les réactions des représentants d’associations de parents d’enfants autistes avec étonnement et sagesse. Avec étonnement, car il leur paraît souvent curieux que ces parents puissent avoir une telle haine vis à vis des pédopsychiatres et de leurs équipes, sauf à considérer qu’il s’agit d’expériences traumatiques anciennes qui tournent en boucle sur les forum et dans les discussions des détracteurs. L’hypothèse la plus vraisemblable est que ces parents ne sont plus en lien avec nos équipes à la suite de désaccords sans doute compréhensibles, mais généralisés à outrance. Avec sagesse, et l’exemple le plus frappant qu’ils prennent, là encore, est celui du packing, car ces parents pensent que les principaux détracteurs ne savent visiblement pas de quoi ils parlent, si j’en juge aux films d’horreur que "vaincre l’autisme" monte et promeut pour démontrer l’inanité de cette technique, comme si leur avis de témoins ne suffisait pas à convaincre. D’ailleurs, je suis très étonné que le président de "vaincre l’autisme", si prompt à faire des procès, n’ait pas encore trouvé un seul cas de parents prêts à le suivre pour les reproches qu’il fait au packing. Cela devrait attirer l’attention d’un pouvoir scientifique, l’HAS, sur l’écart entre ce qui est proféré avec une extrême violence et la réalité de ce qui est dénoncé. Mais cela devrait surtout attirer l’attention des pouvoirs publics et des politiques qui, loin de tempérer ces excès, s’en servent lâchement pour ne pas répondre aux besoins énormes dont il est question dans cette guerre de l’autisme. Pour avancer sur ces problèmes importants, il faut une nouvelle approche qui prenne en considération les avis de tous les parents et pas seulement ceux qui sont contre. Il nous reste à trouver les moyens de déclencher un tel débat.

 

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>"Il faut mettre un cran d’arrêt à cette frénésie évaluatrice" (Pierre Dardot, meeting du 17 mars)

 

Prenant connaissance de la teneur de la déclaration de la HAS, ma première réaction a été de me dire « le masque est tombé ! ». De fait, jusqu’à présent, notamment depuis 2005, on avait eu droit à des recommandations assez floues et à des formulations atténuées. Mais je crois en même temps qu’il faut voir clair dans la stratégie mise en œuvre par cette instance et, au-delà d’elle, par le pouvoir politique dont elle n’est finalement qu’un relais complaisant. On brandit la menace d’une interdiction de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle dans un délai d’un an, mais pour ceux qui profèrent de telles menaces la question est de savoir comment s’y prendre pour interdire, puisqu’on peut difficilement interdire directement par le biais de la loi, car on s’exposerait alors au risque de l’inconstitutionnalité.

La Haute Autorité de Santé se présente invariablement comme « une institution scientifique complètement indépendante de toute pression », selon les propos de Jean-Luc Harousseau, et son discours se pare volontiers du prestige et de l’autorité de la science.

Il s’agit en réalité de tout autre chose que de la science. Il ne s’agit en aucun cas d’une nouvelle « querelle des méthodes », c’est-à-dire d’une querelle interne au champ de la science qui opposerait  deux méthodes prétendant l’une et l’autre à la reconnaissance de leurs titres à la scientificité. Il s’agit bien plutôt d’un « savoir » dont le caractère normatif est l’essentiel, c’est-à-dire d’un savoir dont la vertu principale est de produire des effets de pouvoir en édictant « ce qui doit être ». A en croire ce savoir, l’individu est ses neurones ou ses gènes.

Un innéisme rudimentaire lui tient lieu de credo d’autant plus indiscutable qu’il refuse de s’avouer pour ce qu’il est, à savoir une pure construction intellectuelle. Dans cette entreprise il peut d’ailleurs s’étayer du caractère prétendument « non-théorique » que le DSM revendique pour lui-même. De manière plus générale, on a affaire à un discours qui glisse continuellement de « ce qui est » à « ce qui doit être », c’est-à-dire qui s’autorise de la description ou de l’explication pour prescrire (l’autisme a une base génétique ou neurologique, donc il doit être traité exclusivement comme un « trouble du développement »).

Dans ce registre la norme est toujours présentée comme une « règle naturelle » qui s’impose d’elle-même tant elle relève d’une irrésistible évidence, et c’est d’ailleurs pourquoi ces recommandations sont égrenées sur le mode anodin d’un solide bon sens auquel il est vain d’adresser une objection, tout simplement parce qu’on ne peut rien objecter à ce qui est neutre.  Que de formules lénifiantes n’a-t-on pas entendu ! « C’est pour le bien de tous, et surtout pour le bien des enfants autistes et pour soulager la détresse des familles, que nous faisons ces recommandations », « nous invitons à une approche pluridisciplinaire », « bien entendu il ne faut pas imposer mais proposer ».

Mais ce que dissimulent mal de telles formules, c’est l’implacable logique d’un « savoir » dont le dernier mot est toujours : « il n’y a pas d’alternative », « il n’y a rien d’autre à faire ». C’est pourquoi je crois que la meilleure dénomination qui revient à cette instance est en effet, comme le dit la déclaration des 39, celle de « Haute Autorité Sachante », surtout pas « Haute Autorité Savante », avec tout ce que ce participe présent adjectivé peut signifier en matière d’infatuation, de suffisance et de morgue.

Il suffit de prêter attention aux propos de certains porte-parole de la HAS pour s’en convaincre. Le Professeur Philippe Evrard, neuropsychiatre, président du groupe de pilotage de la HAS/ANESM (Quotidien du médecin en date du 12/03/2012, rubrique « Questions d’expert »), après avoir déploré le retard de la France sur le plan quantitatif et s’être fait l’avocat de la pluridisciplinarité, répond en ces termes à cette question, dont je vous laisse apprécier le libellé : « Quelle doit être la posture des médecins vis-à-vis de ces troubles ? » : 

« Il faut prendre en considération les préférences ou les décisions des parents. Pour ce dernier point il faut entraîner une compétition minimale parce que, comme l’outil à la disposition des personnes autistes et de leurs familles est très insuffisant quantitativement en France, forcément les parents n’ont pas beaucoup l’occasion de contester la prise en charge quelle qu’elle soit, blanc ou noir, dans la mesure où ils sont totalement dépendants des possibilités qu’il y a autour d’eux » (nous soulignons). 

Le projet qui sous-tend de tels propos est on ne peut plus clair : il s’agit moins d’interdire dans la forme juridique de la loi  que de mettre en place un marché des traitements de l’autisme par la mise en concurrence des « approches » dont les parents, incités à les « contester », seraient in fine les arbitres. L’aveu est d’autant plus significatif que la justification de cette mise en concurrence est la pénurie des moyens désignée par l’euphémisme de l’« insuffisance quantitative ». On a là très exactement le même scénario que celui qui se dessine dans l’Education nationale : on enjoint aux enseignants de travailler avec moins de moyens et on organise en même temps un marché de l’école en encourageant les parents d’élèves à se comporter en clients mettant les écoles en concurrence les unes avec les autres pour le plus grand bien supposé des élèves, de telle sorte que, moyennant cette pression, on met les enseignants eux-mêmes en concurrence les uns avec les autres.

On fera sans doute valoir que la concurrence est parfois saine et qu’elle bénéficierait tant aux parents qu’à leurs enfants. « Que le meilleur gagne ! », peut-on souvent entendre. Mais il suffit de considérer selon quelles règles cette concurrence serait mise en place pour comprendre que les dés sont pipés et que certaines approches sont disqualifiées d’emblée. 

Répondant à une question du QM du 08/03/12 (« Certains psychiatres ne doivent-ils pas changer de paradigme vis-à-vis de pratiques décriées dans l’autisme comme la psychanalyse ? »), le Professeur Harousseau nous livre cette réflexion de « sachant »: 

« Cela fait plus de 30 ans que l’on propose ou que l’on impose des approches psychanalytiques sans que ces approches aient fait la preuve de leur efficacité. C’est absolument étonnant ! N’importe quelle intervention sur le corps humain est évaluée et on sait quand même dire si ça marche ou si ça ne marche pas, actuellement plus de 30 ans après on ne sait pas dire (si ces approches marchent ou non). Deux possibilités : ou on arrête ou on fait des essais cliniques. C’est aux psychiatres eux-mêmes de le dire. Les psychiatres doivent se remettre en question et doivent évaluer leurs approches sur des critères objectifs d’intégration de l’enfant dans la société (nous soulignons). »

Tout est dit en quelques mots. L’alternative énoncée : « ou on arrête, ou on fait des essais cliniques » n’est en réalité pas une alternative du tout.  Car comme on fait des essais cliniques dans le seul objectif d’évaluer selon un critère, celui de l’adaptabilité sociale, qui est par définition étranger aux approches psychanalytiques, comme on ne peut évaluer « objectivement » la dimension du désir inconscient et du relationnel, l’alternative « ou on arrête, ou on fait des essais cliniques » devient finalement une injonction brutale : « ou on arrête, ou on arrête » ! En d’autres termes, on demande à l’une des approches d’accepter de se laisser juger selon des critères taillés sur mesure par l’approche « concurrente ».

On a là le fin mot de l’affaire : on attend de la mise en concurrence organisée qu’elle valide par son verdict la condamnation prononcée à l’encontre des approches psychanalytiques, autrement dit on met en place un marché et on charge le marché de valider a posteriori par le jugement des parents promus clients la condamnation a priori des approches psychanalytiques. Dans un an le marché aura tranché et les pratiques psychanalytiques seront sanctionnées par la loi de l’offre et de la demande, la place sera enfin  libre pour un marché des soins de l’autisme dominé par l’« offre » comportementaliste et neurologique. On ne s’étonnera pas après cela de l’intérêt très vif porté à cette offre par le courant dominant en économie, celui-là même qui entend réduire chaque individu à un calculateur soucieux avant tout de « maximiser » son intérêt.

Il faut mettre un cran d’arrêt à cette frénésie évaluatrice qui procède d’une logique comptable proprement infernale visant à faire de chaque subjectivité une valeur à valoriser dans le jeu de la concurrence avec les autres. Cette logique a un nom qu’il ne faut pas hésiter à lui donner, elle n’est rien d’autre que la logique capitaliste, celle qui soumet chaque sujet à la loi du « encore-et-toujours plus » en le condamnant à rendre en permanence des comptes. Il faut affirmer haut et fort que nous ne nous résignerons jamais à subir cette logique normative et que nous refusons l’idée de l’humain qu’elle met en œuvre.

Il ne s’agit aucunement d’opposer une idée abstraite de l’homme comme « âme » ou « esprit » à l’individu-cerveau, il s’agit de porter une certaine idée de l’humain dans des pratiques fondé un travail relationnel, ce qui est tout autre chose. De ce point de vue, il faut dire, au-delà du cas particulier de la HAS qui n’est qu’un appareil de pouvoir totalement discrédité, que les seules règles acceptables ne sont pas celles qu’édicterait une instance qui s’érigerait en gardienne des bonnes pratiques, mais que ce sont celles que font vivre nos pratiques parce que ce sont celles qui s’élaborent dans et par ces pratiques.

C’est là la seule manière de redonner tout son sens à la belle idée d’émancipation : en dernière analyse, il n’y a que des pratiques d’émancipation qui puissent porter et faire vivre l’idée d’émancipation.

PIERRE DARDOT


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> communiqué suite du meeting du 17 mars 2012

Collectif des 39 contre la Nuit Sécuritaire

 

 

Communiqué de Presse

Lundi 26 mars 2012

 

Quelle hospitalité pour la folie en 2012 ?

 

Le 4ème meeting National du collectif des 39 s’est déroulé samedi 17 mars à Montreuil. Plus de 1200 personnes ont participé avec une grande attention durant toute la journée aux débats et aux témoignages des professionnels et des patients ou familles de patient, aux interventions de neurobiologiste, de philosophe. Il s’en est dégagé souvent une vive émotion et toujours une grande force de conviction et de détermination pour soutenir  l’hospitalité en psychiatrie.

 

Autant par le nombre que par la pluralité des personnes, par la diversité de leur place comme de leur statut, la légitimité et la justesse de la dynamique maintenue depuis 3 ans par le collectif des 39 en est confirmée. L’affirmation de nos valeurs, de nos résistances pour promouvoir un accueil de qualité et une attention des pouvoirs publics quant à l’importance des soins psychiques en est sortie plus forte.

 

La nécessité d’abroger les lois sécuritaires, gestionnaires, liberticides, est un de nos objectifs essentiels. C’est aujourd’hui un de nos mots d’ordre.

 

-Abrogation de la Loi du 5 juillet 2011 concernant les soins sans consentement.

-Abrogation de la Loi hôpital Patient Santé Territoire.

-Revalorisation et renforcement de la politique de secteur, notamment par un budget spécifique pour la psychiatrie.

– Abandon du projet de valorisation de l’activité en psychiatrie pour le maintien d’un budget global.

-Dissolution de l’instance de la Haute Autorité de Santé.

 

Durant le meeting, les différents partis de gauche, les représentants des candidats à l’élection présidentielle ont exposé leur position concernant la politique à mener en matière de soins psychiques. Le Front de Gauche – Parti de Gauche, PC-, EELV, le NPA, L.O. ont pris des engagements très clairs. Les représentants des candidats de ces partis ont donné un écho favorable au Manifeste dans lequel le collectif des 39 présente ses propositions. Le Parti Socialiste, par la voix de son représentant s’est prononcé pour un aménagement de la loi HPST, un abandon de la tarification à l’acte sans assurer une enveloppe globale et une réorganisation de la HAS. À propos de la loi sur les soins sans consentement du 5 juillet 2011, il en a dénoncé le caractère sécuritaire, sans engagement sur son abrogation. Il a par contre évoqué que ce sera au Parlement nouvellement élu en juin 2012 de revenir sur ces lois.

 

Pierre Joxe, ancien ministre, présent avec le collectif des 39 ce samedi pour dénoncer la régression de la justice des mineurs et les attaques contre la prévention, a rappelé la responsabilité et le pouvoir des parlementaires dans l’écriture des textes de lois. La mobilisation auprès des députés est de toute évidence indispensable.

La Haute Autorité de Santé s’est totalement discréditée avec la parution de son rapport du 8 mars dernier, déclarant "la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle non consensuelles » pour la prise en charge de l'autisme, et interdisant la thérapeutique par le packing. Le collectif des 39 dénonce la dérive de cette instance.

Les 1200 personnes présentes ont manifesté leur soutien total au Professeur Pierre Delion, violemment attaqué, qui a été ovationné à l'issue de son intervention digne et combative. 

Il est aujourd’hui clair que toute participation à cette instance anti-démocratique contribue à renforcer une entreprise idéologique visant à briser toute approche psychodynamique de la psychiatrie, à entraver la dimension thérapeutique pour les personnes  autistes. Nous appelons tous les professionnels soignants à quitter leur fonction de cette instance.

 

 

Le Collectif des 39 a donné rendez vous à l'automne, à toutes celles et tous ceux qui veulent continuer ce combat, lors de l'organisation des assises pour une psychiatrie fondée sur l'hospitalité.

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> Expérience(s) cinématographique(s)

SEMAINE  CINEMATOGRAPHIQUE

 

 

organisée par CINEFIL (Blois)

 

À la marge…

expérience(s) cinématographique(s)

 

du jeudi 10 au mercredi 16 mai 2012

 

 

Expérience(s) cinématographique(s) : « Des films il y en a beaucoup, les expériences sont rares ». L'association Cinéfil propose une semaine d'aventures filmiques, largement accompagnées, pour témoigner d'expériences collectives avec le cinéma en ligne de mire.

Loin de figer « la marge » dans une représentation du pathos ou une visée stigmatisante consistant à montrer les fous, les pauvres, les exclus de la société, les marginaux – ce qui revient à ériger des frontières entre soi et les autres, à figer un territoire – nous souhaitons non pas séparer mais rassembler ; ajuster la focale, donc le regard, sur un paysage « pathique », à la manière d'un voyageur qui lors d'une traversée s'éprouve et éprouve le monde.

Il ne s'agira pas de projeter une « contre-image » en réaction à l'image souvent désastreuse que l'on donne de la folie ou de ceux qui sont exclus de la norme, mais d'accompagner le spectateur en l'invitant à augmenter ses connaissances en produisant une ouverture du regard.

 

« L'image ne peut être dite historique qu'à condition de rester vivante » (Agamben). Le cycle que propose Cinéfil explorera les liens étroits entre cinéma et histoire, en traversant plusieurs domaines tels que la folie, la lutte, le politique, l'art, « la caméra… outil thérapeutique » et la musique.

 

« Il n'y a de la vie que dans les marges », disait Balzac. Comment cela peut-il se traduire en images ? Nous baignons tous les jours dans un excès d'images. Même les festivals sur « cinéma et psychiatrie » sont à la mode… Chaque « festival » comporte toujours le risque de massifier les choses et de fétichiser ; de trop grands projecteurs ont tendance à écraser ce qu'ils veulent montrer, alors que « ce qui compte, c'est ce qui ne se voit pas ». Travail invisible (Jean Oury).

 

Pour une marge possible et nécessaire. Laisser apparaître dans l'image ce qui est « sans-image ». C'est ce que Walter Benjamin appelait « le refuge de tout image ».

 

Marge, marque, marche. Un certain cinéma; en dehors ou en marge du circuit économique classique (qui fait l'économie de l'économie) sera notre visée. Sortons du formatage, de la narration ficelée… de la « monoforme » (Watkins).

 

UN AVANT-GOÛT DE LA PROGRAMMATION ET DES ÉVÈNEMENTS…

 

La semaine « A la marge… expérience(s) cinématographique(s) » de Cinéfil se tiendra du jeudi 10 mai au mercredi 16 mai 2012 à Blois et ses alentours.

Nous sommes heureux d'accueillir durant cette semaine Patrick Leboutte, critique, essayiste, professeur à l'INSAS en Belgique, éditeur de la collection DVD – Le Geste cinématographique, Éditions Montparnasse (Fernand Deligny, Jean Rouch, Jean Vigo, Jean-Louis Comolli, …).

 

Le cinéma pour lequel milite Leboutte est celui qui « répare là où le marché sépare » : « Le cinéma ne devrait pas être ce qu'il a l'habitude d'être dans une époque de standardisation des images ou même le cinéma d'auteur est formaté ».

 

Patrick Leboutte nous convie à venir « travailler » avec lui du samedi 12 au lundi 14 mai, lors de trois modules autour du thème suivant : « Le cinéma dans son plus simple appareil », à savoir des discussions à partir d'extraits filmiques pour aborder « le geste documentaire : une expérience artistique » et « parole des femmes, mémoire du peuple ».

Dans la matinée du dimanche 13 mai nous partirons en balade-cinéma avec Patrick Leboutte, une marche dans-autour de Blois.

 

La semaine sera rythmée par de multiples occasions de discuter. Ainsi, vendredi 11 mai, en soirée, Sébastien Layerle (professeur de Paris III), invité du « Café Historique » (Rendez-vous de l'Histoire), animera un débat autour du « cinéma militant », la « caméra en lutte ».

 

Tout au long de la semaine, Cinéfil propose plusieurs films au Cinéma Les Lobis, à Blois. Quelques-uns sont déjà réservés :

 

      Le grand' tour ; de Jérôme Le Maire, avec la fanfare « la casserole » des Montils, ouverture du cycle, le jeudi 10 mai

      Les chants de Mandrin. Film de l'auteur, scénariste, acteur et producteur Rabah Ameur Zaimeche.

      Le plein pays ; d'Antoine Boutet.

      Regard sur la folie suivi de La fête prisonnière; de Mario Ruspoli, en séance unique, en présence de Jean Oury

 

PSYCHOTHÉRAPIE INSTITUTIONNELLE…

 

Inter-Club : expérience de la marge dans les ateliers de cinéma en milieu institutionnel

L'après-midi du samedi 12 mai 2012 sera consacrée à une présentation de films réalisés par les ateliers cinéma des cliniques de La Borde, Saumery et La Chesnaie.

 

L'Inter-club des trois cliniques dites de « psychothérapie institutionnelle » a organisé en amont du cycle proposé par Cinéfil plusieurs séances de visionnage d'une dizaine de films, court et moyen métrages, suivies de discussions, échanges et in fine sélection avec les pensionnaires et soignants.

Cette expérience de rassemblement collectif, assidu, donnera un résultat pour le moins inattendu en matière de cinéma et ouvrira un questionnement sur : Où se place la caméra ?, Dans quel contexte se situe-t-elle ?, Qui filme et fait le montage ?, Comment construire un film de façon collective ?, Qu'est-ce que filmer et être filmé ?, autant de questions sur la marge dans la marge pour un partage.

  

Regard sur la folie suivi de La fête prisonnière (1962) ; films de Mario Ruspoli

Ce film sera diffusé le dimanche 13 mai, en fin d'après-midi, en séance unique, en présence de Jean Oury, fondateur et médecin-directeur de la clinique de la borde.

 

Artisan et théoricien du cinéma direct (terme qu'il a proposé en contraste avec cinéma-vérité d'un Jean Rouch ou Joris Ivens) dans les années 60, Mario Ruspoli filme l'hôpital psychiatrique de Saint Alban avec une caméra 16mm Coutant et un magnétophone synchrone (avancées technologiques).

Les séquences filmées dans cet hôpital témoignent du début de la psychothérapie institutionnelle. On y voit François Tosquelles, réfugié du franquisme, à l'écoute du comité de rédaction du journal Le trait d'union, ou encore le psychiatre Roger Gentis à l'écoute au chevet d'un malade.

Parfois les images seront hors synchrone, la liberté du son et de l'image est devenue possible.

Michel Bouquet lit un commentaire en voix off, magnifique ! Extrait d'Antonin Artaud.

 

Le cinéma de Mario Ruspoli, tel qu'il le définit dans son manifeste « le groupe synchrone cinématographique léger », veut être dans un rapport direct qui ne déforme pas ce qui se passe là par la présence de la caméra. Pour cela, les trois personnes de l'équipe de tournage devront se mouvoir comme un seul corps (impossible sans une amitié et une confiance forte) qui doit devenir invisible. Appartenir au paysage, se faire oublier pour laisser apparaître.

 

Mario Ruspoli a su capter ce moment inaugural de la psychothérapie institutionnelle dans ses dimensions politiques et historiques. Tout comme Tosquelles met en cause la psychiatrie, Ruspoli veut expérimenter un nouveau cinéma. Ils partagent une même éthique qui restaure la parole comme lieu de vérité, dans une non-hiérarchie de filmants-filmés, soignants-soignés, dans une présence et une attente réceptive.

Questionnons ce partage.

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> « On n’est pas fatigué mais on risque d’être fatiguant. »

Meeting des 39, le combat continu…

« On n’est pas fatigué mais on risque d’être fatiguant. »

 

Compte rendu

 

Le conciliabule s’est rendu au 4éme meeting de psychiatrie du 17 mars dernier, organisé par le collectif des 39 à Montreuil à la maison de l’arbre. La journée interrogeait : quelle hospitalité pour la folie en 2012 ? , et s’est déroulée autour de trois tables rondes ciblant trois des combats actuels dans les politiques concernant la psychiatrie : le sécuritaire, le scientisme et la norme. La loi du 5 juillet dernier concernant les soins sous contraintes a domicile et les derniers positionnements de l’HAS (Le 9 mars, la Haute Autorité de santé (HAS) a déclaré que non seulement «le packing ne devaiten aucun cas se faire», faute d’avoir été évalué, mais aussi que «la psychanalyse, comme la psychothérapie institutionnelle, n’étaient pas recommandées dans la prise en charge de l’autisme».) étaient aux cœurs des débats mais il a aussi était évoqué les conséquences dramatiques de la T2A, du DSM, de ABA, et de la loi HSPT.

 

De nombreux professionnels mais aussi soignés et membres de familles de patients ont répondu a l’appel des 39. Le meeting a rassemblé plus d’un millier de personnes. Malgré la gravité des annonces autour de ces réformes économiques, calomnieuses  et la lourdeur du combat simplement pour maintenir un soin humain, une humanité et une force impressionnante ce sont dégagés de cette journée.

Une pluralité d’intervenants se sont succédés (Hervé BOKOBZA, Lysia EDELSTEIN, Sylvianne GIANPINO, Serge KLOPP, Serge PORTELLI, Pierre SADOUL, Pierre JOXE, Philippe BICHON, Jacqueline Berger , Loriane BRUNESSAUX, André CORET, Guy DANA, Francois GONON, Patrick CHEMLA, Mathieu BELHASSEN, Marie CATHELINEAU, Helene DAVTIAN, Pierre DARDOT, Pierre DELION, Camille, Fred, Mathieu….). Psychiatres, psychologues clinicien, psychanalystes, cadres infirmiers, infirmiers magistrats, avocats, ministres, philosophes, patients,  se sont retrouvés autour d’un même consensus et avec la même rage de conviction : de l’humanité et du respect pour les soins. Le jugement, le gardiennage et le turn over des lits n’est pas l’affaire des soignants.

           

 

Le meeting s’est ainsi ouvert sur une vidéo interview de Lucien BONNAFE  qui nous rappelle que « toutes les opinions ne sont pas respectables. ». Puis Emile LUMBROSO membres des 39 a énoncé l’argumentaire de la journée. « Ce qui est imposé c’est l’interdit de penser » montrant ainsi qu’un degré de plus était franchi puisqu’il y a peu encore certain disait « On ne nous interdit pas de penser on nous en empêche ». Il est rappelé aussi  qu’il est désormais demandé aux soignants d’être « des techniciens du psychisme » sans formation, en comptant leurs actes et appliquant des lois qui viennent interroger sur où est l’hospitalité pour la folie ? Ou bien encore pour reprendre les mots Patrick COUPECHOUX de : « Comment la société d’aujourd’hui traite-t-elle ses fous ». Faut il encore rappeler, crier haut et fort ce que François TOSQUELLES  a défendu  « la santé c’est la capacité d’humaniser les soins ».

Par la suite, plusieurs interventions ont été poignantes. Celle de Pierre DELION qui faut-il le rappeler est fortement attaqué pour sa pratique du packing auprès d’enfant autiste et ce sans fondements plausibles.

 

Pierre DELION a été accueilli par la foule qui lui a fait un « standing ovation » de plusieurs minutes montrant ainsi son soutien. Face a cette accueil Pierre DELION a été submergé par l’émotion…Nous espérons que la chaleur et l’ovation qu’il a eu samedi dernier l’accompagnerons dans son procès qui aura lieu très prochainement. 

Dans les interventions marquantes il y a aussi Camille, patiente et membre du collectif des 39 et d’HumaPsy qui a apporté son témoignage dos a la foule. « Je ne suis pas face à vous parce que vous faites un peu peur, vous êtes nombreux quand même, mais aussi parce que je suis une hors la loi : j’ai pris la décision de ne plus prendre de traitement depuis 6 ans, alors que ma carte vitale indique une maladie longue durée».  Camille a connu des hospitalisations sous contrainte et n’est pas opposée aux traitements mais elle a fait d’autres choix une fois sortie de l’hôpital et même si cela est difficile elle résiste et s’engage dans des combats comme avec ce collectif de patients HumaPsy. Ce collectif offre la parole aux patients  et recueille les idées, doléances et autres pour les soumettre aux états généraux de la psychiatrie. Camille a également adressé un message à François Hollande qu’elle avait rencontré dans un train sans oser lui parler à cœur ouvert de ses craintes sur l’avenir de la psychiatrie.

 

L’intervention du magistrat Serge PORTELLI, a également beaucoup marqué  la journée. Son engagement auprès des 39 est important depuis le départ «  Je suis peut être le 40 éme des 39 » dit-il pour commencer. Il a souligné que nous avons affaire à un véritable changement de civilisation avec toutes ces réformes de psychiatrie. Il a ensuite expliqué comment il était choquant de voir passer par les mêmes portes du tribunal les délinquants, les criminels et les malades mentaux . « Le fou n’est coupable de rien. La folie n’est pas une infraction. »

 

François GONON neurobiologiste et membres des 39 a dénoncé lui l’abus des neurosciences. « La psychiatrie biologique n’a pratiquement rien apporté à la psychiatrie clinique (…) pour la bonne et simple raison qu’il n’y a pas de marqueur biologique a la maladie psychique.les médicaments existants ont 40 ans depuis 40 ans aucune nouvelle découverte. La psychiatrie est une bulle spéculaire. » Il a ainsi formulé des conclusions claires et logiques pour faire évoluer les choses. Première proposition : « l’égalité c’est la santé, la neurobiologie fait croire que c’est le cerveau qui est défaillant et non la société ». Deuxième proposition : « il faut préserver l’indépendance de la psychiatrie et de la neurobiologie ». « Il faut également promouvoir la recherche clinique ». Et enfin  « il faut libérer la recherche des neurosciences en arrêtant le financement des recherche sur les projets. Pour avoir de l’argent actuellement il faut promettre monts et merveilles » …apporter de l’apaisement, du soulagement aux patients  n’est pas suffisant il faut proposer d’éradiquer la maladie….

Hervé BOKOBZA a terminé la journée en insistant sur l’importance de faire évoluer les choses en créant et inventant autour de nos référentiels cliniques. « arrêtons de dire c’était bien il y a 20 ans » . « Rendre compte de ce que nous faisons de notre pratique s’oppose à rendre des comptes. » Il a également insisté sur l’importance du combat a mener. « Le combat va être colossal quelque soit les résultats des élections… » et a terminé sur ces mots des indignés « On nous empêche de rêver on va les empêcher de dormir ».

 

           

Au cours de cette journée, les gens se sont rencontrés au sens d’une véritable rencontre que ce soit dans les débats autour, à coté…Des collectifs de patients comme Humapsy ou radio citron, la radio qui n’a pas peur des pépins recueillaient les témoignages de terrain. Les intervenants étaient présents pour échanger et poursuivre les discussions, rappelant l’ambiance des journées de formation de  psychothérapie institutionnelle comme celle de st Alban et si manquant dans notre quotidien à l’hôpital.

Loin d’être des lamentations les débats apportaient des témoignages de terrain mais aussi des positionnements, des refus, car il est possible de refuser. Certains psychiatres on fait par des positionnements de leur service ou aucun patient n’avait de soins sous contraintes à domicile, des engagements et des propositions.

Ce qui fit dire a Mathieu BELHASEM « on est pas fatigué mais on va être fatiguant ». Les 39 ont aussi invité des représentants des candidats à l’élection présidentielle à prendre position pour leur manifeste et ont demandé l’abrogation de la loi HSPT , de la loi du 5 juillet 2011 et l’abrogation de l’HAS. Les verts, le front de gauche et le PS ont répondu a l’appel et se sont positionnés de manière encourageante.

           

C’est empreins des forces de convictions de cette journée de meeting et des engagements que nous avons déjà pris l’an dernier que l’association conciliabule vous propose sa rentrée 2012 en avril prochain. Une soirée d’ouverture, au Gran lux , aura lieu, dans la prolongation du meeting ou nous pourrons reprendre ce qui a été échanger et débattre ensemble sur les perspectives stéphanoises.

 

A très bientôt,

Le conciliabule.

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> "La folie n'est pas une infraction"

 

Psys et membres d’associations de malades étaient réunis samedi en Seine-Saint-Denis pour contester la politique du gouvernement, à l’appel du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire.

Par ERIC FAVEREAU


Ce fut le moment le plus chaleureux, le plus symbolique aussi. Samedi, à Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), aux portes de Paris, tout le monde est debout dans ce hangar où s’entassent plus d’un millier de participants à l’appel du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire. Et la foule d’applaudir à tout rompre le professeur Pierre Delion, pédopsychiatre à Lille.

Le vieux médecin est ému. Il hésite. Il a été mis au pilori ces derniers jours car il pratique dans son service le packing : une technique de tradition psychanalytique utilisée pour des patients autistes très gravement atteints, mais fortement contestée par certaines associations de parents d’autistes. Elle consiste à recouvrir dans un drap humide le malade, puis à le réchauffer progressivement.

«Scientiste». Le 9 mars, la Haute Autorité de santé (HAS) a déclaré que non seulement «le packing ne devait en aucun cas se faire», faute d’avoir été évalué, mais aussi que «la psychanalyse, comme la psychothérapie institutionnelle, n’étaient pas recommandées dans la prise en charge de l’autisme».

Une prise de position polémique, dernier avatar d’un vieux conflit entre la psychiatrie biologique et comportementale d’une part, une psychiatrie plus humaniste et proche de la psychanalyse de l’autre. Les pouvoirs publics ont choisi. Depuis plus de quatre ans, la politique gouvernementale en matière de psychiatrie a été fortement déséquilibrée, renforçant le volet sécuritaire. D’abord, en 2009, avec un plan de sécurisation des hôpitaux psychiatriques (multiplications des chambres d’isolement, instauration des bracelets électroniques, etc.). Puis avec une loi instaurant, en 2011, les soins obligatoires à domicile (et plus seulement à l’hôpital). Et voilà que tombent ces recommandations polémiques de la HAS…

A quelques semaines de l’élection présidentielle, le rassemblement initié par le Collectif des 39 autour du thème «quelle hospitalité pour la folie en 2012 ?» avait valeur de bilan et de symbole. Simple coup d’épée dans l’eau un brin nostalgique ? Ou début de reconquête ?

Psys, soignants, membres d’associations de malades, ils sont venus très nombreux. Avec la forte envie d’en découdre, en particulier contre la HAS et son «faux discours scientiste». Le collectif a d’ailleurs clôturé cette journée très offensive en appelant tous les psychiatres de France à ne plus «collaborer» avec la Haute Autorité de santé. Dès la matinée, Pierre Joxe, figure de la gauche, lançait : «Vous n’avez rien de moribonds. Ce ne sont pas quelques réformes réactionnaires qui vont tout bouleverser. La situation est certes consternante, mais ce que le législateur a détruit, un autre législateur peut le reconstruire.» Pierre Joxe fait référence à son combat actuel sur le dispositif de prévention et de protection de la jeunesse, aujourd’hui «totalement effondrée».

«La folie n’est pas une infraction», poursuit avec force le magistrat Serge Portelli. Martelant : «La médecine n’est pas là pour surveiller, elle est là pour soigner.»

Puis arrive le pédopsychiatre Pierre Delion, combatif mais inquiet. Comme un reflet du moment. Après une standing ovation, il prend la parole: «Et je serais, moi, un barbare ? Et je ferais, moi, de la torture, interroge-t-il de sa voix douce. Rendez-vous compte qu’aujourd’hui, on en arrive à recommander de mettre des casques sur les enfants agités !» Puis, avec son visage de vieux sage, il affirme : «Il faut nous mettre debout pour dire "cela suffit".»

«Bulle». Debout ? Loriane et Mathieu, deux jeunes psychiatres, le sont. Dès le début, ils ont été dans le collectif des 39. Lui travaille à l’hôpital d’Etampes (Essonne). Loriane est pédopsychiatre dans un Centre médico-psychologique à Corbeil-Essonnes. «Si j’y crois ? Drôle de question, dit-elle. Je pense à ce que j’ai à faire, j’essaye de maintenir à tout prix une éthique dans mon travail de psy. Et, pour moi, ne pas être seule est essentiel. Même si on traverse une période difficile, on réfléchit et on essaye de mettre au point des pratiques émancipatrices.» Dans un grand sourire, elle ajoute : «Non, je ne me sens pas moribonde.»

Mathieu, acquiesce : «J’en ai encore pour quarante ans à faire de la psychiatrie, et rien n’est foutu. Je reprends le service de Michaël Guyader, un grand psychiatre qui s’est battu contre l’asile. Je n’ai pas connu ce combat-là, et mon travail est différent : c’est aussi de rouvrir des lits, de faire des lieux d’hospitalisation accueillants. Dans ce service, il y a une histoire. Et c’est possible de travailler, de créer des collectifs.» Puis d’affirmer : «Mais si on reste dans notre bulle, on se fait dégommer.»

source Libération 19 mars 2012

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>Demandez le programme !

Meeting du 17 Mars 2012

 

"La Parole Errante à la Maison de l'Arbre", 
9 rue François Debergue 
93100 – Montreuil-sous-Bois, 
Metro Croix de Chavaux.(métro ligne 9).

 

Quelle hospitalité pour la Folie pour 2012 ? 


9h 15 – Ouverture : Stéphane Gatti – La Parole Errante 

Emile Lumbroso, Psychologue clinicien

Antoine Machto Psychologue clinicien

Elie Winter, Psychiatre


– Table ronde « Le Sécuritaire » –

Enfants, adolescents, adultes en difficultés psychiques sont-ils les nouveaux symptômes de la folie sécuritaire ? Prévenir, éduquer, soigner, protéger, sont ils des concepts dépassés dans une société où un certain discours politique revendique le contrôle, la surveillance et la contrainte comme principes de gouvernement.

Animée par Hervé Bokobza, Psychiatre


Lysia Edelstein, Psychologue  -Protection Judiciaire de la Jeunesse

Sylvianne Gianpino ,  Psychologue – Psychanalyste -Présidente du Collectif « Pas de zéro de conduite »

Serge Klopp, Cadre infirmier

Serge Portelli, Magistrat – vice-Président du Tribunal de Paris

Pierre Sadoul, Psychiatre


Pierre Joxe, Avocat, ancien ministre de l’Intérieur, de la Défense, ancien membre du Conseil Constitutionnel. 

 

– Table ronde « Le  Scientisme » –

L'Homme Machine ?

La politique de santé mentale actuelle tente de faire de la maladie psychique un déficit d'adaptation à la société, un handicap qu'il suffirait de compenser par un meilleur réglage de la "machine cerveau".Le rêve scientiste de la réduction du sujet à un organe trouve de nouveaux adeptes qui nous présentent leurs "découvertes" comme des avancées décisives de la recherche scientifique.
Quelle type de société, quelle conception de l'humain sous tendent un tel projet ?
 
Animée par Philippe Bichon, Psychiatre


 Jacqueline Berger, Journaliste

Loriane Brunessaux, Psychiatre

André Coret, Physicien

Guy Dana, Psychiatre –

François Gonon, Neurobiologiste – Directeur de recherche CNRS Bordeaux 2




– Table ronde La Norme –

Les protocoles, les certifications, les évaluations ne nous laissent plus de répit. Ils sont censés protéger "l'usager" et guider les  professionnels dans leurs actes vers le risque zéro, zéro pensée, zéro créativité, zéro liberté.
 Uniformité, homogénéité, traçabilité, tel est le programme que nous impose la  Haute autorité sachante qui vient de se signaler par des prises de position qui ne cachent plus leur hostilité déclarée à une psychiatrie ouverte sur l'inestimable de la relation humaine"
 Restera-t-il alors encore un peu d'humain dans l'homme pour écouter l'inattendu ?


Animée par Patrick Chemla, Psychiatre


Mathieu Bellahssen, Psychiatre

Marie Cathelineau, Psychologue clinicienne 

Hélène Davtian, Psychologue clinicienne, auteur de « Frères et sœurs face aux troubles psychotiques »

Pierre Dardot, Philosophe 

Pierre Delion Professeur de Pédopsychiatrie

Fred, Mathieu, Association Humapsy.


Conclusions :


Mathieu Bellahssen, Guy Dana, Hervé Bokobza 


Dominique Voynet , Maire de Montreuil, fera une intervention d’accueil.


Des représentants des candidats à l’élection présidentielle nous ont donné leur accord pour participer au meeting et prendre position par rapport à notre Manifeste. 


Interviendront  au cours de la journée :  

Hélène Franco, en charge des questions de libertés pour le Front de Gauche et Jean Luc Gibelin, en charge des questions de santé pour le front de Gauche pour  Jean Luc Mélenchon

Jean Claude Laumonier du NPA pour Philippe Poutou

une représentante d’Europe Ecologie Les Verts, et Aline Archambaud sénatrice pour Eva Joly

Mr Razzi Hammadi secrétaire national du P.S., et un membre chargé des questions de santé auprès de François Hollande


De nombreux messages, de courtes interventions supplémentaires seront exprimées tout au long de la journée.


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>Le réseau social "Accueillir la folie" est actif

Un problème de blocage d'envoi des mails de validation de comptes empêchait de nouvelles inscriptions sur le réseau social. 

Le problème est réglé, tous les comptes en attente ont été validés et si de nouvelles personnes veulent s'inscrire, elles peuvent désormais le faire.

Le réseau est devenu public : le fil des dernières actions est donc visible par tous depuis le web.

Que les débats fleurissent, les blogs personnels, groupes de discussions et autres échanges se multiplient !

 

http://reseau-social39.collectifpsychiatrie.fr/

 

Simon Sensible : créateur du réseau social "accueillir la folie",  (non-soignant, non-patient, sans étiquette, autonome et indépendant : "vivre libre est la première nécessité humaine")

 

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>Quand la parole devient assourdissante

Les commentaires ont été fermés depuis hier comme vous avez pu le remarquer. Grosse fatigue face à des flots  de commentaires entre quelques participants qui "capturent" l'espace d'échange de site pour le transformer en forum de quelques uns, en foire d'empoigne.

"La liberté commence là où s'arrête celles des autres" : chacun connaît l'adage, et là, il nous semble que les hurlements alliés au défoulement d'un tout petit nombre (trois ou quatre) viennent tout envahir au point que le site ne soit plus un site que par le nom…

Echanger, réfléchir, débattre doit être quelque chose qui ne se fait pas au détriment du plus grand nombre. Nous appelons les personnes qui arrivent à écrire 250 commentaires sur un unique article à se calmer.

Sachant qu'il existe un réseau social des 39 fait pour ces échanges, qui contient des blogs personnels, des systèmes de forum. Il s'appelle "accueillir la folie" et se trouve à cette adresse : 

http://reseau-social39.collectifpsychiatrie.fr/

Nous en sommes désolés, pour l’immense majorité des internautes qui souhaitaient pouvoir participer à un réel débat démocratique, pour tous les signataires des appels, pour tous les membres du collectif des 39.

Nous espérons pouvoir ré-ouvrir ces “commentaires” , sans doute dans d’autres conditions.

Le Collectif des 39

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>Quand penser fait peur, faut-il interdire la pensée ?

« Une méthode qui fait peur, c’est une méthode à laquelle il faut renoncer. »[1]

(JL Harousseau, président de la Haute Autorité de Santé, et D. Langloys, présidente de l'association Autisme France)

Nous vivons un moment singulier pour la démocratie, qui devrait nous aider à penser ses mutations les plus actuelles, dont l’une est le passage du paradigme « une personne : une voix » au paradigme « une association : un droit », entraînant les instances étatiques dans des errements aussi étonnants que celui d’édicter les normes du soin des personnes autistes, allant jusqu’à juger « non pertinent » tout un mouvement de pensée : la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle.

Etudions les faits de plus près.

Des associations de parents qui ne représentent qu’elles-mêmes.

Depuis quelques dizaines d’années, et cela suit un mouvement sociétal plus global, des associations de parents de personnes autistes se sont créées, comme il existe des associations de parents d’enfants trisomiques, diabétiques, sourds, etc.

Ce n’est pas la majorité des parents d’enfants en difficulté qui choisissent d’adhérer à ce type d’associations, mais au contraire une minorité. De cela je peux témoigner à double titre :

à titre professionnel, en tant que psychiatre responsable d’un centre médico-psychologique, je constate que, sur la soixantaine de parents d’enfants autistes que je soigne, aucun n’appartient à ce type d’association, ne souhaite y adhérer ni ne se réclament de leurs discours. Mes collègues de l’intersecteur sont dans le même cas que moi. Serions-nous en face d’un échantillon de population exceptionnellement dénué d’envie d’adhérer à des associations ? J’en doute.

A titre personnel, ayant grandi aux côtés d’une sœur atteinte d’une anomalie génétique, je peux témoigner du fait que la majorité des familles d’enfants « handicapés » ne ressent pas spécialement le besoin d’adhérer à ce type d’associations.

En effet, appartenir à ce type d’association offre un soutien psychologique de l’ordre du partage d’expériences et de la réassurance collective dans la revendication politique de droits, prenant parfois la forme d’une lutte. Cela convient à certains, certes, mais pas à la majorité des parents ; un certain nombre pense même que ce type de réponse est un mode de fuite évitant la confrontation à certaines questions, et que ces luttes font parfois oublier le véritable intérêt des enfants tant c’est la réassurance des parents qui guide l’action.

Chacun son avis.

En choisissant de donner la parole uniquement aux associations de parents, sur un sujet comme l’autisme, l’Etat (via la HAS) exclut donc automatiquement de la réflexion la majorité des parents de personnes autistes qui ne sont pas en association et ne sont donc pas pris en considération.

Comment se fait-on entendre par l’Etat censé nous représenter quand on ne fait pas partie d’une association et qu’on n’a pas envie de le faire ?

Un travail de lobbying intensif, relayé sans filtre par la plupart des médias.

Ces associations de parents de personnes autistes ont du temps et de la détermination : écrivant sans relâche des commentaires sur internet au moindre article sur le sujet de l’autisme, contactant tous les journalistes et toutes les instances politiques susceptibles d’être intéressées par la question… Donnant ainsi l’illusion au grand public de représenter une position majoritaire, ce qui, je le répète, est faux, et martelant sans cesse les mêmes arguments :

-La psychanalyse serait inutile voire néfaste pour les personnes autistes.

-La psychiatrie française serait dominée par la psychanalyse.

-Les psychanalystes refuseraient les hypothèses des neurosciences et du comportementalisme, formeraient un lobby puissant et exclusif cherchant à assoir son pouvoir.

-La psychanalyse rendrait les mères responsables de l’autisme de leur enfant et culpabiliserait les mères.

-La psychose serait définie par la psychanalyse comme un trouble de la relation entre la mère et l’enfant.

-L’autisme serait, de manière avéré un trouble « neuro-développemental » d’origine génétique.

-le traitement des enfants autistes serait identique pour tous et passerait pas une rééducation comportementale intensive.

-Les méthodes comportementales seraient les seules à être validées scientifiquement pour l’autisme.

-La psychanalyse refuserait l’évaluation scientifique.

-Le packing[2] serait une méthode psychanalytique.

-Le packing serait une torture, une barbarie, il faudrait porter plainte contre ceux qui la pratiquent et l’interdire.

-La psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle devraient être interdites.

Ces arguments propagandistes réducteurs et simplistes, sont repris sans filtre par la plupart des médias.

Deux paradoxes devraient pourtant sauter aux yeux des journalistes :

Premier paradoxe, les associations de parents dont il est question accusent les psychanalystes d’être sectaires, exclusifs, fermés aux hypothèses neuroscientifiques et comportementales.

Comment expliquer alors qu’elles prennent justement pour cible ceux des pédopsychiatres et psychanalystes qui pratiquent et promeuvent depuis de nombreuses années une approche « intégrative », associant les neurosciences, le comportementalisme et la psychanalyse : Pierre Delion[3], Bernard Golse[4], David Cohen[5], Geneviève Haag[6], Chantal Lheureux-Davidse[7] ?

Pourquoi ces praticiens, qu’elles devraient considérer comme leurs alliés, sont les premiers qu’elles attaquent ?

Deuxième paradoxe, les associations de parents dont il est question véhiculent l’idée, reprise par les médias et le grand public, qu’il y aurait deux camps rivaux et égaux en haine : les tenants du comportementalisme et les tenants de la psychanalyse.

Pourtant, quand on observe les choses de près, que voit-on ?

D’un côté, des personnes qui parlent de torture, de barbarie, qui portent plainte contre des praticiens et exigent et obtiennent de la HAS l'interdiction du packing et la non-recommandation de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle.

En face, des praticiens et familles sidérés dont le plus grand tort de certains serait d'avoir comparé les méthodes comportementalistes à du "dressage"[8].

Est-ce vraiment équivalent ?

Peut-on comparer la désignation de « dressage » à celle de torture, de barbarie, à l’action de porter plainte et d'exiger l’interdiction d’une pratique psychiatrique et de tout un mouvement de pensée?

D'ailleurs, à titre personnel, si des psychanalystes demandaient l’interdiction du comportementalisme, je trouverais cela scandaleux et anti-démocratique et m’insurgerais tout autant que face à la tentative actuelle d'interdiction de la psychanalyse.

Quand on sait, par ailleurs (et je peux en témoigner car la fin de mes études n’est pas très loin de moi), que la psychanalyse n’est pas même mentionnée pendant les six premières années des études médicales, qu’en région parisienne (pourtant la plus ouverte) il est déconseillé par la rumeur d’effectuer une thèse et un mémoire de psychiatrie sur un sujet en lien à la psychanalyse, tant les professeurs de psychiatrie sont orientés, depuis plusieurs années, vers la psychiatrie biologique et génétique, comment prendre au sérieux ces allégations de la toute-puissance des psychanalystes ?

Que conclure de ces paradoxes ? La mauvaise foi évidente des arguments et la force de la volonté éliminationniste sous-jacente.

Des affirmations dogmatiques et triomphalistes…

Quand personne, et surtout pas les psychanalystes, ne prétend connaître les causes de l’autisme et quand la plupart des personnes concernées s’accordent sur le fait que chaque personne autiste est différente et qu’il est impossible de savoir à l’avance ce qui pourra lui venir en aide et soutenir sa famille, les associations de parents dont il est question dans cet article, elles, « savent » et assènent leur vision de  la vérité.

Ces associations de parents affirment que l’autisme est un trouble neuro-développemental d’origine génétique.

Pourtant, aucun argument allant dans ce sens n’a été confirmé scientifiquement : aucune localisation neurologique n’a pu être identifiée, aucune anomalie hormonale ou infectieuse, aucune anomalie génétique clairement individualisée. Depuis quelques années, certaines publications de chercheurs en neuroscience tendent même à relativiser l’importance d’une éventuelle part génétique dans l’autisme du fait de biais important dans les études réalisées[9], de la déformation des conclusions des études scientifiques (excessives) par rapport aux résultats (modestes)[10].

Ces associations de parents affirment que seules les méthodes comportementalistes ont une efficacité validée scientifiquement.

Pourtant, certaines personnes remettent en cause cette « validité scientifique » des méthodes comportementales dont, fait intéressant, certaines personnes atteintes d’autisme dit « d’Asperger ».

Ainsi, Michelle Dawson, chercheuse à Montréal, a publié en 2004 un plaidoyer sur le manque d'éthique de l'intervention comportementale intensive (ICI), préconisée en Amérique du Nord, affirmant que "La littérature sur le sujet est énorme en quantité mais pauvre en qualité scientifique." De nombreux rapports de recherche iraient dans le même sens qu'elle et selon l'Académie américaine de pédiatrie, "la force de la preuve (en faveur de l'efficacité de ces techniques) est insuffisante à basse." Les gouvernements subventionnent pourtant abondamment ces thérapies, sous l'influence de groupes de pression[11].

Dans le même esprit, Jim Sinclair et Donna Williams ont fondé l’ « Autism Network International »[12] et l’ « Autistic Self Advocacy Network »[13].

Dans le monde anglo-saxon, se constitue ainsi toute une communauté d’ « autistes d’Asperger », qui revendique de savoir ce qui est bon pour elle et rejette aussi bien les comportementalistes que les développementalistes.

Qu’en conclure ? L’humilité.

Il semble bien maladroit d’être triomphaliste dans le domaine de l’autisme. 

Aucune méthodologie scientifique n’a pu prouver la supériorité d’une méthode sur l’autre, ni le comportementalisme, ni la psychanalyse (même si je ne peux m’empêcher de préciser qu’il existe des études qui suggèrent que les thérapies psychodynamiques d’inspiration psychanalytiques seraient plus efficaces à long terme[14]).

Certes, le comportementalisme est la méthode exclusivement employée dans de nombreux pays, mais que cela prouve-t-il sinon une uniformisation désolante de la pensée ?

…Qui font oublier la réalité de terrain : une pénurie scandaleuse d’établissements spécialisés.

Toute cette polémique sur la psychanalyse est donc biaisée puisque basée sur des affirmations arbitraires.

Elle tend à faire oublier la réalité de terrain : une pénurie scandaleuse, en France, d’établissements spécialisés pour le soin et l’accueil des personnes autistes et tout simplement « différentes », en règle générale.

Un grand nombre d’enfants autistes sont condamnés à passer le plus clair de leur temps à domicile car ils sont trop en difficulté pour être accueillis à l’école ordinaire et ne trouvent aucun établissement qui puisse les accueillir. Un grand nombre d’entre eux sont contraints de partir dans des établissements en Belgique.

Quels sont les choix politiques responsables de cet état de fait ?

L’Etat subventionne la recherche des causes de l’autisme (mais qui se soucie des causes s’il n’y a aucun moyen de prise en charge ?), le développement de « centre de ressource autisme » ayant pour but d’établir un diagnostic le plus précoce possible (mais que faire d’un diagnostic s’il n’existe aucun moyen de prise en charge ?) et, bien sûr, des établissements appliquant exclusivement les méthodes comportementalistes, ce qui constitue une exception puisque la plupart des lieux accueillant des personnes autistes en France sont pluralistes dans leur approche.

Ces établissements exclusivement comportementalistes ne peuvent accueillir tous les enfants. Ceux qui sont remboursés par la sécurité sociale n’acceptent pas les enfants les plus malades. L’accès aux autres établissements dépend de la possibilité des parents de payer.

Ainsi, ce choix de financement gouvernemental favorise une médecine à deux vitesses excluant les plus malades et les plus pauvres.

Par ailleurs, plutôt que de favoriser la création et le financement de classes intégrées ou un véritable réaménagement de l’Ecole, l’Etat fait le choix, qui ne coûte rien, de créer le droit pour tout enfant handicapé d’être intégré en école ordinaire. Dans un dialogue avec Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy expliquait ainsi, en 2007, que ce droit était important pour les enfants handicapés, mais surtout pour les enfants « normaux » qui deviendraient ainsi plus tolérants au contact d’enfants différents… Argument démagogique relevant soit de la grande naïveté, soit du grand cynisme[15], actuellement repris par plusieurs associations antipsychiatriques présentant la scolarisation en école ordinaire comme la seule solution pour les enfants autistes.

Mais à quoi sert ce droit si aucune école n’a les moyens d’accueillir les enfants très différents du plus grand nombre ?

Au total, même si cela est absurde, il semblerait que le plus commode pour certains soit de rendre la psychanalyse responsable de la pénurie liée à ces choix gouvernementaux et de l’interdire.

La psychanalyse en psychiatrie : une approche humanisante cherchant au cas par cas de solutions ouvertes pour chaque famille.

Il est fort dommage que la psychanalyse ait été contrainte de déserter la psychiatrie dans de nombreux pays, car elle a été un agent puissant de lutte contre les phénomènes asilaires et de réhumanisation de ces lieux parfois abandonnés à leur chronicité, en plaçant la personne et la relation au centre de la réflexion des équipes soignantes.

La pédopsychiatrie n’est pas la psychanalyse. La pédopsychiatrie est la pédopsychiatrie. Elle est composée de service comprenant des professionnels de différentes formations, en majorité des infirmiers et des éducateurs. On y rencontre aussi des psychologues, des orthophonistes, des psychomotriciens, des assistantes sociales, des médecins psychiatres…

Ces « équipes » sont donc, toujours « pluridisciplinaires ». Chacun envisage son travail en fonction de la formation qu’il a reçue et de son style propre.

Que signifie, pour un service de pédopsychiatrie, avoir une référence à la psychanalyse ou à la psychothérapie institutionnelle?

Cela ne signifie pas du tout que tous les professionnels qui y travaillent soient en analyse, ni ne s’intéressent à la psychanalyse. Cela ne signifie pas non plus que les enfants sont allongés sur un divan.

Cela signifie que le travail de l’ensemble de l’institution est basé sur deux hypothèses.

La première est l’existence de l’inconscient chez tout le monde, enfants, parents, soignants… Ce qui oblige les soignants à se remettre sans cesse en question pour ne pas prendre leurs décisions comme la vérité vraie, mais comme découlant aussi de certains phénomènes inconscient provoqués en eux au cours de l’exercice de leur métier.

La seconde est la suivante : les décisions thérapeutiques ne peuvent découler que du « transfert », c’est-à-dire, schématiquement, de la relation spécifique qui s’établit entre un enfant et sa famille et l’équipe de pédopsychiatrie. Il est donc impossible de savoir à l’avance ce qui conviendra pour chaque enfant et chaque famille et aucune proposition ne peut être rejetée par principe.

C’est pourquoi un service de pédopsychiatrie de référence psychanalytique peut être amené à soutenir des parents dans la mise en place de techniques rééducatives de type comportementales si cela a du sens pour cette famille ou à prescrire des médicaments ou des  investigations somatiques, d’imagerie et génétiques poussées.

A l’inverse, certains parents ne s’intéressent pas aux méthodes comportementalistes car ils ne supportent pas le principe du conditionnement des comportements basé sur les sanctions et les récompenses, ne souhaitent ni médicaments ni investigations complémentaires poussées.

Là aussi, l’éthique de la psychanalyse pousse l’équipe soignante à entendre les demandes des enfants et de leurs familles et à prendre des décisions avec eux.

L’accusation d’ « exclusivité » de la psychanalyse est donc en désaccord avec son éthique même.

Par ailleurs, comme certains enseignants, certains pédiatres, certaines assistantes maternelles, certains professionnels en lien avec l’enfance, il existe des personnes maladroites parmi les professionnels de pédopsychiatrie qui ont la tendance malheureuse de soupçonner sans nuance les mères et les parents d’être responsables des difficultés de leur enfant.

Cette tendance regrettable est à combattre, mais n’a rien à voir avec la psychanalyse, et Jacques Hochmann[16] dit ainsi que l’on peut se faire une idée du fonctionnement d’une institution en lien avec l’enfance à partir du degré de médisance envers les parents qui y règne : plus ce degré est élevé, plus cette institution est en souffrance.

La psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle sont justement le « supplément d’âme » de la psychiatrie[17] qui permet de questionner ce genre de phénomène.

Quand penser fait peur à l’Etat, que devient la démocratie ?

La Haute Autorité de Santé est une instance gouvernementale dont le directeur et les membres du collège sont nommés par le président de lé République sur avis, notamment, de l’Assemblée Nationale et du Sénat.

L’indépendance de la Haute Autorité de Santé est sans cesse remise en cause par des scandales liés à des liens et conflits d’intérêts entre certains de ses membres et l’industrie pharmaceutique. Les recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de Santé sont fréquemment remises en cause (scandale du Mediator, maladie d’Alzheimer, diabète de type II…) et certains n’hésitent pas à parler d’ « expertises sous influence »[18].

Le dialogue, publié par le journal l’Express le 09 Mars 2012 entre Jean-Luc Harousseau, président de la Haute Autorité de Santé, et Danièle Langloys, présidente de l'association Autisme France est à ce titre éclairant : on y constate que l’enjeu est le financement d’établissements.

Ce qui est très intéressant, c’est que chacun des deux interlocuteurs tombe d’accord : la psychanalyse leur fait peur et « une méthode qui fait peur, c’est une méthode à laquelle il faut renoncer ».

En effet la découverte de l’inconscient peut en effrayer certains, comme en témoigne de manière humoristique l’écrivain américain Jonathan Franzen dans son ouvrage autobiographique « La zone d’inconfort » :

« en songeant que j’avais probablement, moi aussi, un inconscient qui en savait aussi long sur moi que j’en savais court sur lui, un inconscient toujours en quête d’un moyen de s’extérioriser, d’échapper à mon contrôle pour accomplir sa sale besogne […], j’ai poussé un cri de panique. Un cri tonitruant […]. De retour à Philadelphie, j’ai chassé cet épisode de mon esprit »[19].

Le « Je est un autre », de Rimbaud[20], est, pour certains, insupportable.

Mais pour d’autres, cette découverte est, au contraire, salvatrice et source d’enrichissement. Y compris chez les parents d’enfants autistes comme en témoigne l’ouvrage de Jacqueline Berger, mère de jumelles autistes[21].

Et chez d’autres enfin, c’est l’aspect normatif du comportementalisme qui est terrifiant, comme en témoigne une mère d’un enfant autiste sur le site « Lacan quotidien »[22].

Pourquoi alors notre « démocratie » choisit-elle d’écouter une seule voie et de retenir une seule option, celle de l’éviction de l’inconscient ?

Dans la vision du monde qui émane de la rationalité néolibérale, tout se situe dans le conscient, tout est affaire de volonté, de détermination, d’effort sur soi-même. Cela aboutit à des clichés : « si untel va mal c’est parce qu’il manque de volonté » et génère une réflexion en terme de responsabilité centrée sur l’individu « auto-entrepreneur de lui-même »[23], au détriment de la remise en cause des choix politiques et sociaux.

Le comportementalisme classe les comportements en « adaptés » et « non-adaptés ». Quand ses critères s’accordent avec ceux du néolibéralisme, il peut devenir un outil puissant de normalisation managériale.

Est-ce qui explique son succès auprès de nos gouvernements ?


Loriane Brunessaux, 11 Mars 2012.
 

[1] Au sujet de la psychanalyse, extrait d’un dialogue entre JL Harousseau, président de la Haute Autorité de Santé (HAS) et D. Langloys (présidente de l'association Autisme France), publié par l’Express le 09/03/2012.

 

[2] Pratique psychiatrique et non psychanalytique, consistant en un enveloppement humide du corps de l'enfant dans des draps à 10 degrés recouverts de couvertures chaudes et entourées de plusieurs soignants, avec un réchauffement très rapide du corps favorisant un sentiment de rassemblement corporel et permettant fréquemment l'accès à la verbalisation

[3] Pédopsychiatre et psychanalyste responsable d’un service de pédopsychiatrie à Lille

[4] Pédopsychiatre et psychanalyste responsable du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker à Paris

[5] Pédopsychiatre responsable du service de pédopsychiatrie de l’hôpital de la Pitié Salpètrière à Paris

[6] Psychiatre et psychanalyste ayant fondé la CIPPA, Coordination Internationale entre Psychothérapeutes Psychanalystes s'occupant de personnes avec Autisme, association faisant se rencontrer des psychanalystes, chercheurs en neurosciences, comportementalistes

[7] Psychologue clinicienne auprès d’enfants autistes, enseignante à la faculté Paris 7

[8] Cette comparaison est liée au principe des thérapies comportementales, à savoir le conditionnement positif de certains comportements par la récompense et le conditionnement négatif de certains comportements par des sanctions.

[9] Brigitte Chamak « L’autisme : surestimation des origines génétiques », Médecine/ Science, Volume 26, n°6-7, Juin-juillet 2010

[10] François Gonon, « La psychiatrie biologique, une bulle spéculative ? », Esprit, Novembre 2011

[11] « Autisme, changer le regard », Le monde science et techno, 16/12/2011

[12] L’une des toutes premières fondations entièrement créées par des autistes, fondée par Jim Sinclair, Donna Williams et Katie Grant

[13] Voir :  www.autreat.com

[14] Jonathan Shedler, “The Efficacy of Psychodynamic Psychotherapy”, February–March 2010,  American Psychologist, Vol. 65, No. 2, 98–109

[15] Mai 2007 – "La question du handicap" au débat du second tour de l'élection présidentielle : http://vimeo.com/38011758

[16] Pédopsychiatre et psychanalyste français

[17] Mathieu Bellahsen, « Interdire les suppléments d’âme de la psychiatrie ? », Médiapart, 17/02/2012

[18] Louis-Adrien Delarue, « La Haute Autorité de Santé, tartuffe de l’indépendance », Formindep, 05/02/2012

[19] Jonathan Franzen « La zone d’inconfort, une histoire personnelle », éd. de l’Olivier, 2006

[20] Lettres d’Arthur Rimbaud dites « du voyant »

[21] Jacqueline Berger « Sortir de l’autisme », ed. Buchet Castel, 2007

[22] Mireille Battut «Mère d’enfant autiste : plutôt coupable qu’ABA », http://www.lacanquotidien.fr/blog/wp-content/uploads/2012/02/LQ-1671.pdf

 

[23] Pierre Dardot et Christian Laval, « La nouvelle raison du monde, essai sur la société néolibérale », éd. La découverte, 2009

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> La Haute Autorité est tombée bien bas !

 

La Haute Autorité est tombée bien bas !

Une nouvelle tartufferie.



Le collectif des 39 prend acte des dernières décisions de la Haute Autorité de Santé (HAS) concernant l’autisme, et qui interdit de fait le packing « sans exception », sauf dans le service du Pr Delion où une recherche est en cours depuis deux ans à la demande du ministère de la Santé… Ainsi une décision est prise sans attendre les résultats de ce travail important qui sous la pression de lobbies dictant leur conception de la maladie, imposent de se détourner du soin. Nous soutenons avec force notre collègue Pierre Delion, pris au milieu de cette tourmente, et de cette double contrainte : mener une recherche sur une pratique désavouée par la HAS !

Mais comme nous le pressentions, cette affaire est loin de se limiter à l’autisme, bien loin de s’appuyer seulement sur le lobby de certaines associations de parents, se plaignant d’un manque d’accueil de certains praticiens, de certains dogmatismes. 

Le scandale de l’insuffisance de moyens, de lieux d’accueil et de prises en charge intensive n’est absolument pas pris en compte.

Dès l’annonce de la décision, le président de la HAS   a affirmé  qu’il s’agissait d’en finir avec une psychiatrie adossée à la psychanalyse et qui serait incapable de faire ses preuves. 

Le propos, s’il  a le mérite de la clarté, se présente comme une véritable déclaration de guerre contre la psychiatrie relationnelle. Il bascule même dans un négationnisme, occultant les plus de soixante années de travaux, de recherche, de résultats thérapeutiques que nous devons à Françoise Dolto, Maud Mannoni, Tony Lainé et Roger Misés pour ne citer que les plus illustres praticiens français reconnus dans le monde entier. 

Le président de la H.A.S. qui avait aussi masqué ses conflits d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique, vient rejeter la psychiatrie que  nous pratiquons,  ouverte sur l’altérité, ouverte sur tous les autres champs du savoir, dans sa prise en compte du transfert,  de l’inconscient et le du désir humain.


Si nous avons à rappeler après la mise en place de la loi indigne du 5 juillet 2011 que les patients ne sont pas des criminels potentiels, bons à enfermer ou à traiter de force à domicile, nous sommes aujourd’hui confrontés à l’extrême violence d’une volonté d’éradication de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle, d’une psychiatrie où la dimension relationnelle est au cœur de tout processus de soins, où la dimension psychopathologique n’est pas déniée ou rejetée.

Aujourd’hui le packing, et demain l’interdiction de tout ce qui tisse la vie quotidienne et relationnelle dans les institutions: les médiations qui s’appuient sur les activités thérapeutiques, les repas pris en commun, les ateliers d’expression et de création etc.

Tout ce qui ne peut être « évalué » dans l’immédiateté, dans la « preuve » par des chiffres, des statistiques, et qui se trouve en rapport avec l’inestimable du désir humain, se trouve ainsi invalidé explicitement par la HAS ! 

Nous nous trouvons sous le coup d’un « interdit professionnel » et d’une « police de la pensée » où il s’agirait de bannir tout un pan du savoir humain. Cet interdit s’applique de facto aux familles et aux patients qui seraient demandeurs d’une thérapie autre que celles recommandées par cette instance.

Ne nous y trompons pas, ce diktat tente de discréditer une conception de l’humain qui considère que tout homme  ne peut en aucun cas se réduire à être un tas de molécules ou un objet à adapter ou à rééduquer.

Les recommandations, les accréditations, les protocoles et certifications  nous imposent un carcan étouffant toute initiative soignante, l’envahissement d’une bureaucratie abêtissante, la mise en place d’un système à même de nous empêcher de soigner.

Ainsi après les ridicules recommandations de bonnes pratiques sur les TOC et la dépression, où tout référence psychopathologique est soigneusement évitée, L’HAS démontre à nouveau sa  partialité, son incompétence, son pouvoir de nuisance. 


Un pas supplémentaire vient d’être franchi : 

La HAS et son président se discréditent complètement

En posant ces actes la HAS se révèle au grand jour comme l’instrument d’une idéologie implacablement réductionniste, dégradante et régressive.

C’est pour ces raisons que nous demandons aux candidats à l’élection présidentielle de se prononcer (entre autres) sur : 

L’arrêt immédiat de tous les processus d’accréditation et de certification, des recommandations de “bonne pratique “ et “des conférences de consensus”, validés dirigés et imposés par l’HAS, dont l’objectif d’une mise en normes des pratiques, protocolisées et homogènes, est anti thérapeutique, destructeur des soins et constitue un obstacle majeur à des soins psychiques de qualité.

Aussi le meeting du samedi 17 Mars revêt-il une importance cruciale au cœur de cette campagne électorale. Les soignants, les familles et patients qui sont au programme, avec des scientifiques et des philosophes, vont expliquer les raisons de leur refus d'une instrumentalisation de la science. Nous réaffirmerons notre mot d’ordre d’arrêt de toute cette folie évaluatrice et normative. 


Le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire



Meeting du collectif des 39, le samedi 17 mars 2012 de 9h à 18h

"La Parole Errante à la Maison de l'Arbre", 9 rue François Debergue

93100 – Montreuil-sous-Bois, Metro Croix de Chavaux (ligne 9)

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>4 communiqués suite aux recommandations de l’HAS du 8 mars 2012.

 

HAS et psychiatrie : « une ingérence inacceptable » (Front de Gauche)

Le Front de Gauche santé dénonce la campagne actuelle de la Haute autorité de santé visant à interdire telle ou telle pratique thérapeutique dans le traitement par les équipes de pédopsychiatrie, des troubles autistiques.

Cette campagne manie l’amalgame entre outrances de certains acteurs et les différentes techniques partie prenante du corpus scientifique et pratiquées par de nombreux professionnels. 

Elle s’appuie également sur un désarroi réel de nombreuses familles qui ont le sentiment d’être abandonnées par la psychiatrie qui ne répond pas toujours à leurs besoins.

Tout d'abord, le fonctionnement de la Haute autorité nous interroge. La désignation de ses dirigeants n'est pas le gage de la transparence ni de l'indépendance vis à vis du monde pharmaceutique. Nous considérons qu'un contrôle par les pairs associé aux usagers est à construire. 

Le FdG rappelle, comme pour toute discipline médicale, son attachement au principe qui veut d’une part que toute équipe de soins ait le droit de se référer au cadre thérapeutique de son choix, et d’autre part, que le patient puisse avoir le choix de son praticien.

Cette  ingérence totalitaire est inadmissible dans le champ de la médecine.

Le FdG estime que derrière cette attaque s'en cache une autre plus fondamentale contre une certaine conception de la psychiatrie qui considère que ce qui soigne c’est avant tout le relationnel. Or, les 

tenants de cette campagne prônent un traitement des troubles psychiques centré essentiellement sur la normalisation des comportements de ces sujets par un traitement chimiothérapique associé à des méthodes éducatives. A ce sujet, les conflits d'intérêt de responsables de ces campagne avec l'industrie pharmaceutique doivent être mis en lumière. 

Pourtant l’immense majorité des personnes en souffrance psychique et leur entourage attendent avant tout un accompagnement relationnel et non une prise en charge normative centrée sur le symptôme.

Le FdG entend poursuivre son action pour engager une rénovation de la psychiatrie, pour une psychiatrie humaniste centrée sur le soin relationnel qui n’abandonne pas les patients par faute de moyens.

Le Front de Gauche Santé,

Paris, le 11 mars 2012. 

 

***

Le SNPP

Après l'interdit politique, l'interdit administratif

Au nom de l'autisme nous voici confrontés à une mise en scène médiatique.A une proposition de loi visant à interdire la psychanalyse succède une décision de la HAS d'interdire le "paking" délogeant ainsi les médecins de leur responsabilité de soignants, responsabilité basée sur l'éthique et l'indépendance professionnelle qui permettent la confiance des soignés

Le SNPP a considéré avec attention les recommandations de bonne pratique de la HAS concernant l’autisme (et autres troubles envahissants du développement). Il ne peut qu’approuver que soit soulignée « la nécessité d’une évaluation régulière, multidimensionnelle et pluri-professionnelle » pour assurer le soin à ces enfants malades et les faire progresser. Dans ces recommandations, la HAS souligne à juste titre que toute prétention à guérir l’autisme ne peut être qu’une tromperie en l’état actuel de nos connaissances.

Il est alors tout à fait incompréhensible que dans un texte joint à ces recommandations (Autisme : Questions-Réponses) la HAS stigmatise l’approche  psychanalytique alors que de nombreux soignants reconnus professionnellement ont une formation psychanalytique et qu’ils s’intègrent aux équipes qui prennent en charge les enfants autistes. Une telle condamnation peut avoir de graves conséquences sur le travail de ces soignants. De plus, prétendre que l’approche neuro-comportementale est la seule valide, contrevient évidemment à la volonté apparente de la HAS d’avoir une approche pluridisciplinaire.

Au nom de quoi  la HAS s’autorise-t-elle à affirmer que l’autisme n’est pas aussi un trouble psychique, spécifique de l’humain ?

Quant à l’oukase concernant le packing, la HAS reprend in extenso l’argumentation outrancière d’une association de parents d’enfants autistes. Le SNPP soutient le Professeur Delion dans ses recherches  et sa pratique pour le plus grand bien des enfants qu’il soigne. Il est indécent de la part de la HAS de lui donner ainsi des leçons d’éthique en accordant du crédit à des informations fausses. Cette condamnation n’a d’ailleurs aucun sens puisque la demande du Professeur Delion est de poursuivre dans la sérénité ses recherches sur le packing dont les résultats à ce jour sont encourageants. Comme il s’agit de recherche médicale, celle-ci est forcément menée conformément à la loi, comme le veut la HAS. Alors, où est le problème ?

De fait ne serait-ce pas tout autant la souffrance des parents qu’il faudrait reconnaître et secourir ? Mais trop d’enfants autistes et leur famille sont abandonnés et livrés à leurs propres ressources. La priorité est donc bien d’augmenter les capacités de prise en charge par les équipes spécialisées et dont la compétence est d’ores et déjà reconnue.

Mettre en question l’éthique et l’engagement auprès des patients de professionnels au motif qu’ils s’appuient sur des méthodes ne convenant pas à certains groupes de pression interroge l’indépendance de la Haute Autorité de Santé.

***

Le NPA

Psychanalyse et psychothérapie institutionnelle : non aux interdictions professionnelles.

Pour le maintien de pratiques humanistes et diverses auprès des enfants autistes.et de toute personne en souffrance

La Haute Autorité de Santé (HAS) vient de rendre son verdict. Elle préconise , dans la prise en charge des enfants et adolescents qu’on nome « autistes », le recours exclusif à l’action éducative et aux thérapies comportementales et rejette les « interventions fondées sur les approches psychanalytiques et la psychothérapie institutionnelle".

Le NPA dénonce cette décision d’une extrême gravité, qui instaure un véritable interdit professionnel pour des équipes soignantes et éducatives, qui demain s’étendra à tous les soins psychiques et à l’enseignement universitaire.

Derrière ce que l’on veut présenter comme un débat d’écoles, c’est un nouveau pas dans la volonté de standardiser les soins psychiques, en réduisant ceux-ci à une normalisation des comportements de la personne souffrante. Elles s’inscrivent dans les choix politiques imposés par le pouvoir à la santé mentale, entre politique gestionnaire , définissant un coût standard pour tout soin et politique sécuritaire cherchant à maitriser ou enfermer toute forme de déviance.

Le NPA est au coté de tous ceux (patients, familles, professionnels) qui s’opposent à cette atteinte à toute forme de créativité soignante. Il exige le maintien de principes humanistes, et la diversité des approches, en lien avec la famille et l’entourage, loin de prétendues « bonnes pratiques » avant tout dictées par des motifs peu avouables de réduction des coûts et de normalisation sociale.

***

La France va mal! Le malaise est grand !

Regardons, en effet du côté du Parlement. Quand il n'est pas, comme c'est maintenant souvent le cas, réduit à un rôle de chambre d'enregistrement, il devient faiseur de règlements et même lieu de règlement de comptes pour certains.

La réflexion est lentement bannie des assemblées tant la pression gouvernementale sur le Parlement est devenue forte, le travail des commissions étant même mis sous la coupe réglée des ministres comme ce fut le cas lors de l'examen en commission sénatoriale de la loi sur les soins sans consentement en psychiatrie. Ce qui ne provoqua pas moins que la démission de la présidente de la commission !



A d'autres moments, les débats sont tellement squeezés que le texte voté n'est plus qu'une coquille prête à recevoir les textes réglementaires (décrets, arrêtés ou circulaire) rédigés par les cabinets ministériels sans avoir été soumis au débat démocratique.

Last but not least, un député propose, en ce début d'année, de légiférer sur les méthodes utilisables ou non dans la prise en charge des autistes.

Le malaise est si grand que le Parlement est ici appelé à, littéralement, marcher sur la tête. 


En effet, la confusion induite est telle que le législateur est convoqué à dire au professionnel quel est l'outil qu'il doit utiliser. A quand une loi sur la taille des aiguilles d'injection ou sur le diamètre des comprimés pharmaceutiques ?

S'il devait s'opérer, ce glissement séméiotique de la loi à la norme serait gravissime car il signerait un glissement de notre société de la liberté à la coercition. Sous couvert de protection des enfants autistes certains voudraient ainsi interdire les concepts de la psychanalyse ou certains soins comme le "packing" dont de nombreux psychologues peuvent témoigner de l'utilité, dans certaines pathologies et pour des patients souffrant de morcellement psychique.



Mesdames et messieurs les parlementaires, ne vous laissez pas abuser par cette demande d'édiction de normes censées, pour leurs auteurs, calmer les angoisses induites par le malaise dans la civilisation dont nous souffrons ! Ne vous laissez pas aller au règlement de comptes contre les psychanalystes accusés de tous les maux par les tenants d'un soin cantonné au symptôme et à la résorption du handicap psychique et à sa prise en compte sans souci du sujet.

Votre mission est autrement plus noble : elle est de faire la loi et non des règles qui relèvent en l'occurrence des professionnels et de leurs déontologies. Vous n'êtes, d'ailleurs, pas sans savoir qu'au sujet de la déontologie des psychologues nous souhaitons une loi donnant à notre profession une instance collégiale responsable de la déontologie et de l'exercice.

Syndicat National des Psychologues SNP – 09/03/2012

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> Le Packing : de l'humain, du soin, de la rencontre

Le packing c'est du froid, du chaud, des tremblements, des frémissements, du silence, du toucher, du ressenti, du regard, des regards….mais aussi du verbal, parfois beaucoup de verbal, des discussions presque, des rires, du « être ensemble »…être ensemble pour le plaisir d'être ensemble…on se porte, on se soutient…on se soigne.



Bien sûr le dispositif a quelques codes : un cadre ! Du linge mouillé, un patient, des soignants…un avant pack avec une préparation, une organisation : « aujourd'hui qui s'occupe des serviettes ? », « y a qui pour le pack aujourd'hui ? », « tu vas chercher Pierre ? moi je mouille les serviettes, David et moi on les essore »….puis Pierre se déshabille (seul ou avec aide selon l'autonomie du patient) et garde ses sous-vêtements ou son maillot de bain puis s'installe sur les serviettes.



L'enveloppement : c'est toujours dans un contact doux, rassurant voir amusant…comme un jeu . « oulala Pierre c'est froid ! Aller vite vite on vous enveloppe après ça sera chaud, voilà les pieds, les jambes…. » , « Pierre, tu vas bien aujourd'hui, oh ben tu t'allonges comme ça d'un coup…alors on y va on t'enveloppe….voilà oui les bras comment ? Comme ça oui ? »

Puis tout à côté, rapprochés, les soignants autour du patient, certains aux pieds, d'autres à la tête…on reste ensemble….et on vit, on ressent, pas d'attendu, on explore, on établit de la relation….ET CA MARCHE ! Pas de code, pas d'interprétation, c'est ici et maintenant….

Il y a un après packing : souvent plus ritualisé…. «l'autour » du rhabillage…et pourquoi pas une douche ?….puis une collation ?

Ensemble pour se dire au revoir chaque équipe et chaque patient trouvent leur manière de se quitter en douceur.

Le cadre comprend un temps de « reprise », temps où les soignants se retrouvent pour parler de la séance et la retranscrire par écrit…une trace pour se souvenir…un temps pour réfléchir et mettre en mots le ressenti….ce temps se coordonne avec un autre travail : La supervision.

Régulièrement l’équipe de soignant ira discuter avec un autre soignant formé au packing et à la question des enveloppes psychiques. Temps pour permettre aux soignants de penser avec un retour et une mise en perspective de qui se passe dans ce packing avec  ce patient…



Le packing est une pratique douce où chaque équipe trouve sa forme, son packing, où la créativité est la bienvenue, où la contrainte n'est jamais appliquée…. si des enfants sont parfois enveloppés dans ce qui pourrait apparaître une contrainte pour eux c'est que ces enfants sont dans des états de fureur et de violences contre eux-même et/ou contre autrui telles que dans des équipes où le packing ne se pratiquent pas ils auraient été mis en contention pure et simple avec très certainement une camisole chimique qui va de paire…. pour les enfants le packing n'est jamais appliqué sans l'accord des parents et ceci avec un véritable respect du temps de réflexion et avec l'accord de l'ensemble des soignants en équipe pluridisciplinaire.

Si un patient adulte ou enfant ne souhaite pas telle ou telle séance faire le packing aucune contrainte physique n'est pratiquée….souvent un « restons ensemble » substitut du packing est pratiqué.


Aucune règle n'es définie quant à la présence ou non des parents dans un packing, les équipes sont libres de choisir, le cadre est très souple et se construit au cas par cas.

Voici pour mieux témoigner de mon propos un texte présentant les débuts d'une prise en charge de packing pour un patient adulte hospitalisé.



Packing Pierre



Pierre est un adulte d'environ 35 ans, hospitalisé dans une unité du service de psychiatrie Adulte du secteur de X.

Premier contact avec Pierre, un jeudi après-midi sur le temps qui sera par la suite imparti à son Packing. Celui-ci n'est pas au courant que nous devons le rencontrer pour lui présenter le soin Packing auquel l'équipe soignante de l'unité de Pierre et l'équipe de Packing inter-unité ont pensé pour lui. En effet c'est au cours d'une réunion de synthèse avec l'équipe soignante de Pierre que l'équipe du Packing ont réfléchi et posé ensemble l'indication du soin. C'est avec l'accord médical de son psychiatre référent – le Dr Y – que nous annonçons à Pierre que nous souhaiterions qu'il bénéficie de cette prise en charge.



L'équipe de Packing est composée de 6 soignants :A (psychologue), B (ergothérapeute),C (infirmier),D (infirmière), E(infirmière) et moi-même (interne en psychiatrie).
Pierre ne connaît pas tous les soignants, aussi pour le mettre à l'aise nous décidons que B et C aillent le chercher pour nous rejoindre tous ensemble dans une salle d'activité de l'unité d'hospitalisation. Ce jour là seule D est absente.

Pierre que l'on décrit parfois comme quelqu'un avec une agitation psychomotrice importante arrive très calmement dans la salle d'activité, il se dégage un sentiment de curiosité, d'attention dans son attitude. Son aspect physique dit déjà beaucoup de choses quant au probable « morcellement » « dissociation » de l'enveloppe psychique de Pierre. Son regard est divisé par un œil « qui part vers l'extérieur », un strabisme divergent. Grand et mince, sa posture globale est hypotonique.

Bien que ça ne soit qu'une première impression lors de cette rencontre, lorsque je l'observe, il m’apparaît ne pas habiter totalement son corps. Lorsqu'il nous parle la sonorité des mots est très difficile à comprendre même pour ceux qui le connaissent depuis longtemps mais avec beaucoup d'attention nous arrivons à suivre la trame de son propos.

Nous lui expliquons que nous aimerions pratiquer un soin « de détente » avec lui où nous l'envelopperions de serviettes, de draps et de couvertures puis nous resterions avec lui durant un certain temps. Et que ce soin serait aussi une façon d'être ensemble, un moment pour lui, où plusieurs soignants seraient à ses côtés.

Nous insistons sur la dimension de calme et de détente.
Pierre sourit et dit « c'est bizarre ». Nous sourions, A rigole et répond « oui c'est effectivement bizarre ». L'ambiance est un peu particulière puisque Pierre est le tout premier patient de ce service a qui nous proposons ce soin.
Je demande « qu'est ce que vous en pensez Pierre ? Est ce que vous connaissez le Packing ? ». Il répond « oui le Packing c'est pour l'épilepsie » et rajoute des choses peu compréhensibles. Nous échangeons avec lui autour du corps, de la détente, je lui explique que ce n'est pas un traitement pour l'épilepsie et je suspecte alors que cette histoire d'épilepsie doit être signifiante pour lui. Puis il nous dit qu'il semble vouloir essayer, accepter le soin, il dit « oui c'est bien ».

On lui propose d'aller voir la salle de Packing tous ensemble et que le soin débutera bientôt (2 semaines après cette rencontre), ce qui lui laisse le temps de réfléchir et que l'équipe reviendra le voir jeudi prochain pour en reparler avec lui. Avant de nous rendre dans la salle Packing nous attendons un infirmier parti chercher un traversin. Pierre nous reparle alors d’épilepsie mais surtout de son père qui serait tombé malade et que des gens seraient venus le chercher, qu'il s'est occupé de son père, qu'il se levait la nuit pour s'en occuper…

Nous nous rendons dans la chambre prévue pour le Packing qui se trouve en dehors de toute unité d'hospitalisation, dans un endroit très calme du bâtiment.

C'est un espace presque carré, très contenant, la tête du lit est adossée à un mur de telle sorte que les soignants peuvent être autour. Dans la chambre se trouve une armoire qui contient du matériel pour le Packing, des chaises et une table de nuit où repose une lampe de chevet, la lumière de la fenêtre est calfeutrée par des stores, ainsi l'esprit « Georges de La tour » conduisant à une ambiance de détente est ici recréée.

Nous ré-expliquons en détail à Pierre la technique de soin : les serviettes mouillées dans lesquelles il sera enveloppé en maillot de bain puis le drap, le tissu imperméable et les couvertures. Tout en expliquant, je lui montre sur le traversin que j'ai positionné sur le lit symbolisant le « corps-tronc » de Pierre.

Je lui démontre bien et lui explique que sa tête restera en dehors du pack. Puis une fois enveloppé nous resterons ensemble à ses cotés autour de lui pendant 45min environ. Il dit « oui c'est bien » il sourit me regarde et dit « ben pourquoi on commence pas la semaine prochaine », nous rions tous ensemble et nous lui expliquons que tout le monde ne sera pas disponible la semaine prochaine et que nous souhaitons lui laisser le temps de repenser à tout ça avant de commencer.

Pierre me dit alors « déPacking, j'en ai eu pour l'épilepsie », tout s'éclaire, je reprends « la dépakine® oui c'est un traitement pour l'épilepsie c'est un médicament », il sourit et raconte qu'il a fait une crise et que les pompiers sont venus, qu'on l'a emmené et semble presque mimer un enveloppement.

C reprends et raconte qu'il a probablement été mis sur un brancard attaché ? Contenu ? Pierre continue a nous raconter « il y avait tout le monde, la police, les pompiers, puis ils m'ont amené ici » puis il reparle de son père, dit qu'il est mort et semble dire qu'il était étendu allongé…(comme lui sur le lit pour le Packing ?) puis il dit qu'il a eu des traitement dont « des petites piqûres ».


Lors du temps de reprise où nous prenons des notes tous ensemble sur ce qui s'est passé, nous tentons de recoller les morceaux d'histoires que Pierre nous a livré sans trop interpréter. C évoque la possibilité d'image de mort…de son père mort que le Packing pourrait évoquer, peut être de tissu plastique recouvrant un corps. Je n'ai pas regardé le dossier médical de Pierre et ne connaît pas son histoire, je me dis que ces choses viendront au fur et à mesure de l'histoire qui va s'écrire avec Pierre au travers de ce soin.



Mais cette introduction fut une « mise en bouche » particulièrement intéressante et positive.

Aujourd'hui ce patient a eu plusieurs séances, on est passé par du froid, mais aussi par des pack avec du linge mouillé à l'eau chaude à sa demande, parfois il n'y a pas eu d'enveloppement mais autre chose qui s'est élaboré (selon ses propres mots"un petit pack") puis pour revenir à du pack plus classique les fois suivantes…

L'équipe de packing rencontre régulièrement le reste de l'équipe qui soigne Pierre….Le packing c'est aussi créer des liens, il prend place dans l'ensemble des prises en charges que nous tissons avec le patient.

Le packing est un outil soignant, pourquoi s'en priver ?

Sarah Gatignol
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>Semaine de la folie ordinaire à Reims

 

 

SEMAINE DE LA FOLIE ORDINAIRE

 

EXPOSITION  

Du 13 au 24 mars 2012 "Semaine de la Folie Ordinaire 2012"   

à la Maison de la Vie Associative,  122 rue du Barbatre à Reims réalisée par le Centre Antonin Artaud, les Clubs Le Grillon, Atout Coeur, MEID et le GEM La Locomotive

Vernissage le mardi 13 mars 2012 à 18h00 

 

LECTURE

Mercredi 14 mars 2012 à 19h Lecture vivante " Du Rififi à Carnégie"

Bibliothèque Carnégie, 2 place Carnégie 

SOIRÉE : "DES MAUX EN DÉBAT … CASSONS LE MOULE"

 

Jeudi 15 mars 2012 de 18h à 22h à la Salle Armonville, 7 bis rue Armonville à Reims  

18h             Accueil à la Salle Armonville

18h15         Fanfare Artos

18h35         Ouverture et mise en perspective de la soirée par Sébastien D., Président et   Clément D., membre du CA, du GEM la Locomotive

18h50         Atelier chant lyrique avec Marie Matherat

                   Deux passages de La Périchole de Jacques Offenbach

19h00         Les après-coups de la loi sur la psychiatrie et l’analyse de l’actualité psychiatrique pour les patients, leur famille et les soignants avec Patrick Chemla. Ouverture d’un débat avec la salle.

                   Présentation d’une association de patients nouvellement créée : HumaPsy

                   Annonces des actions en faveur d’une psychiatrie fondée sur l’hospitalité avec le meeting à Montreuil le samedi 17 mars.

20h             Collation

                   Soupes, pâtisseries, boissons fraîches

20h40        Dégustation de pâte de coing par le club Atout Cœur de Fismes           

20h50         La parole à Corinne Chemin, pour les ateliers du GEM

21h             La parole à Julie de Benoist, pour les sorties équitation

21h10         Intermède musical avec Amélie Barbier

21h15         L’atelier d’écriture d’Artaud

21h25         La Patat’Ose nous invite à l’enregistrement d’une émission de radio ..               

                   Prochains rendez-vous…

21h40         Chants et danses populaires avec Amélie Barbier

22h            Fin de la soirée avec vente du catalogue et de l’affiche de l’exposition

 

Téléchargez le document de présentation de l'événement : Semaine de la folieordinaire

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> MANIFESTE POUR UNE PRATIQUE HUMANISTE AUPRES DES SUJETS DITS AUTISTES ET DE LEURS FAMILLES.

Le collectif des 39 soutien et invite à signer et partager ce manifeste.

Pétition Manifeste pour une pratique humaniste auprès des sujets dits autistes et de leur famille

Pour:Assemblée de la république, Premier Ministre, Haute Autorité de Santé





Nous, éducateurs, aides médico-psychologiques, cuisinières, secrétaires, assistantes sociales, pédagogues, orthophonistes, psychomotriciens, psychologues, psychiatres, psychothérapeutes, psychanalystes, directeurs, tous les autres professionnels des IME, IMPRO, ESAT, SESSAD, Hôpitaux de Jour, CATTP, CMP, CMPP, et autres structures, qui œuvrons auprès des enfants, des adolescents, des adultes qu’on nomme autistes, et de leurs familles, affirmons être fiers de tout le travail de soin, d’éducation, d’enseignement, d’accompagnement accompli dans la difficulté, le manque de moyen, et dans l’éthique d’un accueil au singulier, au cas par cas, de leurs souffrances et de leur joie. 
Nous n’avons pas à rougir, ni à nous cacher, d’avoir, depuis de nombreuses années, cherché à créer et expérimenter des dispositifs multiples, inter et pluridisciplinaires dans l’invention et l’innovation nécessaires pour tenter de répondre aux défis de la gravité, de l’énigme, de la difficulté à rencontrer et aider ceux qui expriment leurs subjectivités de manière si extrême et si déroutante. 
Cette action, nous l’avons développée de plus en plus en partenariat, voire en alliance, avec les familles, et toujours dans la dimension d’un réseau, pour trouver une continuité, une cohérence d’intervention et pour faire pièce à l’isolement lui aussi autistique. 
Nous nous sommes appuyés sur les orientations de la psychanalyse et/ou de la psychothérapie institutionnelle, à la fois comme éléments de pratique, de compréhension, pour favoriser aussi une pratique plurielle et à plusieurs, mais dans une volonté de recherches et d’interrogations les plus éloignées des dogmes ou des interprétations fermées. 
Nous nous réjouissons donc que l’autisme soit devenu une grande cause nationale pour permettre d’intensifier une prise en charge de qualité et des questionnements ouverts sur l’amélioration des structures et de leurs moyens et fonctionnement, pour constituer donc un nouveau tremplin vers le renforcement de nos capacités d’accueil et de travail. 
A ceux qui mal informés de nos pratiques actuelles, de la réalité de nos résultats éducatifs et thérapeutiques, souhaitent, dans un discours de déni ou de haine, nous interdire de continuer nos efforts et nos engagements au service des plus fragiles, des plus incompris et des plus rejetés, nous répondons qu’ils se trompent s’ils pensent avoir à leur disposition des solutions uniques et miraculeuses à partir de méthodes publicisées, standardisées et uniformes, que l’appui qu’ils veulent trouver dans des travaux scientifiques à l’assise provisoire est illusoire tant la complexité est de règle en la matière, et la modestie devant notre ignorance commune. 
Pour autant nous sommes prêts à débattre, à échanger, à nous saisir de nouvelles propositions d’éducation et de soins pour peu qu’elles s’inscrivent dans une éthique de respect de la personne humaine, du sujet humain dans ce qu’il a de plus vivant, loin d’être réduit à la somme de ses comportements, pour favoriser la prise de parole et d’autonomie de ceux qui nous font confiance et à qui nous faisons confiance pour qu’ils trouvent leurs propres voies d’épanouissement et de présence au monde.

 

Pour signer Cliquez pour une pratique…

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>Tu viens au meeting ?

 

– Tu viens au meeting ?

-Non. Je ne veux même pas savoir où c'est.

-C'est le samedi 17 mars 2012 à Montreuil, à la Parole Errante, de 9 heures à 18 heures

-Je ne viens pas

-Mais tu fais quoi ce samedi 17 ?

– Je dors, j'en ai ma claque! Imagine mes journées: je les passe derrière un écran, et je ne parle plus aux patients. Vois-tu, j'ai mis environ une demie-vie pour apprendre à leur parler. Ou plus exactement ce sont eux,  ceux qu'on dit fous, qui m'ont appris à parler. Ça prend du temps ! Et maintenant, à toute allure, on t'oblige à effacer ce que tu as mis ta vie à apprendre.

-Mais justement ! Viens au meeting. C'est pour penser et c'est pour agir !

-Trop tard. C'est foutu. Faut être conscient, quoi ! C'est fini, la psychiatrie ! Maintenant, c'est protocole et compagnie. Alors le programme pour moi, samedi 17 mars, ce sera sieste.

-Tu rêves de quoi, dans tes siestes ?

-Ouh là  là, ça fait un moment que je n'ai plus de rêves…. mais des cauchemars…. un monde sans mots… c'est à dire où les mots ne sont plus des mots mais des comprimés… à prendre à heures fixes sous peine d'être catapulté hors du système…. définitivement seul….

-Ah mais ce n'est pas un cauchemar, c'est la réalité ! Ici et maintenant !! Et c'est le sujet du meeting:  démonter ces discours qui veulent se faire passer pour de la science. C'est la guerre des mots ! Et il vaut mieux se battre à plusieurs si on veut faire autre  chose que de s'empoisonner avec.

-Tu crois qu'il reste une chance ?

-Bien sûr, il reste une chance – surtout si on s'en saisit !

 Patricia Janody

 

ET A CE MEETING  NOUS  POURRONS ENTENDRE:

 

SERGE PORTELLI, VICE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PARIS

RAZZY HAMMADI, SECRETAIRE NATIONAL DU PS AUX SERVICES PUBLICS

SYLVIANE GIAMPINO, PRÉSIDENTE DE ZERO DE CONDUITE

PIERRE DARDOT, PHILOSOPHE, CO AUTEUR DE "LA NOUVELLE RAISON DU MONDE

JACQUELINE BERGER, AUTEUR DE "SORTIR DE L'AUTISME"

FRANÇOIS GONON, NEUROBIOLOGISTE

ANDRE CORET, PHYSICIEN

LE PROFESSEUR PIERRE DELION

 

DES REPRÉSENTANTS  DE MESSIEURS HOLLANDE, MELENCHON, POUTOU ET DE MADAME JOLY, CANDIDATS A L'ELECTION PRESIDENTIELLE

PIERRE JOXE , ANCIEN MINISTRE DE LA DÉFENSE ET DE L'INTÉRIEUR, ET BIEN SUR DES SOIGNANTS, DES PATIENTS, DES PARENTS…

ALORS TOUS AU MEETING DU 17 MARS !

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>L’autisme est-il réellement biologique ?

 

Par David Simard

Des associations de parents d’enfants autistes, des personnes autistes elles-mêmes, ainsi que des scientifiques, affirment que l’autisme est biologique. Cette affirmation s’inscrit dans le cadre d’une joute contre la psychanalyse, accusée de rendre responsables et coupables les parents, et plus spécialement les mères, de l’autisme de leurs enfants.

Cette polémique rend difficilement audibles des discours argumentés, notamment sur la question de la dimension biologique de l’autisme, considérée comme acquise. Or, rien n’est si avéré en la matière.

La génétique, « cause » de l’autisme ?

La question de savoir si l’autisme est biologique requiert de s’interroger sur ce qui est entendu par « est ». S’agit-il de dire que la cause unique de l’autisme, ce que l’on appelle l’étiologie, est biologique – et plus spécialement génétique ? Ou bien que dans les cas d’autistes étudiés avec l’œil du généticien, on a trouvé des marqueurs biologiques ? La nuance peut sembler subtile, voire inexistante, elle est pourtant de taille.

En effet, identifier des marqueurs génétiques chez des personnes diagnostiquées comme autistes ne suffit pas à établir que ces gènes sont la cause de l’autisme de ces personnes, et encore moins la cause unique. Cela peut indiquer par exemple une prédisposition supérieure par rapport à des personnes pour lesquelles on ne trouve pas ces marqueurs génétiques, mais dont le déclenchement dépendra d’éléments extérieurs à ces gènes, qui peuvent être des éléments biologiques autres que génétiques, des éléments de mode de vie, des éléments d’environnement familial.

 

Une synthèse sur l’état de la recherche

La question est donc celle-ci : est-il scientifiquement établi que l’autisme a pour cause unique des gènes ? Pour tenter de répondre à cette question, la lecture du livre Autisme, le gène introuvable. De la science au business (Seuil, 2012), du biologiste moléculaire et directeur de recherches émérite au CNRS Bertrand Jordan, est instructive.

Il présente en effet plusieurs avantages. Tout d’abord, eu égard à la polémique contre la psychanalyse, il n’est pas négligeable de pouvoir se référer à un biologiste, tel  Bertrand Jordan, qui rejette le recours à la psychanalyse dans la prise en charge des personnes autistes. Cela permet d’éviter de le soupçonner de construire un discours sur le plan de la génétique qui ait pour fin de soutenir les approches psychanalytiques (…) Suite de l'article sur acontrario.net

 

 

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>Mère d’enfant autiste : plutôt coupable qu’ABA

Une connaissance professionnelle, dont j’apprends qu’elle a un fils autiste de 28 ans me dit : toi, au moins, tu auras plus de chance pour la prise en charge de ton enfant de 4 ans. Je lui demande pourquoi. Parce que toi, on ne te dira plus que c’est ta faute, et ton enfant bénéficiera d’une prise en charge adaptée. Pour elle, c’est une évidence. Je n’en peux douter. Elle l’a vécu. C’était son premier enfant, et elle me dit qu’il lui a fallu quinze ans pour oser en mettre un autre en route. Voilà une cause entendue : on dit aux mères que c’est de leur faute. J’essaie, avec délicatesse d’en savoir plus.

Mais qui, et comment te l’a-t-on dit ? Oh, me répond-elle, une mère est forcément coupable. C’est vrai. Voilà une chose à quoi l’on n’échappe pas. Et il n’est pas besoin qu’on nous le dise ; nous le savons bien. Je suis coupable pour chacun de mes deux enfants. Pourquoi ne le serais-je pas pour celui des deux qui est autiste ?

Cependant, notre interrogation cruelle, lancinante de parent d’enfant autiste se situe au-delà de la culpabilité, au lieu de la Faute. La chance a voulu, dans mon cas, qu’une hospitalisation néonatale dramatique vienne prendre place en ce lieu, pour que je sois un tant soit peu allégée d’un tel fardeau. Mais je vois bien que ce bricolage vaut pour moi seule. Je n’ose imaginer dans quel état je serais si aucun candidat de nature extérieure ne s’y était présenté.
Heureusement pour toutes les familles en perdition, depuis quelque temps, des associations de défense des parents d’autistes (je ne peux en aucune façon les considérer comme des associations de défense des personnes autistes) ont lancé une grande campagne pour nous rassurer, nous parents, et peut être, aussi, rassurer l’ensemble de la société sur le fait que ce n’est pas de notre faute. Ouf !
Mais s’il n’y a pas de faute, il y a forcément une cause. Bien sûr, nous dit-on. La cause est génétique, sans aucun doute. Ah ! Et la génétique ça n’est pas de notre faute ?
Et, puisque la cause est génétique, le traitement est forcément comportementaliste. Ah bon ? Là, j’ai beaucoup plus de mal à suivre la logique du raisonnement, sauf à lui ajouter un renforçateur (c’est comme ça qu’on appelle la cerise sur le gâteau en langage comportementaliste) : il y a bien un fautif, c’est la psychanalyse.

En matière d’autisme, par la force des choses, j’en connais un rayon, et la recherche vaine et épuisante de la cause m’apparaît surtout comme une impasse. Je ne parle pas de la cause médicale, qui intéresse les chercheurs, mais plutôt de cette croyance fausse que si l’on trouve la cause on a automatiquement le remède. Hier, ma mère m’appelle en urgence, comme chaque fois qu’on parle de l’autisme à la télévision. Vite, sur la 3… un enfant, soigné par antibiothérapie de sa maladie, a vu son autisme régresser et disparaître. Encore la 3 ! La dernière fois, aux infos régionales, on nous avait annoncé la naissance d’une structure scolaire spécialisée, nouvel espoir pour les familles en région parisienne… en fait, 8 enfants accueillis dans un hangar prêté par la mairie, avec un psychologue et des parents bénévoles. Depuis que l’autisme est une grande cause nationale, toutes les bonnes volontés sont bienvenues. Toutes, sauf ces méchants psychiatres et psychanalystes, qui culpabilisent les mères. Eux, au contraire, il faut les fuir, et fuir tous les lieux où il risque d’y en avoir, même et a fortiori s’ils sont cachés au sein d’équipes pluridisciplinaires. Heureusement, l’association Autistes sans frontières est là pour nous indiquer la voie « ne mettez surtout pas votre enfant en Hôpital de jour, ni en IME », sauf s’il est débile profond.
 
Offrez-lui ABA, car il le vaut bien.
Contrairement aux zozos du hangar, les tenants de l’ABA, eux, ne sont pas des amateurs. Ils le disent et le clament sans ambages. Pas de doute : à raison de 40 heures par semaine, pendant 3 ans, nos enfants, pris en charge, pourront réduire leur handicap, au point de devenir quasiment « indécelables » dans un collectif d’autres enfants. On ne nous dit pas si c’est de loin ou de près.
 
La méthode ABA est pratiquée par des praticiens certifiés BCBA©. On imagine bien que ça coûte cher, malgré la mobilisation d’un nombre impressionnant de bénévoles et de parents. Les sites français sont très discrets sur ces questions. Aucun chiffre n’est fourni. Sur les sites américains et canadiens, en revanche, l’information est disponible : 50 000$ par enfant. Bigre ! Même en coupant les vivres à toutes les institutions psychiatriques et médico-sociales pour les réorienter exclusivement vers ABA, on voit mal la collectivité prendre en charge un tel coût. Mais moi, parent Ni coupable, NI responsable (c’est garanti par l’association Autistes sans frontières) je me dois d’offrir cette chance, SA chance à mon enfant. Malheur à ceux qui n’ont NI temps NI argent, NI l’énergie, NI la capacité d’engagement sans borne pour atteindre le graal : l’entrée de l’enfant à l’école, comme tous les enfants normaux. Mais il ne suffit pas d’entrer à l’école ; encore faut-il y rester. Pour quelques rares réussites, qui se seraient de toutes façons passées de l’ABA, combien d’échecs amers ? En tout état de cause, tous les témoignages d’autistes ayant eu un parcours scolaire et académique démontrent que l’intégration scolaire repose sur des ressorts de volonté intérieure du sujet, dont les autistes sont plus que tous autres capables, et non sur l’induction d’un comportement.
 
Quant à Louis, il pourrait être accepté à l’école maternelle avec une AVS, uniquement à temps partiel, dans une classe normale avec un enseignant pour 27 élèves. Sans garantie sur ce qu’il en tirerait. Aujourd’hui, j’ai choisi, en concertation avec le CMP de mon secteur, d’obtenir une admission de Louis à temps plein à l’hôpital de jour. Il y suivra une scolarité adaptée, avec deux éducateurs permanents pour 8 enfants, et le soutien de toute une équipe pluridisciplinaire. Cette intégration a été précédée d’une période d’observation et d’évaluation, assez éprouvante par sa longueur, qui permet néanmoins d’espérer que le projet sera le plus ajusté possible à ses capacités d’évolution.
 
Il paraît que si nous résistons à l’ABA, c’est que nous sommes arriérés, et dépravés par la psychanalyse. C’est vrai. Chez nous, ABA ne fait que commencer de nuire. Nous sommes un nouveau marché à conquérir. La fédération ABA France annonce sur son site (www.aba-france.com) que « l’ABA est une approche scientifique qui a pour objectif la modification du comportement par la manipulation » et qu’elle vise un « champ d’action aussi varié que l’éducation, les troubles du développement, la psychiatrie, les milieux professionnels, les troubles du comportement, la prévention routière, les addictions, l’autisme, l’hyperactivité, les phobies, le handicap, la dépression, la violence, la gériatrie, le domaine sécuritaire, l’aide à la parentalité, la déficience mentale, les troubles obsessionnels compulsifs, la communication, etc ». Un vrai programme de privatisation du soin et de la sécurité, et de constitution d’une industrie du « Care Service », comme elle fleurit aux Etats-Unis.


ABA a besoin de nous car, aux Etats-Unis, le conditionnement comportementaliste est déjà totalement Has-been, réservé à ces familles désespérées qui n’ont pas les ressources sociales leur permettant de s’acheter les services d’un Coach développementaliste évolué (Voir le « JumpStart Learning to Learn Program » de Bryna Siegel – www.autismjumpstart.org ), qui va leur concocter un mix sur mesure des méthodes existantes après un diagnostic élaboré des compétences de l’enfant (c'est-à-dire, l’équivalent de ce que nous avons gratuitement en France auprès des CMP et des centres d’évaluation).
 
Dans le monde anglo-saxon, il y a aussi une vraie communauté Autiste/Asperger, qui revendique de savoir pertinemment ce qui est bon pour elle, et qui vomit aussi bien les comportementalistes que les développementalistes. Merci à vous, Jim Sinclair, fondateur, avec Donna Williams du « Autism Network International » et du « Autistic Self Advocacy Network » (voir www.autreat.com) ; merci à vous Michelle Dawson, qui avez plaidé en 2004 devant la cour canadienne sur la non éthique de l’ABA, les empêchant de capter les fonds publics pour leur opération de malfaisance. Vous êtes mes héros, comme on dit pompeusement chez vous.


ABA les pattes !
●La première étape de la méthode ABA consiste à réduire les stéréotypes dont l’enfant est affecté. On peut voir sur internet des séquences qui me font l’effet d’un cérémonial barbare, proche du sacrifice. L’enfant pénètre dans une pièce où se trouvent une table et une chaise.
 
On l’assoit, les deux mains paumes ouvertes sur la table. Un adulte est devant, et un autre est derrière lui. L’adulte devant émet des demandes, tandis que celui qui est derrière veille à lui interdire toute échappée belle. Voilà, tout est en place. Ce que l’on va maintenant extraire, pour l’éradiquer, ce sont ces petits riens, ces signes, ces connivences, qui font notre communication, notre miel, notre langage, notre univers partagé.
On ne se bouche pas les oreilles. Quand Louis porte ses mains aux oreilles, ce n’est pas pour les boucher. Si l’on veut se boucher les oreilles, on presse dessus avec ses paumes. Louis place ses pouces sous les lobes et les remonte vers le pavillon. Il garde ainsi les paumes de ses mains libres pour orienter soit vers l’intérieur, pour s’entendre lui-même, comme le font les chanteurs, soit vers l’extérieur, ce qui lui permet une attention directionnelle et ciblée.
 
On ne court pas dans tous les sens en agitant frénétiquement les mains. L’écriture de Louis s’inscrit dans l’espace, qu’il parcourt joyeusement en courant en tous sens, décrivant différents tracés, lignes d’erre[1], transversales légèrement courbes, tours serrés ou plus lâches autour d’un point, lignes brisées et brusques changements sous l’emprise d’une inspiration nouvelle, bras levés, mains tendues vers le ciel, agitant un tambourin imaginaire. Chanson de geste. Litturaterre. Véritable proto-écriture, que d’aucuns qualifient d’hyperactivité. La délicatesse et la gaucherie mêlées qui émanent de sa personne le rendent profondément attachant.
 
On n’attrape pas la main de l’adulte mais on pointe le doigt pour désigner ce que l’on veut. Il est vrai que Louis ne connaît pas la politesse quand il conduit fermement ma main vers le frigidaire pour attraper son dixième yaourt de la journée. Ce même geste peut pourtant révéler une émouvante subtilité. Voici une anecdote pour l’illustrer. De retour après deux ans dans une maison de vacances, nous retrouvons dans la salle de bains la tortue Tomy que nous y avions laissée. J’avais coutume de tenir Maman tortue sur le bord de la baignoire ; Louis tirait bien fort bébé tortue, et quand je lâchais, les deux tombaient dans le bain en faisant plouf. J’arrive donc toute heureuse : « Louis, regarde, Maman et bébé tortue ». Dans un premier mouvement il tend la main pour tirer le bébé tortue, mais il a alors une réaction inattendue, il se ravise et va chercher ma main pour que je le fasse. Il semble quêter mon approbation pour s’autoriser à utiliser sa propre main. Cette même main dans la main lui sert d’accrochage pour affronter les transitions vers des lieux inconnus, et il sait maintenant la lâcher, de sa propre initiative quand il est rassuré.
 
Quand mon fils, solidement installé dans mes bras, se jette en arrière avec jouissance et délectation, je repense à Donna Williams, cette merveilleuse dame autiste, cette femme d’une intelligence et d’une sensibilité hors du commun qui a « bénéficié » dans sa plus tendre enfance de la plus grave maltraitance maternelle. Mon arbre préféré appartenait au parc. J’y grimpais et me suspendais par les genoux la tête en bas, en me balançant sur la plus haute branche que je pouvais trouver[2]. Il ne me déplait pas de penser que mes bras sont, pour mon fils, cette plus haute branche d’où il peut se suspendre. Jamais je ne trahirai la confiance inconditionnelle qu’il me témoigne, à tous les moments de sa vie, pour le livrer à des tortionnaires, fussent t’ils animés des meilleures intentions pour un meilleur des mondes social.
 
●La deuxième étape de la méthode ABA, consiste à introduire des apprentissages par la répétition à l’infini de chaque particule élémentaire d’une opération, sans aucune considération pour une finalité quelconque. J’imagine que s’ils devaient faire aimer Haendel à une petite fille[3], ils passeraient d’abord chaque note de la première mesure pendant un mois, puis la deuxième le mois suivant, sans jamais faire écouter l’air en entier. Elle aurait droit à un yaourt en récompense pour avoir supporté ce massacre.
 
Louis, comme beaucoup d’autistes, adore, depuis le berceau, la musique, surtout baroque, musique très complexe et élaborée, très construite. Cela ne m’a empêchée de le croire sourd, un moment, jusqu’au jour où il a donné – sans signe précurseur – son premier concert vocal à 20 mois, un répertoire impressionnant, au beau milieu d’une salle d’attente d’hôpital. Le spectacle était saisissant : il chantait avec aplomb, justesse et rythme, une main collée à l’oreille comme le font les muezzins, au point que le brouhaha ambiant sembla s’estomper.
 
Une intense beauté se dégageait de cette scène.
 
Merci Scarlett et Philippe Reliquet, parents de la petite Garance, vous pensez comme moi qu’il importe peu de savoir si c’est notre cerveau gauche ou notre cerveau droit qui nous ouvre à la culture, à la beauté, à la poésie.

Quand je lis les poésies ironiques, décalées, acérées, ébouriffantes, des au(ar)tistes du Papotin[4], je me dis seulement que j’aimerais atteindre leur degré d’idiotie. Moi j’ai choisi, sans hésitation. Plutôt idiot cultivé que singe savant.
 
Mireille Battut


(Article publié sur Lacan quotidien : version d'origine)


[1] Hommage à Deligny

[2] Si on me touche je n’existe plus – Donna Williams

[3] Ecouter Haendel – Scarlett et Philippe Reliquet. – Editions Gallimard. A lire absolument.

[4] Toi et moi, on s’appelle par nos prénoms – Le Papotin, livre atypique – Marc Lavoine, Driss El Kesri – fayard
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> lettre ouverte projet de loi Fasquelle

lettre ouverte projet de loi Fasquelle

Lettre ouverte à Monsieur Jean-Pierre Bel,

Président du Sénat,

 

Suite à la proposition de loi de Monsieur Daniel Fasquelle, nous vous demandons,par la présente,de bien vouloir saisir le Conseil Constitutionnel afin qu'il en examine le contenu et les conséquences sur les principes mêmes qui fondent notre démocratie.

En effet, nous pensons que cette proposition qui vise"l'arrêt des pratiques psychanalytiques dans l'accompagnement des personnes autistes" et prône"la généralisation des méthodes éducatives et comportementales" est une atteinte grave à la liberté des pratiques.

Nous sommes très inquiets de voir le législateur décréter ce qu'est la "bonne" science et  la "bonne" pratique thérapeutique.

L'argument statistique, mis en avant par la proposition de loi, est d'une grande fragilité.En ce domaine ,la statistique ne prouve pas grand chose et s'il est vrai que "depuis une vingtaine d'années les pays occidentaux ont abandonné l'approche psychanalytique de l'autisme" cela montre surtout une uniformisation peu rassurante de la pensée qui déborde largement les frontières.

Quant au débat sur l'origine de l'autisme, il a toutes les caractéristiques de l'impasse: quand bien même l'autisme serait- comme l'avance la proposition-" un trouble neuro-développemental" fraudrait-il pour autant priver un enfant autiste de trouver ses propres solutions?

Cette proposition de loi dissimule d'ailleurs l'essentiel :le manque criant et cruel, pour les enfants autistes et leur famille,de structures adaptées ainsi que de moyens humains.

Nous craignons, monsieur le président, que cette mise à l'index de la psychanalyse ne soit un des symptômes de la dérive de notre démocratie vers un prêt-à-penser qui la détruit de l'intérieur. 

Chantal Allier

Pour signer cette lettre : cliquez sur ce lien

 

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