>Film "un monde sans fous" et débat à Montpellier le 3 octobre

Le lundi 3 octobre, 20 heures, au cinéma Diagonal Capitole, rue de Verdun à Montpellier

Un monde sans fous



Réalisé par Philippe Borrel



France, 2009, 1 h. 07



Le film sera suivi d’un débat organisé par la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) de Montpellier.



Intervenants : Gislhaine Rivet, Membre du Bureau National et responsable du Groupe de Travail Santé-Bioéthique, de la LDH et Membre du Collectif Mais c’est un Homme



Le Dr Hervé Bokobza, psychiatre, représentant le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire



Le Dr Robert Brès, psychiatre, représentant le collectif Mais c’est un Homme



Ce film nous emmène dans le monde peu connu de la psychiatrie. Nous en découvrons les différents courants : 



– le courant humaniste, né en France durant la seconde guerre mondiale et lié à la Résistance. Ce courant privilégie la relation de confiance avec les patients et les rapports humains.



– le courant comportementaliste, qui a de l’être humain une vision beaucoup plus « mécanique », vise la réinsertion rapide du patient dans la vie sociale. L’accent est plus mis sur la médication, et parfois sur la recherche de profit. Certains acteurs de ce courant élargissent le champ de leur action et s’intéressent à nous tous : malades déclarés ou pouvant le devenir, dépressifs occasionnels ou pas, adultes ou enfants.



Puis, au cours du débat, les docteurs Brès et Bokobza – tenants de l’approche humaniste – répondront à nos questions et nous expliqueront pourquoi eux et les membres de leurs collectifs sont « entrés en résistance » contre la toute nouvelle loi sur la psychiatrie, en vigueur depuis le 1er août 2011. Ils nous parleront des nouvelles relations médecin-patients, ainsi que des nouveaux rapports avec les pouvoirs publics, que cette loi impose.



Gislhaine Rivet nous parlera quant à elle des conséquences de cette loi et de ses dérives liberticides possibles, en ce qui concerne les droits des patients, ainsi que de tous les citoyens de façon générale. Elle évoquera également le rôle et les actions de la Ligue des Droits de l’Homme en termes de vigilance et de défense de nos Libertés.

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>Psychiatrie: Les dérapages se succèdent (Mediapart, les Contes de la folie ordinaire)

Les dérapages se succèdent depuis le 1er août, date de l'application sur les soins sans consentement en psychiatrie. Je propose au débat cet article de 2 amis, je dis bien au débat, à vous lire.

 


Loi du 5 juillet : entre criminalisation des patients et refus de soins

Les dérapages se succèdent depuis le 1er août, date de l'application sur les soins sans consentement en psychiatrie. Opérations de police pour forcer des malades à se rendre à l'hôpital, ou au contraire, refus d'hospitalisation pour des personnes en très grande difficulté.
C'est un système totalement emballé et absurde qui semble s'activer, au détriment des patients. 

Une mère appelle à l'aide le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire suite à l'opération de "police médicale" que sa fille schizophrène a subie. Cette jeune femme de 27 ans, sous le coup d'une obligation de soins, a prévenu l'hôpital qu'elle se rendrait depuis la gare, accompagnée de sa soeur, pour y faire une injection retard. A son arrivée à la gare, le train avait été bloqué par une équipe de 10 personnes dont des policiers, infirmiers, ambulanciers afin de l'emmener de force à l'hôpital. La mère de la jeune femme ne conteste pas la nécessité d'une hospitalisation pour sa fille, mais ne peut accepter la méthode employée, totalement démesurée et traumatisante pour celle-ci. Elle compte porter plainte.

A Lyon, il est rapporté qu'une rue a été bloquée par un nombre impressionnant de policiers casqués pour "chercher" un patient qui ne voulait pas ouvrir sa porte.

A Marseille, Serge Partouche, un autiste de 48 ans est mort mercredi 21 septembre, à plat ventre, le visage en sang, menotté par 3 policiers dont l'un à genoux sur son dos. Les forces de l'ordre avaient été appelées par une voisine en conflit avec les parents. Serge n'avait jamais été violent ni menaçant.

A l'opposé, le 14 septembre, une mère de famille a perdu son fils qui s'est jeté sous un camion. Une demande d'hospitalisation en clinique lui avait été refusée quelques jours auparavant au service des urgences. Le motif donné par le CISS (Collectif Interassociatif Sur la Santé) : les dépressifs n'ont pas le choix de leur hôpital. Le jeune homme, demandeur d'une prise en charge en clinique ne voulait pas retourner à l'hôpital mais avait accepté de repartir avec des médicaments. Aucune ordonnance n'a été fournie par le médecin des urgences.

Ces drames et dérives policières à l'égard des malades posent des questions graves sur le secteur psychiatrique. Est-il encore en mesure de répondre à ses engagements déontologiques, et au delà, peut-il continuer à prétendre au soin, venir en aide aux personnes en souffrance psychique ?

Si la loi sur les soins sans consentement continue de criminaliser les malades comme elle a déjà commencé à le faire, il semble que la réponse soit non.

H.P et J.B.P

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>Entre rêve et création, le fil rouge de l’infantile ?

 

LE POINT de CAPITON, l’ECRPF, La Scène Nationale de Cavaillon

et Les Ateliers de Création de Montfavet

Entre Rêve et Création,
le Fil Rouge de l’Infantile ?

 

 

COLLOQUE

Vendredi et Samedi

11 et 12 Novembre 2011

9h-12h30 et 14h-18h30

Théâtre de Cavaillon (84)

Rue du Languedoc

04 90 78 64 64


  • Danse et chorale : Émouvance et Il était une voix
  • Expositions : Atelier Peau d’âme, Atelier Marie Laurencin et artistes invités
  • Expo de Poche : Joëlle Molina
  • Musique : Jean Yves Abecassis
  • Slam : Tolten
  • Textes : Atelier Papier de Soi, poètes et écrivains invités
  • Voix : Danièle Ors-Hagen, Corine Zibetti
  • Librairie : Papier de Soi, Point de Capiton, Champs Social, Mémoire du Monde, D. Limon, H. Ludo…


Participation aux frais : voir au dos de la plaquette

Renseignements : lepointdecapiton@hotmail.fr

Répondeur -fax : 04 90 86 55 25

 

Chèques à adresser à :

Point de Capiton

1632 Hameau de la Parisienne, 84740 Velleron

(Inscription à réception du paiement uniquement)

www.le-point-de-capiton.net

www.inter-s-tisse.org

http://www.theatredecavaillon.com/Un-truc-de-fou

« Les rêves et les créations nous pensent parfois bien avant que nous ne les pensions nous-mêmes ».

Sylvie Le Poulichet, Les chimères du corps


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>Les enseignements de la folie (blog Mediapart)

Un feuilleton « dangereux » à partir du 10 octobre Par Heitor O'Dwyer de Macedo

Lors de la première manifestation appelée par Le Collectif des 39 contre La Nuit Sécuritaire  les patients ont inventé un mot d’ordre vite repris par les manifestants : Nous sommes tous des schizophrènes dangereux. C’est en réfléchissant sur le sens de cette proposition que je me suis dit qu’il serait bienvenu d’évoquer les enseignements que nous donnent la folie et les fous. Et j’ai pensé que revisiter le grand clinicien de la folie que fut Dostoïevski pourrait être une contribution à la lutte citoyenne contre l’application de la loi des « soins sans consentement », lutte inaugurée et soutenue par Le Collectif des 39.

Donc à partir du 10 octobre, du lundi au vendredi de chaque semaine, je revisiterai pour un temps une partie de l’œuvre dostoïevskienne.

Mon point de départ pour ce « feuilleton » a été l’idée que chez Dostoïevski, la grandeur ou la misère des personnages fondamentaux de l’œuvre accompagne la découverte qu’ils font de l’inconscient. Que les personnages soient construits à partir du trauma de la rencontre avec l’inconscient, est certainement une des raisons principales de leur pérennité. En nous appuyant sur ces personnages nous démontrerons que leur enseignement sur le trauma, le fantasme, la perversion, la folie nous apprend la vie vivante. Mon travail se concentrera sur deux textes Notes du sous-sol et Crime et Châtiment.

Bref rappel des faits et des enjeux :

Au 1 août dernier une loi dite des « soins sans consentement » est entrée en vigueur.

Cette loi s’inscrit dans le droit-fil du discours de Nicolas Sarkozy à l’hôpital d’Antony le 2 décembre 2008. Sont désignées par le Président de la République comme potentiellement criminelles, en tout cas potentiellement dangereuses, toutes les personnes qui présentent des signes peu ordinaires de souffrance psychique.

Un collectif s’est constitué en décembre 2008, en réaction immédiate à ce sinistre discours présidentiel : « Le Collectif des 39 contre La Nuit Sécuritaire »

Le Collectif des 39 contre La Nuit Sécuritaire a immédiatement  dénoncé le projet de cette loi en rappelant la pensée de François Tosquelles : Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie c’est l’homme même qui disparaît.

La loi instaure des « soins sans consentement », y compris « en ambulatoire », c’est-à-dire en dehors de l’hôpital, au domicile. Elle remplace les modalités actuelles d’hospitalisation et d’alternative à l’hospitalisation en promouvant toujours plus de contrôle et de répression.  En effet, la notion de « santé mentale » utilisée notamment par les rapports gouvernementaux semble étendre le domaine des troubles psychiques à la simple exacerbation des sentiments, des émotions, aux peurs, à la tristesse, aux énervements, aux angoisses, aux ressentis et vécus douloureux, liés à des situations précises telles que le travail, une rupture, un deuil. De plus, l’évocation du « trouble de l’ordre public », entraînant la mise en place de soins psychiatriques sans consentement, comporte un risque de dérive pour les libertés individuelles. 

Puisque, comme le disait récemment Leslie Kaplan, la folie concerne tout le monde, cette loi nous concerne tous.

Cette loi qui crée des « soins sans consentement » y compris à domicile, est un saut dans l’inconnu. Elle représente un risque de dérive particulièrement inquiétant car sont instaurés :

– des soins sous la menace d’une hospitalisation forcée en cas d’absence aux consultations ;

– des soins réduits à la surveillance d’un traitement médicamenteux, nouvelle camisole chimique ; 

– des soins où la rencontre, la confiance dans la relation, la patience, la prise en compte de la parole, sont oubliées ou accessoires.

Nous savons bien que c’est la peur qui génère des réactions violentes chez certaines personnes ; or, cette loi engendre la peur des patients et la peur chez les patients.

Cette loi porte atteinte à  la confiance entre le patient et le soignant : le soignant représentera en permanence une menace, une surveillance sur la liberté d’aller et venir du patient, car il lui incombera de signaler toute absence aux consultations et aux visites, sous peine de sanctions. Le préfet, saisi par le directeur de l’hôpital, enverra les forces de l’ordre pour contraindre la personne à une hospitalisation. Le malade devenant « un contrevenant », il s’agit donc de mettre fin au métier de soignant

Bref, le gouvernement érige le trauma en projet de société. Mettre l’angoisse, le désir et la pensée à l’index est une nécessité inséparable de son modèle économique : le citoyen doit être un individu sans subjectivité, sans sensibilité, simple reproducteur anonyme des conditions de fonctionnement d’un système d’échange où il n’y a plus d’échange, qui produit le vide de sens dont la machine a besoin pour se perpétuer – et la princesse de Clèves peut aller se faire foutre. (1)

Donc, toute solidarité est résistance, toute fidélité aux nuances est résistance. Toute pratique d’amitié est résistance. Devant l’attaque systématique de tout lien social, nous sommes convoqués, en respectant nos fragilités et nos angoisses, nos rêves et nos désirs, à être des professionnels de la vie vivante, professionnels de la merveilleuse folie de la vie vivante. Nous sommes convoqués, dans nos domaines de pratique de pensée, à célébrer l’énigme et la liberté, la complexité et l’inédit de toute rencontre avec le monde. Devant la brutalité qui envahit notre quotidien nous essayerons, comme les poètes, de nous ressourcer dans l’éphémère de chaque instant. En même temps, nous serons déterminés et, si nécessaire, dans la colère, contre le mensonge et le cynisme, contre la simplification et la vulgarité – attitudes qu’on nous propose à la place du lien, attitudes avec lesquelles on espère transformer en banalité la tristesse du ne-pas-être-ensemble.

1 – «Dans la fonction publique, il faut en finir avec la pression des concours et des examens. L'autre jour, je m'amusais, on s'amuse comme on peut, à regarder le programme du concours d'attaché d'administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d'interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu'elle pensait de La Princesse de Clèves… Imaginez un peu le spectacle ! En tout cas, je l’ai lu il y a tellement longtemps qu’il y a de fortes chances que j’aie raté l’examen ! »  – Nicolas Sarkozy pendant sa campagne aux élections présidentielles

Heitor O'Dwyer de Macedo

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>Il n'y a pas de coeur étanche : rencontre entre artistes et patients au CHS de la Chartreuse à Dijon

Pendant un an, Arnaud Cathrine et Julie Rey se sont rendus au centre hospitalier "La Chartreuse de Dijon".


C'est dans ce centre psychiatrique qu'ils ont rencontré douze patients volontaires. Au fil des mois les liens se créent, la frontière qui sépare patients et artistes se fait alors plus trouble : "Chaque fois que nous venons ici, nous nous posons la même question : pourquoi vous et pas quelqu'un d'autre…vous, eux…pourquoi pas nous ?"

 

Il y a ceux qui sont supposés aller bien, et ceux qui sont supposés aller mal.

Les uns se débrouillent (vaille que vaille) avec la vie ; ils arrivent à travailler, à aimer, à se tenir debout.

 

Les autres désespèrent de la vie ; ils n'arrivent plus à rien. Voilà ce qu'on dit ou pense le plus souvent des gens "normaux" et des autres : ceux qu'un accident de parcours, plus ou moins violent, a conduit à l'hopital psychatrique.

 

Au final ce sont ces histoires simples, ces histoires humaines que les deux artistes retranscrivent sur scène dans un spectacle musical. Dans un décor délibérement minimaliste, Arnaud Cathrine (auteur, chanteur) et Julie Rey (auteur et auteur compositeur) jouent tour à tour tous les rôles : le leur et celui des patients.

 

Un spectacle touchant retracant la magie de ces rencontres 

http://petitspapiersproductions.blogspot.com/

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>Grand rassemblement le samedi 3 décembre 2011 à la Maison de l'Arbre – la Parole Errante à Montreuil

Derrière le juge des libertés, n'oublions pas les soins sans consentement en ambulatoire…

Depuis le 1er août 2011, la loi réformant les « soins » psychiatriques sans consentement s'applique. Dès sa fondation en décembre 2008, le collectif des 39 a combattu les dérives sécuritaires qu'entérine la loi actuelle.

Si un grand nombre de professionnels, de familles, de patients, et plus largement de citoyens, ont pu se féliciter de l'arrivée du juge dans le dispositif de privation de liberté, nous ne pouvons oublier :

– La logique sécuritaire qui soustend cette loi : amalgame entre maladie psychique et dangerosité, entre « soins » et médicaments au détriment de l'accompagnement relationnel

 – La mise en place des « soins » sans consentement en ambulatoire, « soins » qui introduisent un contrôle illimité des patients (dans l'espace et dans le temps) par le biais des « programmes de soins» contraints qui, eux, ne sont pas soumis au juge des libertés et de la détention

– La mise en  place d'une garde à vue de 72h

– La création d'une nouvelle catégorie de patients supposés dangereux sur leurs seuls antécédents (avec constitution d'un fichier informatique)

Depuis un mois, nous constatons au quotidien l'inflation des procédures administratives (augmentation drastique du nombre de certificats, rigidités accrues pour tisser du lien entre l'hôpital et la cité etc.), qui desservent le temps et les moyens accordés aux soins réels des patients hospitalisés et suivis en ambulatoire.

Enfin, lors des audiences, des ruptures du secret professionnel se produisent rendant publiques la souffrance des personnes déjà fragilisées.

Devant l'aberration du pan sécuritaire de la loi et l'impréparation flagrante du dispositif de protection des libertés qui, comme nous l'avions prévu, vont à l'encontre de soins réels, le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire appelle d'ores et déjà à un grand rassemblement, le samedi 3 décembre 2011 à la Maison de l'Arbre – la Parole Errante à Montreuil pour l'abrogation de cette loi pour penser des pratiques psychiatriques qui, à rebours des dérives gestionnaires et sécuritaires actuelles, permettent une véritable hospitalité à la folie.

Le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire

(L'agenda précis du rassemblement sera communiqué ultérieurement)

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>Colloque sur la psychiatrie publique dans les zones urbaines sensibles

 


Mercredi 21 septembre 2011 / à Grenoble (9h-17h)

 

La psychiatrie publique dans les zones urbaines sensibles : contextes, enjeux et moyens

Le colloque sur la psychiatrie publique dans les zones urbaines sensibles se tiendra à Grenoble le 21 septembre 2011 de 9h à 17h.



Sur fond de dépression économique et de processus de privatisation de l’offre de soins en France, la psychiatrie publique illustre les difficultés auxquelles sont actuellement confrontées les politiques publiques.

Ces difficultés se cumulent avec le caractère toujours stigmatisant de la maladie mentale. La prise en charge des populations les plus vulnérables telles, entre-autres, que les personnes résidant dans les Zones Urbaines Sensibles représente un enjeu particulier.

 

•    Quels sont les principaux éléments du contexte de ces ZUS qu’il convient de connaître et de prendre en considération pour comprendre leurs liens éventuels avec la souffrance et la maladie mentales ?

•    Y a t-il une épidémiologie et une cliniques spécifiques de ces territoires urbains ?

•    Confrontés à de tels contextes, les acteurs de la psychiatrie publique ont-ils les moyens de pouvoir maintenir une offre de soins qui garantisse aux populations concernées une véritable équité ?

 

Telles sont quelques-unes des questions qui seront abordées lors de la rencontre de Grenoble le 21 septembre 2011, avec pour ambition de porter un regard inhabituel sur une complexité urbaine qui ne peut se résumer à des slogans simplificateurs.


Télécharger le programme de la journée(en pièce jointe) : programme_colloque+psy[1]

Pour l’inscription : http://ch-alpes-isere.fr/inscription_colloque.php

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>Les indignés européens marchent sur Paris

Le mouvement "des indignés" s'était créé après la manifestation de l'association Democracia Real Ya ! du 15 mai 2011 en Espagne et s'était donné pour nom AcampadaSol ou "Take the square" (prends la place) avec pour mode d'action la désobéissance civile et pour but des changements fondamentaux de gouvernance et de société. La marche internationale des indignés arrive à Paris le 17 septembre 2011. Rencontre avec le comité d'accueil dans la capitale française. 

Le mouvement des Indignés fait toujours entendre sa voix, et même de plus en plus loin à travers le monde, alors qu'on aurait pu croire qu'il s'essoufflerait, parce que né en dehors des organisations politiques classiques. Ils organisent depuis cet été une marche internationale en résonance avec la réalité la plus sombre de la crise économique (et politique) qui fragilise les nations occidentales. La marche s'arrêtera à Paris le 17 septembre puis ira se conclure à Bruxelles le 8 octobre, avec une manifestation une semaine après, toujours dans la capitale belge.  


Une équipe de coordination du "take the square" en France


Deux garçons , une fille, de 24 à 30 ans : elle est Polonaise mais vit en Italie, Il est Brésilien, habite en Espagne, le troisième est Portugais et vient…du Portugal. Installés dans un squat au cœur de Paris, juste au dessus d'un hackerspace, ces 3 là organisent via Internet l'arrivée à Paris les marches internationales indignées prévues pour le 17 septembre. En Espagne, les techniciens du mouvement maintiennent les serveurs en état de marche pour que les équipes du "take the square" un peu partout en Europe puissent tenir à jour les espaces d'information du mouvement. Leur action est bien cadrée : l'activisme sur les réseaux sociaux et la blogosphère, la coordination et l'information. Leur espoir est toujours le même qu'au début du mouvement : parvenir à la "vraie démocratie". Avec pour pense-bête et orientation : A-partisan, A-syndical, Non-violent, international.


L'équipe Take the square à Paris, de gauche à droite : Aldo, Pedro, Anna


La vraie démocratie au bout du chemin ?


"Pour nous, il n'est plus possible de laisser la situation comme ça, on est obligés de continuer, et on y arrivera." Anna, 26 ans, parle parfaitement français et respire la franchise et le calme. Pas d'emballement chez cette jeune femme qui vient de Naples organiser la grande marche de Paris, mais une détermination sans failles. L'objectif des marches des indignés qui se concluront à Bruxelles est, pour elle, "de continuer le mouvement pour changer les mentalités, parce qu'il n'est plus possible de laisser les politiciens nous écraser sans que nous puissions avoir notre mot à dire."

 

Anna, indignée polonaise, arrivée de Naples


Quand on lui demande ce qu'elle entend par là, Pedro, le plus jeune de la bande (24 ans), Brésilien, reprend : "La vraie démocratie, c'est le peuple qui est consulté et qui peut décider, pas les seul politiciens. Les politiciens ont fait de la politique un métier, nous, nous demandons que ce ne soit plus un métier, qu'il n'y ait qu'un seul mandat pour une personne dans une vie, que les politiques ne puissent plus prendre des décisions pour le peuple sans que le peuple puisse dire son mot. Il faut des groupes de réflexion dans chaque quartier, des conseils populaires, les élus ne peuvent plus décider à la place de tous."


L'espoir d'une révolution pacifique et démocratique

 

Pedro : "il y aura des actions très fortes le 17 septembre"

 

Si on leur demande quel est l'objectif de la marche des indignés, ce qu'ils en attendent concrètement, leurs yeux s'écarquillent dans une attitude d'incrédulité : "mais nous voulons la vraie démocratie, c'est une révolution pacifique et mondiale qui est en marche, et même si cela prendra du temps, plusieurs années, nous y arriverons !". Pour l'impact de la marche par la quantité de participants, ce n'est pas aujourd'hui pour eux le sujet. Pedro résume la démarche : "il y aura quelques centaines de marcheurs indignés pour chaque pays, mais on parle de l'Espagne, du Portugal, de l'Italie, de l'Autriche, la Grèce, l'Allemagne, etc… : ce n'est pas une marche massive, mais une marche symbolique. Par contre, en parallèle il y aura des actions très fortes le 17 septembre, comme antibank (http://antibanks.takethesquare.net/), où les gens vont occuper des hauts lieux de la finance dans 23 villes  européennes et américaines, en Israël aussi,  puis une nouvelle marche qui débutera à Rome, un meeting international à Barcelone. A Athènes les gens vont boycotter les banques en retirant leur argent…"


Un mouvement de grande ampleur, à l'échelle de la crise économique et démocratique ?


Les indignés dénoncent le déficit de démocratie des nations européennes et l'emprise des oligarchies sur celles-ci, le "vol de la démocratie" par des élites corrompues, à la solde des puissances financières. Leur cri de révolte semble être celui d'une jeunesse qui ne veut pas répéter les erreurs déjà commises, qui semble déterminée à prendre le temps amis veut aller jusqu'au bout de la proposition initiale fondatrice des vieilles démocratie comme la France : le gouvernement du peuple par le peuple, pour le peuple. Reste désormais à voir quel impact les "preneurs de place" auront le 17 septembre, puis par la suite, s'ils ne baissent pas les bras. Ce qui ne semble pas vraiment envisageable lorsqu'on voit leur énergie doublée d'une volonté qui semble sans failles.

 

Pascal Hérard

 

Vidéo : La chanson des indignés : Hissez-haut, Indignado !

Liens :

Le mouvement Take The Square : http://takethesquare.net/fr/qui-sommes-nous/

Mouvement à Paris : http://paris.reelledemocratie.fr/

Actions du 17 septembre : http://antibanks.takethesquare.net/

Mouvement européen : http://www.europeanrevolution.net/

Actions du 15 octobre : http://15october.net/

Acampadasol à Madrid : http://madrid.tomalaplaza.net/

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>Appel à la libération de la psychanalyste Rafah Nached (Mediapart)

Edition : Les invités de MediapartContes de la folie ordinaire

Article publié le mardi 13 septembre 2011


 

De nombreux psychanalystes, psychologues et enseignants français s'indignent de l'arrestation, dans la nuit du 10 au 11 septembre, à Damas, de Rafah Nached, psychanalyste syrienne, fondatrice de l'Ecole de Psychanalyse de Damas.

 

Nous venons d'apprendre avec consternation l'arrestation de la psychanalyste Rafah Nached, le samedi 10 septembre à 1h du matin, à l'aéroport de Damas en Syrie, alors qu'elle se rendait à Paris pour l'accouchement de sa fille.


De santé fragile et âgée de 66 ans, Rafah Nached est la première femme psychanalyste en Syrie, et exerce à Damas depuis plus de 26 ans, faisant face avec une exigence et une patience sans relâche aux questions cliniques et théoriques qu'elle rencontre.


Elle a fait des études de philosophie et est diplômée en psychologie clinique de l'Université Paris 7. Elle a créé l'Ecole de Psychanalyse de Damas, en lien avec de nombreux psychanalystes français, et a organisé en novembre 2010 le premier colloque international de psychanalyse à Damas, d'une qualité scientifique exceptionnelle.


Rafah Nached vient régulièrement à Paris pour s'entretenir avec des psychanalystes, et suivre les dernières avancées en psychiatrie, et sur le fonctionnement des hôpitaux. Elle a établi des liens suivis avec la Croix-Rouge Française pour que les membres de son Ecole de psychanalyse aient accès à des stages, en convention avec des Centres médico- psycho-pédagogiques de la Croix-Rouge Française.


Elle a toujours mis ses compétences professionnelles et humaines – dont nous avons pu apprécier la richesse -, au service de la Syrie, sa patrie, à laquelle elle est très attachée.


Avec les confrères et collègues de la psychanalyste Rafah Nached, nous appelons à sa libération immédiate.

 

Voir la liste de signataires et signer la pétition : http://www.oedipe.org//phpPetitions/index.php?petition=3

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>Fête de l'Huma : un projet politique pour une psychiatrie humaniste

 

 

Samedi 17 septembre 2011 de 11h à 12h30

fête de l’Humanité 

stand de la fédération du 91 

 

Contre la loi sécuritaire construisons un projet politique pour une psychiatrie humaniste !

 

débat animé par Serge Klopp, cadre de santé

 

Marjolaine Rauze, maire de Morsang s/Orge, vice-présidente du Conseil général de l’Essonne, chargée de la Santé

 

Hélène Franco, juge, représentante du Parti de Gauche au collectif "Mais c’est un homme"

 

Mathieu Bellahsen, psychiatre, membre du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire  et de l’association Utopsy


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>La fin de la propriété de soi

 

par Jean-Claude Paye

 

La dernière loi psychiatrique française, le rapport de l’Assemblée nationale sur la prostitution, tout comme le développement des suicides dans l’entreprise, dévoilent l’existence d’un pouvoir maternant avec lequel les individus entretiennent une relation fusionnelle. Nous ne sommes plus dans un société de surveillance. Il ne s’agit plus de contrôler et de modeler les corps, afin de les rendre aptes à la machine économique, mais de s’attaquer à leur être même en fixant les modalités de jouissance des individus.

Dans « Les Temps modernes » (1936), Charlie Chaplin ne dénonce pas seulement l’organisation tayloriste du travail. Il anticipe la mise à disposition complète du corps de l’ouvrier au service de la production et la fin de la vie privée. Son personnage en vient à se réfugier en prison pour retrouver paradoxalement une forme d’intimité et de liberté intérieure.


Quel rapport peut-il exister entre une loi psychiatrique, créant une injonction de soins à domicile, avec un rapport parlementaire visant à pénaliser les clients des prostituées ? [1] Les deux textes opèrent une dissociation du sujet de droit. La propriété de soi est scindée. La jouissance de son corps reste aux mains de l’individu, mais à condition qu’il en fasse un bon usage. L’utilisation doit être conforme à l’image de la dignité humaine, dont les autorités sont le dépositaire légal.

La dissociation de la propriété de soi se révèle être un paradigme de la post-modernité. Non seulement elle résulte de l’action de l’État qui affirme sa nue propriété sur nos existences, mais peut aussi prendre la forme du contrat, comme, par exemple, celui imposé à ses employés par la firme chinoise Foxconn qui interdit à ses employés de se suicider tout en leur recommandant de « chérir leur vie ». Le suicide des travailleurs, comme protestation contre la détérioration de leur conditions de travail, est un symptôme de cette mutation de la propriété de soi qui efface le corps individuel et social au profit de l’image du corps. Il est le phénomène de l’émergence d’une nouvelle forme de subjectivité qui fusionne l’existence du travailleur avec la jouissance de son employeur.

La notion de soins sous contrainte

La loi du 5 juillet 2011 relative « aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge » [2] opère une nouvelle dérogation au principe général du consentement nécessaire du malade. La notion existante d’hospitalisation sous contrainte est étendue à celle de soins sous contrainte. Elle rend ainsi possible une surveillance du malade à son domicile, supprimant au passage toute séparation entre espace public et domaine privé. La possibilité pour chaque patient de se déplacer librement se verra strictement encadrée par un « programme de soins » qui fixera les lieux, le contenu et la périodicité des rendez-vous médicaux, avec la menace de se voir hospitalisé d’office si un élément du protocole n’est pas strictement respecté.

Obligation de soins et enfermement, sont ainsi étroitement liés. L’enfermement physique et chimique fait taire. Il nie le symptôme qui fait parler le corps. Il réduit ce dernier à une chose muette. Le corps devient ainsi le simple support de l’invisible, du regard porté sur l’individu. Ce double enfermement est la condition de transformation du corps en image. Ce projet institue une sorte de garde à vue sanitaire, l’institution d’un délai de 72 heures, durant lequel on pourra maintenir l’hospitalisation d’office d’un patient, sans statuer sur son état et sur la nécessité de l’internement. L’hospitalisation d’office s’inscrit dans une tendance lourde de retour à l’enfermement psychiatrique. Depuis quelques années, refleurissent les murs des hôpitaux. Sont créées de nouvelles unités fermées et des chambres d’isolement. Il est aussi de plus en plus difficile de sortir d’une institution psychiatrique fermée, les préfets ne validant plus systématiquement les sorties des malades hospitalisés d’office, même si elles sont soutenues par les psychiatres. Cette politique sécuritaire s’étend aux hospitalisés volontaires qui, eux aussi, peuvent être privées de leur liberté d’aller et venir.

La capture du corps, dans l’hospitalisation forcée ou dans la garde à vue sanitaire, se complète d’une camisole de force chimique. À travers cette suspension du corps, il s’agit de faire taire, afin que la souffrance ne puisse se dire et de poser le malade en tant que victime de lui-même.

L’injonction de soins, à l’hôpital ou à domicile, intime au patient qu’il doit faire un bon usage de son corps, qu’il ne peut le laisser se dégrader, en épuiser la substance. Il n’a pas le droit de porter atteinte à son image humaine. Ainsi, le corps devient transparence. Il se réduit à être une image, la visibilité de l’invisible. Placé dans la transcendance du regard du pouvoir, il n’est plus médiation entre l’extérieur et l’intérieur. Sa fonction n’est plus de séparer et d’articuler le dedans et le dehors, mais d’être dans la matérialité du regard de l’autre.

Cette procédure psychotique, qui fait exister l’image de la dignité humaine aux côtés des individus réels, opère une dissociation du sujet de droit. La propriété de soi est démembrée, la jouissance se sépare de la nue propriété.

Comme nue propriété, l’image humaine est le patrimoine des autorités instituées. Le malade n’a plus que l’usus, l’usufruit de son corps et à condition qu’il soit la transparence de la propriété exercée par le pouvoir. La possibilité de réduire ce dernier à une chair sans parole permet ce démembrement.

La criminalisation de la prostitution

La dissociation de la propriété de soi se lit également dans un rapport parlementaire, intitulé En finir avec le plus vieux métier du monde [3]. Il propose de créer un nouveau délit de recours à la prostitution. Le client deviendrait passible d’une peine de six mois de prison ferme, assortie d’une amende de 3 000 euros. Le rapport devrait servir de base à une proposition de loi devant être déposée après les présidentielles de 2012. La « lutte contre la prostitution » et son élément le plus avancé, la criminalisation du client, en niant à la prostituée le droit de disposer de son propre corps, a pour objectif déclaré la défense de la dignité de la femme et de la personne humaine. C’est bien l’image de la Femme qu’il s’agit de préserver [4] au dépends des femmes concrètes qui seront, suite à l’application de telles mesures, mises en danger par le développement de la clandestinité. L’image de la dignité de la femme, que l’on retrouve dans le rapport de l’Assemblée Nationale, s’intègre dans une conception du droit qui fait de la dignité de la personne humaine un élément supérieur d’organisation du système juridique. Cette conception consacre ce principe comme un droit absolu, de nature supérieure par rapport à d’autres droits fondamentaux, dont le principe de liberté ou le droit de disposer de son propre corps.

Cette conception s’inscrit dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’État. Ce dernier, dans un arrêt du 27 octobre 1995, dans l’affaire du « lancer de nain » [5], avait décrété que personne ne pouvait consentir à la dégradation de sa qualité d’homme, limitant ainsi le droit de disposer son corps.

Quant au Conseil Constitutionnel, lors de sa décision du 27 juillet 1994, il parle du « principe de sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d’asservissement et de dégradation » Il consacre la dignité de la personne humaine comme un élément d’organisation du système juridique.

La loi psychiatrique du 5 juillet et le rapport parlementaire, criminalisant les clients des prostituées, opèrent une dissociation de la propriété de soi. Les individus ne conservent qu’un droit de jouissance de leur corps qui doit être conforme à l’image de la dignité humaine dont la puissance publique a la propriété.

Contrat et abandon de la propriété de soi

La dissociation de la propriété de soi est bien un paradigme de la post-modernité. Non seulement elle est le résultat de l’action de l’État, mais elle peut également prendre la forme du contrat, par lequel un employé abandonne la nue propriété de sa vie à son employeur. Foxconn, sous-traitant chinois d’Apple, HP, Dell et Nokia, a été accusé de faire signer à ses employés un contrat, par lequel ils s’engagent à ne pas se suicider et à « chérir leur vie » [6].

Le texte indique que désormais, Foxconn ne pourra, en aucun cas, être désigné comme responsable du suicide d’un employé et ne devra payer aucun dommage et intérêt aux familles. Cette dernière clause a provoqué la colère des médias chinois, puisque Foxconn versait environ 13 000 euros à chaque famille des ouvriers suicidés, soit 10 ans du salaire minimum dans une usine de la firme [7].

L’initiative de la firme Foxconn est à replacer dans le cadre d’une société dans laquelle il subsiste encore des éléments résiduels d’un ordre symbolique antérieur au développement du capitalisme. Cette survivance implique que la société reconnaisse une responsabilité par rapport au suicide de ses employés et indemnise les familles concernées. Les mots utilisés « chérir sa vie » pour se dédouaner et « responsabiliser » ses employés, trahissent ce décalage dans l’expression verbale, entre l’exigence de la rentabilité capitaliste et le langage, lié à un ordre symbolique antérieur.

Dans les pays occidentaux, les entreprises touchées par le suicide de leurs employés dénient toute responsabilité. L’exemple de France Télécom est emblématique [8]. Le PDG Didier Lombart avait simplement évoqué une "mode du suicide" après le décès de treize salariés en 2008, puis de dix-neuf en 2009. Les syndicats ont aussi comptabilisé vingt-sept suicides et seize tentatives en 2010.

Dans les faits, les suicides de salariés, en protestation de leurs conditions de travail, sont plus nombreux dans des entreprises telle que France Télécom que dans les firmes chinoises [9]. Le délitement plus important des rapports sociaux, le caractère monadique de la société fait que qu’il y a moins de résistance au passage à l’acte.

Suicide et nue propriété de soi

Lorsqu’il vend sa force de travail, le salarié, le propriétaire de la marchandise force de travail, en cède la valeur d’usage à l’employeur, à charge de celui-ci d’en assurer l’exploitation durant la journée de travail.

Le salarié vend ainsi au patron la jouissance de sa force de travail et en garde formellement la nue propriété. Cette propriété n’est pas cependant un donné, mais un résultat. Sa réalité dépend de la capacité du salarié à limiter la jouissance du patronat, les conditions d’exploitation ne devant pas détériorer son être. Historiquement, la capacité ouvrière à mettre un cran d’arrêt à l’exploitation est de nature collective. Cette action porte aussi bien sur la durée du travail que sur les conditions de travail.

Les suicides des salariés de France Télécom nous montrent que la capacité ouvrière de mettre un frein à l’usage de la force de travail par le patronat est actuellement démantelée. Les travailleurs ne sont plus en mesure de s’opposer à la détérioration de leur force de travail, si bien que leur nue propriété est, dans les faits, remise en cause.

La possibilité pour le patronat de menacer l’intégrité du travailleur résulte de l’intensification de la dépense nerveuse et surtout de la création d’un travail invisible qui dépasse le cadre de la journée de travail. Le travail visible se double d’un travail invisible, celui qui est nécessaire pour intérioriser les nouvelles contraintes imposées par l’entreprise [10].

France Télécom a entrepris une « politique de modernisation » à marche forcée qui s’est notamment traduite par la suppression de 16 000 emplois entre 2006 et 2008, une politique qui a contraint les travailleurs à une forte mobilité. Elle a non seulement augmenté le travail visible, mais a surtout fait exploser le travail invisible, si bien que le travailleur ne disposait plus d’aucun espace privé lui permettant d’assurer sa reproduction.

Pour Chaplin, le capitalisme finira par priver l’ouvrier de toute forme de jouissance, y compris le plaisir de manger, pour affecter son corps à la seule tache de produire.

Big Mother Company

Le développement considérable du travail invisible est tel qu'il tend à accaparer l’ensemble de la vie du travailleur. Non seulement il n’y a plus de séparation nette entre l’entreprise et le privé de l’individu, mais il n’y a plus non plus de coupure entre le temps pendant lequel le travailleur est contractuellement au service de la jouissance de l’employeur et le déroulement de la vie privée, celle d’une jouissance [11] existant hors de la machine productive. L’absence de séparation, privé/public et temps de travail/temps de la vie quotidienne, place l’individu dans la transparence, dans la fusion entre son être et celui de l’employeur. Il s’agit là d’une structure psychotique qui produit l’identité de la vie du travailleur avec celle de l’entreprise.

En tant qu’agir collectif, la lutte ouvrière porte notamment sur la valeur d’usage de la force de travail. Il s’agit de préserver cette dernière d’un excès de jouissance du patron qui produirait la perte de la nue propriété de l’ouvrier. Ce levier collectif permet aux travailleurs de reproduire celle-ci à travers l’aménagement d’un espace privé qui est lieu de jouissance de sa propre existence. À travers la réorganisation du procès de travail de l’entreprise, le salarié perd non seulement la nue propriété de sa force de travail, la substance de celle-ci étant altérée, mais aussi l’entièreté de son existence. La croissance du travail invisible est telle qu’elle supprime tout espace privé, tout lieu séparé de reproduction de la force de travail et de tout lieu d’existence de la propriété de soi.

Le suicide du travailleur est le symptôme d’une condition ouvrière qui est transparence, fusion avec l’entreprise. Le travailleur ne peut plus lutter car il est enfermé dans un rapport maternel avec cette dernière. Il n’a d’autre jouissance que celle de la machine productive.

Pouvoir maternant et règne de l’image

L’absence de luttes d’envergure, capables de s’opposer à l’organisation du capital, supprime tout ordre symbolique. Nous « n’ex-istons » plus en dehors du réel de la machine économique. Nous n’avons plus d’espace propre et sommes placés hors langage. Nous n’avons plus les mots pour opposer une critique. Désormais, le capitalisme ne peut plus être désigné négativement. Nous entretenons avec lui une relation fusionnelle. La domination s’appelle partenariat et l’exploitation se nomme gestion des ressources humaines [12]. Ne devant plus faire face à une négativité, à un agir et une conscience collective, l’organisation du pouvoir consiste essentiellement à gérer les monades, les modes de jouissance des individus.

La loi psychiatrique du 5 juillet, créant une injonction de soins à domicile, ainsi que le rapport parlementaire sur la prostitution, limitent la jouissance qu’ont les individus de leur corps, en établissant qu’elle ne doit pas altérer l’image de la dignité humaine dont le pouvoir s’attribue la propriété. Jouissance et nue propriété fusionnent dans l’image de la dignité humaine. Elles ne portent plus sur le corps, qui est annulé, mais sur l’image de celui-ci.

Du fait de son annulation en tant qu’objet, en tant que frontière entre intérieur et extérieur, le corps n’est plus limite à la jouissance du pouvoir. La propriété de l’image du corps devient une jouissance sans limite de celui-ci et conduit à son anéantissement.

L’identité, dans l’image, de la jouissance des travailleurs et de celle du patron, explique pourquoi ceux-ci ne peuvent plus confronter ce dernier. Ils établissent avec l’entreprise un rapport fusionnel d’ordre maternel.

Comme attributs séparés de la propriété, les notions juridiques, de nue propriété et de jouissance, ont une origine pré-capitaliste. Elles enregistrent un « pas tout » de la propriété et de la jouissance, une limitation de chaque attribut l’un par rapport à l’autre. Il s’opère, dans la société capitaliste, surtout dans cette post-modernité, un déplacement, en ce qui concerne la propriété de soi, de l’objet à l’image qui produit un renversement de des attributs de celle-ci. La propriété, qui était barrage à la jouissance d’autrui, devient jouissance de l’autre, de celle, sans limite, de l’État ou de l’entreprise. Ainsi, dans l’image, jouissance et propriété se confondent et la valeur d’usage de la chose s’identifie avec sa valeur d’échange, avec sa mesure.

Article original sur : http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=26413

 

Notes

[1] « La prostitution et l’image de la femme », par Tülay Umay, Réseau Voltaire, 29 juillet 2011.

 

[2] « Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge ».

[3] En finir avec le plus vieux métier du monde, Rapport d’information 3334, présenté par Guy Geoffroy, Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 avril 2011.

[4] « La prostitution et l’image de la femme », ibid.

[5] « Prostitution : sale temps pour les michetons », par Georges Moréas, LeMonde.fr Blogs, 7 avril 2011.

[6] « Suicide interdit par voie de contrat chez Foxconn », par Anouch Seydtaghia, Le Temps, 7 mai 2011.

[7] « Les suicidés de l’iPad », par Farhad Manjoo, Slate.fr, 3 juin 2010

[8] « France Télécom : un salarié se suicide en s’immolant par le feu », LeMonde.fr avec AFP, 26 avril 2011.

[9] On enregistre une dizaine de suicides de la société Foxconn sur un total de 800 000 salariés et les syndicats comptabilisent une cinquantaine de suicides sur les trois dernières années pour les sièges français de France Télécom, pour environ 80 000 travailleurs.

[10] « La légende du travail », par Jean-Marie Vincent, Arbeit Macht Nicht Frei, 15 août 2010.

[11] Jacques Lacan a introduit, dans le champ de la psychanalyse, le terme de jouissance en rapport avec son usage juridique, à savoir la jouissance d’un bien se distinguant de sa nue propriété Lacan apportera une redéfinition de cette pulsion de mort freudienne comme étant une pulsation de jouissance, et une pulsation de jouissance qui insiste au moyen et dans la chaîne signifiante inconsciente. Lacan replace donc toute l’affaire de la jouissance au cœur même du champ et de la fonction de la parole et du langage. Jacques Lacan, Le séminaire, Livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1986, p.235.

[12] « Inculture(s) ou le nouvel esprit du capitalisme. Petits contes politiques et autres récits non autorisés », par Frank Lepage, TVbruits.org, 8 août 2008.

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>Folle fin d'été sur France inter

Fol été, par Hélène Delye – France Inter

Le plus important : c’est l’ambiance. C’est vrai à la clinique de La Borde fondée par Jean Oury, c’est vrai aussi au Centre de Jour Antonin Artaud de Reims… c’est vrai partout, en fait. Parce que c’est l’ambiance qui fait que ça circule, que la folie circule, c’est l’ambiance qui donne envie de « faire avec », mieux de faire ensemble. A Reims, avec les patients et les soignants du centre Artaud, on s’est senti bien, on a fêté l’été, on a discuté, on a débattu, on s’est débattu (avec soi-même, le plus souvent), on a fait des projets de barbecue, de jardinage, de  voyages… on n’était rarement tous d’accord, mais on a eu envie de faire ensemble. C’était bien.

Pour cette dernière émission, nous sommes avec Gérard Rodriguez et Frédéric, du centre Artaud de Reims. Comment ont-ils passé l’été en compagnie de France Inter ? Qu’est-ce qui les préoccupe tous les deux à l’approche de la rentrée ? On s’est dit que le mieux, c’était encore de les inviter, en direct, pour en parler, de vive voix.

(ré)écouter cette émission

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>Hacker la psychiatrie ?

Des soignants en psychiatrie sortent des rails établis, pratiquent une psychiatrie différente, ne suivent pas les protocoles et les "règles d'or" de la profession, au point qu'on peut les considérer comme des hackers : hacker la psychiatrie, en reconnaissant la valeur de la folie, pour aider à l’adoucir, pour lui donner du sens, pas pour l'éradiquer ?

 

Sous ce titre provocant de "hacker la psychiatrie", il y a des des réalités très intéressantes dans la relation et les soins aux personnes en souffrance psychique. Il faut, pour commencer, définir rapidement ce que signifie le terme hacker (prononcer aké), ce qu'est un hacker (prononcer akeure), celui qui pratique le hacking.

 

Qu’est-ce qu’un hacker ?

Apparu à la fin des années 60 dans le milieu des programmeurs en informatique, le verbe hacker, en américain, signifie, tailler en pièces, découper en petit morceaux. Ces personnes prenaient des programmes informatiques, les démontaient littéralement pour voir leur structure, les modifiaient pour les améliorer, les détourner de leur fonction originelle. Ou reprogrammaient entièrement un logiciel non modifiable.

 

Le hacker est un passionné qui cherche à pratiquer une technique autrement, à la comprendre, à lui faire faire autre chose. Hacker est un art, l'art du bidouillage au sens noble, c'est à dire d'oser démonter, regarder en profondeur une pratique, une technique. Hacker c'est chercher pour bidouiller, c'est à dire changer quelque chose pour que cette chose soit au plus près de nos besoins réels, pas à un besoin déterminé par d'autres. Hacker est aussi dépendant d'une éthique, "l'éthique hacker" qui contient en substance les concepts suivants : Passion, liberté, conscience sociale, vérité, lutte contre la corruption, lutte contre l’aliénation de l’homme, égalité sociale, accès gratuit à l’information (liberté de savoir), valeur sociale (reconnaissance entre pairs), accessibilité, activité, soucis de responsabilité, curiosité, créativité.

 

Linux, le système d'exploitation libre est le fruit du travail incessant de hackers depuis 20 ans. Sa vocation : offrir un système informatique sans brevet, ouvert, que chacun peut partager, améliorer, un système libre, programmé pour aider les hommes et les femmes à communiquer avec des ordinateurs sans être dépendants de firmes privées aux intérêts purement économiques.

 

Hacker le logiciel DSM

Alors, revenons à la psychiatrie. La folie est le plus souvent définie par le terme de trouble psychique et les praticiens se basent, pour la plupart sur un "manuel de psychiatrie" nommé DSM (Diagnostic And Statistical Manual Of Mental Disorders). Ce manuel indique quelle est la pathologie mentale qui affecte un sujet en fonction des symptômes dont il semble être affecté. Le psychiatre prescrit ensuite des médicaments de type psychotropes en fonction du trouble psychique diagnostiqué grâce au manuel en question, ce fameux DSM. Il est important de préciser que les laboratoires de psychotropes participent à l'élaboration du dit manuel, qui est passé de 60 pathologies répertoriées en 1952, lors de sa première parution, à désormais plus de 400 (Version IV).

 

Si vous suivez le "logiciel industriel fermé de la psychiatrie", en analogie avec l'informatique, vous êtes devant le paradigme suivant : le trouble psychique est une maladie comme une autre qui peut être diagnostiquée et traitée grâce à des médicaments.  Avec ce logiciel propriétaire, la folie n’existe pas, seules les pathologies comptent. Des «maladies mentales». Si un sujet se met à délirer, on l'interne, on le diagnostique, on le traite en hôpital psychiatrique ou en clinique avec des psychotropes et on attend que ça passe. La liberté, la lutte contre l'aliénation de l'homme, la curiosité et la créativité ne sont pas au centre de la pratique "officielle" de la psychiatrie, comme on peut le voir. Personne ne le contestera.

 

Qu’est ce que hacker la psychiatrie ?

Alors, parlons donc des hackers de la psychiatrie : des médecins psychiatres, des infirmiers, des psychologue, psychomotriciens, éducateurs, qui ne croient pas au logiciel officiel DSM sous brevet américain et ne voient pas d'effets bénéfiques pour les personnes en souffrance psychique lorsqu'ils utilisent ce même logiciel. Que font-ils, qu'ont-ils inventé, comment ont-ils hacké le logiciel de psychiatrie DSM-Psychotropes ? 

 

Ils ont démonté la pratique, regardé à l'intérieur des concepts de «maladie mentale» et en ont tiré une conclusion : la maladie mentale n'existe pas. Chaque homme ou femme peut devenir "fou", tomber «malade» parce qu'une souffrance psychique terrible l'incapacite, mais pour autant, il n'y a pas une «maladie». La folie n'est pas l'équivalent d'une grippe. On n'attrape pas la folie. La folie n'est pas congénitale. La folie n'est pas un dysfonctionnement du cerveau. La folie est ontologique. Elle touche l'être en lui-même dans toutes ses dimensions existentielles, elle exprime quelque chose de profond, elle est un trouble de la relation. Ce qu’un des hackers en psychiatrie, fondateurs des 39, le docteur Hervé Bokobza, répète souvent : la folie est un trouble de la relation aux autres, à soi et au monde.

 

Hacker la psychiatrie, c'est  aborder la personne en souffrance psychique autrement que sur le registre de la maladie et du diagnostic. C'est aider la personne à "soigner" cette souffrance en offrant des champs d'expériences et de relations différents : par la parole (psychothérapie institutionnelle), l'art (théâtre, psychodrame, musique, danse, arts plastiques), les échanges quotidiens (cuisine, ménage, fêtes). Et comme il y a «hack», il y a techniques, approches méthodiques, réfléchies, donc thérapeutiques, avec l'aide des médicaments adéquats quand ils semblent nécessaires. Sans improvisations ou expérimentations hasardeuses. Hacker la psychiatrie, c'est respecter l'homme ou la femme qui subit sa folie, c'est comprendre et faire comprendre cette folie, aider à la dompter. Pas tenter de l'éradiquer.

 

Les hackers de la psychiatrie sont une minorité, mais ils luttent, comme les hackers de l'internet. Ils luttent pour que l'homme soit au centre de la pratique psychiatrique, homme, reconnu dans la valeur humaine de sa folie, et qui, s’il ne l’est pas, disparaît, comme François Tosquelles l'a si bien dit.

 

P.H

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>Bird et la loi du 5 juillet 2011

 

Imaginez le topo. Charlie Parker, dit Bird, « réside » sur la côte ouest des états unis depuis quelques mois. Il a décidé d’y vivre, tout comme Stravinsky et Schonberg, lui le grand saxophoniste « be-bop », mais les choses ne se passent pas comme prévu.  La drogue y est quasi introuvable et chère. Il doit boire plus qu’à l’accoutumée. Il dort dans des taudis. Il est mal fagoté, inconnu à Los Angeles, mal en point, sans le sou, un pauvre bougre noir. Personne ne sait qu’il est celui qui vient d’enregistrer une version d’anthologie du thème « Cherokee », la version qui donne le vertige et révolutionne le jazz. Il était un héros à New York, enfin à Harlem et sur la 52 ° rue, le voici plus rien à Los Angeles.

Son producteur le cherche. Il reste introuvable. Les copains partent à sa rencontre. De longues rues partent de la mer pour n’arriver nul part. Les voitures jouent parfois à poursuivre les pauvres vagabonds noirs au cours de rodéos macabres. On finit par le trouver et à le trainer dans la salle d’enregistrement. 

Le voici assis sur une chaise, le sax à ses pieds, perdu et absent. Il est en crise, en manque, et s’est « soigné » avec ce qui lui est tombé sous la main : du porto et des pilules . Le trompettiste entame un thème à un tempo d’enfer, un de ces tempos dont Bird se servait pour larguer les mauvais coucheurs. Pas de réponse, pas de Bird, il était incapable de suivre la logique qu’il avait lui-même inventée. 

Son producteur et son associé sont à la technique, derrière la vitre du studio. Le jeune frère de l’associé y est également. Il est psychiatre et fournit parfois de la méthadone. Il fait avaler 6 comprimés de Phénobarbital à Bird. Celui-ci finit par prendre son sax et bredouille « Lover man », une ballade, un tempo lent, les musiciens ouvrent et il va réussir à jouer. L’enregistrement est poignant, bouleversant, des salves de désespoir. 

Puis, c’est la descente aux enfers. Bird retourne à son hôtel. Il sort à plusieurs reprises de sa chambre, nu, comme souvent, réclamant auprès du concierge de pouvoir téléphoner à sa femme. On finit par l’enfermer dans sa chambre. De la fumée passe sous la porte. Sa cigarette brûle le drap. On appelle les pompiers, la police. Les policiers assomment ce grand gaillard qui s’est sans doute défendu. On l’attache, l’embarque. Les copains mettent plus de 10 jours à le retrouver. Il est en prison, en garde à vue psychiatrique, camisolé, en cellule.

Il est passible de 6 mois de prison au regard des faits mais un psychiatre expert a évoqué une aliénation mentale et des passages à l’acte de nature psychotique. Le juge doit statuer. Son producteur (blanc), le jeune psychiatre (blanc) tentent d’expliquer au juge la dimension du prévenu. 

Au bout de quelques jours, le juge ne croit pas en l’aliénation mentale de Bird mais prononce tout de même une hospitalisation à Camarillo, un lieu psychiatrique de soins. Il échappe ainsi de peu à la prison, et grâce à ses connaissances, à l’hospitalisation dans un des 2 endroits dont on ne sortait pas : des lieux pour malades psychiatriques dangereux dans lesquels les noirs ayant présenté des troubles du comportement se retrouvaient souvent. On y mourrait beaucoup, et pas de vieillesse.

Camarillo avait un programme de soins contre les addictions à la drogue et à l’alcool. Ce n’était pas du luxe concernant Bird mais de là à ce que cela dure 6 mois…. ? 

Il en sortira parce qu’un résident « crédible » californien s’est porté garant, une vieille loi dénichée par l’avocat de Bird. Les copains avaient commencé à imaginer une évasion.

Dans des circonstances pareilles, comment et pourquoi porter un diagnostic qui se voudrait définitif ou qui pourrait avoir des conséquences définitives ?

Bird se droguait, soit, mais pas tellement plus que la moyenne des boppers et essayez donc de souffler dans un sax huit heures par jour sans quelque stimulant ! Essayez juste une demi-heure ! Essayez de voir quel effet ça fait d’avoir révolutionné le jazz, de s’être tué à la tâche, d’être un très grand musicien, d’en être au fait  et d’être condamné à jouer des thèmes de 32 mesures dans des bouges enfumés pour un public d’alcooliques ! Le soi-disant destin des musiciens noirs. Comment jouer dans des jam-session de 2h à 6h du matin, les laboratoires du jazz, une fois que vous avez fini de faire danser les blancs, comme à Kansas City, sans prendre « un petit remontant » ? Le jazz y reprenait dès 9h le matin.

Bird pensait que la 52° rue à New York (la rue du jazz à Manhattan dans les années 40) s’écroulait avec la fin de la guerre parce que la police et l’armée avaient décidé d’y fermer tous les bars. Ils avaient effectivement tenté de le faire. C’est une grande partie de son univers que Bird voyait disparaître. Où jouer sa musique ? Bird se redoutait bientôt sans « home », sans scène, enfermé à Harlem, lui qui avait conquis l’Europe.

La 52° rue avait une arrière-cour : le club de Billy Berg à Los Angeles et c’est pourquoi il part pour l’ouest. Il y est inconnu du public, « sideman » et non soliste, sans le sou, en gros …. rien. Vous connaissez désormais l’histoire ; Il s’y écroule et c’est à ce moment là que l’on porte à son encontre un diagnostic. Etait-ce vraiment nécessaire ? Une crise doit-elle concentrer de tels jugements ? Est-ce « scientifiquement » légitime ?

Il a été diagnostiqué psychotique, aliéné, schizophrène, à deux reprises, à chaque fois au détours d’une crise existentielle aigüe ( la seconde fois après la mort de sa fille). En dehors de ces crises, Bird ne présentait pas de pathologie psychiatrique si ce n’est qu’il se droguait ….. comme la plupart des musiciens de jazz de cette époque. Cela n’empêchait pas un parcours d’exception.

C’était un surdoué, un génie musical, un visionnaire. Un noir, libre et entravé comme personne, qui fit gagner au jazz de nouveaux titres de noblesse.

Et pourtant, à coup sûr, de nos jours, Bird aurait « bénéficié » de soins sans consentement, pourquoi pas, mais aussi sans doute de soins en ambulatoire obligatoires s’il avait vécu en France. A défaut d’altérer la gamme, cela aurait altéré sa créativité et sa présence au monde. Imaginez : Bird sous neuroleptique retard toute sa vie pour deux crises de quelques jours, sans son consentement, sans sa collaboration à son traitement et surtout sans horizon partagé avec son thérapeute. 

Cette marque, un traitement obligatoire à domicile sous peine d’hospitalisation dans un lieu psychiatrique pour récalcitrants avec inscription dans un fichier, aurait donc sanctionné 2 crises pour une période indéfinie.  

Le juge avait choisi Camarillo pour Bird, un lieu de soin, mais que se serait-il passé si les copains avaient été absents, si un psychiatre de sa connaissance n’était pas intervenu : la prison ou un établissement dont on ne sortait pas.

Billy Holiday, Wardell gray, Howard McGhee, Bud Powell, Lester Young, etc….. n’ont pas eu autant de chance.

Ces 2 crises sont-elles ce qui caractérise le plus la vie de Charlie Parker ? Sont-elles isolables du reste de son existence et méritent-elles une sanction en tant que tel ?

 Le traitement obligatoire en ambulatoire étale en l’occasion sa démesure. 

Charlie Parker n’était pas commode et n’en faisait qu’à sa tête, Dieu merci. Il aurait balancé tous les conseils des « blanc-bec » qui auraient soi-disant désiré son bien. Que soupçonnaient-ils des conditions de vie d’un musicien noir, qui plus est d’avant-garde ? 

Son consentement se méritait et il savait de quoi il parlait.  La ségrégation, le « séparés mais égaux », les lois de 1894 , il connaissait jusqu’à plus soif.

La ségrégation aux USA ne reposait pas sur le principe de précaution à l’égard de la dangerosité supposée comme aujourd’hui en France mais sur la couleur de peau. 

Un Noir pouvait-il faire de la musique savante et porter le jazz à la dignité de la musique de chambre ? Un Noir était-il capable d’un tel degré de « civilisation » ?  Bird, en a payé le prix, mais a répondu à ces questions.

La ségrégation est susceptible de fausser bien des jugements et peut être même de rendre sourd…… Merci Bird.

Patrice Charbit

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